vendredi 29 mars 2013

Les chroniques du Café Riverside

Chronique # 9

Le commerce, anneau de mariage de la vie





Depuis Hanoï, Sapa et Hoï An, j’en suis à ma troisième visite au Café Riverside. La première fut pour achever le poème «il n’y a d’eau…»; c’est plus facile ici, en raison de la rivière et du fait de pouvoir écrire (bizarrement écrire en vietnamien se dit viet ) installé à la même table, buvant l’excellent café froid (cà phê sưa đá ) et le thé au jasmin que renouvelle le garçon avec l’exactitude d’une horloge suisse.


La deuxième, j’y terminais la lecture du livre de Camilla Gibb, LE GARDIEN DE L’ORCHIDÉE, qui raconte le séjour à Hanoï d’une jeune vietnamienne résidant aux États-Unis (Viet Kieu terme donné aux Vietnamiens vivant à l’extérieur du pays) à la recherche des traces de son père, peintre et proche d’un groupe d’artistes communistes purs et durs, des idéalistes qui voyaient dans cette doctrine un humanisme parfait et furent au centre de ce que l’on a appelé l’affaire Nhâm Van-Giai Pham dont le porte-parole était le poète révolutionnaire Phan Khoï.


Il a décrit en ces quelques mots  - ce qui lui a valu le camp de rééducation - l’essentiel de leur pensée:


«Nous croyons absolument au communisme, l’idéal le plus merveilleux de l’humanité, l’idéal le plus jeune et le plus vigoureux de toute l’histoire…


Si un style unique est imposé aux écrivains et aux artistes, le jour n’est pas loin où toutes les fleurs se transformeront en chrysanthèmes…»


Aussi pour télécharger sur You Tube quelques vidéos dont celle réalisée avec Lunch Lady, cette cuisinière de rue dont la réputation a depuis longtemps dépassé son petit emplacement du District 1, y attirant le touriste intéressé par la cuisine vietnamienne. Mais la connexion internet n’a pas voulu collaborer. Ça s’est donc fait à l’appartement. Sur mon bureau nouvellement installé dans la deuxième chambre. Avec vue sur l’extérieur (Nha Bé), sans la rivière tout à côté.


L’important c’est d’être ici - habituellement le vendredi comme aujourd’hui, cette troisième fois - accueilli par ce vent de la Mer de Chine qui s’engouffre, parti de loin, dans cet immense couloir que forme le fleuve ou la rivière Saïgon (river pouvant aussi bien désigner les deux réalités) longeant les berges qui enserrent le port. De continuer à y être bien et d’écrire les chroniques du Café Riverside.


Dans le blogue, y déposant des images et quelques mots du dernier voyage au nord et au centre du Vietnam, je laissais entendre que l’an prochain je retournerais à Sapa - l’an dernier c’est d’un séjour prolongé à Hoï An dont je parlais -  Ça se fera sans doute avec une petite pointe vers Vinh dont j’entends de plus en plus parler. 


Lecteur assidu du journal LE COURRIER DU VIETNAM (sur internet) et membre du site CAP-VIETNAM, je découvre tous les jours de nouvelles idées, de nouvelles activités et surtout des lieux qui finissent par  m’attirer. L’an prochain, je ne manquerai pas le Festival de poésie, entre autres. Être sur place permet bien des choses.


Aussi, la Fête des amoureux au Vietnam (qui n’est pas seulement la Saint-Valentin), mais Chu Dông Tu et Tiên Dung : couple idéal et idéalisé, un amour abouti ! La légende de leur amour, l’une des plus poétiques de la culture populaire vietnamienne, a même valu à Chu Dông Tu, pêcheur de son état, de figurer au nombre des quatre Immortels dans la croyance populaire.


Chaque printemps, au 10e jour du deuxième mois lunaire (21 mars cette année), une fête est dédiée à ce couple légendaire dans la province de Hung Yên, au bord du fleuve Rouge, là où ils se seraient rencontrés il y a 2 300 ans. Une histoire à la Roméo et Juliette.


Je pourrais en citer une kyrielle mais je me les conserve pour l’an prochain…


Cette chronique porte le titre suivant : Le commerce, anneau de mariage de la vie.


D’où me vient cette constatation?  


Lorsque l’on met bout à bout l’ensemble de nos observations accumulées au fil des années, lors de voyages, rencontres ou discussions avec des gens de tout horizon; lorsque l’on tente de reconstituer ce casse-tête, en dégager un ensemble plus ou moins fini pour ramasser tout cela afin d'en tirer une ou des conclusions, on constate qu’autour de nos idées se trace une ligne directrice qui éclaire ou obscurcit, selon le cas, nos conceptions générales, universelles ou encore particulières, individuelles.


Lorsque j’écris que le commerce c’est comme l’anneau de mariage de la vie, je veux dire par là que partout où je suis allé, où je me suis arrêté, que ce soit l’espace d’une vacance ou plus longtemps, une constante s'imposait : l’omniprésence du commerce. Le plus vieux métier du monde n’est pas la prostitution, c’est toute forme de commerce. Celui qui engage l’échange entre des êtres animés ou non, entre des concepts, des matières, des besoins. Pensons seulement au commerce initial, celui qui nous a valu d’être : un échange entre deux cellules différentes et complémentaires. Et poursuivant ce raisonnement des choses les plus élémentaires aux plus complexes, nous arrivons toujours (du moins, moi j’y arrive) à la conclusion que sans le commerce, rien n'est possible.


Je ne suis aucunement surpris de constater, sur une rue située au Québec, en France ou au Vietnam, la présence de mille et un commerçants, offrant parfois le même produit, alignés à la queue-leu-leu, tentant par leur silence ou leur bagout d’inciter un esquimau à acheter un frigo, un sans-abri un manteau ou quoi d’autre encore. De faire du commerce.


Plus jeune (hihi) on me disait qu’être commerçant c’était soit être Juif ou avoir une propension à la malhonnêteté. Le commerce n’était pas catholique. Celui qui s’enrichissait au détriment des autres devait en avoir pesant sur la conscience. On m’inculquait cette pensée chrétienne qui veut que les marchands du temple (ou d’ailleurs) ne méritent que les coups de fouet du Christ. Un peu l'exil aussi, on n'a qu'à songer aux voyageurs de commerce qui certainement allaient plus loin que les marches du temple. 

Le commerce c'était avant toute chose la cupidité, le besoin insatiable de posséder de l'argent toujours et encore plus alors qu'il valait mieux être pauvre, on arrivera ainsi au paradis plus léger, de toute façon ce que l’on a gagné sur cette terre de misère y restera. C'est beaucoup réduire le concept de commerce à son seul aspect mercantile. Il m'apparaît plus vaste que ça.


Si on examine l'idée en y incorporant les notions d’argent et de pouvoir, je crois que l’argument principal (commerce = anneau de mariage de la vie) peut toujours résister à l'analyse. La vie ne sourit-elle pas un peu plus aux riches laissant aux autres que des miettes d’espace? Mais si l'idée de commerce embrasse les notions d'échange, de partage on devrait la voir dans un cadre plus vaste même si je saisis bien la mécanique de la roue partant du commerce pour fléchir vers l’argent puis le pouvoir, et à la limite vers la politique. Ça nous travaille depuis des millénaires. Mais en fait c'est parce la vie nous travaille. 

Je me demande si le Bing Bang ne serait pas l’explosion du commerce à l’échelle extra-planétaire?


Je finirai cette illustration me référant au débat que je surveille de bien loin, débat en terre québécoise, touchant la situation des bénéficiaires de l’aide sociale, et dans lequel la chef de Québec Solidaire, Françoise David avançait : on ne s’attaque pas à la pauvreté, on s’attaque aux pauvres. Elle rejoint une des bases de la pensée du philosophe Jean Bédard. Mais j’avoue que c’est vraiment une autre discussion…


Si la vie est enserrée au commerce de façon quasi intrinsèque; s’il y a inégalité dans les rapports que l'on entretient avec celui-ci; alors la vie ne serait-elle pas davantage objective que subjective? Je sais, cela n’est en rien une vérité mais elle me semble se vérifier tous les jours et dans plusieurs endroits. 


Je quitte donc le Café Riverside avec, en tête, que mon séjour au Vietnam entrera d’ici quelques heures dans son dernier mois... que mon commerce avec le Vietnam s'achèvera sans que l'anneau que cette civilisation m'a mis au doigt ne me quitte.

En terme pratique, sans doute une ou au maximum deux autres chroniques à venir.



À la prochaine

3 petits PS:

1) je vais chiquer du bétel pour la première fois de ma vie aujourd'hui... j'en ai trouvé auprès d'une dame âgée dans un marché du District 6. Elle s'est moqué de moi alors qu'elle me l'a fait goûter et qu'après deux secondes je crachais tout un peu partout;

2) après avoir chiquer, je vais le goûter en le faisant infuser dans l'eau bouillante;

3) alors que je soupais (dînais pour ici) dans un restaurant de rue du District 5, j'ai aperçu un formidable hibou qui voltigeait d'un toit à un autre... en plein coeur de Saïgon.






mercredi 27 mars 2013

Photos de randonnée (2)

Badamier servant de parasol chez  Lunch Lady

C'est devenu une habitude lorsque je publie des photos de randonnée, la journée même... il m'arrive une aventure de vélo!
Il va falloir que j'aie une bonne discussion avec Baby (mon Martin107) on dirait qu'il a des idées de grandeur: se prendre pour une moto... Il tente des manoeuvres qui sont plutôt réservées à ce qu'il n'est pas et qui ont pour résultat (aujourd'hui du moins) d'occasionner un accident - mineur toutefois -
Tentant d'éviter d'entrer en collision avec un vélo que chevauchait une charmante jeune fille, je me suis replié sur ma gauche et une moto a percuté l'arrière... résultat, je me suis retrouvé étendu de tout mon grand long sur l'asphalte brûlante... coude, genou, cheville en sang et une épaule amochée (j'ai rendez-vous demain avec l'acupuncteur)... mais criant comme un perdu pour reprendre ma bouteille d'eau qui roulait désespérément dans la rue... personne ne comprenait tout à fait mes hurlements et semblait perplexe me voyant abandonner le vélo par terre pour courir vers cette fichue bouteille...

Voici donc quelques photos prises ici et là, dans Nha Bê et autour...
J'oubliais: deuxième accident, tous les deux dans le District 7.


chez Lunch Lady

Le cycliste en rouge, c'est moi!

Port de Saigon

On le voit à peine, mais il s'agit d'un coucher de soleil...

Lune au coeur du District 10

Dragon à l'entrée de la pagode de Nha Bê

Vung Tau au loin

Belle gueule et amateur d'os de poisson...


Une idée comme çà..



Idée inversée...

Palmiers d'eau

Traces de crabe sur la plage

Une autre idée comme ça...

On tourne un film à Saigon (District 5)

Palmiers d'eau (2)

Film, prise 2

Trop jolie pour ne pas la photographier

Rivière Saigon bâbord

Rivière Saigon tribord

Palmiers d'eau (3)

Rue typique de Saigon

Marché

Tout près de chez Lisa

Coucher de soleil

Juste en face du Marché Cho Lon

La sécurité en moto est différente au Vietnam comparée à celle du Québec

Patisserie française typique à Saigon

Patisserie 2

Arbre formant un pare-soleil

Loan ou Lohan??

La tortue du Lac de l'Épée restituée à Hanoi

Voilà et je retourne à mes anti-inflammatoires...
Au prochain saut

jeudi 21 mars 2013

Bon printemps!



S'il conserve ses bonnes habitudes, le printemps s'installe autour du 21 mars au Québec. Je vous le souhaite aussi beau que possible, plein de couleurs et envahi par ce petit vent qui court sur les restes de neige tout en frissonnant légèrement. Un printemps aussi de saison que le fut votre hiver.

Je sais, cela fait légèrement prétentieux de vous souhaiter cela quand ici, à Saïgon, le printemps s'emmêle dans l'hiver avec des températures jouant à la roulette entre les nombres 30 et 32...

Cela fait aussi légèrement égoïste alors que le 1er mai, rentrant au pays, je ne souhaite pas tellement assister à un caprice météorologique qui nous enverrait un dernier salut à saveur de neige.

Bon printemps! 
Pour ceux et celles qui iront à la cabane à sucre, pensez à moi qui suit une sévère diète anti-sucre.
Pour ceux et celles qui sortiront leur vélo de son rangement et le lanceront sur la route, pensez à moi qui roule avec mon Martin107 tous les jours sous le soleil du matin.
Pour ceux et celles qui seront tentés par le grand ménage du printemps, j'ai une adresse qui ne demanderait pas mieux que vous recevoir.
Pour ceux et celles qui entretiennent encore une légère déprime due au manque de luminosité, je vous en rapporterai.
Bon printemps!

Je vous offre ce poème, le deuxième écrit au Café Riverside où je vais passer mon après-midi. Ce soir j'assisterai à la représentation d'un film marocain (LA 5ième CORDE) dans le cadre du Festival du film francophone qui a lieu présentement ici à Saïgon de même qu'à Hanoï, Hué et Vinh. En français sous-titré en vietnamien. Ça aura lieu à l'Idecaf (Institut des échanges culturels avec la France).


il n’y a d’eau…

… que ces gouttes de pluie, frissons de varicelle sur rivière,
culbutant de bâbord à tribord sur des rêves aquatiques
pour s’accrocher au pont,  monstre au masque rouillé

-          il n’y d’eau que pour ceux qui ont peur

… que ce sourire ivre de l’homme remplissant un verre
comme s’il arrachait à la rivière des cris inhumains
pour rejoindre les disparus, ces asséchés qui l’attendent

-          il n’y a d’eau que pour ceux qui boivent

… qu’encore plus loin, sur une dernière vague,
celle qui charria tous les faux espoirs
pagayant à s’en arracher les mains

-          il n’y a d’eau que pour ceux qu’elle nourrit

si l’homme dans son ivresse d’aquarium
se collait au mur puis à l’autre
comme oiseau en cage

-     il n'y aurait d’eau que pour oiseaux crieurs
      puisqu’en cage on ne chante pas

Au prochain saut 


lundi 18 mars 2013

Petites histoires drôles



Quoi de mieux, entre quelques photos et vidéos, que ces petites histoires drôles issues de la culture populaire vietnamienne.
À Hoï An (j'aime Faifo que cette ville a porté comme nom alors que les Espagnols y faisaient le commerce) le vieux monsieur parlant français me disait qu'une des premières tâches à laquelle les communistes se sont attaqué fut de détruire les élans de culture confucéenne qui régnait dans le pays. Ils se sont aperçus, rapidement d'ailleurs, que l'on ne détruit pas en un jour ce que des siècles ont déposé dans l'âme des gens. Ce fut même, selon lui, peine perdue.
La plupart des histoires, des contes et des légendes qui tissent l'imaginaire vietnamien sont de mouture confucéenne même si de nos jours elles font partie du folklore.
Voici deux autres petites histoires suivies d'un cours rapide de langue vietnamienne.

Un malin

         Un buveur fut invité par un ami à un repas. Il voulait avoir beaucoup d’alcool, mais comme il n’était pas convenable d’en réclamer à son hôte, il imagina une ruse. Il appela l’homme qui servait à la table du maître de maison et lui dit à voix basse :

-      Mon ami, aidez-moi un peu : je ne m’y connais pas en fait de boire de l’alcool; si je déguste une seule coupe, je suis déjà ivre. Donc, faites-moi cette faveur : quand vous arriverez à ma place, versez-moi environ une demi-coupe, choisissez la coupe la plus petite. Voici, permettez-moi de vous offrir en cadeau un peu d’argent.

Il glissa un billet dans la main de l’homme qui servait. Le serviteur s’écarte dans un coin hors de vue pour examiner le billet, il vit qu’il s’agissait d’un faux. Furieux, tout au long du repas, le serviteur ne fit que choisir le verre le plus grand, ravitaillant l'’ôte en alcool; il murmurait en lui-même :

-      Puisses-tu en crever!




Je vous prie de me donner un bol d’eau froide

         Dans cette maison, il y avait un anniversaire de décès; les invités arrivèrent en foule pour le repas. Les plateaux du festin avaient été disposés l’un à côté de l’autre, remplissant la maison. Dans son affairement, le maître de maison avait oublié de donner des baguettes à un hôte.

L’hôte s’assit et attendit, mais il ne voyait toujours pas le maître de maison venir lui apporter des baguettes. Tout autour, chacun mangeait et buvait bruyamment. L’hôte appela alors le maître de maison :

-      Eh! Maître, venez ici, voulez-vous me faire une faveur?

Le maître de maison se hâta d’accourir. L’hôte, se penchant à son oreille, lui dit :

-      Donnez-moi, je vous prie, un bol d’eau froide.

Surpris, le maître de maison demanda :

-      Oh! Pourquoi avez-vous donc besoin d’eau froide?
-      Pour me laver les mains, je mange avec mes doigts!





Une autre langue

La plus grande difficulté dans l’apprentissage de la langue vietnamienne réside à distinguer les différents tons. Elle comporte six (6) tons dans la langue standard qui sont notés dans l’écriture par des symboles placés au-dessus et en dessous de la voyelle centrale de la syllabe. On doit faire attention de ne pas confondre les marques qui servent à distinguer les voyelles et celles que l’on utilise pour noter les sons.



Voici un exemple à partir de la voyelle «a» :
ton 1           ta                je
ton 2                          sorcière
ton 3                          douzaine
ton 4           tả                décrire
ton 5                          lange
ton 6            tạ              poids

Comme vous le constatez selon la tonalité, le sens du mot est changé.

Le ton est la hauteur musicale et la courbe mélodique sur lesquelles doit être prononcée une syllabe. Les six (6) tons se répartissent en deux registres : le haut et le bas. Ça donne donc :
. un haut-égal  . un haut-montant  . un haut glottalisé;
. un bas-égal    . un bas-glottalisé   . un bas descendant-montant.

Et je ne vous dis pas qu’en plus on distingue des différences entre le Nord, vers Hanoï, le Sud, vers Ho-Chi-Minh et vers le Centre autour de Hué.

À la prochaine


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