Hélène Grémillon |
Parmi les innombrables mots qui
composent la langue française, le mot mot est certainement celui que l’on emploie le plus souvent… sans nécessairement l’utiliser. Continuellement au
bout du crayon ou du clavier, le mot dont je vous propose une définition par
après, devenu phrase ou plus encore une fois joint à d'autres, exprime
une idée, en est sa représentation visuelle et auditive.
Le mot : son ou groupe de
sons articulés ou figurés graphiquement, constituant une unité porteuse de
signification à laquelle est liée, dans une langue donnée, une représentation
d'un être, d'un objet, d'un concept, etc.
Pourquoi m’attarder aujourd’hui
sur le mot? La raison en est fort simple : Hélène Grémillon. L’auteure
du livre LE CONFIDENT paru en 2010 a reçu le Prix Roblès pour ce roman qui mêle
récit historique et suspens psychologique.
1975. Après la mort de sa mère,
Camille reçoit une lettre d'un expéditeur inconnu. Puis, chaque semaine, de
nouvelles lettres arrivent lui racontant une histoire débutée plus de trente
ans auparavant, à l'aube de la guerre, jusqu'à la révélation d'un terrible
secret qui la concerne.
Voilà pour l’histoire.
… les
mots servent souvent à arranger la nature des choses. Cette phrase tirée du roman m’a
autant plu que le livre lui-même.
Alors que ce livre pivote autour
de l’axe lettres (écrites, reçues et lues) / révélations (réelles,
parfois troublantes au fur et à mesure que les missives s’accumulent) une évidence
m’est apparue : les mots se composent de lettres - la langue française
en contient vingt-six - et leur juxtaposition peut remettre de l'ordre dans la nature des choses…
Cela m’a fasciné. Une lettre - prenons
le E
(selon Rimbaud, il serait blanc) - n’est presque rien. Qu’une voyelle.
La plus utilisée de la langue française (Georges Perec l'élimine entièrement dans son roman LA DISPARITION) qui, en soi, n’a aucun sens . Ajoutons-la
à des consonnes, des voyelles et nous voici devant un mot auquel on peut attribuer différentes significations. Une
fois réuni à d’autres (un texte dans un contexte donné) et selon la langue qui l’affiche, il permet d’exprimer
une pensée ... arranger la nature des choses.
Je vous offre quelques citations
tirées de ce roman fort intéressant.
. Ce ne sont pas les autres qui
nous infligent les pires déceptions, mais le choc entre la réalité et les
emballements de notre imagination.
. L’être humain sent-il le
danger au point de le nier?
. L’amour est un principe
mystérieux, le désamour plus encore, on arrive à savoir pourquoi on aime,
jamais vraiment pourquoi on n’aime plus.
. Les gens s’accrochent quand on
leur ment, pas quand on leur dit la vérité.
. Pour une mère, trop court ou
trop long, c’est toujours mauvais signe.
. On ne peut pas reprocher à la
vie de vous reprendre ce que vous ne regardiez plus.
. Avant, je trouvais ça bien l’avortement :
modernité, libre arbitre de la femme… maintenant, je me débats dans un piège qui
comme tous les pièges, fleurait bon la liberté. Progrès pour la femme, tu
parles! Je veux garder le bébé, je suis coupable envers Nicolas qui n’en veut
pas. Je le fais passer, je suis coupable envers le bébé. En prétendant sauver
la femme de l’esclavage de la maternité, l’avortement lui impose une autre
sorte d’esclavage : sa culpabilité. Plus que jamais, la maternité devient
notre seul fait ou méfait.
. Je décidai de rejoindre la
grande route, une foule en marche me semblait moins dangereuse qu’une foule qui
piétine.
. Maman me disait toujours qu’on
reconnaît les dépressifs aux gens qui mangent dans leur frigo.
. Les messes basses avaient
remplacé les conseils, on était passé des choses dont on parle sans qu’on vous
accorde la parole, aux choses dont on ne parle pas.
. Il était de ceux dont la
discrétion consiste à ne pas parler des problèmes s’ils n’ont pas de solutions
à proposer.
. Le danger rend précis.
. Une femme trompée est une mère
en puissance.
Le livre – j’oubliais de vous
préciser, détail sans doute complètement inutile – est écrit par Hélène
Grémillon, la femme de Julien Clerc.
Et – détail complètement charmant – débute
par ces quelques vers de Federico Garcia Lorca :
le passé revêt
sa cuirasse de fer
et se bouche les oreilles
avec l’ouate du vent.
Jamais on ne pourra lui arracher
un secret.
Au prochain saut