vendredi 11 mai 2007

Le cent soixante-quatrième saut de crapaud (8)

Raccoon

Chapitre 22


La journée fut superbe. Bob, même si le goût de ne rien faire, de prendre du soleil le tenaillait, savait que plusieurs préparatifs l'occuperaient. Réaliser qu'une bonne partie de la nuit on ne dormira pas, le laissait songeur. Pour lui, il n'y avait qu'une seule et unique pensée: le camp sauvage. Idée qu'il avait ruminée toute l'année et même à l'époque où il demeurait au Nouveau-Brunswick alors qu'un groupe d'une dizaine de pionniers (scouts les plus âgés) avaient organisé un camp de survie. Ils y avaient mis tellement de temps, d'énergie. Ils ne parlaient que de cela et chacun de leurs gestes, mêmes les plus anodins, étaient en fonction de leur projet: deux semaines en forêt, sans cartes, seulement à la boussole, dans des conditions minimales.

Bob, tout petit, les écoutait avec tellement d'admiration qu'il s'était juré qu'un jour, à son tour, il organiserait une activité semblable. Il l'avait suggérée mais ses animateurs scouts lui répondirent que ce n'était pas de leur âge. Depuis ce refus, Bob se préparait à en parler à la gang.

En acceptant toutes les propositions de sorties et d'activités des membres de la gang, surtout la danse du vendredi soir au Badaboum, Bob se préparait à ce que, amenant l'idée du camp sauvage, on soit un peu mal à l'aise de lui dire non. C'est de cette façon qu'il fut comme nommé chef de la gang, parce qu'il savait accepter les initiatives des autres et participer même à ce qui ne l'intéressait pas énormément. Même Joe le reconnaissait.

Arrivant aux tentes, Bob vit que Rock faisait le tour de l'emplacement, semblant chercher quelque chose:
- Qu'est-ce que tu as perdu?
- Rien, lui répondit Rock
- Crains-tu que le soleil te dérange demain matin, interrogea Bob.
- Non, mais je suis sûr que Joe va faire une crise quand il saura qu'il dormira dans la tente des Villeneuve.
- Pourquoi?
- Elle est très bien montée mais n'est pas aérée. Ça sent l'humidité comme c'est pas possible, dit Rock qui semblait prendre cela personnel.
- Si Joe remarque ça, mon Rock, je la tourne de l'autre côté, répondit Bob en riant. Fais-toi en pas avec si peu.
- Peut-être que c'est moi que ça dérange dans le fond.
- Arrête donc, Rock, et profite un peu de ton après-midi. Tu sais demain ça ne sera pas nécessairement facile. Le parc national est reconnu pour être très dense. On risque de suer pas mal avant de retrouver de bons emplacements. Sur mes cartes, j'ai déniché deux ou trois endroits près du lac d'Amour mais je ne sais pas ce que l'hiver a bien pu faire comme ravages. En plus que c'est un endroit peuplé de chevreuils.
- Ça peut être dangereux?

Bob vit dans le visage de Rock cette espèce d'insécurité qui le caractérisait mais cette fois-ci elle était associée à quelque chose de précis. On savait que Rock avait peur de tout et de rien, mais jamais on ne l'avait vu réagir lorsque sa mère n'était pas là pour le prendre dans ses bras et le rassurer. Un Bob sceptique ajouta:
- Il n'y a pas de quoi mourir mais nous devrons être prudents et suivre à la lettre les recommandations que je vous donnerai.
- Tu peux compter sur moi, Bob, je vais faire tout ce que tu me demanderas.

Alors qu'ils jasaient, Annie complètement essoufflée, arriva en courant:
- Venez vite, venez voir ce que Joe a trouvé.




Les trois repartirent, Annie en tête. Au fond du terrain de camping, c'était carrément la forêt, même pas une petite clairière, juste une clôture délimitant le Domaine du Rêve face au mur immense que constituait la forêt. Rien à voir avec le petit boisé au bout de la rue, près du parc à Rodon Pond.

Annie s'arrêta alors que Mario et Caro, marchant à reculons, cachait Joe devant eux. Elle se retourna vers Bob et Rock qui cherchaient à voir ce que Joe portait dans ses bras. Mario, le sourire fendu jusqu'aux oreilles, reniflait. Joe, fier de lui, avait trouvé un bébé raton laveur et le tenait contre sa poitrine.

- Où l'as-tu trouvé? demanda Bob.
- Y a une grosse roche au boute d'la rue. On était à s'faire griller quand j'ai entendu gratter. J'pensais que Ti-Cote faisait une farce mais en me levant, j'ai vu ce p'tit raton qui essayait de grimper. J'lai ramassé.
- Pourquoi tu pleures, Mario, s'inquiéta Caro.
- Je suis allergique aux poils d'animaux, dit-il en éternuant.
- T'as juste à t'éloigner, dit Joe serrant l'animal contre lui.

Tous regardèrent Joe qui n'avait d'yeux que pour le petit raton laveur:
- Il va s'appeler Raccoon.
- C'est-tu un beau nom ça, précisa Annie s'approchant de Joe qui se retourna, croyant qu'on voulait lui enlever son animal.
- Raccoon, c'est parfait pour un raton laveur, dit Rock, mais je me demande s'il a encore sa mère.
- Cé pas toé ça, répondit Joe suspectant tout le monde

Bob invita Mario à le suivre. Ils avaient des choses importantes à régler avant le départ du lendemain. En partant, le chef jeta un coup d'oeil vers Joe et sa nouvelle découverte. Poussa un profond soupir...
- Ça ne sera pas facile de le lui enlever des mains, ça m'a l'air, dit Mario reniflant moins plus il s'éloignait.
- Impossible, je pense.
- Il va falloir qu'un des deux n'entre pas dans la tente, insista Mario.
- À quelle heure penses-tu que la fête devrait finir, ce soir?
- D'après ce qu'on entend dans le fichu d'haut-parleur, la parade débutera vers minuit et le Père Noël arrivera vers 2 heures. Ensuite, il y aura un réveillon au petit centre communautaire du Domaine. C'est pas fini avant 5 ou 6 heurtes du matin.

Mario et Bob s'entendirent pour fixer le départ vers le parc national pour 11 heures et proposèrent qu'après le souper, le groupe se réunisse afin de recevoir les dernières instructions. Mario avait hâte d'annoncer que c'était sur le pouce qu'ils feraient le trajet vers le parc national. Avant la fête, chacun devra avoir achever ce qu'il avait à faire et deviendrait responsable de son heure de coucher. Mais à 11 heures, demain, on partait.

- On a trouvé un petit restaurant à la sortie du camping, reprit Mario, éternuant une autre fois.
- Quand?
- Alors que tu jasais avec monsieur Gagnon, on a fait le tour des lieux, dans le camping et à l'extérieur. À quelques mètres au sud on a découvert ce petit restaurant, genre bar laitier. Il y avait des jeunes. Quelques-uns sont du Domaine, d'autres de la région. Joe leur a parlé et on doit se rencontrer vers 11 heures. Je ne suis certain que la fête de Noël intéresse tout le monde, Rock peut-être.
- Bon.

Les deux achevaient l'examen des cartes et la liste du matériel à apporter. Les autres arrivèrent... Joe avait son nouvel ami dans les bras.



Chapitre 23



Vers 6 heures, l'appétit se faisait sentir chez les membres de la gang. Tout en mangeant, Bob et Mario achevèrent leur discussion sur le programme de la soirée, de même que les modalités du départ du lendemain matin. Un problème venait de survenir et il fallait le régler: Raccoon. Ce septième partenaire, pour les deux complices qui voyaient bien que Joe ne le laissait pas d'une semelle, devait maintenant faire partie des plans. Aucun argument logique ou non ne réussirait à l'inciter à retourner l'animal dans son milieu naturel.

Également, l'enthousiasme pour la fête de Noël en été organisée par le camping, sur une échelle l'évaluant, n'établirait pas de record. La rencontre avec les jeunes au petit restaurant apparaissait plus intéressante.

- Selon ce qu'on peut entendre, cette fête devrait se terminer tôt demain matin, dit Bob. Il y a aura certainement beaucoup de bruit. Comme nous ne voulons pas partir trop tard demain, n'oublions pas que nous sommes quand même à 50 kilomètres du parc national, et que de l'entrée, il nous faudra marcher à travers les bois durant quelques heures pour arriver à l'un ou l'autre des deux points de campement prévus, organisons notre soirée de façon intelligente.
- De plus, ajouta Mario, vous devrons faire le trajet d'ici au parc national sur le pouce, en équipes de deux: Annie et Bob; Rock et Joe; Caro et moi.
- T'oublie Raccoon, mon Ti-Cote. Il sera avec moé, ajouta Joe aussi rapidement que l'éclair.

Personne ne parla. Le message était clair maintenant: le petit raton laveur ne quitterait pas le groupe. Pour démontrer son sérieux, Joe rajouta:
- Raccoon, Joe et Rock.
-Raccoon avec Rock et Joe, conclut Bob.

En lui-même, Rock jubilait. Pour une des rares fois de sa vie, un désir intérieur se réalisait. Il ne pouvait savoir comment ça allait se passer mais de se retrouver sous la dépendance de Joe, ne serait-ce que quelques heures, lui faisait un énorme plaisir, au point que Raccoon ne le dérangeait plus, au contraire.

- Tu dis rien? questionna Mario en scrutant l'attitude de son associé.
- Moi, je suis les ordres, répondit Rock.
- Ben élevé mon p'tit, reprit Joe qui n'en dit pas plus, même si le fait de partir avec Rock ne l'enchantait pas; au moins, il était sûr que son bébé raton laveur faisait partie de la gang. Ses yeux resplendissaient.

- Qui a fait les équipes? La question provenait d'Annie.
- Mario et moi, lui répondit sèchement Bob. Ça ne te va pas?
- Et si on se perd? relança-t-elle.
- Avec moi, ça sera difficile, ma petite soeur.
- Je pense surtout aux autres.
- Si tous et chacun écoutent comme il faut les consignes, on devrait se retrouver autour de 3 heures à l'entrée du parc national.
- On part à quelle heure? interrogea toujours Annie.
- 11 heures. Pas plus tard. Voilà pourquoi, il faut prendre une décision pour l'activité de ce soir.
- De toute façon, Raccoon et moi, on couche dehors. Officiel.

La discussion dura un long moment entre une bouchée, une gorgée, un rire, une engueulade, un silence... et la décision de se rendre au petit restaurant. Mario et Bob profitèrent de l'occasion et commencèrent à donner les instructions pour le lendemain alors que Rock s'était élancé dans la vaisselle et que Mario réalisait avec bonheur que le septième arrivé dans la gang ne coucherait pas dans la tente. Ses allergies en seraient épargnées.

À 8 heures, les Six + un entrèrent dans le petit restaurant. Le jour déclinait tout doucement; la soirée s'annonçait douce avec cette légère brise transportant toutes sortes d'odeurs et maladroitement, tentait de chasser les bibittes. Ce petit restaurant se trouvait à moins de 5 minutes de marche du Domaine du Rêve. Lorsqu'ils entrèrent, c'était aussi vide que Chez Pit. Une dame, en service derrière le comptoir, offrait le visage de celle qui n'aime pas jaser: Pit au féminin...

- Une bière d'épinette frette, commanda Joe.
- Pas un autre, répondit-elle.
- Un autre quoi? Cé t'y la mode dans vot bois de boire d'la bière d'épinette, interrogea le nouveau père adoptif.
- Non, c'est pas ça. Elle leur tourna le dos, aussi sociable qu'une statue de sel plantée au beau milieu de nulle part.

Alors que les membres de la gang s'asseyaient près de la moustiquaire dans une pièce ressemblant à un grand salorium, le bruit de quelques scooters se fit entendre. Huit jeunes se pointèrent: quatre garçons, quatre filles vêtus de manière tout à fait spéciale. Cheveux coupés inégalement: rasés d'un côté, longs de l'autre. Jeans noirs déchirés un peu partout, t-shirts qui déjà furent blancs. Le plus frappant était certainement les colliers et les boucles d'oreilles. Joe portait une boucle d'oreille cachée par ses longs cheveux de même qu'un collier en chaîne, mais rien de comparable à ce qu'eux portaient.

Les filles arboraient des gants en cuir coupés aux jointures, des bottes noires lacées devant certainement leur donner assez chaud aux pieds. Celle qui conduisait un scooter, la seule d'ailleurs, transportait deux rats sur ses épaules: un albinos blanc, l'autre tacheté noir et blanc.

La gang comprit ce que voulait dire la dame du comptoir. Joe se pencha vers Mario:
- Si y en a un qui approche Raccoon, j'y sèche les crottes dans l'nez.
- Tu sècheras rien icitte, mon Joe, répondit Mario, examinant les réactions des filles de la gang .
- Je ne veux pas de bibittes dans mon restaurant, dit la dame sur un ton plus ou moins convaincant.
- Le chat sauvage dans le coin là-bas, y a ben une bibitte avec lui, répondit le plus grand, ses yeux pas commodes plantés sur Joe qui sentit monter en lui grande bouffée de rage. Il se leva tout d'un coup:
- Approche, pis té mort, le rat d'égoût.

La tension devint insupportable. Les filles Poulin n'en menaient pas large; celles des scooters s'en aperçurent. Bob demanda à Joe de se calmer alors que Rock se dirigeait vers les toilettes.

- J'appelle la police, si ça continue, reprit la dame, dirigeant son message vers les deux coins du restaurant où se tapissaient les groupes.

La fille aux rats dans le cou se tourna vers la gang:
- Les petits enfants de la ville sont venus camper avec papa pis maman.
- On n'est pas venu ici pour avoir du trouble, répondit Bob se dirigeant vers les nouveaux arrivés tout en revoyant dans sa tête quelques techniques de boxe.

Joe tenait Raccoon, ne laissant pas des yeux les punks vers lequels Bob approchait. Se plaçant devant le comptoir, son regard chercha celui ou celle qui pouvait être son émule. Mario alla le rejoindre pendant qu'Annie, cachée derrière Joe, soufflait comme un engin.

- Connaissez-vous le parc national? À la surprise générale, c'était Caro qui venait de lancer cette question qui refroidit l'atmosphère.

La fille aux rats l'examina avant de se retourner vers celui qui , de toute évidence, cherchait à faire éclater Joe. Un grand silence s'abattit sur le restaurant que brisa un «Come on, gang!» lancé le querelleur, les yeux enfouis dans ceux du grand de la gang des Six + un.

Les scooters partirent dans un nuage de poussière et de roches que les pneus poussés à fond formèrent. Rock revint des toilettes et s'enquit de la suite des choses. Personne ne pouvait vraiment l'informer, mais cette fois-ci les autres se questionnaient: était-ce Joe ou Raccoon qui avait surchauffé l'atmosphère, y déposant une bonne couche d'agressivité?

Les jeunes que les Six - moins Mario et Bob - rencontrèrent au cours de l'après-midi se présentèrent au restaurant vers 11 heures. Ils jasèrent jusqu'à minuit, heure à laquelle le petit restaurant fermait. Ils revinrent au camping tentant de s'imaginer ce que sera cette fameuse parade de Noël en été. Ils s'amusèrent avec les jeunes de la région mais une courte phrase lancée au hasard par un des jeunes, chicotait Bob. Il disait que dans le parc national, « il s'y passait des choses bizarres ». Lui, c'était cela qui l'accrocha; les autres en avaient que pour leur rencontre, le camping chromé et Raccoon qui passait des bras de Joe, par terre, puis revenait à Joe.

À quelques pas du Domaine du Rêve, les cantiques de Noël leur écorchèrent les oreilles.
- Dis rien, Joe, on s'en doute, lança Annie qui durant toute la soirée tenta de prendre Raccoon des mains du grand qui, pas une seconde, ne l'avait laissé.

La parade démarrait à peine. On y voyait des lutins, des rennes, de la neige artificielle ou en papier mâché accrochée à des traîneaux, des enfants courant partout comme pour s'assurer qu'on était le 24 juin et non pas le 24 décembre. Les hauts-parleurs, vraiment poussés au maximum, entrecoupaient la musique de circonstance des rires du Père Noël. Le bonheur semblait total et contagieux. Les Six + un s'étant assurés que le spectacle n'en valait pas la peine, retournèrent vers leur installation.

- Maudite tache que je suis fatigué, dit Rock ressortant de la tente, son matériel de toilette sous le bras. Je vais à la douche et je me couche.
- J'y vais avec toi, dit Mario en éternuant.

Les filles étaient couchées depuis un bon moment quand Bob entra dans la tente. Joe, écrasé au pied d'un arbre, s'enroula dans son sac de couchage. Il surveillait son raton laveur assoupi près de lui et au loin, une fête semblant perdre de son ampleur. Le haut-parleur ne crachait plus rien depuis un bon moment alors que le grand s'endormit après avoir pris soin de faire entrer Raccoon dans son lit portatif.

Mario ne dormait pas, pas avant que le fête fut belle et bien achevée. Il plaça l'alarme sur sa montre pour 9 heures, s'enroula, éternua puis tomba dans le monde des rêves...




Chapitre 24


C'était silence dans la nuit quand Mario s'endormit... et que Joe fit cet étrange rêve : il se retrouvait dans son sac de couchage, le même que chez lui, toujours le même, un bébé raton laveur dormant sur son ventre, respirant au même rythme que lui... il entendit le bruit de quatre scooters s'arrêtant à quelques centimètres... une jeune fille aux cheveux coupés ras, deux rats posés sur chacune de ses épaules, le regardait... un albinos blanc et l'autre tacheté de noir et de blanc... les yeux de la jeune fille aussi noirs que les vêtements qu'elle portait... les boucles d'oreilles, les chaînes à son cou et à son poignet firent jaillir une drôle de lumière dans les yeux de Joe... instinctivement, sa main chercha le bébé raton laveur pendant que la jeune fille le dévisageait et que le bruit des scooters devenait de plus en plus terrifiant... impossible de mettre la main sur l'animal... la panique s'empara de lui... la jeune fille ouvrit la bouche, d'une grandeur anormale où des dents noires se confondaient à une odeur fétide, puis se mit à rire... sans arrêt... il voulut lui sauter dessus mais, tel un mirage, elle disparut, son rire se confondant à un très fort vrombissement de moteur... il avait chaud, suait et se mit à crier; « Raccoon! ».

Rock était devant lui. En sueurs, Joe fouilla dans son sac de couchage et dénicha son bébé raton laveur qui poussa un petit cri.
- J'ai rêvé une maudite folie. Il colla Raccoon sur sa joue.

À Rock qui le dévisageait, Joe dit:
- Pourquoi tu m'r'gardes de même, le p'tit?
- T'es bizarre, Joe.
- J'ai repensé à l'affaire des punks, au restaurant.
- Quels punks, Joe?
- Ceux qui sont venus à soir avec les scooters, continua Joe qui se sentit tout croche.
- Y a pas eu de punks, au restaurant, Joe, seulement ceux qu'on a rencontrés cet après-midi, martela Rock se demandant qui sa sécurité serait adéquate en compagnie du grand, lorsqu'ils partiront sur le pouce.
- T'es pas ben, Béliveau. La fille avec les rats pis les chaînes, relança Joe cherchant dans les réactions de Rock un indice pouvant le rassurer.
- D'après ce que je peux voir, t'as fait un super cauchemar, Joe. Veux-tu que j'aille te chercher de l'eau pour te ramener un peu?
- Aie!, t'es pas ma mère, répondit sèchement Joe, de plus en plus perdu. Va te coucher asteure.

Le grand ne pouvait cacher son inquiétude devant cette histoire. Depuis l'âge de 12 ans, il a touché à toutes les drogues surtout pour remplir le vide autour de lui et combler sa solitude: seul à la maison, seul dans l'ancienne gang avec qui il se tenait. La drogue devint l'unique façon de chasser la tristesse de son coeur.

Lentement, doucement, épisodiquement, au début... Puis tout a basculé, au point que son problème devint la manière de pouvoir payer sa ration quotidienne. Sans trop de difficulté, il utilisait l'argent que son père lui donnait pour manger mais il dut, par la suite et sans que le paternel s'en aperçoive, le voler; la présence dont il avait besoin lui coûtant de plus en plus cher.

Un rêve collé à des évévnements dont il était certain avoir vécus dans la journée même et que Rock venait de démentir, en pleine nuit, quelque part dans les Laurentides, sur un terrain de camping « chromé » comme il se plaisait à le dire, cela le tracassa. Et si c'était Rock qui capotait? Est-ce que Raccoon existait vraiment? L'animal était bien vivant, en chair et en poils, devant lui, se léchant les pattes. Cette fille et les scooters?

Joe s'imagina que son cerveau déraillait. Même s'il avait cessé de consommer depuis plus de 10 mois - il ne considérait pas la cigarette comme une drogue - mis à part quelques joints très occasionnellement, est-ce que son cerveau réagirait par manque de substances? Les yeux ouverts, fixant le firmament, Raccoon dans les bras, il décida que de se poser des questions ne l'amènerait nulle part et cessa... Toutefois, d'avoir eu l'air fou devant Rock, cela le travaillait fort.

Les cheveux toujours mouillés par la sueur, il compta les étoiles et aurait souhaité que Raccoon puisse lui parler, tout comme il avait le goût de lui dire que même s'ils ne se connaissaient que depuis quelques heures, il tenait énormément à lui. Les yeux pesants, il s'endormit.

Rock, lorsqu'il revint dans la tente, remarqua qu'il avait fait pipi dans son sac de couchage. D'entendre crier Joe en pleine nuit l'avait réveillé et surtout, bien énervé. Par chance, il avait placé un piqué de sorte que le sac de couchage ne s'en retrouva pas trop humide. Il sortit sa bouteille de parfum, en échappa quelques gouttes de même que sur son pyjama, jeta un coup d'oeil du côté de Mario qui dormait - il semblait dormir, du moins - ferma la lampe de poche et se recoucha.



Ce qui restait de la nuit fut doux. Un vent léger, entre les tentes, ramenait les campeurs du Domaine du Rêve à la douce réalité de l'été. Nous n'étions pas jour de Noël, mais l'atmosphère des Fêtes semblait avoir, pendant quelques heures, traversé ce camping familial, première étape des Six + un.

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...