vendredi 25 mars 2011

QUATRE (4) CENT-DEUX (02)

Qu'est-ce que ça fait un crapaud qui ne lit presque plus (en fait qui abandonne sa lecture en cours de route) et écrit encore moins? Il devrait, en fait c'est qu'il a fait, suivre le conseil de son ami Gérard (celui de la chorale...celui de Weedon...le voyageur d'hiver...) qui, sur les plages «floridiennes» relit Alphonse Daudet. «Rien de mieux qu'un bon classique», dit-il. Alors, n'écoutant que sa judicieuse recommandation, le crapaud s'est relancé sur LA ROUTE D'ALTAMONT de Gabrielle Roy. Quel bonheur! Merci, ami Gérard.







Ça fait des boîtes (des cartons comme le diraient certains amis français) en vue du déménagement prévu pour la fin du mois d'avril. Il y en a partout dans l'appartement. Un avantage: retrouver certains objets oubliés qui rappellent soit des gens ou des événements.

Quelques pages puis quelques boîtes (cartons), mais aussi les dernières promenades dans ce Montréal que le crapaud laissera à son monoxyde de carbone qui a un goût si particulier, unique, à ses bruits de klaxons et d'automobiles, ses odeurs arrachées au fleuve et qui s'engouffrent dans les ruelles, sans doute ce qu'il y a de plus magnifique à Montréal. Et une question, inévitable: regrettera-t-il son départ? Réponse... à venir!


Ça se dit que la vie est fuyante. «La fin arrive au galop. Je n'avais pas prévu qu'en descendant la pente on prend de la vitesse. Je pensais qu'on pouvait faire tout le chemin au pas de promenade. Erreur, lourde erreur.» C'est J.M. Coetzee qui écrit cela dans son roman L'Âge de fer. Comme il a raison. Et lorsque, comme le crapaud, on partage sa vie en morceaux de sept ans - ça appelle le changement à chaque septennat - et qu'on y est... on trouve la vue fuyante.


Trève de nostalgie. J'ai reçu de Sylvie Desfossés, que je salue bien amicalement, ce texte que je reproduis en «copier-coller». Nous nous sommes croisés sur VOIR.ca et elle vient sur le crapaud. Voici ce qu'elle m'envoie et que je partage avec vous.



Bonjour, Mr Turcotte



Voici un beau texte de grammaire.... J’ai pensée a vous! Avoir et Être



Avec tout mon respect pour votre profession. Bonne journée!Soleil



Sylvie Desfossés Rose rouge lectrice du journal Voir.




Et vive la langue française:


AVOIR et ÊTRE



Loin des vieux livres de grammaire,


Écoutez comment un beau soir,


Ma mère m'enseigna les mystères


Du verbe être et du verbe avoir.


Parmi mes meilleurs auxiliaires,


Il est deux verbes originaux.


Avoir et Être étaient deux frères


Que j'ai connus dès le berceau.


Bien qu'opposés de caractère,


On pouvait les croire jumeaux,


Tant leur histoire est singulière.


Mais ces deux frères étaient rivaux.


Ce qu'Avoir aurait voulu être


Être voulait toujours l'avoir.


À ne vouloir ni dieu ni maître,


Le verbe Être s'est fait avoir.


Son frère Avoir était en banque


Et faisait un grand numéro,


Alors qu'Être, toujours en manque.


Souffrait beaucoup dans son ego.


Pendant qu'Être apprenait à lire


Et faisait ses humanités,


De son côté sans rien lui dire


Avoir apprenait à compter.


Et il amassait des fortunes


En avoirs, en liquidités,


Pendant qu'Être, un peu dans la lune


S'était laissé déposséder.


Avoir était ostentatoire


Lorsqu'il se montrait généreux,


Être en revanche, et c'est notoire,


Est bien souvent présomptueux.


Avoir voyage en classe Affaires.


Il met tous ses titres à l'abri.


Alors qu'Être est plus débonnaire,


Il ne gardera rien pour lui.


Sa richesse est tout intérieure,


Ce sont les choses de l'esprit.


Le verbe Être est tout en pudeur,


Et sa noblesse est à ce prix.


Un jour à force de chimères


Pour parvenir à un accord,


Entre verbes ça peut se faire,


Ils conjuguèrent leurs efforts.


Et pour ne pas perdre la face


Au milieu des mots rassemblés,


Ils se sont répartis les tâches


Pour enfin se réconcilier.


Le verbe Avoir a besoin d'Être


Parce qu'être, c'est exister.


Le verbe Être a besoin d'avoirs


Pour enrichir ses bons côtés.


Et de palabres interminables


En arguties alambiquées,


Nos deux frères inséparables


Ont pu être et avoir été.


Joli non ? Bien loin des contenus humoristiques des envois habituels. Exceptionnellement ce texte mérite d'être transféré largement Vive la langue française!


¸.•´¸.•´¨) ¸.•*¨) Oublie ton passé, qu`il soit simple ou composé, participe ¸.•´¸.•´¨) ¸.•*¨) (¸.•´ (¸.•´ .•´ ¸¸.• à ton présent pour que ton futur soit plus-que-parfait... (¸.•´ (¸.•´ .•´ ¸¸.•



Au prochain saut

mercredi 9 mars 2011

QUATRE (4) CENT-UN (01)


Virginia Woolf

Bref, le moins que l'on puisse dire. Nous sommes passés des 300 aux 400 et à un changement de présentation le temps d'un coup d'oeil. Il faut maintenant aller à l'essentiel, et l'essentiel demeure toujours le contenu.

Depuis quelques belles lurettes le crapaud saute moins, dans le sens qu'il vous présente davantage de ses notes de lecture que ses dernières écritures. Il lui faut vivre avec cela! Sans doute que le déménagement de la grande ville de Montréal vers un petit village de la Montérégie l'occupe beaucoup, qu'il a l'esprit en route vers ailleurs... conséquence immédiate, il écrit moins. D'ailleurs, il lit moins également.

Ce matin, je vous propose Virginia Woolf, ces quelques lignes magnifiques tirées de MRS. GALLOWAY.


La nurse en gris reprit son tricot tandis que Peter Walsh sur le siège brûlant, à côté d'elle, se mettait à ronfler. Dans sa robe grise, avec ses mains qui remuaient infatigablement, tranquillement, elle semblait le champion des droits des dormeurs, pareilles à l'une de ces présences spectrales faites de ciel et de branches qui s'élèvent, au crépuscule, dans les bois. Le promeneur solitaire, qui aime les sentiers étroits, où il écarte les fougères, où il abat les grandes aiguës, lève tout à coup les yeux et voit la figure géante au bout du chemin.

Il est athée, peut-être; pourtant il a des moments soudains d'exaltation extraordinaire. «Rien n'existe hors de nous, pense-t-il. Il n'y a qu'un état de l'esprit, un désir de consolation, de repos; le désir d'une créature autre que ces misérables larmes humaines, si faibles, si laides, si lâches. Mais si je peux la concevoir, alors, en un sens elle existe», et s'avançant dans le sentier, les yeux fixés sur le ciel et les branches, il leur donne sans peine une forme féminine, il voit avec admiration qu'elle devient grave, qu'elle prodigue, avec majesté, lorsque le vent l'agite, dans le sombre balancement de ses feuilles, la pitié, le pardon, l'amour; puis, soudain, jetée en l'air, passe d'une attitude religieuse à une danse endiablée.

Visions du promeneur solitaire; visions qui ont pour lui de grandes cornes d'abondance pleines de fruits, le murmure des sirènes qui chevauchent les vagues de la mer verte, des gerbes de roses qu'on lui lance au visage, les pâles figures, que, pour les étreindre, les pêcheurs cherchent dans les flots.

Visions qui sans cesse flottent devant le réel, l'entourent, le cachent; qui suivent le promeneur solitaire, s'emparent de lui, lui enlèvent le goût de la terre, le désir de rentrer chez lui, et lui donnent en échange une paix profonde, comme si (c'est ce qu'il pense en avançant le long de l'allée de la forêt) toute cette fièvre de la vie était la simplicité même, comme si ces myriades de choses ne faisaient au fond qu'une seule chose et que cette figure, faite de ciel et de branches, se fût élevée de la mer agitée de la vie (il est âgé, il a plus de cinquante ans), forme née de l'écume des vagues, pour répandre, de ses mains magnifiques, la pitié, la bonté, le pardon.

«Ah! souhaite-t-il, ne jamais revenir chez moi, sous ma lampe dans mon cabinet de travail, ne pas terminer mon livre, ne plus jamais vider ma pipe ni sonner pour que Mrs Tarnes vienne débarrasser! mais plutôt marcher droit vers cette grande figure mouvante qui m'enlèvera sur ses branches et me laissera me dissoudre dans le néant comme toutes les choses!»

Visions. Le promeneur solitaire est bientôt sorti du bois; et là-bas, à la porte, abritant ses yeux de ses mains levées, peut-être pour le voir revenir, son tablier blanc soulevé par le vent, se tient une femme âgée qui semble (si puissante est cette habitude) chercher, dans le désert, un fils perdu, un cavalier abattu, qui semble la figure de la mère dont les fils ont été tués dans les batailles du monde. Et, comme le promeneur solitaire avance dans la rue du village où les femmes tricotent, et où les hommes bêchent leurs jardins, le soir semble enchanté; les êtres sont tranquilles comme si quelque destinée solennelle, comme d'eux, attendue sans crainte, allait venir les rouler au néant.


... c'est si sot de faire les choses pour des raisons extraordinaires.


Aimer rend solitaire.


Mais rien n'est aussi étrange quand on aime (et qu'était-ce sinon de l'amour?) que la complète indifférence des autres gens.


Là où il n'y a rien, le sentiment se creuse, complètement vide au-dedans.


Évadé! libre! libre, comme il arrive dans la défaite de l'habitude, quand l'esprit, semblable à une flamme qui n'est pas protégée, se courbe et se penche et semble prêt à jaillir de son support.


Pourtant le soleil brille; pourtant l'on se console; et la vie a l'art d'ajouter les jours aux jours.


L'avantage de vieillir (...) ne consiste qu'en ceci: les passions demeurent aussi fortes qu'autrefois mais on a acquis - enfin! - la faculté qui ajoute à l'existence la suprême valeur, la faculté de se saisir de l'expérience et de la retourner, lentement, dans la lumière.


Personne ne vit seulement pour soi.


... c'est le privilège de la solitude; dans l'intimité, on peut faire ce qu'on veut. On peut pleurer si personne ne nous voit.


Avoir fait les choses des millions de fois les enrichit, cependant l'on peut dire que cela enlève la surface.


Car il n'y a qu'une chose qui vaille la peine d'être dite: ce que l'on sent.


Comment peut-on se connaître? On se rencontre tous les jours, puis on reste pendanr six mois, pendant des années sans se voir. C'est décevant, convenaient-ils, de connaître si peu les gens. Mais disait-elle, sur l'omnibus qui remontait Shafetesburry Avenue, il lui semblait qu'elle était partout, non pas «ici, ici», et elle frappait le dos de son siège, mais partout. Elle agitait la mains dans Shafetesburry Avenue. Elle était tout cela. Si bien que, pour la connaître, elle ou n'importe qui, il fallait chercher les personnes qui les complétaient, et même les endroits. D'étranges affinités la liaient à des gens à qui elle n'avait jamais parlé, une femme dans la rue, un homme dans une boutique, même des arbres ou des granges. Cette idée, jointe à son horreur de la mort, la conduisait à une théorie transcendantale qui lui faisait croire, ou dire qu'elle croyait - elle était si sceptique - que puisque dans nos apparitions, la partie de nous-mêmes qui apparaît est si éphémère comparée à l'autre, la partie invisible qui s'étend au loin, cette partie invisible pourrait bien survivre, se retrouver attachée de quelque manière à une personne ou à une autre, ou même hantant certains lieux après la mort. Qui sait, qui sait.



Au prochain saut

jeudi 3 mars 2011

Le trois cent quatre-vingt-dix-neuvième saut / Le trois-cent-quatre-vingt-dix-neuvième saut

Gérald Godin

C'est quand même un petit peu émouvant! Passer du trois au quatre... je veux dire de la famille des 300 à celle des 400. Vous avez entre les mains le trois-cent-quatre-vingt-dix-neuvième saut et lorsque vous reviendrez pour le quatre-centième, comme à mon habitude, j'aurai changé le décor, modifié serait plus adéquat. Enfin, vous verrez.

Pour achever la série des trois-cent, je suis allé chez Gérald Godin, POÈMES DE ROUTE, pour vous offrir ceci. Mais je tiens à vous rappeler que les poèmes de ce recueil conçus et écrits sur la route 20, entre Montréal et Québec, ont été publiés en 1988.


LES POÈTES

Alain Grandbois roule à la fine épouvante dans sa Bugatti rouge
le coffre plein de Poèmes de Hankéou
que Mao Tsê-tung a aimé beaucoup

Gaston se décroche la mâchoire et fait claquer sa stappe avant de moulin à vent contre l'ennemi

Émile Nelligan récite le Vaisseau d'Or pour les visiteurs d'asile
son gardien lui tient la main et l'appelle monsieur Émile

Michèle Lalonde me regarde par-dessus les yeux
et cherche l'homme de sa vie

Jovette Marchessault observe les animaux de basse-cour
et leur prête des intentions théâtrales

Saint-Denys Garneau est assis entre deux filles
se demandant en vain laquelle choisir

Roland déménage encore
laissez le message à l'atelier

Paul-Marie est gêné
s'il aurait su il aurait pas venu

tous les poètes se tiennent pas la main
dans une tempête à écorner les boeufs
sous un ciel zébré d'éclairs
afin que si la foudre frappe l'un d'eux
ils tombent tous en amour



LE RESTE

N'ai-je pas
tout dit ça
depuis longtemps déjà
je me répète je me répète
et me rassure en me disant que je reconnais
dans les traces mes pistes déjà vieilles
de savoir mon nom
te donne quinze points
dans les jeux de société
où je n'ai jamais été
jeune fille aux veines bleues
sous ta peau si blanche
tout dit tout fait tout vu
ce doit être ça vieillir
cinq heures du matin je me lève
le sommeil de longtemps m'a fui
n'ai-je pas derrière moi
la majeure partie de ma vie
je continue mais sans l'élan


PERSONNE

Il y en a qui écrivent à la première personne
il y en a qui écrivent à la troisième personne du singulier
lui il écrit à personne en particulier



Au prochain saut

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...