13 743 kilomètres séparent Saïgon de Montréal... Ajoutant le décallage horaire, il faut près de 31 heures pour parcourir la distance... Pourtant, en un simple clic, je me retrouve à l’Assemblée nationale du Québec à écouter la présentation de mémoires soumis à la commission parlementaire chargée d’étudier le projet de loi 21.
Si je vais exception des mille et une interruptions dues à ma connexion internet parfois déficiente, j’avoue que je me suis régalé. Les exposés volaient haut, tellement loin de toutes ces inepties que l’on peut lire sur les résaux sociaux.
Je me disais à quel point il fut difficile d’inviter tel ou tel groupe, trier parmi une foule d’individus ceux qui pourraient s’asseoir devant quelques députés pour exposer leur point de vue puis répondre aux questions dont l’objectif est d’approfondir la question de la laïcité de l’État.
D’emblée je signale que j’ai consacré mon temps à quelques interventions, m’assurant qu’elles m’éclaireraient. J’aime les échanges qui apportent quelque chose de nouveau, d’intelligent. Voici ce que j’ai écouté: Guy Rocher, La ligue d’action nationale, Pierre Bosset, le Mouvement laïque québécois. Oui, oui, vous direz 3 à 1 pour les pro-21 ! Je vous le concède, mais comme ma position est campée, je ne cherchais pas à augmenter mon curriculum d’arguments, plutôt de voir comment on posait le problème.
Au-delà de tout ce que j’ai pu entendre, une question revenait continuellement à mon esprit: pourquoi en être arrivé à débattre de questions relevant de l’ordre du religieux si depuis plus de 60 ans l'État québécois en est un laïc ? Vous connaissez ma réponse, elle prend racine en 2001, à la suite des attentats du WTC. Avant ce choc catastrophique, au Québec notamment, côtoyer quotidiennement des gens arborant quelque signe religieux que ce soit, ne suscitait aucun commentaire, encore moins de débats. Puis... boum!
La religion islamiste en est une à expression fortement visuelle. Impossible de ne pas remarquer une femme voilée... un iman revêtu de son costume distinctif... du temps consacré à la prière. En soi, cela ne posait aucun problème, j’ajouterais même que plusieurs Québécois, ayant abandonné la religion catholique pour toutes sortes de raisons, y voyaient un engagement spirituel qu’ils ne pouvaient nullement critiquer ayant eux-mêmes manifester de telles démonstrations par le passé.
Tout d’un coup, la donne change. L’islam (s’entend l’islamisme fondamentaliste et intégriste) devient monstrueusement dangeureux, le nouvel ennemi cherchant à s’en prendre aux fondements même de notre civilisation. On ne fait aucune distinction entre les différentes factions, mettant tout le monde dans le même panier.
Les aspects superficiels sont visés (voile, etc.), et plus on diabolise cette croyance pourtant fort pacifiste si l’on se fit au Coran, plus le thermomètre de l’intolérance monte sur lequel souffle des chroniqueurs à la solde d’on ne sait trop qui. Des termes qui caractérisaient la droite, la gauche, le centre sont substitués par extrême-droite, gauchistes pro-islamistes et que sais-je encore...
Que de contorsions dialectiques ! Que de manières de ne pas admettre que si polémique il y a, elle est due fondamentalement à ce qui me turlupine. Il n’est absolument pas question de restreindre un droit fondamental, celui de professer ou non une religion, il s’agit, me semble-t-il, qu’à l’encadrer, c’est-à-dire que tout ce qui s’y relie a droit à l’existence dans une société comme la nôtre, mais dans les lieux de culte exclusivement.
Un tissu social se tricote maille par maille, avec patience, mais encore faut-il savoir ce que l’on souhaite obtenir comme produit final. Différent d’ouvrager une tuque qu’un châle !
Le tissu social n’est pas le même au Québec qu’en Arabie Saoudite ou au Vietnam. Ce qui apparaît acceptable là-bas peut très bien nous horripiler. Crier sa répulsion ne donne tout simplement rien, les exemples démontrant ceci sont on ne peut plus nombreux. La religion ne prend pas la même importance pour chacun, voilà qui est clairement démontré.
Toutefois, force est d’admettre que retrouver actuellement cette question à notre agenda, sans que cela relève obligatoirement d’un complot ourdi par quelques organisations connues ou inconnues, nous mène à poser une question ou deux.
J’achève ce court billet en référant au jugement de la Cour suprême du Canada dans le cas de la prière récitée avant la tenue d’un conseil municipal de Saguenay, en 2004. Il me semble éclairant. Cette prière déclamée solennellement avant les assemblées du conseil municipal représente, aux yeux de l'instance juridique de dernière instance au Canada, un signe religieux d’une confession particulière, et ne doit donc pas être maintenue.
Peut-on utiliser ceci comme une sorte de jurisprudence dans le cas qui nous intéresse ? À chacun son opinion.