mardi 1 mai 2007

Le cent soixante-quatrième saut de crapaud

Comme vous avez bien apprécié UN DOUBLE EXIL, le roman-jeunesse écrit en 1993 avec le groupe 31... je vous en offre maintenant un second: L'HISTOIRE QUI NE DEVAIT PAS AVOIR DE FIN.

Celui-ci également est une oeuvre scolaire mais avec un autre groupe d'élèves et une autre école de la Rive-Sud de Montréal. En fait, c'est à la lecture de celui-ci que le deuxième est né. En effet, les élèves du DOUBLE EXIL souhaitaient vivre aussi une expérience de création.

Je vais déposer trois (3) chapitres par jour durant le mois de mai. Aujourd'hui, c'est l'introduction qui se veut une explication de la démarche.

Bonne lecture.




L'HISTOIRE QUI NE DEVAIT PAS AVOIR DE FIN

INTRODUCTION


Pour l'homme de la brousse qui ne sait pas compter au-delà de ses dix doigts, le nombre onze est inaccessible. Bernard Shaw

Écrire avec ceux qui ne savent pas écrire sans faire une faute par mot, est-ce un argument pour ne pas écrire?

Jean Hébrard dans « Rôle du parler dans l'apprentissage de l'écrit » soutient que parler, lire et écrire sont des activités langagières. C'est le langage. Il dit qu'apprendre à lire c'est avant tout apprendre à écrire.

Parmi les difficultés de nos élèves, un obstacle majeur se situe au niveau d'apprendre à faire des hypothèses sur un texte et de les vérifier. Longtemps, on leur a montré à déchiffrer, à décoder, afin de mieux lire. L'effet fut de les rebuter, les éloigner de l'écrit au point qu'ils risquent de s'handicaper pour le reste de leur vie face aux mots, aux phrases et partant, aux livres.

Écrire ce roman, ce récit ou cette histoire avec dix-sept adolescents de 13 à 15 ans présentant des difficultés graves d'apprentissage, s'appuyait sur les concepts suivants: les recherches sur le cerveau droit, la pédagogie ouverte selon Claude Paquette, l'apprentissage par la créativité d'André Paré et les théories de la lecture de Jean Hébrard.

La démarche que nous avons suivie s'appuie sur ces paramètres. L'idée. venue en novembre 1990 au retour d'un camp à Ste-Victoire. fut proposée à un groupe qui se cherchait, qui n'allait nulle part...

La première étape couvrit toute la recherche d'idées afin d'établir le scénario. Le cerveau droit se laissa aller pendant des heures, alimenté par des revues, de la musique, des exercices de relaxation.

En deuxième étape, nous avons travaillé à déceler une ligne directrice à travers ces images transformées en idées. Un scénario et un plan en surgirent.

Nous avons, par la suite, créer nos personnages. Tout au long du projet, chacun avait à les défendre, les situer dans l'histoire et les aider à réagir aux diverses situations qu'ils ou qu'elles allaient devoir vivre.

Pour alimenter notre création, nous posions un problème relié aux éléments de l'histoire. Chacun y allait de ses hypothèses. Une mise en commun faisait éclore ce qui se retrouvait dans le livre.
J'avais comme responsabilité de réécrire les résultats en « écriture pour tous ». Par la suite, nous relisions et réécrivions le texte s'il n'y avait pas unanimité. Partout dans la démarche le concept de la divergence vers la cohérence de Claude Paquette nous a permis d'avancer.

Pendant des mois, les dix-sept sont devenus à un certain moment Joe, Mario, Rock, Annie, ou Caro. J'oubliais Raccoon. Ils les ont suivis jusqu'à l'étang. De là commence cette vérittable aventure, ce camp sauvage qui deviendra initiatique pour chacun.

Il y a chez cette gang un peu de leurs créateurs avec leurs espoirs, leurs problèmes, leurs idéaux et sûrement leur regard vers l'avenir.

Jusqu'où le fantastique et la réalité se mêlent-ils? Y a-t-il finalement dans notre vie ce mélange parfois explosif des deux?

Et cela a donné la création que vous avez entre les mains.

C'est beaucoup la vie de six jeunes qui vivront le passage de la réalité au fantastique et qui en reviendront se demandant où se situent l'un et l'autre. Se demandant si la réalité, parfois, n'est pas mêlée au fantastique au point qu'on n'arrive plus à les démêler.

C'est aussi la solitude en groupe. Cette volonté de vivre de ses propres ailes avec toute l'incertitude que cela signifie. C'est regarder l'autre à partir de références qui s'écrouleront parfois lamentablement. C'est aussi l'expérience de jeunes qui, tout en regardant les autres, réagissent, se situent par rapport aux problèmes de leur âge.

C'est le groupe, cette si complexe organisation qui souvent nous est imposée et sur laquelle on a peu et parfois aucune influence. C'est le groupe mais l'individu qui cherche à s'y intégrer sans perdre son intégrité. C'est moi et mon « qui suis-je? » fondamentalement adolescent. L'insécurité de vouloir se dire tout en se cachant derrière des modes, des attitudes, des déguisements.

Et ce vouloir si fort de dire, de crier le vide qui nous habite parfois lorsque face à nous-mêmes. L'identité cherchée et la découverte au plus profond de soi de cette grandeur oubliée d'un être humain hier si petit, aujourd'hui si démuni et demain si plein d'espoir, de fureur de vivre.

C'est la nuit qui tombe et la peur qui nous envahit. La peur qui se colle à nous, triste héritage avec lequel il faut composer. L'inquiétude comme manière de vivre et la mélancolie, ce problème d'homme qui ne nous appartient pas en exclusivité.

Les Six vous arrivent. Ils sortent de la tête de dix-sept adolescents qui ont souffert avec eux, les ont protégés, les ont regardés marcher, les ont abandonnés quelque temps puis les ont repris et les ont encouragés.

Ils vous les laissent. Ils les ont aimés comme on aime un ami que l'on découvre au jour le jour. Ils les ont vus se transformer et essayer de rejoindre ce qu'ils voulaient devenir.

Faites-y attention. Ils nous sont précieux. Raccoon aussi! Ils nous sont précieux car ils nous auront permis, durant dix mois, de nous poser des questions sur nous-mêmes. De nous comparer non pas à ce que nous étions mais à ce que nous serons.

Faites-y attention! Et faites attention à partir de maintenant aux triangles, à tout ce qui donne 9 lorsque l'on additionne les chiffres.
Le roman, le livre ou l'histoire, c'est à vous de choisir, vous le remarquerez a 63 chapitres... il s'est achevé le 27 mai 1991...
63, ça donne 9.
27, ça donne 9.

Bonne lecture et sachez qu'il suffit pour écrire non pas de savoir placer des mots sans fautes l'un à côté de l'autre. Il faut un cerveau créateur qui génère des idées. Et nous trouvons les nôtres... géniales.

Je finirai en citant Shirley MacLaine: « ... le pourquoi des choses n'importe pas, c'est le comment qui compte. »

Jean Turcotte
Enseignant
Le 3 juin 1991

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