jeudi 18 août 2011

QUATRE (4) CENT-ONZE (11)


Paul-Marie Lapointe
(1929-2011)

Paul-Marie Lapointe vient tout juste de mourir. Un souvenir fugace a traversé ma mémoire alors que je lisais la nouvelle de son décès dans LE DEVOIR. Je suis chez Gaston Miron, Carré Saint-Louis. Le téléphone sonne, Miron répond. S'en suit une assez longue conversation avec un interlocuteur qui s'avéra être Paul-Marie Lapointe. À la fin de l'appel, Miron me demande si j'ai lu LA VIERGE INCENDIÉE. Devant mon ignorance crasse, Gaston Miron me dit que je ne suis pas le seul, que je devrais m'y mettre. L'image qui m'en reste, la même que lors de mon premier contact avec Rimbaud.


Paul-Marie Lapointe vient tout juste de mourir. Il me semble qu'avec ce départ, si la poésie québécoise contemporaine pouvait se comparer à une table, eh! bien (oui, je le sais) c'est la quatrième patte qui s'écroule. La première étant Miron, la seconde Roland Giguère, une troisième Saint-Denys-Garneau.



Je vous offre en hommage à Lapointe ceci, tiré de LA VIERGE INCENDIÉE.



Je suis une main qui pense à des murs de fleurs

à des fleurs de murs

à des fleurs mûres.



C'est pour regarder la vie que je lis interminablement

le cristal du futur de cristal



Le réservoir du cendrier

pourquoi des villes de café y surgir?

des plantations de pauvres gens

soleils de fagots fertiles

violoncelles senteur de mauves



C'est en songeant à construire un verger de frères

que pour pleurer je descends mon bras

que je mets ma vie dans mes larmes



Les grands châteaux poires pourries

avec quoi des vieillards à femmes mutuelles

lapident leurs vacheries

les églises de faux sentiments

l'écroulement des cadavres les haines dans les schistes séculaires.



Quand le marteau se lève

quand les bûchers vont flamber noir

sur le peuple déterminé



Les cadavres purifiés par le feu

et le fracassement des crânes de béton



L'horizon que je vois libéré

par l'amour et pour l'amour.



Et ce deuxième.



J'ai des frères à l'infini

J'ai des soeurs à l'infini

et je suis mon père et ma mère



J'ai des arbres et des poissons

des fleurs et des oiseaux



Le baiser le plus rude

et l'acte déconcerté

l'assassin sans lame

se perce de lumière



Mais la corrosion n'atteindra jamais

mon royaume de fer

où les mains sont tellement sèches

qu'elles perdent leurs feuilles



Les faïences éclatent de rire dans le stuc

le ciel de glace

le soleil multiple qui n'apparaît plus


Frères et soeurs

mes milliers d'astres durs



Et ce dernier ÉPITAPHE POUR UN JEUNE RÉVOLTÉ est tiré de Pour les âmes.



tu ne mourras pas un oiseau portera tes cendres

dans l'aile d'une fourrure plus étale et plus chaude que l'été

aussi blonde aussi folle que l'invention de la lumière



entre les mondes voyagent des tendresses et des coeurs

des hystéries cajolantes comme la fusion des corps

en eux plus lancinants

comme le lever et le coucher des astres

comme l'apparition d'une vierge dans la cervelle des miracles



tu ne mourras pas un oiseau

nidifie ton coeur

plus intense que la brûlée d'un été quelque part

plus chaud qu'une savane parcourue par l'oracle

plus grave que le peau-rouge et l'incandescence



(les âmes miroitent

particulièrement le soir

entre chien et loup

dans la pâleur des lanternes

dans l'attisement des fanaux

dans l'éblouissement d'une ombre au midi du sommeil)



tu ne mourra pas



quelque part une ville gelée hélera ses cabs

une infanterie pacifique pour mûrir les récoltes

et le sang circulera

au même titre que les automobiles

dans le béton et la verdure



tu ne mourras ton amour est éternel



Salut Paul-Marie Lapointe!



Au prochain sau
t

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