lundi 13 novembre 2017

Humeur vietnamienne




Je vis à Saigon depuis bientôt sept (7) ans. Il me fut donné à maintes reprises de voir des défilés funéraires parcourir les rues ainsi que des maisons de noces remplies de convives ; jamais assisté comme invité que soit à l’un ou l’autre.

Hier, le dimanche 12 novembre 2017, j’ai pu vivre les deux, le même jour : les funérailles du père de Lisa que je considère comme ma fille vietnamienne et le mariage de mon ami Trung et sa charmante nouvelle épouse.

Les rites funéraires de type bouddhiste diffèrent énormément de ceux que l’on connaît au Québec. D’abord, la couleur qui prévaut est le blanc. Les membres de la famille se revêtent, selon leur préséance dans la famille, de costumes de cette couleur, ce qui permet de les distinguer des autres participants aux funérailles. Le fils aîné, celui à qui traditionnellement revient la charge de leader familial, a revêtu un bonnet blanc différent des autres membres de la famille qui abhorreront un ruban leur ceignant le front.

On se présente à la cérémonie qui durera deux jours, en n’oubliant pas de porter des pantalons longs. Quelques moines bouddhistes officieront, multipliant des gestes principalement composés de longues tirades chantées qu’accompagnent une musique redondante s’étouffant dans la fumée de l’encens. On brûlera aussi des votifs, lancera par terre des poignées de riz et quelques lampées de vin en présence d’un des membres de la famille du défunt.

L’atmosphère  n'est pas triste, mais réservée. Les recueillements auprès du catafalque permettent d’y allumer un bâtonnet d’encens, certains y laissant quelques dongs. L'imposant cercueil est très lourd. Celui du père de Lisa qu’on allait, au deuxième jour, poser en terre, était jaune, gravé de quelques émaux rouges.

La douleur de la famille se console dans cette certitude que maintenant le défunt ne souffre plus et en route vers un autre lieu où l’attend de bien meilleures choses.
Le père de Lisa était amateur de jazz. À chacune des occasions qui me fut donnée de me trouver en sa présence, nous nous régalions tous les deux de vieux morceaux de jazz. Il se faisait une joie de les écouter avec moi, le seul de la maison à apprécier cette musique. J’en garderai un souvenir permanent et chaleureux.

Je n’ai pas assisté à l’enterrement, des noces m’attendaient. Toutefois, les obligations familiales, en raison de l’état de santé du père, ayant exigé une présence continuelle auprès de lui à la maison ou à l’hôpital, nous pourrons maintenant reprendre nos rencontres régulières.





J’ai suivi, sur quelques kilomètres, le défilé en route vers le cimetière avant de me retrouver chez ADORA, une des plus prestigieuses maisons de noces de Saigon. Trung (il est policier) et sa nouvelle épouse Nga y donnaient la deuxième réception suivant leur mariage; la première s’étant tenue dans le village du marié, à l’extérieur cette fois.

Le mariage est privé mais la noce est publique. On y est invité ou on s’y invite moyennant la remise d’une enveloppe contenant le coût du repas et le cadeau de noces.

La réception se veut princière. Tout y est organisé afin que le couple en soit le centre. On y met le paquet : musique, karaoké, boisson à volonté, fleurs, mille et une prises de photos… sans oublier le beau linge. Je suis toujours un peu surpris de constater que le port du áo dài ne fasse pas partie de la coutume.

Il devait y avoir plus de 300 cents convives assistant à la noce de Trung et Nga. Y avoir été invité, avoir reçu un faire-part personnellement adressé représente beaucoup pour moi. Je peux maintenant me considérer comme un ami personnel du nouveau couple.

Comme je ne peux m’arrêter d’y aller parfois de facéties, j’ai emprunté le bébé d’une des invités afin de l’offrir aux nouveaux mariés, leur disant qu’ainsi ils n’auraient pas besoin d’en faire un puisqu'on avait déjà fait le travail pour eux. On a ri… je crois.

J’ai posté sur Facebook quelques photos des deux événements. Le premier commentaire reçu - d'un Vietnamien bien sûr - allait dans le sens suivant : pourquoi poster les photos de deux rencontres aux antipodes l’une de l’autre ? Ma réponse fut celle-ci : la vie est composée à la fois de bons et beaux moments ainsi que de tristes, mais les deux se rejoignent finalement. 

Une nouvelle vie débute maintenant pour chacun d’eux. J’aurai eu le privilège d’assister à sa transformation.











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