Police
et tempêtes
Le patron du Café Riverside, si facile à distinguer des autres Vietnamiens en raison de l’horrible coloration noire de ses cheveux coupés comme à l’époque où le bol de soupe servait de gabarit, fume, assis au même endroit, tout à côté de la pièce qui lui sert d’appartement.
La
surprise du serveur d’après-midi – il achèvera son quart de travail vers 16
heures – alors que je lui tends la main et qu’un gigantesque sourire démontre
bien qu’il me reconnaît.
Les
lieux: un copier-coller de l'an dernier (il faut lire, depuis mai 2013) . À cette heure de l’après-midi, l’eau de la
rivière remonte vers la mer. Les bateaux, comme l’Indochine, tout doucement se préparent
pour l’excursion de ce soir. Quelques motorisés rentrent de leur promenade
autour du port. La musique, identique. Toujours ce petit vent rafraîchissant qui
t’assaille de partout à la fois. Et le cà phê sûa da.
C’est
ainsi que débute cette nouvelle chronique des nouvelles chroniques du Café
Riverside.
Saïgon,
novembre 2013.
Il
devait être entre 19 heures, 19 heures 30. Lisa nous attendait, assise à une
table de ce restaurant extérieur situé à quelques pas de chez elle. Toute
radieuse et combien merveilleuse, Lisa, qui à n’en pas douter, venait de
mériter le titre de gagnante de notre défi lancé en mai dernier alors que je
rentrais au Québec : à celui ou celle qui allait garder sa forme, son
poids identique ou un peu réduit. She is
the winner. Congratulations.
Quelques
minutes plus tard, on se retrouve au poste de police du District 5: le
Chinatown de Saïgon. Je venais de me faire voler mon sac dans lequel j’avais
déposé IPad, caméra Kodak et mon portefeuille anti-scan… Mes réflexes
vietnamiens n’étaient sans doute pas complètement aiguisés : il ne faut
jamais, mais alors là jamais tenter le yâbe où qu’il se cache sur la
planète.
Je venais tout juste de déposer mon sac sur la table, en plus il est rouge comme l’enfer, afin
qu’on le mette en sécurité dans le compartiment sous le siège de la
motocyclette. Une fraction de seconde plus tard, une moto pétarade derrière
moi, une main aussi vive que l’éclair s’empare du sac et file comme épouvantée
par son propre geste.
Stupéfaction.
Mille et un flashes illuminèrent mon cerveau étourdi. Autour, l’ahurissement, celui
qui ankylose les réactions. La main plus rapide que l’œil, j’en avais une
autre fois la preuve évidente.
Au
poste de police, trois officiers sont de faction. Un fume sous un écriteau
l’interdisant. Un autre achève son dîner en suivant je ne sais trop quoi à la
télévision. Le troisième est avec nous. On parle vietnamien. En quelques occasions, l’officier
me regarde : sans doute de se demande-t-il pourquoi je n’interviens pas. Parfois
je suis ici, parfois à la table du restaurant. Heureux toutefois que personne
n’ait été blessé dans cette action conduite par un professionnel. Ça me rappelle
le pickpocket de Paris sauf que cette fois-ci je m’en rends compte
immédiatement.
Un
policier, son chauffeur à motocyclette accompagnent un des amis présents lors
de l’événement pour se rendre sur les
lieux de l'incident afin d'y mener une courte enquête. À leur retour, on confirme qu’il y a bel et bien eu agression. Le vol
est maintenant officialisé. On peut démarrer toute la paperasse administrative,
alors que le voleur s’enfuit sans être nullement importuné, traversant la ville qui se prépare à
s’endormir.
Un
premier rapport. Puis un second. Je ne pourrai toutefois en conserver une
copie, ce n’est pas dans les procédures habituelles des policiers de Saïgon.
Pas de numéro de rapport.
L'opération achevée - deux heures plus tard - un policier, celui qui ne cessait de reluquer le corsage de Lisa, copies en main, quitte le poste,
toujours accompagné de son chauffeur privé. Aucune idée où ils s'en vont. Un nouvel officier sorti de je ne sais trop quel coin du poste de police me dira, de manière péremptoire, que si je souhaite recevoir un document décrivant
l’incident officialisé par un tampon, je devrai en rédiger un troisième, en faire vérifier l’exactitude par
un avocat sachant parler et écrire l'anglais, après quoi le sceau pourra y être apposé.
22 heures, et nous n’avons toujours pas dîné. D'ailleurs, personne n’est tellement en
appétit. Je sens planer au-dessus du groupe un étrange sentiment, comme une certaine honte. On ne peut pas faire une
chose pareille. Quelle mauvaise presse pour le Vietnam! Je répète: ce ne
sont que des objets, on peut facilement les remplacer alors qu’un membre brisé ou tout
autre blessure, c’est plus gênant. J’en apprendrai bien tous les jours
sur la mentalité vietnamienne...
... et davantage alors que les rumeurs annoncent une tempête devant s’abattre sur
le Vietnam jeudi… nous sommes, lors de ces
événements, ceux du vol, le lundi 4 novembre. Lors du prochain épisode, on
discutera tempêtes : la no. 13 et Haiyan!
À
la prochaine