J’arrive difficilement à me remettre à l’écriture malgré le fait que je revisite certains textes inachevés, quelques poèmes entrepris avant le 16 septembre et qui incubent actuellement, sans réussir à leur donner cette charpente que l’architecture initiale avait structurée. J’ai vu à Villefranche le mot «architexture». On l’a créé afin d’associer photographie et texte. Un bâtiment et à sa porte, par terre, une photographie l’illustrant à une autre époque, accompagné d’un texte qui recadrait le tout. Belle idée.
J’arrive difficilement à me remettre à l’écriture. Plus facile avec la lecture et encore ardu avec la marche. En fait, il y a problème aux trois axes qui me sont essentiels, vitaux. Je me demande si mon esprit n’est pas en train d’ankyloser (paralyser par ankylose – diminution ou impossibilité absolue des mouvements d’une articulation naturellement mobile – perdre de sa rapidité de réaction, de mouvement par suite d’une immobilité, d’une inaction prolongée).
J’ai beaucoup fouillé dans mes recueils de poèmes afin d’y découvrir ceux ou tout simplement celui qui, d’abord, se rapprocherait le plus de mon état d’âme actuel puis allait pouvoir me relancer… Voici, du moins je le crois ce matin, le Saint-Denys Garneau qui répond le mieux à ce que je ressens présentement.
Bout du monde!
Bout du monde! Bout du monde! Ce n’est pas loin!
On croyait au fond de soi faire un voyage à n’en plus finir
Mais on découvre la platitude de la terre
La terre notre image
Et c’est maintenant le bout du monde cela
Il faut s’arrêter
On en est là
Il faut maintenant savoir entreprendre le pèlerinage
Et s’en retourner à rebrousse pas de notre venue
Avec le dépit à nos trousses de cette déconvenue
Et s’en retourner à contre-courant de notre image
Sans tourner la tête aux nouvelles voix de notre richesse
On a déjà trop attendu au bord d’un arrêt tout seul
On a déjà perdu trop de cœur à s’arrêter.
Nous groupons à l’entour de l’espace
de ce que nous n’avons pas
La réalité définitivement acceptable
de ce que nous pourrions avoir
Des colonies et des possessions
et toute une ceinture d’îles
Faites à l’image et amorcées par ce point
au milieu central de ce que nous n’avons pas
qui est le désir.
Hector de Saint-Denys Garneau
Je remarque que ce poème ne renferme aucun «je»… les pronoms utilisés sont les «ce», «il», «on», «en», «nous», «s’», «soi», «cela»… indifféremment employés comme personnels ou impersonnels, possessifs ou démonstratifs… il y a peut-être là quelque indice!
Pour me secouer, il faudrait peut-être m’intéresser à la politique municipale si fertile en rebondissements; à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1); au cas du subtil Sergeï Kostitsyn; ou encore, chercher à répondre à des questions existentielles, comme celle-ci : quand, exactement, meurt la feuille qui tombe de l’arbre à l’automne, est-elle morte avant d’échouer sur le sol?
Secouons-nous d’ici le prochain saut…