lundi 30 juin 2008

SAUT: 217


Le SAUT :217 est offert à mon frère Pierre qui célèbre aujourd’hui ses 60 ans. Nous avons signalé l’événement le dimanche 22 juin dernier et à cette occasion, Jacques, mon autre frère, a lu avec brio et beaucoup d’émotion ce poème.

Le voici. Il devient, depuis, symbolique : symbole des Trois Mousquetaires (c’est ainsi qu’on nous surnommait Pierre, Jacques et moi à Sherbrooke, sur la 10ième avenue); symbole de la fraternité si essentiellement importante et cela à tous les âges de Pierre, à toutes les occasions où il est ou sera question de sommet.


Bon anniversaire Pierre et hommage à toi, Jacques!


Mon bras au sommet de ton épaule


Je revois les planches brûlées
Deux gamins y sont grimpés
Mains noires, les yeux au loin

Je m’apeure du sang qui tache le chandail jaune
Deux errants loin de la maison
Défrichant un parc Victoria

J’entends les odeurs de l’automne
Derrière la fenêtre ouverte
Deux enfants attendent le chat en allé

Je remarche la route vers l’école
Petits sentiers de bitume et de graviers
Que deux «jean-de-brébeuf» empruntaient

Je défonce les bancs de neige
Hauts comme deux fois trois pommes
On s’en éloignait armés de nos sacs en cuir

Je regarde un enfant blessé
Paralysé aux jambes, coupé aux yeux
Il part dans une noirceur étranglée

Je retrouve, grêle et faible, un frère
Que l’on dépose, livide, dans un lit double
Main gauche à son épaule, il fait grincer les ressorts

Je découvre un camarade malade
Anémié, silencieux, inquiet
Immobilisé devant un mur froid qu’il observe

Il est loin… plus loin que les planches brûlées…
Perdu dans un parc Victoria pharmaceutique…
La fenêtre fermée… sans chat pour revenir…

Et cela dure, perdure, trop et encore…
Lui, engouffré dans sa camisole de médicaments,
Moi qui fouille un regard en exil

Je le sens s’isoler, noctambule de jour
Fantôme obscur de nuit… j’entends ses rêves
Ceux qui cauchemardent un appel à la vie

Sa claustration l’enclave, m’éloigne…
Sa solitude demande à être respectée…
Déjà, je m’ennuie dans ce désert qu’il construit

On parle peu dans les moments d’entre-vie
On ne sait quoi écouter pour entendre, à mi-voix,
Ces mots lourds qui camouflent la peur

Il est à gauche sur le lit
On nous demande des silences d’adulte
Nous refoule dans des champs stériles

Tu sais mettre du temps… comme un chat
À te recomposer dans ton corps
Tu sais jeter ce regard complice que j’attends

Tu as su comme un chat recroquevillé
Te déplier quand il le fallut
Te lever… nous regarder… et partir

Tu as quitté ce lit double, à gauche,
Pour ouvrir les portes blindées à double tour
Et respirer… l’air des sommets…


(Une fois arrivé au sommet, que l’on regarde derrière soi, en bas…
qu’est-ce ce que l’on voit?
les difficultés de la montée, du voyage,
les bons moments,les silences et les cris, les pleurs et les rires…
toute une vie déployée sur le brouillard du temps…)


«Quand vous cherchez votre frère, vous cherchez tout le monde!»Jacques Poulin


Ta main jeta les streptocoques de groupe A
Les rhumatismes articulatoires cherchant un cœur
Puis tu t’avanças… différent mais tellement le même…

Nous, on se croyait Bob Morane au visage osseux
Aux cheveux coupés en brosse et aux yeux gris
Ballantine, Bill, le géant roux, l’infatigable ami

Les ombres jaunes nous éclairaient placidement
Nous projetaient tellement loin
Nous, à nouveau, l’un près de l’autre

Elles déployaient héroïquement les aventures
Que nos imaginations à la fois prudentes et insouciantes
Avaient déposées dans nos gestes d’enfants téméraires

Et tu passas, la santé résolument ancrée
À ce qui fut, d’abord, de la non-maladie
Vers une entreprise exceptionnelle

Tu revivrais, fier Herzog, un Annapurna scout
Où l’originalité, l’exemplarité, la visibilité, la difficulté
Allaient arracher ce carcan enroulé en toi

De la loi à la promesse scoute, tu fixas ta vie
Aux principes d’ouverture à l’autre qui allaient
Pour longtemps façonner ta silhouette

Jusqu’au théâtre… Arlequin et Peer Gynt…
Jusqu’En Lutte!... au Kampuchea…
Jusqu’à Edgar Morin… la Sorbonne et Paris…

Puis cette Afrique, potière de complexité,
De relations humaines, de bonheurs et de souffrances
Prit des allures de soleil couchant se levant sur l’avenir

«les si froids janviers de la vie sont des chemins dans les plaines enneigées…»
Arriva Claire, âme infatigable que l’Univers cueillit
Pour te l’offrir comme un azimut fixé vers les sommets

Alors, comme deux mains du côté du cœur
Comme deux mains du côté gauche
Le fils suivit, un 29 si près du 30

Mon bras au sommet de ton épaule
Ton bras au sommet de mon épaule
Allait se déposer sur des cous d’hommes

Hommes au regard hébété, hommes coupés d’eux-mêmes
Comme des générations de sans-papiers,
De sans-mots, de sans-habits, de blessés au coeur

Hommes fêlés en leur centre, en leur milieu
Hommes de poings et de sang aux tempes
Ces hommes que tu allais choisir de nommer

Ton bras au sommet de leurs épaules
Comme une médecine de l’âme
Tu le poses, pour qu’ils puissent se reposer

Mon frère de soixante fois la fin de juin
Mon frère de six jours après, de l’éternel chemin…
Reçois et garde mon bras au sommet de ton épaule



(Les photos prises le 22 juin le furent par notre beau-frère Roger Mongeau.)

mardi 24 juin 2008

SAUT: 216


En ce jour du 24 juin, Fête nationale des Québécois/es - et plus humblement celle du crapaud - je vous offre Gaston Miron.

Né à Saint-Agathe-des-Monts en 1928, Gaston Miron a été, sans aucun risque de se tromper, celui qui a dominé la poésie québécoise contemporaine. Arrivé à Montréal, en 1947 - l'année de naissance du crapaud - ce n'est qu'en 1953 qu'il fonde avec un groupe d'amis les Éditions de l'Hexagone. Lui à qui on a toujours reproché de ne pas publier, il dépose là Deux sangs avec Olivier Marchand.

Après cela, Miron organise de nombreux récitals de poésie, principalement avec Jean-Guy Pilon et c'est en 1957 que l'ancêtre de la Rencontre des Écrivains a lieu, sous le nom de la Rencontre des poètes.

Il part, pour deux ans à Paris, de 1959 à 1961: un voyage d'études pourrait-on dire au cours duquel il approfondit ses techniques de l'édition mais surtout fait la rencontre des plusieurs écrivains français. Militant du RIN (Rassemblement pour l'Indépendance Nationale) à son retour, il fera également partie du Mouvement Québec Français.

C'est en 1970 qu'enfin... paraîtra L'Homme Rapaillé, publié aux Presses de l'Université de Montréal, une oeuvre essentielle réunissant le travail de Miron en gestation depuis plus de vingt ans. L'impact de ce livre sur la poésie québécoise est inimaginable. Il sera reconnu et couronné par des nombreuses distinctions autant au Québec qu'en France. Il sera également traduit en plusieurs langues.

Miron, porte-parole du Québec, porte-voix de cette nation qu'il aime tant, qu'il écrit si bien, Miron fera de nombreux voyages pour en parler, le chanter de cette voix unique qui retentit encore et toujours aux oreilles du crapaud.

J'ai eu le privilège de le côtoyer à plusieurs reprises. Certaines de ces rencontres résonnent encore en moi de leurs échos inoubliables. Je vous offre aujourd'hui l'entrevue que j'ai réalisée avec lui à l'automne 1969 et publiée (le 10 décembre 1969) dans le journal LE CLAIRON de Saint-Hyacinthe. L'article portait le titre suivant: RENCONTRE AVEC GASTON MIRON, POÈTE.


Qui est Gaston Miron?
Le Livre d'Or de la Poésie Française (Pierre Seghers) dit de lui: « Il est chaleureux et fraternel, de peu l'aîné des jeunes poètes du Québec qui l'aiment et le respectent. Il collabore aux mouvements, les anime surtout, et de lui ne s'occupe guère: il n'a publié que DEUX SANGS, en 1953, alors que nombre de ses poèmes, hautes voiles du langage sur le Saint-Laurent, ont été dispersés dans les journaux et les revues.»

Pierre de Boisdeffre dans Littérature d'Aujourd'hui (Tome II) consacre ces quelques lignes à Miron: «Avec un unique recueil, Gaston Miron a dessiné une des lignes de force de la nouvelle poésie canadienne; il a su peindre, mieux que personne, «les siècles de l'hiver canadien». Boisdeffre place Gaston Miron immédiatement après Saint-Denys-Garneau, Anne Hébert, Alain Grandbois et Rina Lasnier au point de vue de importance.

Jacques Brault a présenté dans Miron le Magnifique, une étude poussée de l'oeuvre du poète.

Jean-Éthier Blais nous décrit peut-être le mieux ce curieux personnage qu'est Gaston Miron, dans Signets II: « Jamais homme ne fut aussi près de son peuple et les phrases douloureuses se succèdent les unes aux autres dans sa bouche lorsqu'il parle de ses frères, les Canadiens français meurtris dans leur langage et leur chair. Il crie leur désespoir, comme s'il voulait assumer par ses paroles toute leur révolte inaudible, alléger le poids de leurs douleurs.»

Gaston Miron fait partie de cette génération de poètes qui ont inventé une thématique de la libération de l'esprit. Il n'y aurait qu'à dire que l'Hexagone se situe entre deux manifestes: Refus Global (1948) et le Manifeste subsiste (1965), pour remarquer les influences qui peuvent jouer.

Parmi les poèmes de Miron, LA VIE AGONIQUE est à signaler parce que c'est là que l'on retrouve les phases importantes de sa démarche. Poésie toujours en mouvement, jamais ininterrompue qui commence et finit par l'amour. Tout se situe entre deux pôles: le pays et la femme.

Déjà se dessine autour du personnage, qui chaque jour est cité comme une des voix les plus importantes de la conscience québécoise, une espèce de légende. Ce grand bonhomme au regard énigmatique et troublé se définirait, à la suite de quelques rencontres, comme une présence envoûtante.

Le premier point qui nous intéressait, c'était l'Hexagone. Cette maison d'édition fondée en 1953 ne voulut jamais être soit une chapelle, soit une école littéraire mais s'efforçait de respecter l'individualité de chacun des poètes qui s'y trouvaient. La première tâche fut de trouver un public qui sortirait le poète de son isolement où la société le reléguait ou lui-même il s'installait..

L'Hexagone a également posé une thématique: l'identité. Ayant pour principe, et Miron insiste beaucoup là-dessus, qu'on ne peut passer à l'universel sans conquérir globalement le spécifique (le particulier), on en est donc arrivé à poser le problème d'une littérature nationale. Miron dit du spécifique que c'est «une expression différenciée de l'humanité» et il continue sur ce sujet.


MIRON: Au début c'était analogique. Mais après, à partir de nous, on ne peut être l'un et l'autre séparément. On ne peut être universel sans être spécifique. Quand je lis Goethe, je suis Allemand. Quand je lis Shakespeare, je suis Anglais. Je voudrais que les autres en arrivent quand ils lisent une oeuvre québécoise de calibre à se dire, moi aussi, je participe à une expression de l'humanité qui est québécoise. Je ne peux pas être complètement moi comme individu et personne si la structure globale m'empêche de l'être. Je nais dans une culture donnée qui est une version de l'humanité. Pour que le «je» puisse s'épanouir il faut que la culture soit libre. Et nous n'avons pas le plein exercice de notre culture. Nous vivons dans la déstructuration permanente.

LE CLAIRON: Que faire alors?

MIRON: Une culture doit opérer un choix fondamental. Elle doit poser le problème de son destin de façon globale. C'est notre situation politique et historique qui forme un empêchement à régler globalement le problème.

LE CLAIRON: L'Hexagone a surtout édité de la poésie. Pourriez-vous nous donner votre définition de la poésie?

MIRON: La poésie étant essentiellement dynamique, elle ne se laisse pas définir. On pourrait dire que c'est l'histoire du fondamental humain, d'une rupture à l'autre dans l'histoire de ce fondamental. Et c'est ainsi que l'homme avance, l'homme-espèce et l'homme-historique, de rupture en rupture. La rupture est toujours un maillon évolutif, qu'elle soit lente évolution ou brusque mutation. Elle commence toujours par un chaos initial depuis lequel se reconstitue une nouvelle totalité de l'homme et de ses formes, et ainsi de suite. La poésie est en quelque sorte la matrice ou l'âme de cette histoire. Elle est à la fois, si on la considère dans l'ensemble de ses moments, enveloppante et débordante, placenta et éclatement.

LE CLAIRON: Et vous, pourquoi a-t-on de la difficulté à rejoindre vos textes, à vous suivre directement comme poète?

MIRON: Je disparais dans la marée brumeuse de ce peuple au regard épaillé sur ce qu'il voit. Je suis un poète en morceaux, un poète épaillé, dans ma vie individuelle et dans ma vie sociale. Dans ce sens-là, je suis à l'image de la collectivité qui a été atomisée, fragmentée. À l'image de l'homme séparé de lui-même. Mais nous sommes en train de nous rapailler, de refaire l'unité de l'homme québécois; en lui et dans sa structure globale.

LE CLAIRON: Tout le monde sait à quel point vous êtes engagé dans la lutte politique au Québec. Votre activité au Front du Québec Français en est un témoignage. J'aimerais que vous nous dégagiez un tableau de la situation politique actuelle.

MIRON: J'aimerais signaler au départ que nous vivons actuellement l'aventure qui relève de la naissance d'une conscience nationale en train de se former, d'un vouloir-vivre collectif. Nous sommes à nous reposséder. Depuis la prise du pouvoir par l'Union Nationale en 1966, nous sommes en face d'une situation inédite qui se dégage aujourd'hui. Nous assistons à un vacuum du pouvoir chez les deux partis traditionnels. Également, à un vacuum idéologique par le fait que les anciennes idéologies ne répondent plus à la situation actuelle. Il y a aussi un élément important et c'est que les générations intermédiaires tiennent le coup en tant que générations et non plus comme cas isolés. Et la jeunesse de plus en plus considérable, de plus en plus instruite qui n'est pas marquée par les traumatismes de pauvreté et de peur. À partir de ça tout est possible pour la construction d'un Québec nouveau. On est en train d'esquisser un modèle québécois. On assiste aussi à un affrontement préléminaire qui est à la fois un affrontement final quant au choix que l'on doit poser. Examinons la situation actuelle à partir d'événements tels le Bill 63, le règlement municipal Drapeau-Saulnier.
D'un côté nous avons le gouvernement qui impose des mesures appuyées par le Conseil du Patronnat, la Chambre de Commerce et Clubs Sociaux et de l'autre les syndicats et une forte partie de l'opinion publique.
Nous sommes devant un parlement monolithique - sauf quelques individus - schizophrène, dépassé par les événements, coupé du peuple, loufoque, incohérent, qui ne se maintient que par la force, qui glisse vers l'arbitraire et la répression. Un gouvernement à comportement aberrant, en queue de veau. Le maintien du statu-quo devient la raison d'état de ce gouvernement à la remorque des fédéralistes d'Ottawa. Il est évident que cela peut nous mener à une forme de facisme qui se manifeste lorsque les rapports entre les humains sont faussés par l'envahissement de l'appareil politique et policier dans la vie individuelle de chacun. À ce moment-là, tout le monde devient suspect à tout le monde; chacun est présumé coupable de quelque chose. C'est le climat de suspicion qui abolit la liberté.
J'aimerais ajouter qu'il y a actuellement une exploitation éhontée de l'aliénation d'un peuple au service des mystifications et des privilèges. Tout ça touche à l'anthropologie québécoise. Comme exemple citons le fait de propager des épouvantails, d'induire les gens à des raisonnements sophistes qui nous empêchent de voir la réalité, de s'ingénier au chantage comme M. Bertrand qui dit que le peuple québécois ne veut pas choisir entre son appartenance linguistique et son appartenance économique. Je voudrais dire que parler de la langue en terme quantitatif c'est vrai et c'est pas vrai. On compare les 5 millions de francophones aux 200 millions d'anglophones du continent. Cette comparaison est justifiable dans le statu-quo. Dans une perspective de l'indépendance le rapport devient d'une entité face à une autre entité. Une entité juridique, politique, économique et culturelle face à une autre entité. D'accord, le Québec ne sera jamais une entité de même grandeur que les États-Unis, mais on cessera de minimiser les 5 millions de Québécois par rapport à 200 millions d'Américains. On ne dit jamais 40 millions de Français contre 100 millions d'Allemands. Nous sommes un petit peuple et nous nous devons d'assumer notre destin. Quel que soit l'ordre de grandeur, il faut l'assumer parce que c'est une forme différenciée de l'humanité et cela c'est important. Je trouve que c'est un défi plus exaltant que celui de Trudeau et les autres fédéralistes parce qu'il débouche sur l'universel alors que l'autre ne débouche que sur une plus ou moins grande participation à la Confédération canadienne. Mieux vaut se tailler une place comme identité au même titre que toutes celles de la terre.
Il y a un dernier point que je voudrais soulever sur cette question et c'est le mépris dans lequel on tient l'homme québécois chez les tenants du statu-quo. Mépris que l'on retrouve chez les peuples infériorisés collectivement, ce qui ne veut pas dire inférieurs. Si cette infériorisation se prolonge, elle engendre toutes sortes de ravages: honte de soi, mépris de soi. Signalons que ce mépris se manifeste chez la classe-écran, c'est-à-dire celle qui collabore avec la majorité dominante. Ils ont pour tâche de dire que le Québécois est incapable par lui-même, qu'il ne peut trouver des idées originales et doit les importer de l'étranger, qu'il est inapte à la démocratie.

LE CLAIRON: Peut-on dire que vous êtes un poète engagé?

MIRON: Il n'y a pas de poésie engagée. Tout texte engage. J'ai essayé d'aggrandir ma poésie à l'échelon de tout l'homme et même d'exprimer la dimension politique de l'homme. Ma poésie est un engagement culturel global vis-à-vis le fait canadien-français.

Lorsqu'on laisse Gaston Miron, il semble que tout commence et non pas que quelque chose vient de se terminer.
En partant, il laisse pour notre chronique un poème inédit appelé: L'homme ressoudé.

J'ai fait de plus loin que moi un voyage abracadabrant
il y a longtemps que je ne m'étais pas revu
et me voici comme un homme dans une maison
qui s'est faite en son absence
je te salue silence

je ne suis plus revenu pour revenir
je suis arrivé à ce qui commence





(30)




Cet homme ressoudé allait devenir L'Homme rapaillé.

Le crapaud ne saurait oublier les trois séances de travail (une au restaurant du Club Canadien, la deuxième dans les bureaux de l'Hexagone situés à l'époque autour du Carré Saint-Louis et la troisième, dans les rues de Montréal). Elles me permirent d'entreprendre et de finaliser cette entrevue. Miron ne voulait pas que les mots qui allaient être publiés ne soient pas exactement ce qu'il souhaitait transmettre. C'est ensemble que nous l'avons peaufiner mais je ne saurais oublier, marchant tout près de ce géant, cette façon si intensément personnelle de parler, rire et chanter comme s'il lançait un «call» à la nation québécoise, à tous les humains québécois.


(Les photos originales sont de Paul Labelle, photographe de Saint-Hyacinthe)

Bonne Saint-Jean-Baptiste.

lundi 16 juin 2008

SAUT: 215


Alors le voici ce poème que l'on m'avait demandé d'écrire, il y a maintenant de cela 13 ans, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de l'ouverture de la Polyvalente Osisas-Leduc, devenue aujourd'hui, l'École secondaire Osias-Leduc, située à Mont-Saint-Hilaire, au pied de la montagne.

Je m'y suis retrouvé à l'automne 1992, j'y ai enseigné puis assumé le poste de directeur adjoint.

Je remercie cette anonyme personne qui a rappelé ce moment en me postant par courriel, ce poème.


Retrouvailles

REVENIR
- L'autobus scolaire ne m'attend plus
Après toutes ces années
Cette odeur - celle de la craie peut-être -
qui se glisse dans les corridors
Se répand... me rappelle

RETROUVER
- Ce professeur qui citait Napoléon
Celle qui parlait de Pythagore
La dictée hebdomadaire au local...
... je ne me souviens plus...
mais j'y retournerais les yeux fermés

RECONNAÎTRE
- La couleur des couleurs des saisons
L'endroit du premier regard
Du coeur qui flancha
Des mains se rejoignant...
Se dénouant à la porte de la classe

RAPPELER
- Les heures heureuses, les heures passées
Les travaux rapidement faits
Remis... Espérant!
Les examens cousus de nuits blanches
Les matins sous la montagne

RÉAGIR
- Vingt-cinq fois plus qu'une
À toutes ces années
qui fondaient mon adolescence
En morceaux fragiles
En taches de souvenir

RETROUVAILLES
- L'espace entre les cours - Récréations
L'espace entre les années - Vacances
L'espace entre ici et ailleurs - La vie
Je reviens
et je me retrouve



(Polyvalente Osias-Leduc,
Mont-Saint-Hilaire, 1995)

Au prochain saut

jeudi 12 juin 2008

SAUT: 214



Le crapaud a reçu, au cours des dernières semaines, quelques courriels le grondant... Oui, oui, vous avez bien lu: le grondant. Ceux et celles qui en sont les instigateurs/trices, eh! bien ils/elles ont tout parfaitement raison. Ils/elles me disent que dans toutes mes belles citations dont certaines datent certainement de l'âge où je commençais à pré-apprendre à lire, où à l'âge des grands élans philosophiques kantiens ou nietzschiens de l'adolescence, où à l'âge du «déplumage» de mes premiers livres de pédagogie, où... et on en ajoute, en rajoute... que j'oublie de leur offrir quelques poèmes. Ce à quoi je réponds dans un élan aussi subi qu'inattendu: revisitez le 211, le 207, le 203, le 201... mais je ne veux pas relancer ou revamper certains sauts... Au fond, ils/elles ont raison. Il y a un petit relâchement. Cessons de cacher la tête dans l'étang!


Mais ce qui m'a le plus surpris, fut ce courriel en provenance d'un(e) ancien(ne) élève (avec hotmail, c'est parfois confus) me rappelant ce poème écrit en 1995 afin de souligner le 25ième anniversaire d'une école secondaire où je travaillais. Je vous promets d'en faire un saut très bientôt.


On me dit aussi que du côté photos, c'est toujours bon. Je vous cache ma source... mais je me la souhaite intarissable.


Pour corriger un tant soit peu ce manque de poèmes, en voici trois (3): vous aurez un peu de difficulté à les retrouver car celui de Grandbois est caché dans Les Îles de la Nuit, celui de Roland Giguère est un original publié dans le journal LE DEVOIR en 1995 alors que celui de Gilbert Langevin, comme tout ce qu'il a si génialement écrit, doit sans doute avoir été ramassé par un col bleu de la ville de Montréal alors qu'il nettoyait le parc du Carré Saint-Louis.


Les voici donc, un peu pour me faire pardonner auprès des fidèles que je remercie d'être présents au rythme parfois décousu du crapaud... qui s'ennuie de Forillon.

Parmi tous et toutes ou seul avec moi-même
Nous lèverons nos bras dans des appels durs comme les astres
Cherchant en vain au bout de nos doigts crispés
Ce mortel instant d'une fuyante éternité
(Alain Grandbois)




la nuit hurle

un bruit de vitre
une seule et
profonde soirée
de miel
un bruit de veines
qui geignent
et qui saignent

un long cri d'amour
la pointe tournée vers
l'intérieur de la nuit
et le silence
qui se fait jour
la pointe tournée vers
celui qui
ne se lèvera plus
le front couvert
d'étoiles encore
chaudes.
(Roland Giguère)



Années de malheur où la peur était reine
On trompait son courage dans un baquet de haine
Des épines couronnaient le désir dénoncé
L'amour avait des gants pour ne pas se blesser
Tous les matins portaient masques de carême
Le plaisir se cachait dans un danger suprême
Ces années me reviennent avec leurs bruits de chaîne
Avec leurs mornes traînes et leurs laizes de peine
Qu'à cela ne vache, qu'à cela ne chienne
Ce fleuve de douleurs apporta la révolte.
(Gilbert Langevin)

Voilà. Je me sens un peu réconcilié mais combien ému à la lecture de ces trois immenses poètes québécois.

Au prochain saut




mardi 10 juin 2008

SAUT: 213



Nous allons franchir bientôt la première moitié de juin... et voici le saut de crapaud qui se laissait attendre.
Il aura ceci de particulier qu'il a épuisé le premier cahier de lecture... Il en reste d'autres, faut pas s'inquiéter.
Bonne lecture.

. Mais à partir de l'instant où nous nous attachons à un être, nous nous accommodons de tout, tant nous craignons de porter atteinte à cette illusion aveugle qu'est l'amour. Cette illusion aveugle nous est parfois si nécessaire que nous la laissons corrompre notre véritable identité.
Shirley MacClaine

. ... le comment des choses n'importe pas, c'est le pourquoi qui compte.
Shirley MacClaine

. L'homme a besoin d'abord d'être reconnu pour se reconnaître.
Colette Portelance

. Attends que j'aie trouvé mon rythme, et tu verras que je passerai plus de temps avec toi que partout ailleurs. Seulement, accepte-moi tel que je suis et laisse-moi le temps.
Robert Louis Stevenson

. L'espace est la première chose que je trouve hors de moi avant de vous rejoindre par la voix ou le geste.
Jean O'Neil

. L'espace me permet de respirer et de vous aimer sans m'abîmer en vous et sans vous abîmer en moi.
Jean O'Neil

. Mais elle était du monde où les plus belles roses
Ont le pire matin
Et chose elle a vécu ce que vivent les choses
L'espace d'un destin
JeanO'Neil

. Il n'y a que ceux qui sont dans les batailles qui les gagnent.
Saint-Just

. Mon âme dans tes mains n'est pas un vain jouet,
Et ta prudence est infinie...
Baudelaire

. Rien ne m'était plus sûr que la chose incertaine.
François Villon

. Tu fuis comme un faon qui tremble...
Pierre de Ronsard

. Et les fruits passeront la promesse des fleurs.
François de Malherbe

. J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir!
Victor Hugo

. Et n'être qu'un homme qui passe
Tenant son enfant par la main...
Victor Hugo

. La poésie veut quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage.
Diderot

Au prochain saut

l'oiseau

  L'OISEAU Un oiseau de proie patrouille sous les nuages effilochés plane aux abords du vent  oscille parfois puis se reprend agitant so...