lundi 20 mars 2023

MARCHER À L'OMBRE DES FANTÔMES - 17 -

 


MARCHER

À L’OMBRE

DES FANTÔMES

 

sixième marche

 

P   H   U   O   C

 

    La moto de Phước s’arrête devant mon building et après l’avoir salué je monte derrière, en route vers le District 2 de la ville de Saïgon ; nous avons rendez-vous chez Tình.

Traverser cette ville aux mille bruits - les klaxons des voitures principalement - peut sembler pour tout néophyte une aventure rocambolesque, mais avec le temps je m’y habitue. Les rues achalandées jusqu’à 11 heures le soir alors qu’un informel couvre-feu semble s’étendre un peu partout, ne cesseront jamais de me surprendre, tout comme cette bizarre impression que tout le monde s’est lancé dans le commerce en même temps ; chaque maison agglutinée sur sa voisine offre des services aussi variés d’hétéroclites : restaurant de rue, marchand de fruits et de légumes, fleuriste ou serrurier, entre autres, tout est à la disposition de futurs clients.

Mon photographe-philosophe cherche à établir une conversation alors que je préfère le voir se concentrer sur la route.

- J’ai reçu un courriel de Fanny...

Comme je ne réponds pas à son affirmation, il saisit que je souhaite que toute son attention soit centrée à éviter ce bus qui brusquement nous coupe la route avant de s’immobiliser pour y faire monter quelques usagers.

- Nous en parlerons une fois arrivés chez la soeur de Fanny.

Ce qui n’allait pas tarder. Le building qui doit certainement dater de quelques années grimpe vers le ciel avec ses vingt étages. Ce district est principalement le lieu de résidence d’une certaine classe de gens qui, sans être fortunés, possèdent tout de même les moyens de vivre dans un quartier plutôt moderne et peu éloigné du centre-ville. Principalement des ressortissants français et une catégorie de Vietnamiens ayant réussi à sortir de la pauvreté endémique qui caractérise encore une bonne partie de la population. De grands centres d’achat, une multitude de restaurants ainsi que des tours à bureau en font une enclave dans l’architecture de la plus populeuse ville du Vietnam.

Avant d’entrer dans l’édifice, Phước m’informe de la teneur du message qu’il a reçu de sa cliente.

- Fanny semble s’inquiéter du rythme que vous prenez à achever sa commande.

- Que veut-elle dire exactement ?

- Il m’est difficile de savoir  vous en êtes puisque je ne suis pas à la lettre le déroulement de votre projet, mais sans que je la sente pressée, je crois déceler une certaine volonté de voir vos textes toucher la fin.

- Je comprends son impatience, mais elle doit comprendre que le matériel qui m’est nécessaire pour travailler me parvient au compte-gouttes. Lorsqu’elle reçoit un texte, elle ouvre de nouveaux chantiers, mais je ne suis absolument pas au courant de la fin de cette histoire.

- Vous voulez dire...

- Je suis encore en Chine alors que vous êtes revenus de voyage, que tu en as complété le diary et qu’elle est de retour à New York. Impossible pour moi de prévoir une fin que sans doute tu connais et dont tu ne veux ou ne peux pas m’en préciser le contenu, alors je fais du jour après jour...

- Il se peut très bien que le fait de rencontrer Tình vous sera utile.

La gardien de sécurité s’avance, nous sommant de lui dire quel locataire allons-nous visiter et s’assure que nous sommes vraiment attendus. Il confirme notre droit de pénétrer après avoir placé un appel à l’appartement 200 et nous conduit vers l’ascenseur. Deux minutes plus tard, lorsque s’ouvrent les portes, une dame nous attend.

- Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Venez chez-moi, j’ai préparé le thé.

Chez Tình, dès les trois premières secondes si précieuses à Fanny pour jauger les personnes, se dégage de cette dame âgée elle aussi de 70 ans, une profonde bonté. Elle l’inspire du même coup.

Une fois entrée dans son appartement que je pourrais qualifier de simpliste, notre hôte se dirige vers la cuisinette qui jouxte une salle à manger servant aussi de salon. J’en profite pour examiner les quelques cadres qui ornent ses murs pour en déduire que ce qu’ils enferment ne peuvent être que des photos de famille. Mon attention se tourne vers une photographie posée sur un buffet ; on la reconnaît, bien que plus jeune, droite et fière à côté de Fanny et sa fille Marie.

- J’en ai long à vous raconter, est-ce que votre temps est compté ?

- Nous avons tout l’après-midi, répond mon photographe-philosophe qui vient tout juste de sortir un appareil photo de son sac à dos.

- Du thé au jasmin. Vous le préférez chaud ou froid ?

- Brûlant, ajoutai-je à l’intention de la maîtresse de maison qui me le servit avec une délicatesse toute vietnamienne.

Même si elle est revenue des USA il y a de cela quelques années, son anglais est aussi fluide qu’il le fut sans doute alors qu’elle travaillait au jardin d’enfance du siège social de l’ONU. Ayant pris place devant moi et que Phước entreprenne ce qu’il fait de mieux, soit prendre des photos, je me dis que celles qu’il captera aujourd’hui, ajoutées à celles du dîner à l’hôtel Continental, me permettront de mieux découvrir cette femme si importante dans la vie de Fanny.

- Vous ne pouvez imaginer à quel point la visite de ma soeur m’a rendu heureuse. Elle n’est pas demeurée longtemps, mais juste assez pour que nous puissions nous rappeler les bons moments passés ensemble et surtout me présenter les photos de Marie, son mari et ses enfants. Pour une vieille personne, se remémorer le passé représente une immense consolation. Mais je crois que vous n’êtes pas venus me voir pour écouter les nostalgies de quelqu’un que guette la sénilité.

- Vous me semblez dans une excellente forme et votre mémoire doit l’être tout autant, dis-je afin de lui permettre de passer à autre chose.

- Ma forme physique ne se compare pas à celle de Fanny, c’est la raison pour laquelle j’ai refusé de la suivre dans cette expédition qui, je lui ai dit d’ailleurs, me semblait pour le moins hasardeuse. Vous connaissez cette femme, lorsqu’elle a une idée en tête, bien malin celui ou celle qui chercherait à l’en dissuader. Mais je me suis consolée, puisque ce vaillant jeune homme allait lui servir de guide.

Les personnes âgées ont souvent l’habitude de s’étendre sur un sujet et s’y accrocher ; je voulais absolument éviter qu’elle s’y cramponne.

- Nous communiquons, elle et moi, je dirais à l’ancienne. L’Internet ou tout autre moyen électronique, cela ne fait pas partie de mes habitudes, en fait, je n’y suis pas abonnée. Je préfère encore, même si cela est plus lent, l’écriture de lettres que la poste se charge d’acheminer. C’est ainsi entre elle et moi. Mais je veux passer rapidement à autre chose, ce qui est certainement le but de notre rencontre. Je l’aborderai en répondant à quelques questions qui, j’en suis consciente, vous intéressent.

Phước nous bombarde de clics, déambulant dans cet appartement qui répond à l’architecture de ces buildings qui poussent dans Saïgon à vitesse grand V.

Je ne peux empêcher mes yeux de s’égarer vers le balcon extérieur donnant sur l’ouest et propose qu’on s’y installe. Le soleil n’a pas encore commencé à se rendre vers son lieu de repos, alors nous pouvons profiter d’une certaine fraîcheur confortablement assis entre quelques pots de fleurs et un bougainvillier rougeoyant qui tranche sur le gris terme de la brique.

- Ma soeur est venue au Vietnam après un séjour de trois mois en Chine. Le lendemain de son arrivée et grâce à la complicité de ce jeune homme, elle s’est présentée ici. Nos retrouvailles ont été touchantes puisque nous nous sommes séparés il y a plus de vingt ans. Vous le savez sans aucun doute, j’étais déjà revenue à Saïgon lorsque Marie a épousé Choïdzin, un garçon tout à fait charmant.

- Vous l’avez connu ?

- Je suis partie de New York en 1986 et le mariage a eu lieu en 1990, mais entre temps j’ai toujours entretenu une correspondance autant avec la mère que la fille. Marie est un peu l’enfant que je n’ai pas eu et elle a gravité autour de moi sur plus de quinze ans, vous imaginez bien que cela créé des liens que je peux qualifier de familiaux. Cette jeune fille nous rendait heureuses et fières. Lorsqu’elle est entrée à l’université, cela m’a fait penser à la condition de la femme vietnamienne qui s’améliore, je l’avoue, mais qui a encore bien du chemin pour arriver à une certaine égalité avec les hommes. Je suis d’accord avec l’idée que cela a beaucoup changé après l’entrée des communistes à Saïgon en 1975, mais déjà j’étais arrivée aux USA. Mes parents ont pu quitter le pays près de vingt ans avant ce que je qualifie d’heureux événement, ce qui n’était absolument pas l’avis de mon père qui travaillait auprès du gouvernement fantoche installé par les Américains. C’est ma grande amie Bao qui a fait mon éducation nationale. Je ne crois pas que vous ayez eu l’occasion de la rencontrer, mais si par chance cela devenait possible vous découvririez une personne à la fois sage et combien engagée dans le domaine de l’éducation. Elle travaille à temps partiel à l’Université des sciences sociales et humaines que je fréquentais avant mon départ pour New York. J’ai été très surprise d’apprendre qu’elle ait eu des contacts avec des gens qui entretenaient des relations avec la compagnie multinationale pour laquelle mon propre père a oeuvré à la suite de la chute de Saïgon et qu’il ait perdu son emploi au consulat vietnamien de New York. À l’occasion du dîner qui nous a réunis, Fanny a eu la surprise de revoir son ancien mari qui maintenant est le conjoint de ma grande amie. Phước et moi n’avons pas été surpris de sa réaction que je pourrais qualifier d’indifférente, mais pour elle lorsque le passé est bien classé dans son dos, elle n’y revient pas.

Je tente, difficilement je l’avoue, de l’amener vers un peu plus loin que la description de personnages, certes importants, mais j’espérais davantage qu’elle m’informe sur le contenu de leurs rencontres ; surtout celles qui peuvent avoir un lien plus étroit avec mon travail d’écriture. J’ose une question:

- Vous a-t-elle parler un peu de son séjour en Chine ?

- Giuji est certainement l’homme le plus secret qu’il me fût donné de rencontrer.

- Saviez-vous qu’il a une soeur ?

- Je l’ai appris lorsque Fanny m’a raconté son passage à Turpan. Sans être en mesure de vous parler du bouddhisme dans ses détails et ses caractéristiques, surtout des différences énormes entre celui du Vietnam, du Tibet et de la Mongolie, je peux tout de même reconnaître que sa pratique diffère énormément. Lorsque ma soeur me parle de chamanisme, j’avoue très sincèrement que ma première idée s’est logée dans la crainte. Difficile de dire pourquoi, mais le fait que cela a poussé une fille à tuer son père m’a effrayée. Tout comme Fanny, j’y ai vu davantage qu’une vengeance, sans trop pouvoir étayer mon opinion. Cela demeure encore maintenant un mystère.

- Lorsqu’elle arrive à Saïgon, qu’elle croise tout à fait par hasard...

- Je vous coupe ici en disant que le hasard n’existe pas. Ce jeune homme était au bon endroit et au bon moment, comme si deux âmes s’étaient donné rendez-vous.

- ... d’accord, mon photographe-philosophe s’est trouvé tout près de l’hôtel Continental au moment même  elle tente de traverser la rue, qu’il lui porte son aide, que par la suite il accepte de lui servir de guide dans ce voyage à travers le pays, admettons que cela soit l’oeuvre du destin, est-ce que Fanny sait exactement ce que la suite des choses doit être ?

- Permettez que je fasse l’historique de ce dont je suis au courant, le tout étant écrit dans la liasse de lettres que nous avons échangées elle et moi depuis des années, mais surtout celles de l’année 2000 alors qu’elle arrive à la retraite et les suivantes vous intéressent davantage, j’en suis bien consciente.

Tình se lève, récupère ma tasse de thé vide et entre dans l’appartement. Phước, ayant toujours en main son appareil-photo qu’il prépare pour capter un coucher de soleil qui allait bientôt se présenter à nous, m’avise qu’il serait intéressant que je piste mieux mes interventions car cette dame a la malheureuse habitude d’étirer des détails parfois inutiles, un peu comme si elle désirait que son interlocuteur s’égare et abandonne le but qu’il se fixe.

Elle revient avec en main une boîte qui a dû servir à contenir des souliers et dans laquelle reposent je ne sais trop combien de lettres.

- Je réchauffe votre thé ?

- Merci madame, ça va très bien.

- Tout est ici. Notre correspondance depuis 1986 repose dans ce carton et disposée par ordre chronologique.

À toutes ces enveloppes sont agrafées des feuillets qui, c’est ce que je pense, sont sans doute une copie de ses lettres. Je suis convaincu qu’elle ne me proposera pas de les apporter et comme elle ne possède pas tout à fait le sens de la synthèse, je me dis qu’il y en a pour des heures et des heures. Par chance, elle se fait plus explicite.

- Soyez sans crainte, je ne vais pas toutes vous les lire, et même si je ne suis pas experte dans les raccourcis, permettez-moi de vous faire un résumé de notre correspondance qui peut avoir un certain rapport avec votre travail. Je sais ce que vous avez à faire, Fanny et Phước m’ont bien expliqué en quoi il consiste.

- J’imagine que toute cette documentation est immensément importante pour vous ?

- Plus que tout au monde. Vous avez devant les yeux les seuls vestiges de ce que je considère comme étant ma famille.

- Je vous écoute.

Tình prit la parole et je ne me suis pas permis de l’interrompre alors que le soleil, tout doucement, se couchait et que mon photographe-philosophe savourait ces instants comme il a dû le faire lors des quelques mois passés sur les routes du Vietnam. Je ne sais pas si un jour j’allais pouvoir saisir cet attrait irréversible pour les levers et les couchers du soleil. Une manière, sans doute, d’occulter le temps qui est au centre de ses préoccupations.

 

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    Sortant du building je propose à Phước de nous rendre dans un restaurant de rue du District 7 afin qu’il me raconte ce qu’il retient des paroles de la soeur de Fanny. Parfois, réentendre une conversation de la part de quelqu’un qui nous accompagne permet d’en saisir mieux l’essence. Il accepte et nous voici repartis.

- Il n’y a rien de nouveau pour moi, mais voici ce qui me semble le plus important à retenir de ses propos. Je passe par-dessus tout ce qu’elle a raconté sur ses années américaines et qui n’a pas de lien direct avec le but que ma cliente s’est fixé à partir du mois de juillet 2005. Les mois passés en Chine, vous en avez à peu près parlé, je vais donc m’en tenir au lien qui unit Tình à l’amant chinois. Lorsqu’elle a pour responsabilité de s’occuper de Marie, leurs contacts sont fréquents et se développe entre eux une espèce de connivence qu’au début elle ne semble pas tout à fait bien saisir la teneur. Entre Chinois et Vietnamiens ce n’est pas toujours l’entente parfaite, mais le fait que tous les deux ont une vision politique qui peut se ressembler les rapproche. Il a toujours insisté auprès de la nounou afin qu’elle travaille fort pour inculquer chez sa fille une pensée que je qualifierais de “ bouddhique “. C’est surprenant car on connaît la position du gouvernement chinois quant aux questions religieuses, de sorte qu’elle perçoit la commande du père comme allant plutôt dans le sens d’une pensée “ yogique “, si le mot existe. Le qi gong représente une entrave évidente à son serment de diplomate, mais il réussit à le cacher, ne parlant seulement que de yoga. Sa fille doit le pratiquer tous les jours et il n’aura de cesse de questionner Tình sur l’apprentissage de cette pratique qu’il voit à perfectionner en se rendant à l’appartement Les Narrows. Fanny est également fidèle à cette pratique sans jamais se douter que derrière elle, une partie des responsabilités du diplomate y est attachée. Il doit, dans le cadre de son travail, avoir un oeil sur le groupe Falun Gong qui est aussi présent qu’actif dans le quartier chinois de New York. Un autre élément le tracasse, c’est le fait que la femme qu’il fréquente avec assiduité est la traductrice particulière du Dalaï-lama ; on connaît le contentieux qui existe entre le gouvernement de Beijing et le Tibet. Elle a insisté sur le fait que jamais les deux amants en ont parlé ni même effleuré le sujet. Il ne faut pas oublier que le père de Giuji est originaire du Tibet et qu’il a toujours alimenté le rêve d’y retourner un jour. Lorsqu’on propose au diplomate chinois de quitter l’ONU pour devenir l’adjoint de l’administrateur à Lhassa, il saute sur l’occasion même si cela signifie qu’il doit laisser derrière lui une femme qu’il aime et une fille qu’il adore. Tình insiste sur le fait qu’il s’est établi un pont entre le futur époux de Marie et lui. Choïdzin, brillant étudiant en théologie et principalement la religion bouddhiste, n’est pas à négliger dans cette histoire du fait que lui aussi est Tibétain et que son rêve secret est de se rendre un jour dans le pays de ses parents. Elle ajoute que cet appel lui semble être de l’ordre du spirituel, mais sans plus préciser ce que cela peut vouloir induire. Ses dernières paroles, si je vous les résume bien, vont dans le sens que le fait d’accepter d’agir à titre d’adjoint à l’administrateur de Lhassa, pose la question suivante : serait-ce une demande de sa part ou une commande du ministère des Affaires internationales de Chine ? Toujours est-il qu’il y sera affecté. Dernier point qu’elle soulève, trop brièvement je crois, a trait à la relation entre lui et le père de Léa. Lorsque cet enfant vient au monde, leur relation devient beaucoup plus notable. Voilà donc ce qu’elle a raconté.

Mon photographe-philosophe m’inonde d’informations et à un rythme tel que je peine à tout bien placer avec ce que jusqu’à maintenant, j’ai en ma possession. Je dois le questionner pour mieux éclaircir les différents éléments.

- J’arrive difficilement à voir le rôle de Tình, peux-tu m’éclairer ?

- Lorsqu’elle quitte New York, en 1986, Marie est étudiante à l’université et son copain, celui qui deviendra son mari, occupe déjà une place importante dans sa vie. Ce départ sera un coup dur pour Fanny qui perd la seule véritable amie qu’elle a, le suivant lui tombera dessus quatre ans plus tard avec la nomination de l’amant chinois pour des responsabilités qui le mèneront au Tibet. Ces années seront cruciales, principalement pour Giuji et Choïdzin. Sans trop comprendre le but de chacun, de Saïgon elle se retrouve avec quatre correspondances à tenir de manière plus ou moins régulière. C’est un peu comme si le fait qu’elle soit en relation étroite avec trois des quatre l’investisse d’un rôle auquel elle ne s’attendait pas.

- Je veux bien comprendre, alors dis-moi si je fais erreur. Comme elle n’a pas connu personnellement le futur époux de Marie, qu’elle est présente dans la vie de Fanny comme une soeur et que le diplomate chinois l’a un peu mandatée pour s’assurer que sa fille demeure fidèle à sa pratique du yoga, est-ce que je dois conclure qu’il possède un agenda secret ?

- C’est un peu ici que se trouve la première clef. Vous constatez que d’un côté se trouve une européenne et de l’autre, trois asiatiques directement ou indirectement. On a beau se retrouver sur le terrain de jeu principal, ici c’est l’Amérique, la culture de chacun joue un rôle important.

- Une sorte de mini-société des nations...

- Si on peut utiliser cette expression. Ce qu’il faut retenir, c’est que la femme avec qui nous avons passé une partie de l’après-midi se retrouve au centre de l’histoire et que son rôle dans la suite des choses sera importante.

- Je remarque qu’elle ne nous a montré qu’une seule boite contenant des lettres, celles de sa correspondance avec Fanny.

- Je ne serais pas étonné qu’il existe au moins trois autres cartons et peut-être un quatrième si elle a des contacts avec monsieur Abhay, au Laos.

Le repas s’achève sur ces paroles. Nous remontons sur la moto qui me laisse devant mon building. La noirceur s’ajoute à celle que cette journée a abattue sur moi.

 

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 * -   le douzième texte    - *

 

    À quelques jours de mon départ de Turpan vers Beijing puis Saïgon, il devenait impérieux de percer le mystère des deux frère et soeur chinois. Comme j’avais ouvert sur la question tibétaine, il me fallait enfoncer le clou, consciente que la perception sur la question tibétaine de l’un risquait de différer sur celle de l’autre.

J’optai d’abord pour l’amant chinois, profitant d’une de nos marches quotidiennes pour tenter d’éclaircir son rôle dans le destin du Dalaï-lama.

- Jamais, et je t’en suis reconnaissante, nous avons discuté de la situation diplomatique qui pose problème entre le Tibet et la Chine, mais une question me turlupine surtout après avoir entendu de la part de ta soeur le destin tragique de ton père.

- Je t’écoute.

- Est-ce que tu as eu affaire directement ou indirectement avec les différentes rumeurs circulant autour de l’état de santé du Dalaï-lama ?

- Mes patrons au ministère des Affaires internationales connaissent tout de mes origines et mon rappel de New York n’a rien de surprenant. Je suis demeuré quelques semaines à Beijing avant d’être affecté à Lhassa. Les relations entre mon pays et ce qu’on appelle le territoire administratif du Tibet doivent absolument porter sur l’autonomie territoriale revendiquée par le Dalaï-lama.Tu comprends parfaitement bien que notre relation, connue des autorités chinoises, je devais l’exploiter afin de piéger le chef spirituel. Il se fait vieux et utiliser l’argument d’un problème de santé s’avéra le premier pas afin de lui enlever tout l’aura qu’il possède dans son pays et son influence internationale. Mais le plus important dans ce dossier réside dans sa succession. Nous savions, et j’ai pu moi-même le vérifier sur place, à Lhassa, les moines avaient entrepris leurs recherches afin de dénicher sa réincarnation, comme ils le disent. Interférer dans le processus a fait partie de mes prérogatives.

- Crois-tu avoir réussi à obtenir assez d’informations pour contrecarrer leurs plans ?

- Tu connais l’adage asiatique : “Tout le monde a son prix.” L’administrateur dont j’étais l’adjoint en était à ses derniers mois et sans trop que je sache exactement la raison, il ne me recommanda pas pour lui succéder. Sans doute que le fait d’être en partie Tibétain, né en territoire ouïgour, fervent adepte du qi gong, être au courant de la mouvance américaine du Falun Gong , tout cela réuni me rendait suspect à ses yeux. La méfiance est la caractéristique prioritaire dans le domaine de la diplomatie.

- On devait donc être instruit sur ce qui est arrivé à ton père.

- Absolument, de sorte que ma soeur...

L’amant chinois s’apercevait-il que ses paroles franchissaient les limites permises par ce que je considérais comme un serment d’office, puisqu’il devint un peu plus évasif.

- Ta soeur ?

- Wen n’a jamais franchi les limites de la ville de Turpan et, ceci me semble important à noter, informée par je ne sais trop qui sur une foule de sujets qui, à ma grande surprise, sont inconnus des habitants de sa ville.

- De votre ville ?

- Je suis revenu ici il y a maintenant un peu plus de cinq ans. On m’a imposé cette destination, mon choix étant Beijing.

- Sans être indiscrète...

- Tu as soulevé il y a quelque temps l’idée des cinq poisons de la Chine. Les Ouïgours en font partie et ma soeur, entièrement intégrée à la vie de cette ville, est à l’affût de plusieurs renseignements que les autorités souhaitent être mis à jour régulièrement. De plus, elle a liquidé, si je puis dire, un Tibétain...

- Dans ce sens va-t-elle... ?

- Wen alimente une rancoeur indicible envers les musulmans depuis que son amoureux a refusé d’exécuter un recours auprès de notre père qui ne voulait rien entendre de sa demande en mariage. Le triste sort qui s’est froidement abattu sur le chef de notre famille, ma soeur a toujours souhaité qu’il en soit de même pour ce musulman qu’elle considère comme un lâche et un traître à leur amour.

- Il me semble que tout cela remonte à plusieurs années.

- Certaines plaies ne se cicatrisent jamais.

- Tu vis donc à Turpan contre ton gré. Te considères-tu entièrement à la retraite ?

- Certains dossiers sont encore en suspens, de sorte que la retraite n’est pas pour maintenant.

Mon rusé amant chinois retourna dans sa coquille et à partir de ces derniers mots, il m’était certain que plus rien n’allait sortir de lui. J’allais me rabattre sur sa soeur qui, dissimulée derrière sa vocation de chamane,  a liquidé son père et m’imposait cette question tout à fait horrible : attendait-elle le moment précis pour assouvir sa vengeance non pas seulement contre un amoureux pusillanime, mais sur toute la communauté ouïgoure de Turpan.

J’arrivais difficilement pas à débrouiller un problème qui se complexifiait davantage lorsque je discutais soit avec le frère ou la soeur, et gravitait autour de l’authenticité des faits. Qui a raison ? Qui a tort ? Et le temps risquait à me manquer...

 

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    La dernière conversation que j’eus avec Wen se déroula la veille de mon départ vers Beijing alors qu’elle me remettait mon passeport récupéré au bureau municipal de Turpan ainsi que mon billet d’avion, le tout ayant dû être officiellement déposé auprès des autorités.

La froideur de cette femme, envers son frère ainsi que moi-même, n’a pas réussi à tiédir malgré trois mois de vie commune. Je vous propose ce qui, à ma grande surprise, fut les dernières paroles qu’elle m’adressa.

- La femme ouïgoure, au-delà du fait qu’elle soit musulmane, doit à sa famille une totale obéissance et se voit imposer la règle du silence ; une règle éternelle. Dans cette maison, celle que tu quittes demain pour te rendre au Vietnam, a été le siège de bien des tourments que certains pourraient nommer des malheurs. En fait, tout a débuté avec le départ de Giuji vers l’Université de Beijing, s’est amplifié avec ma relation maudite - c’est mon père qui l’a caractérisée ainsi - avec mon voisin musulman, l’annonce que m’a faite ma mère à l’effet que j’avais du sang de chamane dans mon corps et que je devais agir comme tel, puis la mort de mon père. Lorsque mon frère annonce qu’il a choisi la diplomatie comme carrière, mon père lui a fait parvenir une lettre - c’est ma mère qui l’a écrite car lui ne le pouvait pas - exigeant de sa part la promesse solennelle de ne jamais trahir ses ancêtres tibétains et s’il en avait un jour l’occasion ou le pouvoir, de tout faire pour que le pays puisse redevenir la grande nation qu’elle a été. Mon père a reçu pour réponse à sa lettre, la visite d’inspecteurs chinois venus ici à Turpan afin de lui faire mieux comprendre la situation de ce qu’ils ont appelé “la terre administrative du Tibet” et qu’il ne devait plus jamais entrer en contact avec son fils devenu un employé de l’État. Je ne sais pas si cette visite officielle s’est achevée sur des menaces - j’étais à ce moment-là en réclusion - mais ma mère a semblé parfaitement bien comprendre la teneur des avertissements qui ont été adressés. De mon côté, conviée à assumer mon rôle de chamane et décidée à éviter une nouvelle visite d’employés du ministère pour lequel mon frère s’apprêtait à travailler, au-delà de la rage au coeur qui m’a poussée à éliminer ce père trop ancré dans des traditions séculaires, c’est à ce moment-là que je prends en charge les responsabilités familiales et accepte de devenir une sorte de pont avec pour rôle de surveiller les mouvements de la population ouïghoure de Turpan. Jamais mon frère n’a été mis au courant de mon jeu alors que de mon côté je recevais des renseignements assez précis sur ses activités diplomatiques autant à New York qu’à Lhassa. Se soustrait à cela le fait que vous et lui avez eu des relations amoureuses ayant mené à la naissance d’une fille. Je ne crois pas me tromper en disant que les autorités chinoises sont informées de vos rapports, mais n’ont aucune idée qu’un enfant soit né de cette union non officielle. Lorsqu’il doit quitter l’ONU pour le Tibet, son rôle est d’une exacte précision : tout faire, tout organiser, tout planifier pour que le Dalaï-lama perde sa crédibilité auprès de son peuple, que sa renommée internationale soit ébranlée par des rumeurs au sujet de graves problèmes de santé, mais principalement, tout mettre en oeuvre afin de dérouter les moines tibétains de leurs recherches afin de dénicher son successeur. Lorsque Giuji quitte Lhassa pour entreprendre sa retraite, on l’invite fortement, pour ne pas dire davantage, à s’installer ici ; les autorités étant certaines que je peux surveiller la population de Turpan et ce frère qui en sait beaucoup trop sur ce qui se déroule au Tibet. Permettez-moi de reconnaître en vous une femme prudente et patiente, et vous en féliciter. Vous n’êtes pas tombée dans le piège de la connexion Internet qui, vous vous en doutez bien, est surveillée de manière très efficace. Pour votre patience également. Vous avez su laisser passer le temps sans jamais provoquer quelque conversation que ce soit avec votre ancien amant et une fois que je me suis ouverte à vous dans votre langue, d’avoir attendu que j’amorce les échanges. Je ne vous connaissais pas, mais les informateurs qui devaient recevoir les résultats de mon travail de “ taupe “ - c’est bien le mot qu’on utilise pour nommer celui ou celle qui infiltre les services gouvernementaux - savent très bien que vous êtes en première ligne auprès du Dalaï-lama et se doutent que votre séjour en terre chinoise n’a pas seulement pour objectif de renouer contact avec un ancien amant. Lorsque je vous ai avertie de faire attention à mon frère, ce conseil portait sur votre connaissance de la voie que doivent suivre les proches du saint homme tibétain. Si cela est, n’ouvrez pas votre jeu, demeurez prudente et patiente. Je ne serais pas surprise qu’il commette une erreur.

Le lendemain, journée de mon départ, a été à l’image de tous ces jours qui durant trois mois furent les miens, sauf que Wen avait quitté la maison une fois achevé le petit-déjeuner qu’elle nous servit dans la plus stricte tradition chinoise et un silence qui me rappela les premières semaines suivant mon arrivée à Turpan.

J’allais repartir avec très peu d’informations qui parviendront au Dalaï-lama par l’entremise de monsieur Abhay, au Laos. Toutefois, je ne pouvais m’empêcher de me demander si elles étaient pertinentes. J’en avais appris plus sur les relations entre un frère et une soeur, chinois de naissance, mais mongole et tibétain par leurs père et mère, que tous les deux trempent encore aujourd’hui dans des affaires dont les ficelles sont tirées quelque part au ministère des Affaires internationales de Chine.

Lorsque Giuji me dépose à l’aéroport de Turpan, les adieux sont brefs et froids ; il glisse une enveloppe dans la poche arrière de mon sac à dos.

 

 

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    Trois longs mois à devoir fumer en cachette et sans une seule goutte de cognac s’achevaient alors qu’enfin je pouvais, confortablement installée dans le fumoir de l’aéroport de Beijing puis dans le restaurant jouxtant la porte d’embarquement, établir une synthèse de ce voyage.

Le passeport diplomatique m’accordait la préférence dans le choix du siège  et la jeune employée me sembla surprise du fait que je n’opte pas pour la classe affaires, mais le charmant sourire qu’elle me servit a semblé dissoudre toute confusion possible, je préférais la classe économique.

J’avais deux heures d’attente avant de monter dans l’avion qui allait me mener directement à Saïgon (Hô-Chi-Minh-Ville) et retrouver ma grande amie Tình qui ne s’offusqua pas du fait que j’allais m’installer dans un hôtel de l’ancienne capitale du Sud-Vietnam et non pas directement chez-elle. Je lui avais posté une lettre lors de mon escale à Beijing, trois mois plus tôt, dans laquelle toutes les coordonnées de mon voyage y étaient consignées.

Avant de tout mettre en perspective, il m’est apparu nécessaire de lire cette lettre que l’amant chinois, dans sa discrétion habituelle, avait insérée dans une poche de mon sac de voyage. Je reconnus immédiatement sa belle calligraphie.

Fanny,

Il est parfois plus simple d’écrire que de parler, surtout lorsqu’on croit être l’objet d’une surveillance plus ou moins rapprochée. Tu liras cette lettre - je te connais assez bien pour l’avancer - avant d’arriver au Vietnam  tu retrouveras notre chère Tình avec qui, sans qu’elle soit soutenue, j’entretiens une certaine correspondance. Cette femme a été et continue d’être une personne fort importante pour toi, pour Marie ainsi que pour Choïdzin.

Ton séjour à Turpan a certainement éveillé plus de questions que de réponses, car tu dois savoir que la quête que tu poursuis et qui devra prendre un nouvel élan au Vietnam, j’en suis informé par ton ancien patron au service d’interprétation de l’ONU, monsieur Abhay pour qui la vie au Laos ne correspond pas exactement à ce qu’il avait prévu. Ses anciennes amours pour les troupes du Pathet Lao se sont passablement refroidies et il ne bénéficie pas d’une retraite convenable, de sorte que je me permets de te donner ce premier conseil : évite de communiquer avec lui par courriel. Il se fait vieux et parfois, dans nos échanges qui de plus en plus tournent autour de sujets insignifiants, je le découvre moins précis dans son jugement et s’égare facilement dans la chronologie autant passée qu’actuelle.

Deuxième fait que je veux soulever avec toi touche ma soeur. Tu as pu, à ma grande surprise d’ailleurs car elle devait se faire aussi muette que sourde tout au long de ton passage à Turpan, constater son implication dans ce que je pourrais nommer une forme de surveillance de la société ouïgoure. Nos antécédents s’accrochent à nous et s’en détacher exige une énergie qu’elle n’a plus. Le ministère des Affaires internationales de Chine voit en elle une dénonciatrice alors que pour moi, Wen n’est que ma geôlière car malgré ma fidélité envers mes patrons, ils entretiennent encore et pour longtemps, je crois, un doute sur ma fidélité envers mon pays. Mes ancêtres sont tibétains et je suis né en terre musulmane de parents qui toujours ont été considérés comme des étrangers. Tout est présent pour faire de moi un mouchard, surtout que je me suis acoquiné avec une Européenne qui plus est se trouve à être la traductrice du Dalaï-lama.

Tu as certainement remarqué que nos échanges sur Internet sont pour le moins rudimentaires et n’abordent jamais l’essentiel. Ton rôle auprès du saint homme t’a amené à plus de responsabilités que le simple fait de traduire ses discours et mes patrons cherchent toujours à saisir le type de relation qui vous unit encore. Il en est de même pour nous deux.

Dans quelques heures tu auras quitté la Chine pour entrer au Vietnam, là  se déclenchera la dernière étape de ce qui est inscrit dans tes cartons d’intermédiaire. Car il s’agit bien de cela : intermédiaire entre le continent asiatique et le continent américain. Ton gendre Choïdzin deviendra la pierre angulaire de cette avant-dernière partie d’un match opposant mes patrons qui ne délesteront rien dans leur plan de contrecarrer le chef spirituel du Tibet. Je te le rappelle fortement, ne communique plus avec moi à partir de maintenant, diminue les messages vers le Laos et assure-toi, au Vietnam, d’avoir une connexion Internet hyper sécurisée. Tình possède d’excellents contacts à Saïgon qui favoriseront l’acheminement de tes courriels directement à Dharmshala.

Je te souhaite une bonne poursuite et sache que les informations pertinentes me parviendront, sans doute avec un certain délai, mais me parviendront tout de même. Giuji

 

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    Une fois assise côté hublot sur le vol Beijing/Saïgon, que la nuit tombait autour de moi et que s’installait doucement le silence dans l’avion, je me suis mise à tenter de mettre de l’ordre dans toute cette affaire. Le rôle de l’amant chinois, celui de sa soeur qui m’a invitée à m’en méfier ; Wen, au service du ministère chinois qui l’a chargée de surveiller la population ouïgoure de Turpan ainsi que son frère dont on semble se méfier en haut lieu ; le Dalaï-lama qui ne semble plus être un ennemi pour Giuji en raison de ses antécédents tibétains ; monsieur Abhay qui vieillit mal dans son pays d’origine et qu’on m’invite à moins informer du déroulement de cette affaire ; Tình que je vais retrouver bientôt, à qui s’ajoute mon gendre, si je décode bien le message qui se dégage de la lettre que j’ai enfouie dans mon sac de voyage, deviendra plus qu’importante pour la suite des choses.

Pourquoi mon gendre ? Oui, je sais qu’il est Tibétain et, comme tous les ressortissants, rêve d’y venir un jour, mais quel mandat a-t-il en main pour tout à coup prendre une place dans le projet que le Dalaï-lama m’a confié ?

Il ne me restait plus qu’à attendre l’annonce que Saïgon est en vue, que nous allions y descendre et m’interroger sur les fantômes dont on ne m’a pas parlé au coeur de cette ville désertique...

 

* -   la fin du douzième texte    - * 




                                      

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