mardi 28 mai 2013

QUATRE (4) CENT-QUARANTE-CINQ (45)


Hélène Grémillon

Parmi les innombrables mots qui composent la langue française, le mot mot est certainement celui que l’on emploie le plus souvent… sans nécessairement l’utiliser. Continuellement au bout du crayon ou du clavier, le mot dont je vous propose une définition par après, devenu phrase ou plus encore une fois joint à d'autres, exprime une idée, en est sa représentation visuelle et auditive.

Le mot : son ou groupe de sons articulés ou figurés graphiquement, constituant une unité porteuse de signification à laquelle est liée, dans une langue donnée, une représentation d'un être, d'un objet, d'un concept, etc.

Pourquoi m’attarder aujourd’hui sur le mot? La raison en est fort simple : Hélène Grémillon. L’auteure du livre LE CONFIDENT paru en 2010 a reçu le Prix Roblès pour ce roman qui mêle récit historique et suspens psychologique.

1975. Après la mort de sa mère, Camille reçoit une lettre d'un expéditeur inconnu. Puis, chaque semaine, de nouvelles lettres arrivent lui racontant une histoire débutée plus de trente ans auparavant, à l'aube de la guerre, jusqu'à la révélation d'un terrible secret qui la concerne.

Voilà pour l’histoire.

   … les mots servent souvent à arranger la nature des choses. Cette phrase tirée du roman m’a autant plu que le livre lui-même.

Alors que ce livre pivote autour de l’axe lettres (écrites, reçues et lues) / révélations (réelles, parfois troublantes au fur et à mesure que les missives s’accumulent) une évidence m’est apparue : les mots se composent de lettres - la langue française en contient vingt-six - et leur juxtaposition peut remettre de l'ordre dans la nature des choses… 

Cela m’a fasciné. Une lettre - prenons le E (selon Rimbaud, il serait blanc) - n’est presque rien. Qu’une voyelle. La plus utilisée de la langue française (Georges Perec l'élimine entièrement dans son roman LA DISPARITION) qui, en soi, n’a aucun sens . Ajoutons-la à des consonnes, des voyelles et nous voici devant un mot auquel on peut attribuer différentes significations. Une fois réuni à d’autres (un texte dans un contexte donné) et selon la langue qui l’affiche, il permet d’exprimer une pensée ... arranger la nature des choses.

Je vous offre quelques citations tirées de ce roman fort intéressant.

. Ce ne sont pas les autres qui nous infligent les pires déceptions, mais le choc entre la réalité et les emballements de notre imagination.

. L’être humain sent-il le danger  au point de le nier?

. L’amour est un principe mystérieux, le désamour plus encore, on arrive à savoir pourquoi on aime, jamais vraiment pourquoi on n’aime plus. 

. Les gens s’accrochent quand on leur ment, pas quand on leur dit la vérité.

. Pour une mère, trop court ou trop long, c’est toujours mauvais signe.

. On ne peut pas reprocher à la vie de vous reprendre ce que vous ne regardiez plus.

. Avant, je trouvais ça bien l’avortement : modernité, libre arbitre de la femme… maintenant, je me débats dans un piège qui comme tous les pièges, fleurait bon la liberté. Progrès pour la femme, tu parles! Je veux garder le bébé, je suis coupable envers Nicolas qui n’en veut pas. Je le fais passer, je suis coupable envers le bébé. En prétendant sauver la femme de l’esclavage de la maternité, l’avortement lui impose une autre sorte d’esclavage : sa culpabilité. Plus que jamais, la maternité devient notre seul fait ou méfait.

. Je décidai de rejoindre la grande route, une foule en marche me semblait moins dangereuse qu’une foule qui piétine.

. Maman me disait toujours qu’on reconnaît les dépressifs aux gens qui mangent dans leur frigo.

. Les messes basses avaient remplacé les conseils, on était passé des choses dont on parle sans qu’on vous accorde la parole, aux choses dont on ne parle pas.

. Il était de ceux dont la discrétion consiste à ne pas parler des problèmes s’ils n’ont pas de solutions à proposer.

. Le danger rend précis.

. Une femme trompée est une mère en puissance.


Le livre – j’oubliais de vous préciser, détail sans doute complètement inutile – est écrit par Hélène Grémillon, la femme de Julien Clerc. 

Et – détail complètement charmant – débute par ces quelques vers de Federico Garcia Lorca :

le passé revêt
sa cuirasse de fer
et se bouche les oreilles
avec l’ouate du vent.
Jamais on ne pourra lui arracher 
un secret.

Au prochain saut

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