mercredi 16 juillet 2008

SAUT: 222

Gabrielle Roy à 20 ans


Je vous innonde, aujourd'hui de DÉTRESSE et d'ENCHANTEMENT... avec l'aide de Gabrielle Roy (22 mars 1909 - 13 juillet 1983).

Tout au cours de sa carrière, l'illustre manitobaine a reçu de nombreux prix littéraires prestigieux, notamment le Prix littéraire du gouverneur général, le Prix Fémina de France, Le Prix Duvernay, le Prix des arts du Conseil des Arts du Canada et le New York’s Literary Guild Award. Elle a également été la première femme membre de la Société royale du Canada en 1947 et reçu le titre de Compagnon de l’Ordre du Canada en 1967.

Le premier roman de l'écrivaine, BONHEUR D'OCCASION est publié en 1945. On lui décerne, à Paris, en 1947, le prix Femina pour cette œuvre qui fut choisie, en mai de la même année, livre du mois par le Literary Guild of America

L'ASSOCIATION DES LITTÉRATURES CANADIENNES ET QUÉBÉCOISE décerne chaque année le Prix Gabrielle-Roy qui récompense le meilleur ouvrage de critique littéraire publié en français. Pour 2007, il est attribué à Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge pour leur Histoire de la littérature québécoise, publiée chez Boréal. Actualisant le regard critique sur la littérature québécoise, le livre a été désigné à l’unanimité par le jury composé de Johanne Melançon (Université Laurentienne), Anthony Wall (Université de Calgary) et Isabelle Boisclair (Université de Sherbrooke) parmi les dix-neuf ouvrages de critique littéraire soumis cette année. Il y a également un volet anglophone à ce prix.


Je laisse maintenant la parole à Gabrielle Roy.


. Je m'en allais loin dans le passé chercher la misère dont j'étais issue, et je m'en faisais une volonté qui parvenait à me faire avancer.

. De la naissance à la mort, de la mort à la naissance, nous ne cessons, par le souvenir, par le rêve, d'aller comme l'un vers l'autre, à notre propre rencontre, alors que croît entre nous la distance.

. Je me pris à pleurer doucement, non plus sur moi et mes omissions et mes regrets, mais sur le chagrin d'un enfant de trieze ans, porté toute une vie sans être vraiment consolé, et à présent à jamais inconsolable.

. Je ne savais pas que c'est le premier effet de la mort que de faire vivre le disparu dans la mémoire de ceux qui l'ont aimé avec une clarté et une intensité jamais encore éprouvés.

. Cette mort et bien plus tard bien d'autres dans ma vie jamais ne m'ont dit le vide, le néant. Celle-ci ne me parlait pas non plus d'une autre vie, d'un autre monde. Elle était à mes yeux le mystère entier, jamais entrouvert, la totale franchise enfin, l'obscurité intacte, et, à cause de cela peut-être, plus belle que ce que j'avais jamais vu sur terre. À le regarder, j'avais l'impression que la vie, presque tout de la vie, était une distraction, après une autre pour tenter de nous dissimuler l'essentielle vérité.

. Ainsi, je devais apprendre, en vivant, que ce n'est pas à l'heure des grands chagrins que l'on désire le plus ramener nos morts, mais plutôt pour les consoler de la peine qu'ils se sont faite à notre sujet, et dont il me semble que nous ne pouvons les délivrer même quand nous en sommes nous-mêmes délivrés.

. Là où nous avons été heureux, nous ferions tout pour y retourner, serait-ce au prix des derniers battements de notre coeur.

. Le commencement, la fin d'un amour, deux instants pour ainsi dire immortels, restent à jamais dans la mémoire, alors que s'est affacé beaucoup de ce qui a eu lieu entre des deux instants.

. ... le bonheur prépare sa place au malheur.

. Que je mettais donc de temps à me faire à ma nature - ou était-ce à la vie elle-même? - un jour, chant et délivrance, le lendemain, tourment et détresse!

. J'y découvrais le bonheur de travailler à deux à une tâche que les deux aiment également, et qu'il n'y a pas de plus grand bonheur. Qu'étaient en effet les caresses des yeux et des mains, presque les mêmes chez tous les amoureux, auprès de la rencontre de ce qu'il y a en nous de plus intime et qui se garde le plus farouchement?

. Que la vie qui nous malmène tant a parfois pour nous de douceur, nous ramenant par d'imprévisibles chemins vers ce que nous croyions perdu.

. Voir clair en soi est souvent la dernière chose que souhaite l'amour.

. J'ai souvent trouvé la peine impossible à porter seule, mais la joie peut-être davantage.

. Longtemps j'ai voyagé sans boussole. Mais aussi, pour la traversée de la vie, que vaut une boussole?

. Que le rapprochement ou l'éloignement des êtres tient donc parfois à rien!

. Les choses du coeur ne s'oublient pas. Ce sont peut-être même les seules choses qui nous restent à la fin. Et elles ne font pas un gros tas.

. Tant, tant de fois, la solitude m'a jetée ainsi dans une meilleure connaissance des êtres et des choses.

. Et comment se fait-il que de dire vrai est ce qu'il y a de plus difficile au monde?

. C'est qu'elle dit la vérité, et la vérité, même triste, même dure, est toujours plus consolante à entendre que le mirage ou le mensonge.

. Alors pourtant que notre pauvre amour ne progresse qu'à travers les souffrances!

. ... j'éprouvai pour elle la profonde compassion que l'on ne ressent jamais pour les autres qu'à travers sa propre impuissance.

. Je vis apparaître dans ses yeux la vive détresse de qui se voit abandonné à la mort puisque les vivants prennent maintenant à leur charge les devoirs restant à cette âme à accomplir. Je compris à cet instant... que le pire de la mort est de se sentir abandonné

. Est-ce assez curieux cette façon qu'a la vie de se répéter, parfois, comme pour une séance qui aura lieu un jour, la première répétition nous donnant le sentiment du déjà vu et la suivante, beaucoup plus tard, nous jetant dans la plus étrange confusion: « Est-ce maintenant que je sais ce que je pensais savoir alors? Ou est-ce que j'ai alors su ce que je sais maintenant?»

. Je pressentais parfois que je devenais moi-même comme un vaste réservoir d'impressions, d'émotions, de connaissances, pratiquement inépuisable, si seulement je pouvais y avoir accès. Mais avoir accès à ce que l'on possède intérieurement, en apparence la chose la plus naturelle du monde, en est la plus difficile.

. Crois-tu que la souffrance des êtres pourrait provenir de celle de leurs parents qui ne l'ont pas acceptée, n'en sont pas sortis grandis et l'ont ainsi léguée, en quelque sorte décuplée, à leurs propres enfants?

. Quelquefois je m'avoue que ce qui me plaît le plus dans cette idée d'éternité, c'est la chance accordée, en retrouvant les âmes chères, de s'expliquer à fond avec elles, et que cesse enfin le long malentendu de la vie.

. Ce que je ne savais pas, c'est combien longtemps, après avoir été frappé à mort, tente encore de revivre, demande encore à vivre l'amour. La ténacité qu'il y met, l'âme ne voulant plus de ce que veut encore le corps - elle-même, la pauvre âme, se leurrant aussi - est lieu de toutes les aventures qui nous arrivent l'une des plus terrifiantes et incompréhensibles.

. Il y a des mots comme cela: une fois dits, on les entendra toujours. Ils se logent dans quelque coin de la mémoire d'où on ne pourra les faire sortir. Ils nous attendent à un tournant de la pensée, la nuit souvent, quand nous ne pouvons nous rendormir, alors que ce sont toujours les vieilles souffrances qui viennent nous retrouver les premières. Peut-être, quand nous serons cendre et poussière, ou âme immortelle, que nous nous en souviendrons encore. Et s'ils nous traquent ainsi à travers la vie, et peut-être au-delà, c'est sans doute qu'ils contiennent une part de vérité.


Saviez-vous qu'une citation de Gabrielle Roy est inscrite sur le billet de 20$ canadien? La voici:

«Nous connaîtrions-nous seulement un peu nous-mêmes, sans les arts!»

La citation est tirée du roman LA MONTAGNE SECRÈTE et nous rappelle que les arts et la culture définissent qui nous sommes, ainsi que les croyances, les valeurs et les coutumes que nous avons en commun.

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