vendredi 14 septembre 2018

CHRONIQUES VIETNAMIENNES

Résultat de recherche d'images pour "débat des chefs 2018"
Jean-François Lisée, Philippe Couillard, Manon Massé, François Legault


J’ai suivi le premier débat des chefs, en temps réel, à partir de la plateforme web du journal LE DEVOIR. Une note : nous étions plus de 100 personnes à écouter (et voir) en début de débat; plus le temps s’écoulait moins de gens demeuraient branchés.Intéressant, civilisé et à la limite, je crois, éclairant pour ceux et celles qui l’auront suivi.

Pas question pour moi de déclarer un vainqueur, encore moins d’analyser (on pourrait écrire "analiséé") la performance de chacun des 4 chefs de parti, mais  vous offrir en vrac les notes prises au fur et à mesure qu’il évoluait.


ALLONS-Y.


Le linge et les accessoires

J’ai toujours soutenu que le linge que porte quelqu’un – tout comme ses accessoires - est un critère important dans le jugement que l’on a sur ladite personne.

Philippe Couillard : complet bleu et cravate de la même couleur; un jonc à l’annulaire gauche et une épinglette à son veston à l’effigie du Parti Libéral du Québec. Le stylo à sa main droite ne l’a pas quitté un seul instant.

François Legault : aucun jonc, rien sur son complet gris représentant la Coalition Avenir Québec.

Jean-François Lisée : pas de jonc mais une épinglette aux couleurs du Parti Québécois sur son complet noir.

Manon Massé : un jonc à l’annulaire de la main gauche, un bracelet au poignet droit ainsi qu’un bijou accroché à une chaîne argent, à son cou; tenue noire et blanc.


Je fais une diversion du côté du modérateur Patrice Roy qui m’est apparu fort efficace, menant bien le débat, seul à être demeuré assis tout le long de la rencontre alors que les chefs se tenaient debout derrière une tribune qui m’a semblé confondre son gris à un décoloré anthracite. Il a rappelé, et cela à plusieurs reprises, que les débatteurs se devaient de répondre aux questions posées avec clarté tout en ayant le souci de respecter les auditeurs.


Les questions


Elles allaient dans le sens des points inscrits à l’ordre du jour à savoir la santé, l’éducation, l’économie, l’environnement et l’immigration. Chacune des questions posées par 8 femmes et 4 hommes, permettait une courte réponse de la part de chacun des quatre, suivait un échange entre les débatteurs puis Patrice Roy apportait des sous-questions afin d’approfondir le sujet. La question portant sur l’environnement a été amenée par une jeune qui ira voter pour la première fois le 1er octobre. Les autres provenaient de personnes plus âgées.


La qualité de la langue


Le premier débat, organisé par Radio-Canada, s’est déroulé en français; un suivant également en français puis un autre en anglais.

Que penser de la qualité de la langue parlée de nos chefs lors de ce débat ?

Philippe Couillard, à mon avis, est celui qui a le moins commis d’impairs. Prononciation parfaite et diction intelligible tout cela accompagné par une gestuelle bien dosée. Il savait regarder dans les yeux chacun des interlocuteurs à qui il s’adressait tout en tenant compte des auditeurs qui le suivaient. Il décroche un 9/10.

François Legault n’a pas l’aisance du Premier ministre, ayant souvent tendance à répéter les mêmes mots dans un style que je qualifierais d’ennuyant. Reconnu pour ses frasques linguistiques – n’a-t-il pas déjà dit que l’exportation de l’électricité à l’extérieur du Québec, il en faisait une priorité – le Chef de l’opposition officielle a été fidèle à son habitude, soit d’user d’intonations qui peuvent surprendre. Ce soir, j’avais l’impression de réentendre la même cassette jouée et rejouée jusqu’à l’usure. J’évite de commenter la manière dont ses mains continuellement jouent à balayer l’air. Il décroche un 7/10.

Jean-François Lisée a certainement été le plus intéressant à écouter. Une voix qui porte bien, un choix de mots précis lui évitant d’user de synonymes ou de périphrases qui ne peuvent qu’alourdir le propos. Des gestes d’un naturel qu’on les oublie. Diction et prononciation d’une efficacité quasi chirurgicale. L’utilisation, à une seule occasion durant le débat, du prénom d’un adversaire ("avec tout le respect que je vous dois, François") démontre le calme et l’assurance que sa voix transmettait. Je lui accorde un 9,5/10.

Manon Massé est une "vraie’" elle se plait à le répéter. Elle alimente son discours de termes qui parfois sont des barbarismes ou des anglicismes, mais cela colle bien au personnage. La qualité de la langue, chez elle, est intimement liée à sa capacité d’écoute. Sûrement la seule à regarder fort attentivement les ameneurs de questions. Sa langue et son écoute font d’elle une communicatrice empathique et vraie. On s’attendait à quelques "pogos", nous avons reçu un plat de résistance fort appétissant. Elle décroche un 7,5/10.


Tout juste avant de vous livrer les notes prises en cours de débat relatives à chacun des 4 chefs de parti, en voici quelques-unes d’ordre général:

1)  Le débat est parti sur les chapeaux de roues maintenant une cadence qui ne pouvait que ravir les auditeurs;
2)   Nous avons assisté au retour des comparaisons Québec/Ontario, à tel point que l’on se serait cru à l’époque de Robert Bourassa;
3)   On a tellement abordé la question des difficultés reliées à la petite enfance, aux non diplômés à la fin des études, aux décrocheurs que l’on peut imaginer que notre système d’éducation leur porte un intérêt important alors que sur le terrain on se plaint du peu d’intérêt de la part des élus;
4)   Très peu question des femmes et des syndicats;
5) La façon dont Patrice Roy a prononcé le nom de l’homme vietnamien est erronée. Manon Massé a corrigé le tir en y allant de manière juste;
6)   L’ensemble du débat a été civilisé, peut-on espérer un jour le même décorum à l’Assemblée nationale ? ;
7)  Ici, lorsque l’on parle de minorités culturelles alors qu’en Asie-du-est on utilise le terme "ethnie";
8) Le temps (au final) reflète la tendance que les sondages nous offrent : CAQ, PLQ, PQ, QS.

Les chefs


Philippe Couillard a offert une performance digne de ce dont habituellement il nous offre. D’un air neutre, il est devenu évident que la cible qu’il allait viser était François Legault qu’il a "bouché" sur la question des coupes en éducation. Insistant beaucoup sur le fait que François Legault a une mauvaise vision des situations, qu’il sème la confusion en n’étant jamais clair, ne sachant pas ce dont il parle et aborde les problèmes de manière populiste, il a même osé un "vous faites peur aux gens". Je ne sais si son désir de "donner une leçon" à Manon Massé sur ce qu’est vraiment la question de l’offre en agriculture, lui aura rapporté des points. Je conclus en disant que voulant se montrer au-dessus de la mêlée, il aura oublié l’espace de deux heures son statut de Premier ministre. Lors du débat de 2014, il avait su, avec brio, se distancer des autres candidats par cette impression donnée qu’il pouvait être un homme d’état.

François Legault, tout au long des affrontements, me semblait devoir refréner une certaine colère, du moins c’est l’effet que son langage non verbal laissait paraître. Toutes, ou à peu près, ses interventions ont tourné autour des $, de la rémunération, du gaspillage, tout allant se régler par de bons salaires. À la question du salaire minimum il la transforme en parlant de revenu annuel. Souvent, son imprécision nous envahit alors que de son côté tout semble simple et limpide. Pour lui, il le dit en réponse au rêve qui l’habite quand il songe au Québec, les valeurs sont des objectifs. Rien de bien stimulant quand il se projette dans les nuages! Sera-t-il satisfait de sa performance ? De mon côté, celui d’auditeur, elle n’aura pas su m’arracher le moindre sentiment de la part de celui pour qui l’environnement se rapproche de la pensée de Donald Trump : "y a rien là…".

Jean-François Lisée je le dis d’entrée de jeu, est tout un débatteur. Il manie à merveille sa facilité naturelle à répliquer coup pour coup, souvent avec une phrase qui tue. Puis-je qualifier de désinvolte l’attitude qu’il a conservée du début à la fin ! Alors qu’on le croyait en dehors de la joute, il rebondit avec une aisance rare du commun. En sera-t-il de même lors du dévoilement des résultats le 1er octobre ? Chose certaine, c’est un autre Jean-François Lisée que nous avons vu ce soir que celui dépeint par les médias. Il s'agissait d'un homme maniant avec brio le fait que la télévision lui offrait la chance d’entrer directement en contact avec les gens. Je crois qu’il a réussi son pari. Boucher Patrice Roy n’est pas donné à tout le monde. Le chef du PQ l’a fait alors que l’animateur lui reprochait d’utiliser un document - chose interdite par les règles du débat - rétorquant illico qu’on ne pouvait pas les montrer. Je crois que le débat aura permis à Jean-François Lisée de devenir un "nouveau Jean-François Lisée".

Manon Massé, sans l’ombre d’un doute celle qui a le plus souri lors de ce match l'opposant à trois hommes. Debout malgré un fémur en mauvaise état, elle a offert à tous ses dénigreurs l’image d’une femme – excusez cette petite pointe sexiste – très belle. Son visage a littéralement crevé l’écran. La grande force de Manon Massé au niveau de la communication réside dans le fait qu’elle écoute attentivement ne cherchant pas, en lieu et place, les mots de sa réponse ou de sa réplique. Les grands chantiers que QS proposent à l’électorat ont été plus importants pour elle que de se faire du capital politique. Comme j’ai apprécié cette référence au Rapport Parent au sujet des écoles privées, tout comme elle a martelé que les CPE sont un lieu d’éducation non pas juste une garderie. Utilisant le "nous" alors que les autres lui préféraient le "je" ou le "on", Manon Massé a été… une vraie solidaire.

Conclusion et pointage

Si je pars de l’hypothèse suivante, à savoir que les électeurs québécois, pour une importante majorité, sont à la recherche d’un rechange au gouvernement actuel, suite au premier débat des 4 chefs, quel parti peut sembler répondre le mieux à cette volonté ?

Poser la question c’est un peu y répondre. Deux partis se trouvent éliminés au départ soit le PLQ et QS, leur chance de former le prochain gouvernement étant nulle. On doit se retourner vers la CAQ et le PQ. Un choix entre le meneur dans les sondages et le troisième.

Au Québec, tout comme au Canada, les électeurs d’un certain âge ont été élevés dans le bipartisme : les rouges et les bleus. Depuis, se sont ajoutés diverses formations politiques, les principales étant le NPD au Canada, le PQ et la CAQ au Québec. Le Parti Vert (au fédéral) ainsi que QS (au provincial) devraient être considérés comme des joueurs sérieux le jour où plus de 15% de la population leur aura manifesté un appui tangible et quantifiable.

Le bipartisme a joué un rôle important lors des élections canadiennes de 2015. Alors que tous les observateurs prévoyaient le NPD comme remplaçant du Parti Conservateur de Stephen Harper dont plus personne ne voulait après plus de dix années au pouvoir, les Canadiens moulés au bipartisme, ont opté pour les Libéraux de Justin Trudeau.

Si cette donnée, le bipartisme, avait son mot à dire lors de l’élection québécoise 2018, je suis porté à penser que cela favoriserait le PQ. La CAQ, malgré des scores supérieurs à ceux des autres partis, ne peut pas encore être considéré comme le "deuxième parti", celui vers qui on se retourne traditionnellement afin de changer de gouvernement. Ne reste que le PQ pour ceux qui souhaitent un gouvernement différent de l’ancien.

Ceci n’est ni une projection ni une prévision, strictement l’application de la théorie du bipartisme, laquelle peut facilement être démolie, je vous le concède.

Je clos cette chronique en accordant un pointage à chacun des chefs suite au débat du 13 septembre.

Philippe Couillard :     7/10
François Legault :      6/10
Jean-François Lisée :  9/10
Manon Massé :          7/10

N’oublions pas que deux débats restent à venir et un plus de deux semaines à la campagne électorale.

À bientôt

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...