vendredi 26 février 2010

Le trois cent trente-septième saut / Le trois-cent-trente-septième saut



Depuis un certain temps, j’ai honte. Et cela me dérange. Je me suis donc mis à chercher le pourquoi du pourquoi, le comment du comment, enfin toutes ces questions qui essaient de faire le tour d’un problème ou d’une situation.

D’abord, définir le mot «honte : de Robert en Larousse, d’étymologie en analogie, de synonymes en antonymes… j’en suis arrivé au fait que l’on peut, soit éprouver ou infliger de la honte : avoir honte ou faire honte.

Voici donc où se situe mon propos éditorial en cette fin de février, mois de la déprime occasionnée par un manque de lumière ou une certaine langueur de l’âme… On a le choix.

Donc, j’ai honte. Pour mieux traduire mon sentiment, je devrais dire : j’ai honte parce qu’on me fait honte. J’éprouve une honte que l’on m’inflige. – Je sens du côté du lecteur une certaine hâte à ce que j’arrive à l’essentiel de mon propos… -

Il y a quelques années (depuis la livraison de mon premier passeport canadien, en 1972), voyager à l’extérieur de cet immense pays qu’est le Canada me permettait de constater à quel point, mon pays mes amours! … trônait au cœur d’une certaine élite mondiale, parmi le gratin de ceux dont on disait de belles et bonnes choses, un endroit où il faisait bon vivre. On parlait de l’engagement nos casques bleus (ONU) qui menaient rondement et efficacement des missions de paix un peu partout dans le monde. On encensait notre mode de vie, à la fois moderne et respectueux des traditions nordiques. On nous (les Québécois, Canadiens-Français de l’époque) savait sujets britanniques mais un tantinet rebelles, aux idées autonomistes parfois sécessionnistes réclamant une terre française en terre canado-américaine majoritairement anglophone, et on trouvait cela intéressant. On ne pouvait situer exactement le Québec sur une carte géographique mais c’était la même chose pour le Canada si grand entre deux océans et au-dessus des États-Unis d’Amérique. On aimait notre accent savoureux rappelant à certains Français de France que nous étions, à échelle réduite, de la mouture des ancêtres Gaulois. En fait, on parlait du Canada de bien belle manière.

Puis tout a changé. Sans tomber dans une mesquine analyse politico-socio-etc., je suis en mesure de croire que l’arrivée du seigneur Harper, Stephen de son auguste prénom, et de sa troupe hybride (conservateurs + réformistes) eh! bien (je le sais, c’est une faute mais je préfère l’écrire ainsi) c’est à partir de là que remonte ma honte, qu’elle s’enracine.

Je n’ai jamais été un Canadien émérite, ayant plutôt vécu dans les officines du nationalisme québécois, mais mon passeport canadien renouvelé depuis près de quarante ans, ce passeport me rappelle suprêmement que je le suis de droit.

Je n’ai pas honte du passeport, il est quand même agréable à voir, bien fait et me permet toujours de circuler un peu partout avec facilité. Ce n’est pas là que le bât blesse. C’est plutôt lorsqu’on parle du Canada (ici et ailleurs), du Canada de maintenant, de ce gouvernement minoritairement actuel mais qui agit avec une majoritaire audace, c’est là que la honte envahit mon âme… de février!

Nous (un nous inclusif, je le sens bien) sommes maintenant perçus et reconnus comme des barbares de par le monde. Nous (l’armée canadienne en notre nom) tuons à tort et à travers en Afghanistan et cela pour défendre des valeurs que nous ne respectons même pas en terre canadienne. Nous (le gouvernement mineur de Harper et compagnie, en notre nom) réduisons de minimums à plus minimums encore nos gestes significatifs afin de contrer les effets néfastes liés aux changements climatiques, à un point tel qu’il est judicieux de se demander si le problème existe réellement pour Harper et compagnie. Nous fûmes pointés du doigt, plus d’une fois d’ailleurs, à Copenhague comme étant le pays le plus rétrograde dans ce domaine essentiellement urgent. Nous (toujours ces objets de honte que sont nos dirigeants actuels) refusons de reconnaitre à un citoyen canadien (un enfant-soldat) ses droits élémentaires et qui plus est, le laissons croupir dans une prison qui rebute même aux Américains. Nous (je n’insiste pas) prorogeons le Parlement (la Chambre des Communes), muselons la démocratie et ses représentants, renvoyons aux calendes grecques tous les projets de loi en voie d’être adoptés et pire encore, mettons fin aux travaux d’un comité dont le mandat était de faire la lumière sur la participation de notre armée canadienne à la torture de certains prisonniers afghans. Nous imposons d’inutiles sénateurs pour des raisons purement stratégiques alors que l’institution même du Sénat a toujours été remise en question par ce parti minoritairement au pouvoir. Nous recevons de leur part ce message démocratique : une fois le vote enregistré dans les urnes électorales, tout est fini, là s’achève la démocratie et laissez-vous diriger là où on le veut bien.

Voici une liste peu exhaustive des raisons alimentant mon sentiment de honte, sentiment qui se dirige maintenant en extrême droite ligne vers l’inquiétude. Je suis inquiet pour la suite des choses, ce qui pourrait survenir à moyen terme si, dieu nous en préserve, de minoritaire, ce Harper et compagnie se retrouvait en situation de gouvernement majoritaire.

Que faire alors? Le cynisme ambiant par rapport à tout ce qui a trait à la politique ou du moins à l’implication citoyenne n’a rien pour susciter l’encouragement. Et ça semble être planétaire.

Personnellement - et j’aborde la question de manière purement «locale» - je crois qu’il me faut, et le plus rapidement possible, exiger un autre passeport que celui que m’émet le Canada. Je ne dis pas que changer de pays soit l’unique solution, je pense très sérieusement qu’il ne m’est plus possible de demeurer Canadien dans les conditions actuelles.

Ne pas respecter la planète… Ne pas respecter la démocratie… Ne pas respecter les droits individuels… Ne pas respecter la paix dans le monde… Voilà les nouvelles valeurs canadiennes auxquelles je ne souscris pas.

Je fais appel ici à mes compatriotes québécois: il faut dès maintenant que nous sortions de ce piège qui nous empoigne l’âme et «bush» l’espoir. Je propose donc aux propriétaires québécois d’un passeport canadien et qui croient, un tant soit peu, que ce nouveau Canada ne correspond plus à ce qu’ils attendent d’un État du siècle XXI, retournent leur passeport puis s’engagent à faire du Québec un pays libre, autonome, souverain, indépendant et ouvert aux autres pays qui vont dans le même sens!

Restera toutefois cette obsédante question : pourquoi la honte et l’inquiétude ne rejoignent-elles pas les Harper et compagnie ?


Au prochain saut

- Ce saut est écrit en nouvelle orthographe. -

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