Comment résister, une fois dit que le crapaud y est plongé totalement, à ne pas vous offrir quelques magnifiques phrases tirées de ALEXIS ZORBA, de l’auteur crétois Nikos Kazantzaki.
Elles se présentent toutes seules, sans commentaires. Les voici :
. Tout a un sens caché dans ce monde, pensai-je. Hommes, animaux, arbres, étoiles, tout n’est qu’hiéroglyphes; heureux celui qui commence à les déchiffrer et à deviner ce qu’ils disent, mais malheur à lui. Quand il les voit, il ne les comprend pas. Il croit que ce sont des hommes, des animaux, des arbres, des étoiles. C’est seulement des années plus tard, qu’il découvre leur vraie signification.
. Le vieux monde est palpable, solide, nous le vivons et luttons avec lui à chaque instant, il existe. Le monde de l’avenir n’est pas encore né, il est insaisissable, fluide, fait de la lumière dont sont tissés les rêves, c’est un nuage battu par des vents violents – l’amour, la haine, l’imagination, le hasard, Dieu… Le plus grand prophète ne peut donner aux hommes qu’un mot d’ordre et, plus ce mot d’ordre sera imprécis, plus le prophète sera grand.
. J’étais heureux, je le savais. Tant que nous vivons un bonheur, nous le sentons difficilement. C’est seulement quand il est passé et que nous regardons en arrière que nous sentons soudain – parfois avec surprise – que nous étions heureux. Mais moi, sur cette côte crétoise, je vivais le bonheur et savais que j’étais heureux.
. Je remplirais ma chair d’âme. Je réconcilierais en moi, enfin, ces deux ennemies séculaires…
. La vie, c’est un embêtement, poursuivit Zorba; la mort, non. Vivre, sais-tu ce que ça veut dire? Défaire sa ceinture et chercher la bagarre.
. Comme toutes ces choses, qui m’avaient jadis tellement fasciné, me parurent, ce matin-là, n’être que hautes acrobaties charlatanesques! Toujours, au déclin de toute civilisation, c’est ainsi que s’achève, en jeux de prestidigitateur, pleins de maîtrise – poésie pure, musique pure, pensée pure – l’angoisse de l’homme. Le dernier homme – qui s’est délivré de toute croyance et de toute illusion, qui n’attend plus rien, ne craint plus rien – voit l’argile dont il est fait, réduite en esprit, et l’esprit n’a plus rien où jeter ses racines pour sucer et se nourrir. Le dernier homme s’est vidé; plus de semence, plus d’excréments, ni de sang. Toutes choses sont devenues mots, tous les mots jongleries musicales. Le dernier homme va encore plus loin : il s’assied au bout de sa solitude et décompose la musique en muettes équations mathématiques.
. Le rythme infaillible de l’année, la roue tournante du monde, les quatre faces de la terre, qui l’une après l’autre, sont éclairées par le soleil, la vie qui s’en va, tout cela me remplit de nouveau d’un trouble oppressant. De nouveau retentissait en moi, avec le cri des grues, le terrible avertissement que cette vie est unique pour l’homme, qu’il n’y en a pas d’autre et que tout ce dont il peut jouir, c’est ici qu’on en jouira. Il ne nous sera donné, dans l’éternité, aucune autre chance.
Un esprit qui entend cet avis impitoyable – et en même temps si plein de pitié – prend la décision de vaincre ses mesquineries et ses faiblesses, de vaincre la paresse, les grandes espérances vaines et de s’accrocher, tout entier, à chacune des secondes qui fuient à jamais.
. - Et quel est ton plat préféré, grand-père?
- Tous, tous, mon fils. C’est un grand péché de dire : ça c’est bon, ça c’est mauvais!
- Pourquoi? On ne peut pas choisir?
- Non, pour sûr, on ne peut pas.
- Pourquoi?
- Parce qu’il y a des gens qui ont faim.
. … l’éternité est chacune des minutes qui passent.
. L’idée, c’est tout, dit-il. Tu as la foi? Alors une écharde de vieille porte devient une sainte relique. Tu n’as pas la foi? La Sainte Croix tout entière devient une vieille porte.
. L’homme, l’infortuné, a élevé autour de sa propre petite existence une haute forteresse inexpugnable, prétend-il; il s’y réfugie et s’efforce d’y apporter un peu d’ordre et de sécurité. Un peu de bonheur. Tout y doit suivre les chemins tracés, la sacro-sainte routine, obéir à des lois simples et sûres. Dans cet enclos fortifié contre les incursions violentes du mystère, se traînent, toutes-puissantes, les petites certitudes aux mille pattes. Il n’y a qu’un seul ennemi formidable, mortellement redouté et haï : la Grande Certitude. Or, cette Grande Certitude avait maintenant franchi les murailles et s’était ruée sur mon âme.
. Les hommes se rencontrent et se séparent comme les feuilles que chasse le vent; en vain, le regard s’efforce de retenir le visage, le corps, les gestes de l’être aimé; dans quelques années on ne se rappellera plus si ses yeux étaient bleus ou noirs.
. Le vieux monde est palpable, solide, nous le vivons et luttons avec lui à chaque instant, il existe. Le monde de l’avenir n’est pas encore né, il est insaisissable, fluide, fait de la lumière dont sont tissés les rêves, c’est un nuage battu par des vents violents – l’amour, la haine, l’imagination, le hasard, Dieu… Le plus grand prophète ne peut donner aux hommes qu’un mot d’ordre et, plus ce mot d’ordre sera imprécis, plus le prophète sera grand.
. J’étais heureux, je le savais. Tant que nous vivons un bonheur, nous le sentons difficilement. C’est seulement quand il est passé et que nous regardons en arrière que nous sentons soudain – parfois avec surprise – que nous étions heureux. Mais moi, sur cette côte crétoise, je vivais le bonheur et savais que j’étais heureux.
. Je remplirais ma chair d’âme. Je réconcilierais en moi, enfin, ces deux ennemies séculaires…
. La vie, c’est un embêtement, poursuivit Zorba; la mort, non. Vivre, sais-tu ce que ça veut dire? Défaire sa ceinture et chercher la bagarre.
. Comme toutes ces choses, qui m’avaient jadis tellement fasciné, me parurent, ce matin-là, n’être que hautes acrobaties charlatanesques! Toujours, au déclin de toute civilisation, c’est ainsi que s’achève, en jeux de prestidigitateur, pleins de maîtrise – poésie pure, musique pure, pensée pure – l’angoisse de l’homme. Le dernier homme – qui s’est délivré de toute croyance et de toute illusion, qui n’attend plus rien, ne craint plus rien – voit l’argile dont il est fait, réduite en esprit, et l’esprit n’a plus rien où jeter ses racines pour sucer et se nourrir. Le dernier homme s’est vidé; plus de semence, plus d’excréments, ni de sang. Toutes choses sont devenues mots, tous les mots jongleries musicales. Le dernier homme va encore plus loin : il s’assied au bout de sa solitude et décompose la musique en muettes équations mathématiques.
. Le rythme infaillible de l’année, la roue tournante du monde, les quatre faces de la terre, qui l’une après l’autre, sont éclairées par le soleil, la vie qui s’en va, tout cela me remplit de nouveau d’un trouble oppressant. De nouveau retentissait en moi, avec le cri des grues, le terrible avertissement que cette vie est unique pour l’homme, qu’il n’y en a pas d’autre et que tout ce dont il peut jouir, c’est ici qu’on en jouira. Il ne nous sera donné, dans l’éternité, aucune autre chance.
Un esprit qui entend cet avis impitoyable – et en même temps si plein de pitié – prend la décision de vaincre ses mesquineries et ses faiblesses, de vaincre la paresse, les grandes espérances vaines et de s’accrocher, tout entier, à chacune des secondes qui fuient à jamais.
. - Et quel est ton plat préféré, grand-père?
- Tous, tous, mon fils. C’est un grand péché de dire : ça c’est bon, ça c’est mauvais!
- Pourquoi? On ne peut pas choisir?
- Non, pour sûr, on ne peut pas.
- Pourquoi?
- Parce qu’il y a des gens qui ont faim.
. … l’éternité est chacune des minutes qui passent.
. L’idée, c’est tout, dit-il. Tu as la foi? Alors une écharde de vieille porte devient une sainte relique. Tu n’as pas la foi? La Sainte Croix tout entière devient une vieille porte.
. L’homme, l’infortuné, a élevé autour de sa propre petite existence une haute forteresse inexpugnable, prétend-il; il s’y réfugie et s’efforce d’y apporter un peu d’ordre et de sécurité. Un peu de bonheur. Tout y doit suivre les chemins tracés, la sacro-sainte routine, obéir à des lois simples et sûres. Dans cet enclos fortifié contre les incursions violentes du mystère, se traînent, toutes-puissantes, les petites certitudes aux mille pattes. Il n’y a qu’un seul ennemi formidable, mortellement redouté et haï : la Grande Certitude. Or, cette Grande Certitude avait maintenant franchi les murailles et s’était ruée sur mon âme.
. Les hommes se rencontrent et se séparent comme les feuilles que chasse le vent; en vain, le regard s’efforce de retenir le visage, le corps, les gestes de l’être aimé; dans quelques années on ne se rappellera plus si ses yeux étaient bleus ou noirs.