lundi 22 juin 2015

QUATRE (4) CENT-SOIXANTE-SIX (66)


James Salter

James Salter - James Horowitz de son véritable nom - est décédé vendredi dernier (19 juin 2015) à l'âge de 90 ans. Pilote de chasse dans l'US Air Force lors de la guerre de Corée, il publiera son premier roman en 1953 THE HUNTERS, mais c'est American Express, prix Faulkner en 1986, que j'ai lu. Il est élu en 2000 à l'Académie des arts et des lettres.

Voici comment son éditeur présente ce livre (American Express) et qui ne peut nous laisser indifférent: 

Onze variations sur le passage. Le passage du jour à la nuit, de l’enfance à l'âge adulte, de la vie à la mort. Un accident de cheval, un oiseau mort, la couleur du Rhin à Bâle, une chambre d'hôtel à Vérone, une fille au pair un peu trop provocante : tels sont les motifs à partir desquels James Salter développe sa mélodie – ce mélange de mélancolie, d'émotion et de sécheresse, qui n'appartient qu'à lui.

J'ai retenu ces quelques extraits:


. Sa vie ne s’était pas développée conformément à ce qu’il avait pensé, mais il continuait à se considérer comme quelqu’un de spécial qui n’appartenait à personne. En fait, pour lui, l’échec était romantique. Il en avait presque fait son but.


. Sous l’effet de sa sollicitude, les mots se dissolvaient, coulaient dans le néant.


. Il était terrifié. Il savait ce que j’allais dire. Il avait tout, le monde entier parlait de lui, et moi, je n’avais qu’une épingle. Une aiguille. Si je l’enfonçais, elle lui percerait le cœur.


. Plus tard, il lui dirait que les mots ne venaient pas au hasard, leur ordre et leur choix parlaient comme une autre voix, une voix qui révélait tout. Le vocabulaire était pareil à des empreintes digitales, à l’écriture, il était semblable au corps qui révélait, qui exprimait, l’âme invisible.


. Il y a toujours un moment, un moment qui ne revient jamais.



Salter a aussi travaillé près de dix ans pour le cinéma, fait un documentaire sur le football primé à Venise en 1962; écrit pour Roman Polanski et Robert Redford, et même dirigé un long métrage, Three, avec Charlotte Rampling. «The Cinema» (titre qui ne prend sa saveur ironique qu'en anglais) est une sorte de Mépris en vingt pages qui évoque magistralement son expérience de scénariste voyeur lors du tournage d'une coproduction italo-américaine qui fut huée en son heure au Festival de Cannes en 1969: The Appointment. On reconnaîtra facilement Anouk Aimée (Anna, la star: «Elle était comme un lézard, seule sa gorge palpitait»), Omar Sharif («Guivi lisait son texte comme s'il posait sur la table des cartes de peu de valeur. C'était un passionné de bridge»), et Sidney Lumet, le réalisateur dont la seule ambition est «d'aligner deux films par an pendant vingt ans». Salter donne à son scénariste les mêmes espoirs fébriles et pathétiques qu'il a pu nourrir brièvement à l'époque, et le nom de Lang. Comme lui, Lang portait un autre nom avant: Lengsner.

Une invitation à lire cet écrivain de... l'inattendu.

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