samedi 30 juillet 2016

humeur vietnamienne

De la belle visite sur le balcon que cette libellule amoureuse de mes hibiscus!



     Ça y est, la mousson s'installe. Tous les jours, les pluies parfois très fortes nous tombent dessus souvent sans aucun avertissement. Des trombes d'eau peuvent s'abattre en quelques minutes, emplissant les rues à un point tel que les motos doivent obligatoirement stopper, les conducteurs revêtir d'urgence l'imperméable, se mettre en attente de l'accalmie, une vingtaine de minutes plus tard.

Puis le soleil revient, séchant le tout assez rapidement. Il y a quelques semaines, ce scénario survenait une ou deux fois par jour. Plus régulier maintenant.

Ici, à Saïgon, on ne connaît pas les affres des typhons que la ville de Hanoï subit. Cette semaine, deux jours durant, des vents forts accompagnés de pluies diluviennes y ont fait des dégâts importants. Nous sommes protégés disent les vieux Vietnamiens qui en ont vu d'autres.

Le matin, le soleil se lève sans être barbouillé de nuages. Ils s'amoncelleront en milieu de matinée, éclateront en pluie par la suite; pluie aléatoire car de mon 29ième, je peux constater les districts où ça tombe alors qu'ici on est épargné... pour le moment du moins.

Les Vietnamiens, fort peu gênés par ces changements subis, ont tout prévu: les toiles pour recouvrir les cafés de rue, les balais à eau pour repousser l'agresseur aquatique, les petits abris improvisés autour des stationnements pour motos, les parapluies qui, il y a quelques jours encore, les protégeaient du soleil et surtout... la patience.

Les pluies permettent de nous arrêter, d'apprécier le voisinage de celui-ci ou celle-là qui, comme moi, attend que ça passe. Bizarre à quel point les Vietnamiens parlent peu de température, de météo! On aborde très rarement ces sujets. Ce sont des éléments de la vie courante qui ne méritent pas que l'on en discute.

Parfois la pluie est si forte qu'elle nous ensevelit littéralement sous d'opaques rideaux gris. Il faudra un vent fort pour dissiper le tout. Alors qu'il y a quelques semaines encore l'humidité annonçait le déluge, maintenant y on culbute sans tambours ni trompettes. Puis... ce vent léger, quasi frais qui caresse la ville. Je le surnomme ''le petit vent de Saïgon''. Il me rappelle ceux du Québec fin d'été, début d'automne.

La mousson est donc entrée de plain-pied à Saïgon et dans l'ensemble du Vietnam. Et ça n'a vraiment rien à voir avec tous les canevas que j'avais imaginés. Comment ne pas admirer ces ciels de fin de journée où s'accrochent des nuages aux teintes rosées!


Voilà donc pour la saison des pluies. 

    


     Deux mots maintenant sur l'aventure d'un certain lundi matin, 5 heures 40. La visite inopinée de trois policiers qui, sans mandat, enfoncèrent la porte d'entrée de l'appartement y pénétrant avec leurs gros sabots. Réveillé par ces bruits inhabituels, je me retrouve en présence de trois ''verts'' qui exigent dans un vietnamien international, mon passeport. Alors que je le remets au premier qui semble être en charge de la perquisition, les deux autres scrutent les lieux minutieusement: chambre, cuisine et balcon. On me demande de m'asseoir face à mon laptop et quittent aussitôt.

La police est omniprésente au Vietnam. Elle règne presque de manière dictatoriale. Il est conseillé de ne pas la contredire encore moins d'user d'un quelconque humour. Sur ce point, je me trouve désarmé. Les ''verts'' n'ont pas la même puissance que les ''beiges'' que je pourrais comparer à des despotes.

Seul devant le laptop comme un imbécile, je me réjouis (sic) d'avoir affaire avec eux plutôt qu'aux tout-puissants. La première chose que je suis dite: il n'est aucunement question que j'ouvre le porte-monnaie qui est ici la meilleure façon de se tirer de tout embarras administratif. Deuxième chose: je passe en revue l'officialité de mes documents; tout est en règle. Troisième chose et sans doute la plus importante: qu'est-ce qui se passe?

Me revient immédiatement à l'esprit ma rencontre avec le dénommé Pierre, un type vietnamien d'une quarantaine d'années qui m'avait salué dans un excellent français près de l'arrêt de bus. Il s'est présenté comme un activiste associé au groupe clandestin Viet Tam et recherché par la police. Nous avons discuté quelques secondes, échangé nos numéros de téléphone et entendu sur une rencontre quelques jours plus tard.

Depuis, aucun signe de vie de cet individu sur lequel je comptais afin d'en connaître davantage sur ce mouvement. Deux semaines après je l'ai appelé. La ligne était coupée. Un texto sans réponse. Je l'ai donc placé dans les rendez-vous manqués.

Après voir vérifié si on avait coupé ma connexion ''wi-fi'', je n'avais d'autre option qu'attendre. Je me demande encore maintenant pourquoi, comme un pur idiot, je restais cloué devant le laptop. Je me dis que je ferais une bien docile crapule. Combien de temps pourrais-je résister à la torture? Serais-je plutôt de la catégorie des lâches ou des héros? Que d'idées aussi absurdes que bêtes se bousculent dans la tête alors que bascule sa douce quiétude vers un monde inconnu.

Je suis donc resté avec cette image forte: voici un étranger, blogueur en plus, en contact avec un activiste en cavale. Une proie facile pour les carnassiers s'amusant à mes dépens. Je me voyais emprisonné avec des malfrats de tout acabit. Incapable malgré mon mois de cours intensif en vietnamien d'exiger l'intervention de l'ambassade du Canada.

C'est fou comme ça peut rouler vite dans un cerveau encore sous l'emprise du sommeil! 

De mon siège que je comparais à un tabouret d'interrogatoire, j'entendais des conversations au bas de l'escalier. Impossible de décoder quoi que ce soit. Toujours la même voix de stentor qui se rapprochait tout doucement du hurlement. Elle ne recevait aucune réponse. Reprenait les mêmes mots comme une rengaine.

Les minutes m'apparurent des heures. Je ne souhaitais que me lever et faire du café. Je n'osais pas me disant que je risquais des représailles de la part de ces maîtres après Dieu. Puis, le dénouement.

Une jeune étudiante monta jusque chez moi. Blême, elle tenait à la main mon passeport. Son anglais peut ressembler à mes balbutiements en vietnamien. J'ai pu comprendre, enfin!, que cette opération matinale avait pour but de surprendre trois jeunes gens - ils vivent dans une chambre deux étages plus bas - soupçonnés d'être des consommateurs de drogue. Au Vietnam, on ne rit pas la ''dope''. Encore sous les effets narcotiques, on les avait, brutalement me dit-on par la suite, menottés. On exigeait la présence du ''manager'' de l'étage.

Celui-ci vint, tentant d'expliquer tant bien que mal son niveau d'irresponsabilité dans cette cause. Les policiers s'en foutaient complètement et lui dirent qu'ils étaient à contrôler tous les locataires. Les Vietnamiens ne purent récupérer leur carte d'identité que 48 heures plus tard. Je me suis donc considéré chanceux.

En discutant avec des amis vietnamiens, tous me dirent que j'avais eu la bonne attitude, que la réglementation vietnamienne n'avait rien à voir avec celle du Canada, que le mieux à faire étant d'oublier tout ça. Surtout le dénommé Pierre, l'activiste qui aurait très bien être un agent double.

Voilà donc pour cette expérience. J'en ris maintenant mais sur le coup, un peu moins.


La seule interrogation qui me reste: suis-je fiché à la police vietnamienne?



À la prochaine

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