Monique Wittig
«Monique Wittig s’autoproclame «lesbienne radicale », formule qui désigne autant une préférence sexuelle qu’un choix politique. Ce choix se retrouve dans ses livres, et Monique Wittig ne mettra plus en scène que des femmes. Pour éviter toute confusion, elle précise : « Il n’y a pas de littérature féminine pour moi, ça n’existe pas. En littérature, je ne sépare pas les femmes des hommes. On est écrivain, ou pas. On est dans un espace mental où le sexe n’est pas déterminant. Il faut bien qu’on ait un espace de liberté. Le langage le permet. Il s’agit de construire une idée du neutre qui échapperait au sexuel ».
Théoricienne du «féminisme matérialiste», elle dénonce le mythe de « la femme », met en cause l'hétérosexualité comme régime politique, base d'un contrat social auquel les lesbiennes refusent de se soumettre : « La femme n'a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels. Les lesbiennes ne sont pas des femmes » en 1978.
Cela doit se comprendre dans le sens où, pour elle, la catégorie « femme » a été créee par et pour la domination hétérosexuelle-masculine et que par conséquent, une femme qui ne répond pas aux critères de "féminité" dictés par l'hétéronormativité et qui ne se soumet pas à l'"homme" n'est pas une femme mais une lesbienne. Wittig appelle ainsi toutes les femmes à devenir "lesbiennes", le mot étant entendu d'un point de vue politique, pour un affranchissement de la classe femme, et non plus du point de vue de l'orientation sexuelle.
Monique Wittig développe une critique du marxisme (qui entrave la lutte féministe), mais aussi une critique du féminisme (qui ne remet pas en cause le dogme hétérosexuel), pour aboutir à une critique du dogme hétérosexuel, porté par la « pensée straight ».
À travers ces critiques, Wittig prône une position universaliste forte. L’avènement du sujet individuel et la libération du désir demandent l’abolition des catégories de sexe.
Née le 13 juillet 1935 à Dannemarie dans le Haut-Rhin (France), Monique Wittig a été l'une des fondatrices du Mouvement de libération des femmes. Le 26 août 1970, en compagnie de quelques femmes, elle déposait à l'Arc de triomphe une gerbe à la femme du soldat inconnu - évènement considéré comme le geste fondateur du mouvement féministe en France.
En 1971, on la retrouvait aux Gouines rouges, premier groupe lesbien constitué à Paris. Elle participa également aux Féministes Révolutionnaires.
Soutenu par Marguerite Duras, son premier livre, L'Opoponax reçoit le Prix médicis. Ses oeuvres littéraires suivantes ne passent pas inaperçues : Le corps lesbien, Les guerillères...
En 1976, elle quitte Paris pour les États-Unis, où elle a enseigné dans de nombreuses universités, notamment à l’Université de Tucson où elle donna ses derniers cours entre autres, au département des Études sur les Femmes, avant de mourir le 3 janvier 2003 à Tucson (Arizona, États-Unis).»
Voici quelques citations colligées lors de mes lectures.
PARIS-LA-POLITIQUE
. Afin que le pouvoir ne vous monte pas à la tête, on vous la frappe tous les soirs à l'heure du tocsin.
. Il y a peut-être quelques maisons disséminées à droite et à gauche du chemin. Aucune lumière ne les signale aucun aboiement de chien. La voix s'est perdue. Après les quelques appels, les quelques phrases criées que l'éloignement ou le vent ont déformées, il n'y a plus rien. Il faut marcher dans une direction quelconque en renonçant à s'orienter. Siffler entre les doigts de façon stridente a été tenté et ne sert à rien. Faire en soufflant sur ses pouces joints le cri de la chouette est tout aussi inutile. Quand viendra le matin?
.Et s'il faut mourir, tends à ce bonheur souverain, vile créature à qui rien sur cette terre n'appartient, sauf la mort. N'est-il pas écrit que c'est en la risquant que tu cesseras d'être esclave?
LE CORPS LESBIEN
LE CORPS LESBIEN
. Il se forme de grands cercles sur la plage, des bougies blanches sont disposées très près les unes des autres dans des réseaux complexes qui couvrent des surfaces étendues.
. Je suis celle qui a le secret de ton nom. Je retiens ses syllabes derrière ma bouche fermée alors même que je voudrais les crier au-dessus de la mer pour qu'elles y tombent s'y engloutissent sombrent.
. ... les larmes coulent de nouveau, je pleure avec une ardeur qui s'accroît tandis que tes mains me touchent, tandis que tu m'incites par tes sourires et par tes paroles à pleurer plus encore, mais tu le sais tu le sais, je te vole mon mal, tu le sais j'ai si mal de toi que j'ai bonheur extrême.
LES GUÉRILLÈRES
. Les écritures si diverses qu'elles soient ont toutes un caractère commun.
. Elles disent qu'elles cultivent le désordre sous toutes ses formes. La confusion les troubles les discussions violentes les désarrois les boulversements les dérangements les incohérences les irrégularités les divergences les complications les désaccords les discordes les collisions les polémiques les débats les démêlés les rixes les disputes les conflits les débandades les débâcles les cataclysmes les perturbations les querelles les agitations les turbulences les déflagrations le chaos l'anarchie.
. Elles disent qu'il n'y a pas de réalité avant que les mots les règles les règlements lui aient donné forme.
L'OPOPONAX
. On dit à ma soeur, il revient quand, il ne revient pas, mais quand, jamais, alors il est mort, non il n'est pas mort, et où c'est qu'on met les gens qui sont morts, dans un trou, mais ils vont au ciel?
. … il tombe de la neige fondue. On enfonce dans la boue. Les coquelicots sont mouillés. On dit, les soleils couchants revêtent les champs les canaux la ville entière d'hyacinthe et d'or le monde s'endort dans une chaude lumière. On dit, tant je l'aimais qu'en elle encore je vis.
- Je signale qu'aujourd'hui, un 13 juillet, en 1983 disparaissait Gabrielle Roy.
Photo originale de Monique Wittig par:
© Babette Mangolte
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