mercredi 18 décembre 2024

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

 

Trudeau et Freeland


Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale canadienne. Les élections américaines ont retenu mon attention autant que leurs suites qui, inévitablement, allaient éclabousser le Canada, «le plus beau pays du monde» disait Jean Chrétien et que le Premier ministre actuel a repris il y a quelques heures à peine lors d'un discours devant de généreux donnateurs du Parti libéral du Canada... mais, quelques ombres flottent au-dessus du gouvernement canadien actuel

1)    
la menace du nouveau Berlusconi américain d'augmenter les tarifs douaniers de 25% pour tous les produits canadiens entrant aux USA;

Berlusconi

2)    
l'explosif bond du déficit pour cette année fiscale se chiffrant autour de 61 milliards de dollars;

3)    
plusieurs ministres ont annoncé leur intention de ne pas se représenter aux prochaines élections fédérales dont cinq femmes;

4)    
la réputation de notre Prime détruit par quelques sobriquets dont celui de Gouverneur du 51e état américain, lui enlève une certaine forme de crédibilité à l'extérieur ainsi qu'à l'intérieur du pays;

5)    
un certain à-plat-ventrisme face à nos voisins immédiats du sud ne peut servir les intérêts d'un pays qui se tient debout et le gouvernement actuel démontre que déjà il s'est agenouillé devant l'empereur;

6)        
les sondages rapportent une profonde  insatisfaction, de l'ordre des 2/3 des sondés, à l'égard du gouvernement et le même ratio à l'endroit du Prime qui, selon les chiffres, devrait démissionner. De plus, les intentions de vote sont à près de 50% dirigées vers le Parti conservateur de l'illustre émule des populistes américains et, pour à nouveau le citer, d'un certain italien répondant au nom de Berlusconi.

Voici, en bref, le fourbi entre les mains des commentateurs et des éditorialistes qui s'amusent à échafauder des hypothèses de solution, des avenues possibles, des voies de sortie de crise, car il faut bien l'admettre, le gouvernement actuel survit de cahots en secousses sur l'échelle de la température ambiante. Bien malin celui qui gagnera à la loterie ayant pour objet de la dénouer. 

Une citation de Machiavel (Le Prince) porte à réfléchir:

Gouverner, c'est mettre vos sujets hors d'état de vous nuire et même d'y penser.    
Machiavel

La sortie fracassante de madame Freeland, désormais simple députée après avoir tant fait pour ce gouvernement à la tête de plusieurs ministères, aura fait éclater au grand jour le fait que l'amitié, fût-elle intimement soudée,  ne peut résister au jeu souvent cruel mais toujours brutal de la politique. L'ancien ministre des finances de monsieur Trudeau, Bill Morneau a goûté à la même médecine et il semble que le prochain, du moins celui  que tous voyaient dans leur soupe, monsieur Mark Carney, qui a dirigé la Banque du Canada à titre de gouverneur, et, soit dit en passant, parrain d'un des enfants de madame Freeland, n'aurait pas, pour le moment du moins, l'intention de se lancer en politique malgré le fait qu'il soit conseiller spécial du Parti libéral du Canada en matière financière.

Que faire face à cette situation ? 

Personne encore n'a  réclamé l'opinion du CRAPAUD, mais je l'énonce tout de même, mentionnant que je me place immédiatement à l'abri des poursuites légales provenant d'un gouvernement dont je ne reconnais pas la légitimité constitutionnelle.

Les tarifs de 25%
Certainement la question la plus facile à régler. Le Canada et le Mexique devraient s'entendre sur un traité de libre-échange excluant les USA pour le proposer par la suite à la Chine. J'imagine l'urticaire qui s'abattrait sur les dirigeants américains voyant à leurs portes - au nord et au sud - la présence de leurs amis chinois. S'il faut choisir son prédateur, choisissons le plus éloigné de soi.

Le déficit
Sans être expert en finances publiques et si nous acceptons l'astronomique somme de 61 milliards de dollars comme étant le montant du déficit pour l'année 2023-2024, je crois que cela ne peut qu'augmenter la dette nationale - le nouveau ministre des finances, monsieur Leblanc, ne pouvait répondre à la question posée, à savoir «combien ?» - je me suis permis d'aller interroger le «Compteur de la dette du Canada» et ça nous donne le tournis à voir défiler ces chiffres à une vitesse folle, sans jamais s'arrêter. Voici ce que j'y ai lu : $1 353 048 605, 650 et ça virevolte toujours, ce qui veut dire que chaque canadien doit $40 845, 30 au moment où on se parle. Que faire ? Très simple. Un enfant de 5 ans pourrait le dire : on déclare faillite. Mais le CRAPAUD n'a plus 5 ans et ma réponse est un peu plus adulte. Comme tous les canadiens aiment leur pays - beaucoup plus que moi - demandons à chacun de régler sa part de la dette, ainsi on remet le compteur à zéro. Faites concrètement preuve de votre attachement au «plus beau pays du monde».

Démissions des minitres

Ils sont :
Chrystia FREELAND,  Sean FRASER,  
Randy BOISSONNEAULT,  Marie-Claude BIBEAU, 
Carla QUALTROUGH,  Filomena TASS,  
Dan VANDAL,  Pablo RODRIGUEZ,  
Seamus O'REGAN,  Jody WILSON-RAYBOULD,  
Gerald BUTTS,  Jane PHILPOTT,  
Bill MORNEAU,  David LAMETTI.

Peu de choses à rajouter...

En vrac

Que le Berlusconi américain et son faire-valoir Elmon Musk s'en prennent aux idées, aux projets, aux intentions du Prime canadien, c'est de bonne guerre. Ils ont plutôt choisi de le faire quasi tous les jours à partir d'une rhétorique nauséabonde et fort peu civilisée; Pierre Poilièvre leur emboîte le pas. J'admire les gens du bureau de monsieur Trudeau ainsi que ses conseillers en affaires médiatiques de ne pas répliquer, évitant ainsi d'entrer dans des insultes belliqueuses complètement superfétatoires.

J'achève ce billet avec une autre citation de Machiavel dont il m'apparaît à propos de relire son petit bouquin (LE PRINCE) datant de 1515.

Ce n'est pas le titre qui honore l'homme, mais l'homme qui honore le titre.
Machiavel




dimanche 15 décembre 2024

Si Nathan avait su (15)

 



Si nous avions l’âge de Benjamin, à la hauteur de ses cinq ans, années passées surtout la nuit à lire des poèmes d’Alain Grandbois à la lune, sa «perle fabuleuse», lorsque celle-ci daignait venir lui accorder quelques instants puisés à son parcours de satellite…
Si nous pouvions, par quelque magie, entrer dans son cerveau, explorer son imaginaire, fouiller dans tous ses mots thésaurisés dont la plupart, pour ne pas dire la grande majorité, ne sont pour lui que des sons collés bout à bout et auxquels il aura cousu des notes éclectiques de musique, l'insensible aux températures ambiantes, que seul un fanal éclaire jusqu’à ce que l’aurore chasse l’aube par ses couleurs matinales petitement ramassées dans la forêt tout à côté et ces clins d’oeil intermittents du soleil qui s’étire doucement…
S’il nous était possible, l’espace d’un instant, de circuler dans l’esprit de ce lecteur presque analphabète, mais amoureux, déjà, de l’harmonie des mots, de leur parfait équilibre sans jamais connaître ni grammaire ni syntaxe, que la poésie à l’état pur, celle d’Alain Grandbois, le seul poète qui enchantait alors et sa vie et son désir lumineux d’entrer en contact avec l’astre de la nuit, croyant, ne serait-ce que l’espace d’un court instant, se permettant de croire à tous ces univers sur lesquels il ne peut encore mettre un sens puisé à la réalité des hommes et des femmes autres que Jésabelle et Daniel…
Si nous pouvions… 
Mais non, ce n’est pas possible de percer cette bulle que l’on sent lumineuse, seul le miracle de la poésie qui demeure toujours un mystère aura réussi. Nous ne pouvons qu’en être, hommes de peu de foi, que les spectateurs incrédules, ceux qui, d’un revers de page, recueillent ce moment sublime dont nous ne saisissons qu'un sillage de l'envolée.
 
Je n’ai aucune idée de ce que Benjamin a retenu de ces mots de pure merveille, ceux d’un Alain Grandbois nous invitant à fermer l’armoire.
 
                        « Fermons l’armoire aux sortilèges
                        Il est trop tard pour tous les jeux
                        Mes mains ne sont plus libres
                        Et ne peuvent plus viser droit au coeur
                        Le monde que j’avais créé
                        Possédait sa propre clarté
                        Mais de ce soleil
                        Mes yeux sont aveuglés
                        Mon univers sera englouti avec moi
                        Je m’enfoncerai dans les cavernes profondes
                        La nuit m’habitera et ses pièges tragiques
                        Les voix d’à côté ne me parviendront plus
                        Je posséderai la surdité du minéral
                        Tout sera glacé
                        Et même mon doute »
 
Une ardente prémonition m’habite à la relecture de ces vers, m’interrogeant, à l’occasion de son décès tragique, au moment de se laisser choir de cet arbre au fond de son petit bois derrière la maison familiale, celle qui aura été rénovée lorsque Nathan entra à l’école secondaire, est-ce que ces vers, Benjamin les aura saisis alors que son «univers sera englouti» ?
 
À la fin de ses études secondaires, à la veille d’entrer au CEGEP, il avait annoncé son intention de partir en voyage pour un bon bout de temps. Son père Daniel, pas tout à fait revenu de la déception de voir que son fils aîné n’allait pas poursuivre son travail agricole fit tout pour l’en décourager, allant même jusqu’à dire que «c’est une idée de fou». Jésabelle l’encouragea du bout des lèvres alors que Nathan s’en foutait carrément. Ce projet ne se sera jamais concrétisé, un autre voyage l’attendait dans son funeste achèvement.
 
 
       *     *     *     *     *     *     *     *     *     *     *     *     *     *     *     *
 
                                                 
 
Ce fut comme si la lumière, tout d’un coup, devenait plus éclatante, imprégnant autour d’elle des morceaux de feu qui s’amusaient à enclore un personnage d’une autre dimension. S’y greffa un silence qui s’étendait au-delà du tipi, s’engouffrait dans la forêt quelques pas plus loin. Une présence diaphane, à pas feutrés, s’avançait vers le petit groupe que Jésabelle, l’épouse de Don - elle ne peut dévoiler son prénom qu’une fois parvenue à une deuxième grossesse - venait de compléter autour des deux hommes qui se tenaient maintenant comme au garde-à-vous, immobiles dans un entier respect.

- Mère, voici Daniel, le papa de Benjamin et de celui qui naîtra dans quelques mois.
 
Les yeux de l’ancêtre, l’épouse de Gordon, la mère de Gord, la grand-mère de Don et l’arrière-grand-mère de Chelle ne cessaient de passer de Jésabelle à Daniel, un peu comme s’ils cherchaient à combler une absence.
 
- Votre premier fils n’est pas avec vous, celui que vous transportiez dans un tikinagan ? Demanda-t-elle dans cette langue qu’immédiatement Don traduisit.
 
On l’appela. Il se pointa suivi de Chelle et du chien-loup, s’immobilisant face à ce personnage qui fouillait en lui, comme à la recherche d’une clé pour pénétrer son âme. Les mots qu’elle prononça et que son petit-fils résuma, allaient comme suit: - Cet enfant vit ailleurs, quelque part dans le ciel, celui de la nuit quand la lune le regarde. Il lui parle en mots choisis, parfois dans son coeur, souvent dans un livre. Il est «livre». Ouvert pour lui, fermé pour nous. L’astre de la nuit l’écoute, l’attend d’une noirceur à l’autre, part puis revient, cela trace dans son âme un sentiment profond, celui de la fidélité. Ses yeux sont couleur de l’écorce des arbres; ses cheveux, des herbes jaunes qui s’amusent dans le vent. Il est grand, de la grandeur de ceux qui nous quittent trop vite. Son âme cherche la vérité, celle porteuse de lumière naissante et renaissante. Tout se passe à l’intérieur de lui, il devra être prudent et bien saisir ce qui y bouille. Ses voyages, cet éternel voyageur, ne seront pas de ceux que nous faisons. Les îles que cet âme croisera seront imaginaires, mais déjà il les perçoit dans les failles de l’astre de la nuit.
 
L’ancêtre se tut. Ses mains crevassées et veineuses farfouillaient dans les cheveux ébouriffés de Benjamin qui la regardait avec une fixité telle que cela arracha un sourire attendrissant chez celle qui, maintenant, clopinait vers l’intérieur de la maison. Chelle se précipita pour lui prendre le bras, la soutenant dans sa démarche vieillissante.
 
Daniel et sa famille montèrent dans la camionnette, démarrèrent  après avoir salué tout le monde. Ojibwée les suivit jusqu’à la route poussiéreuse. 






jeudi 12 décembre 2024

Projet entre nostalgie et fantaisie... (12)

Créée en 1954, la chanson LES ENFANTS OUBLIÉS de Gilbert Bécaud connut un immense succès surtout à l'occasion des Fêtes de Noël et du Jour de l'An.

Les paroles écrites par Louis Amade ont résonné fort à nos oreilles... à cette époque... il y a 70 ans.

La réalité a beaucoup changé alors que le phénomène, lui, tout en se modifiant reste toujours aussi manifeste.

Je vous offre - et ce n'est pas tout à fait joyeux - ce poème écrit en février 2010. Je demeurais à Montréal. Un an après, je suis installé à Saïgon. Deux endroits, même réel me saute aux yeux. 





enfant de rue


enfant de rue, rapine et tapine,
mains noires d’asphalte et de fumée
yeux jaunes cerclés de vides,
voix rauque qui crache et ment
pieds calleux qui trottent et quêtent

enfant de rue, sang au bras
veine du cœur pendue sous la gorge
tu pourchasses, demain, des météos d’ailleurs
tu t’habilles, aujourd’hui, du même froid qu’hier
comme du silex taillé dans un temps confondu

                                                                                               
 







enfant de rue, tu arpentes la nuit blanche
un sac de couchage jauni lové à ton cou
un autre à la main rempli de néants
tu traînes vers le matin hésitant
et puis tu vas, lui s’en allant

enfant de rue, enfant du rien
négligemment, tu laisses exhaler de toi
charriées par le vent tes odeurs héroïnes
tu transportes de trottoirs en rues tes peurs cocaïnes
jusqu’au fond de tes abris insouciants

enfant de rue, aux prénoms multiples
quotidiennement modifiés
pour mieux habiller ton incognito
tu carbures au monoxyde de carbone
et tu squattes notre indifférence

                                                                             

enfant de rue, tu v i h et tu hépatites
slalom entre une épidémie l’autre
jusqu’à la porte de ces prédateurs
sicaires affamés et inassouvis
t’offrant un don contre un don de toi

enfant de rue, ta parole iconoclaste
toute de mots sens dessus dessous
ressemble à des silences contenus
au coeur d’immenses toiles d’araignée
où, instinctivement, grouillent des oestres

enfant de rue, tu marches ton urbaine liberté
dans cinq cents mètres carrés
et derrière toi disparaissent tes pas
comme des entailles électriques
rayées par le phosphore de l’oubli


enfant de rue, ton âme en bandoulière
désarçonnée d’un cheval de bois cassé
elle girouette de gauche à droite, déjantée,
aspirant à de stériles petits bonheurs
que ta dignité perdue épuise, ton espoir mutile

enfant de rue, on retrouvera ton cadavre
parmi les restes civils des cloaques
on ne saura ni à qui il appartenait
ni à quels parents adresser un avis
pour que les lieux puissent être évacués

et un autre te remplacera
traînant dans ses mains
les mêmes jouets brisés
et
les mêmes scénarios bizantins

 

7 février 2010
332



samedi 7 décembre 2024

Si Nathan avait su (14)

 


Une atmosphère singulière se dégage de l’environnement autour de laquelle la maison que la famille Ojie-Crie habite depuis deux générations, à la suite de leur déménagement vers ce village sans que personne ne puisse, encore aujourd’hui, en déterminer ou en expliquer les raisons. Cette maison placardée de cèdre qu’annuellement on nettoie et récure, solide dans son cadre identique à celui de la réserve sur laquelle la famille du grand-père Gordon vivait sur les rives de la rivière Missinaibi dans le nord-est de l’Ontario. Sur le terrain s’élève un tipi fabriqué avec l’écorce de bouleau, cet arbre que Benjamin surnomme «l’arbre blanc».

Gordon a choisi cette région en raison de l’affluence d’érables qui lui permet de perpétuer une tradition ojie-crie, celle de l'acériculture. Celui que l’on surnomme «l’ancêtre» dans la famille est un homme craint par les villageois. Comme il ne parle pas le français, que l’ojibwée, les contacts avec les gens du village sont occasionnels, l’ancêtre laisse à son fils Don le soin de communiquer avec eux, lui qui manifeste une aisance spectaculaire pour apprendre les langues étrangères et une pédagogie fort efficace pour les transmettre. 

Le décès du patriarche Gordon fit scandale au village. Plusieurs mois passèrent avant que l’on sache que son corps avait été incinéré sur l’emplacement où vit sa famille. Le curé avait réuni les marguilliers dont la majorité forment aussi le conseil municipal, afin de prendre une décision, à savoir si l’on devait aviser les autorités judiciaires sur ce qu’ils appelaient un outrage au cadavre. Le maire avait ajouté - sans vérification au préalable - qu’il craignait le même sacrifice, c’est le terme qu’il employa, lorsque l’ancêtre féminine mourrait, ce qui, toujours selon lui, n’allait pas tarder. Finalement une omerta fut proclamée, on n’allait pas ameuter la région et les administrations sur une situation qui risquait davantage de perturber le village qu’autre chose, surtout qu’on devait continuer à vivre avec des membres de deux générations subséquentes, celle de Don et de son fils Gord. De toute cette affaire, ce que l’on sut et qui sembla non pas rassurer la population mais au moins l’amener à accepter que cette tribu - il y avait une note de sarcasme dans cette expression - pouvait s’organiser avec ses affaires, c’est que les contacts entre eux et la réserve vivant maintenant tout près de Sault-Sainte-Marie, en Ontario, s’avéraient plus fréquents qu’on pouvait l’imaginer. C’est ainsi que Don rencontra celle qui deviendrait son épouse, tout comme ce fut également le cas pour Gord. D’elle-même la rumeur de consanguinité s’étouffa.

Du groupe familial ojibwé, seul Don fréquenta l’école. En fait, vers l’âge de 20 ans, il reçut de son père l’invitation à se mêler davantage à la population et pour ce faire, s’inscrire à ce qu’on nommait «l’école des adultes» lui paraissait une bonne voie à suivre. Sa facilité à apprendre les langues lui permit en très peu de temps de maîtriser suffisamment le français et de s’intéresser au métier d’inspecteur des terres et fôrets, un emploi qu’il pratique toujours malgré qu’il soit dans la soixantaine.

- Benjamin, tu vas rencontrer une amie qui entre elle aussi à la maternelle à la fin août.

Le fils, quelque peu timide, s’approcha vers le magnifique chien-loup qui s’assoyait devant lui. Leur regard se rejoignait un peu comme s’ils se connaissaient depuis des lunes. L’épouse de Don, Abigaëlle, une grande jeune femme aux cheveux noirs qui voltigeaient dans ce vent si particulier lorsqu’il resquille entre les arbres.  Ne crains rien, il n’est pas méchant, dit-elle avec un sourire qu’on ne pouvait plus accueillant.

 - Chelle, tu viens rencontrer ton prochain ami de maternelle ?

La petite fille aux cheveux aussi noirs que ceux de sa mère, aux yeux d’un brun luisant, trottinant vers les nouveaux arrivés, regardait Benjamin d’un regard pénétrant ce qui redoublait sa beauté naïve. Bonjour ! Tu aimes mon chien?

Pour une des premières rencontres avec un enfant de son âge, Benjamin, faisant passer ses livres d’un bras à l’autre, ne se sentit absolument pas embarrassé. Le mien s’appelle Walden, dit-il, flattant le chien-loup dont la douceur l’émerveillait. Nous, c’est une femelle que nous surnommons Ojibwée. C’est le nom de notre langue maternelle.




Alors que les deux enfants faisaient connaissance sous l’oeil protecteur de la chienne, Daniel et Jésabelle précisèrent le but de leur visite.

- Ma belle-mère se repose actuellement, mais je suis certaine qu’elle se fera un plaisir de vous revoir. Si elle peut lire ta grossesse, tu dois t’attendre à ne recevoir que la vérité. Elle ne raconte que ce qu’elle voit et ressent. N’invente rien.

- C’est la raison pour laquelle nous nous arrêtons aujourd’hui. Mon amie sage-femme prévoit que ça sera un deuxième garçon qui naîtra en avril prochain. Mais ce que je veux entendre de ta belle-mère ça regarde surtout l’aspect spirituel.

- Laissons-là se reposer. Je vais préparer une limonade, il fait si chaud.

- Je t’accompagne.

Nous voici en présence de trois duos, celui des femmes qui entrent dans la maison, de deux enfants se dirigeant vers le tipi et qu’un chien-loup chaperonne, finalement deux hommes accoudés sur la camionnette.

 
**********

                               

L’intérieur du tipi dans lequel Chelle et Benjamin s’installent, Ojibwée à leurs pieds, sent la fraîcheur du cèdre, respire le calme comme s’il s’agissait d’une chapelle bleue, impose un silence retenu. Les deux enfants ne cessent, chacun à son tour, de jeter un oeil sur cette brassée de livres que le garçon ne semble pas vouloir déposer sur le sol torpide.
 
- Tu y tiens à tes livres ? Benjamin les plaça sur les genoux de la fillette qui, surprise, le fixant, ne semblait pas trop comment réagir. On n’a pas beaucoup de livres chez nous. On parle plus qu’on lit. Quand on lit, c’est ma grand-mère qui le dit, c’est dans les paroles des autres, dans leurs pensées.
- Moi, je lis beaucoup et cela depuis plusieurs lunes, enchaîna Benjamin.
- Tu comptes le temps en lunes?
Benjamin ne sembla pas bien saisir les propos de Chelle, mais remarqua que le chien-loup soutenait le regard de la petite fille comme si ces derniers mots lui rappelaient quelque chose.
- Chez les membres de ma famille, la lune est très importante. Elle nous aide à suivre le temps.
- Moi aussi je suis ami de la lune. Je lui donne un nom, «perle fabuleuse».
- Comme c’est beau. Ça ressemble à bien des mots que ma grand-mère dit. Des fois, je ne la comprends pas, mais c’est beau ce qu’elle dit.
- Je vais l’aimer ta grand-mère, surtout si elle aime la lune comme moi.
 
Un certain silence s’installa entre les deux enfants, Chelle feuilletant chacun des bouquins que son nouvel ami lui avait prêtés qui lui caressait la chienne avec affection.


                                

vendredi 6 décembre 2024

Un peu de politique à saveur batracienne... (18)


Michel BARNIER

À tous ceux qui croyaient que nous avions atteint le fond du baril avec  les péripéties de la campagne électorale américaine et maintenant les surprises provoquées par les diverses nominations à chacun des postes importants de la nouvelle administration qui prendra les rênes du pouvoir en janvier 2025, eh bien ! j'ose avancer que dans le merveilleux monde de la politique - au sens large du terme et de son étendue -  nous ne sommes pas encore arrivés au bout de nos peines.

Le gouvernement français du Premier ministre Michel Barnier, tel un château de cartes, vient de s'écrouler, ce qui obligera le mal-aimé Président Macron à lui trouver un successeur. Mince tâche ? Croyez-vous ? Il avait mis un temps fou pour trouver celui/celle qui allait accepter de marcher vers la guillotine puisque, le temps nous donne raison, refusant de piger parmi la gauche - jamais, avait-il annoncé - ou la droite - encore moins, disait-il - il s'était réfugié vers le centre qui, lui-même, se cherche une tête. 

Il ne fait aucun doute quant à la compétence du bonhomme dont la carrière politique l'a mené à diriger une foule de ministères différents et au poste non moins prestigieux de conseiller spécial pour la politique de défense et de sécurité auprès de la Commission européenne. C'est lui, également, qui aura été chargé de négocier le Brexit.

Il a la tête de l'emploi, mais le fait qu'il soit associé politiquement à la droite (les Républicains) naviguant dans les mêmes eaux, ou à peu de chose près, dans celles du Président Macron, le mandat semble fragilisé, voire miné dès le départ. Dans les faits, le Premier ministre déchu n'aura été en poste que trois (3) mois.

La balle se retrouve maintenant dans la cour de l'Élysée qui se voit pris entre deux options: 
la première, celle de nommer un nouveau Premier ministre qui risque de subir le même sort s'il provient du terreau politique qui vient d'être désavoué; 
la deuxième tourne autour d'une élection... présidentielle puisque la Constitution française interdit des Législatives pour minimalement un an. Évidemment ceci oblige le Président Macron à démissioner.

Les Jeux Olympiques de Paris se sont tenus avec un Premier ministre appelé à gérer les affaires courantes (Gabriel Attal) et le même scénario se répète à l'occasion de la réouverture en grandes pompes de la Cathédrale Notre-Dame de Paris.

Emmanuel Macron réussira-t-il à reconstruire la vie parlementaire à l'Assemblée nationale française ? Un beau défi...




Trudeau et le Président désigné des USA


Dans un geste que l'on peut qualifer de «surprise» notre Premier ministre a obtenu le droit de manger du pain de viande  confortablement installé à la droite du Président désigné des USA, le vendredi 29 novembre dernier. Nous savons tous que les menaces lancées sur TRUTH (réseau social du futur président américain) : 25% d'augmentation sur les tarifs douaniers du Canada et du Mexique / immigrants illégaux aux frontières / fantanyl. Le vieux diction « Quand les USA éternuent, le Canada a le rhume.» a servi de déclencheur aux politiciens, aux éditorialistes, aux spécialistes en finances, afin qu'ils hurlent au loup, tous d'une même voix chevrotante. Mais Capitaine Canada, n'écoutant que son chevaleresque courage, dans une discrétion très hollywoodienne, parti de la Nouvelle-Écosse, débarque à Mar-a-lago sans tambours ni trompettes, marchant sur son orgueil d'homme disgrâcié aux yeux du futur Président des USA et entreprend une campagne de séduction qui fut la marque de commerce de son père PET et qu'il tente de copier, lui qui dès son très jeune âge participait sans avoir un mot à dire, aux rencontres souvent de très haut niveau entre papa et les chefs d'État du monde entier. 

Toutefois... et c'est l'opinion du CRAPAUD, notre Prime n'a pas bien analysé la stratégie machiavélique du futur locataire de la Maison-Blanche. Pourquoi les stratèges américains (et républicains) ont-ils accepté de jouer dans un tel scénario concocté à Ottawa? Voici, en primeur, le vrai du vrai. Justin Trudeau sera d'ici quelques mois un «has been» de la politique canadienne, déchu de son poste emportant avec lui dans une vertigineuse chute une grande majorité de ses députés actuels. L'intelligentsia américaine a rapidement décodé que l'actuel Capitaine Canada ne sera plus aux commandes dans moins d'un an. Il leur est donc inutile politiquement, mais très utile stratégiquement : handicaper dès le départ le prochain Premier ministre canadien qui, si la tendance se maintient, sera le chef du Parti conservateur, Pierre Poiliève. Le handicaper en donnant à Justin Trudeau cet accès privilégié à la sacro-sainte intimité du nouveau Président, un peu comme s'il souhaitait sa réélection.

Pierre Poilièvre

Poilèvre, de la politique n'a qu'un seul credo : japper fort, toujours sur le même ton, toujours contre la même personne, Justin Trudeau. Il croit que c'est la loi du «bon sens» que celle de semer la peur auprès des citoyens, les incitant à ne penser qu'à leur portefeuille, leur petite sécurité personnelle, les assurant que tous les dangers qui les guettent proviennent des immigrants, des drogués et de tous ceux et celles qui n'adhèrent pas à ses idées. LE CRAPAUD ne voit rien en lui qui mérite d'être souligné sinon une absence complète de vision de l'avenir des années du XXIe siècle. 

Handicapé par le nouveau Président des USA, il n'aura qu'à se plier bien bas devant les demandes de celui-ci et sans que ce soit légalement, constitutionnellement le cas, faire du Canada le 51e état américain.

Je vous souhaite un bon retour dans ces billets consacrés à la politique à saveur batracienne. LE CRAPAUD reviendra bientôt afin de coasser de politique québécoise en cette fin de session.

À la prochaine














dimanche 1 décembre 2024

Projet entre nostalgie et fantaisie... (11)

 


r u i s s e a u


nos amarres lâchées n’ont pas atteint
- encore -
le fond du ruisseau
que mille têtes-ogives fouineuses nous poursuivent

un grand vent sur l’eau souffle
des vagues dilettantes s’y meuvent
alors qu’une trace rouillée se camoufle
au creux du château liquide

l’immobilité pour mouvement
les galets tentaculés bougent sans bouger
une fleur-Ophélie noyée, coupée d’elle-même
un narcisse défiguré, méconnaissable, enjôlé
leurs bras pris aux nénuphars décolorés, ils nagent


ruisseau, 
porteur de naufrages,
ta continuelle route embrouille nos illusions

ruisseau, 
ancêtre de fleuves,
pris aux racines anhydres
tu enterres des gouttes d’eau
ensevelies au tombeau des cordages

 

12 décembre 2009
319




une ombre blanche


une ombre blanche aux mains de sang
rapetisse aux heures de décembre
réchauffant les neiges essoufflées

descendue d’ailleurs sans jamais se retourner
son travail d’espion elle continue
on n’échappe pas à la torture
à l’étouffement des bulles increvables

des confettis de neige sur une ombre blanche
l’enveloppent de draps et de brouillard
et dans un silence digne de nos fenêtres ouvertes

comme une longue aiguille perçante
elle se retourne 
et ne voit rien…

 

30 janvier 2010
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Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...