vendredi 14 août 2009
Saut: 298
Fleurette est partie.
Dans un formidable éclat de rire, de chants, de frères et sœurs, de beaux-frères et belles-sœurs, de fils et filles, de gendre et belles-filles, de petits-enfants, d’arrière-petits-enfants, de voisins et voisines.
Dans la chaleur d’un 13 août inoubliable.
Voici le texte admirablement bien lu par ma sœur Louise à l’occasion du grand départ de notre Fleurette.
À l’ombre d’une petite fleur
serrés les uns contre les autres
des points scintillants de lumière
petite fleur qui poussa dans l’ombre
comme un quartier de lune
accroché à une comète
petite fleur, droite et fière,
jamais ne craignit la couleur de l’ombre
qui l’habillait de toute sa douceur
on pense à l’ombre comme à l’envers de la clarté
rarement comme un reflet lumineux
la lumière pouvant baisser les yeux
petite fleur, plantée là, exactement là
où le regard naturellement s’arrête
entre femme et mère
oui, l’abnégation de la lumière c’est l’ombre
mais après, six points scintillants
puis les autres, gigognes, la suivant
petite fleur, imperméable à la souffrance
impénétrable et tendre à la fois
douce mais combien bélière
tu portas le nom d’une petite fleur
celle de la flore coriace
de la végétation touffue
tu glissas dans les diverses couleurs de la vie
entre grisaille et arc-en-ciel
plus doucement encore… et toujours tu glissas
tu élevas ces tiges ténues qui firent de nous
six points scintillants
dans le jardin avide de bouquets
de fleur à fruit, petite fleur féconde
tu as su, opiniâtrement, installer
puis conserver l’espoir en nos cœurs
cet espoir combien ancré dans le réel
dans le quotidien, le faisable,
dans le réalisable, le possible
ta vie n’aura pas été une fleur séchée
toujours près de nous, nous près de toi
dans les ombres éclatantes de la joie de vivre
petite fleur à odeur de vanille… de gâteau des anges
de renversé aux ananas… de poulet du dimanche
de tapioca et de pouding au riz
attentive fleur qui, auprès des enfants,
toujours savait décoder le sens des pleurs
susciter le goût du bonheur, cultiver la nécessaire chaleur
petite fleur à l’ombre des airs d’opéra…
d’Évangéline… et des ponts de Paris
du rocher Percé… et des airs de la Louisiane
tu savais humblement te retirer
tout juste à côté des mots
qui nous revenaient par la suite… plus clairs
tu nous as énergiquement fait comprendre
l’incohérence des fleurs artificielles qui éblouissent
la différence entre fleur bleue et semailles vraies
petite fleur, inestimable roc planté dans nos âmes
comme une invincible armada
tu nous parlais de douceur et de douceur encore
un fleurdelisé s’est accroché à toi
fragile, effiloché parfois
et la petite fleur, énergique et tenace, bouchait les trous
tu as su, telle une vigie à fleur d’eau,
au bout de ces espaces qui égarent
cartographier les chemins possibles
tu as voulu, dans ta bulle de silence
celle qui parlait à fleur de peau
nous dire ces paroles marchant vers les gestes
petite fleur, étendue sur ton lit des dernières heures
filtrant tes moments lucides pour nous les offrir,
scintillante de courage, tu es pour nous un modèle
modèle quatre-vingt-six fois marqué par l’ombre
celle qui demeure, qui n’est pas triste, qui rafraîchit,
celle que tu aimais et que tu nous lègues
petite fleur, vers les grandes floralies auxquelles tu es conviée
doucement, partant à petits pas de rosée
tu as épinglé sur chacun de nous une fleur à la boutonnière.
Bon et beau voyage Petite Fleur.
(La photo est de Roger Mongeau, gendre de Fleurette)
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