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Dernière chronique
J’ai
écrit, presque en post-scriptum de la dernière chronique : peut-être une dernière
avant de rentrer. La voici, en deux parties… sur deux vendredis…
Partie 1
Le vendredi 19 avril 2012
Le
Café Riverside peine à neutraliser l’humidité suffocante malgré la pluie d’il y
a moins d’une heure; et du tonnerre. Pas d’arc-en-ciel, du moins je n’en vois
aucun. Le soleil respire mal, se cache derrière les nuages pour reprendre son
souffle, mais ça ne suffit pas.
On
voit bien qu’en avril on franchit une nouvelle étape météorologique :
humidité et pluie occasionnelle. Plus la fin du mois approche, plus ça devient évident.
Et pour moi, le décompte s’enclenche : le 30 est si proche. Trop.
En
vélo, ce matin, je me remémorais les objectifs fixés pour cette année : Cambodge, Thaïlande, Malaisie et Singapour,
pour ce qui est de l’extérieur du Vietnam. À l’intérieur, Sapa, principalement,
revoir Hoï An tout en entrant dans Da Nang et retourner à Cap Saint-Jacques
(Vung Tau). Mission accomplie.
Voilà
pour le voyagement, mais ce n’était pas tout. Je souhaitais
consolider le réseau des amis vietnamiens – ce qui a été fait, même qu’il prend
de l’ampleur en se diversifiant – et sans l’avoir programmé, accroître mes
contacts avec la famille de YoYo (mon guide) et Lisa (mon organisatrice de
voyages), sachant à l’avance que s’introduire dans une famille vietnamienne
n’est pas mince tâche. Là aussi, les résultats s’avèrent plus qu’intéressants.
Je
voulais m’intégrer davantage dans cette société en profonde mutation, mieux
comprendre la manière de vivre vietnamienne tout en respectant les coutumes en
vigueur et mes propres limites. Je crois, comparant ce séjour à celui de l’an
dernier, avoir beaucoup progressé de ce côté. Je le remarque principalement par
le fait que cette fois-ci, mon impatience devant des banalités surgit… avec un
peu plus de retard. La barrière de la langue demeure toujours un rempart
implacablement présent.
Le
voyage 2011/2012, celui que j’appelle le
voyage de l’an passé, a duré un peu plus de quatre mois. Pour le qualifier
en peu de mots, il aura été celui de l’émerveillement : j’allais
d’émerveillement en émerveillements… tout était nouveau, je découvrais,
j’emmagasinais, j’oubliais et je retrouvais… une sorte de boulimie permanente,
comme une peur de rater quoi que ce soit, une espèce de certitude que plus
jamais je n’allais retrouver ce qui s’offrait à moi. Les Vietnamiens m’ont vite
fait comprendre que ce qui m’intéressait, tout ce que je voulais voir, eh
bien! ça n’allait pas bouger et faire un peu de procrastination n’était pas un problème.
Ici, on donne un tout autre sens à l’expression prendre son temps.
Le
2012/2013 : séjour de la consolidation. Je retrouvais. Je savais où était
ceci, cela. Surtout, mon autonomie se décuple. Le vélo - pouvoir partir quand je veux pour aller où je
veux, explorer des endroits moins accessibles en motocyclette - me permettra
des excursions inoubliables, des rencontres inattendues et d’acquérir une
confiance absente l’an dernier alors que je devais, pour la majorité de mes
activités, m’en remettre à mon guide.
Le
2012/2013, c’est tout près de six mois : tout l’hiver. J’ai toujours
détesté l’hiver; maintenant je l’aime en raison du Vietnam. Je dis Vietnam mais
un devoir de précision m’oblige à élargir un peu et parler de l’Asie du
Sud-Est.
En
décembre 2011, à mon premier contact physique avec le pays, je réalisais
que l’Europe (Angleterre, Espagne, France, Italie et Suisse), les États-Unis
(New York, le Maine, la Floride), le Mexique et Cuba, voilà tout ce que j’avais
vu du monde. De l’Asie, rien avant cette entrée vietnamienne qui déjà
m’interpelait grandement. Une fois ce fait entendu, pourquoi ne pas envisager l’Afrique.
LE CAP en Afrique du Sud m’attire. Puis, l’Australie. La Nouvelle-Zélande
est-elle plus proche de Saïgon? Je vais vérifier. Ne me restera, si le temps le
permet, qu’un séjour en Amérique du Sud (pourquoi pas l’Argentine!) et mes deux
pieds auront foulé les cinq continents.
Autre
chose: la date de péremption de mon passeport approche. 2014. Comme plusieurs
pays exigent un passeport valide pour encore au moins six mois, il me deviendra
prioritaire de le renouveler. Semble-t-il qu’on peut le faire maintenant pour
dix ans. Un adage veut qu’un testament que l’on fait nous assure un minimum de
dix années à vivre; si cet adage s’applique au passeport, alors j’y vais pour
un dix ans.
Lorsque
j’ai entrepris cette chronique, aucun titre ne me venait à l’esprit. Puis,
voyant qu’elle aurait deux parties, parce qu’écrite sur deux vendredis, c’est
devenu plus net que ça n'allait pas être un bilan mais quelque chose s'y rapprochant. Quelque chose exigeant une certaine netteté, une certaine perspicuité.
Partie 2
Le vendredi 26 avril 2012
Quand la netteté s’installe dans l'esprit, certaines réalités se dessinent, s'épurent. Dans le cas qui nous préoccupe,
on pourrait les qualifier de petits plaisirs démodés, s'étant accumulés durant le séjour:
attendre
le bus… rouler en motocyclette alors que le soleil s’éteint, que la fraîcheur
s’installe… réaliser, l’espace d’un instant, que l'on est heureux, sans que rien n'ait provoqué cet état, sans nécessairement ressentir le besoin
de le dire, de le partager, seulement l’apprécier… saluer un vieillard, un
enfant… être reconnu et recevoir un sourire de la vendeuse de fruits à 7 heures
le matin… placoter avec des étudiants dans un parc… se perdre lors d’une longue
marche, puis oups!, un repère (comme il sera beaucoup plus simple de
s’égarer dans Saïgon lorsque le métro cessera d’être un projet, on le promet
pour 2018, au plus tard)… s’arrêter, acheter un ananas pour 10 sous… une
bouteille d’eau à peine froide, celle qui désaltère vraiment… mieux saisir la
distance entre ici et chez soi… estimer certaines amitiés… écrire.
Oui,
écrire. Beaucoup et souvent.
Écrire,
c’est le Café Riverside, mais avant tout le bonheur de pouvoir continuellement
compter sur ce petit Asus (mon ordinateur portable) compagnon de partout –
d’ailleurs, alors que je l’examine, il a vieilli et commande un
rafraîchissement électronique – et qui a parfaitement bien répondu à ce que
j’attendais de lui.
Écrire
dans cet espace qu’est le blogue, ce vieux crapaud dont j’ai envisagé modifier le
nom. Vous vous souvenez certainement de l’épisode du crapaud mort sur la plage
de Muiné… du papillon imprimé sur de la porcelaine, récupéré entre deux vagues
et quelques coquillages!
Je
suis continuellement surpris alors qu’une nouvelle page s’ajoute à celles déjà
parues, de constater le nombre de gens qui s’y intéressent – près de 46 000
déjà – et cela d’un peu partout dans le monde. Je me dis alors que la langue
française intéresse les Américains (majoritaires dans le décompte des lecteurs),
les Vietnamiens, les Thaïlandais et lecteurs d’autres pays où ma langue n’est
pas celle utilisée régulièrement.
Écrire
et être lu, même si pour la grande majorité, les sauts de crapaud incluant des photos sont les plus courus, je crois
que le peu de français qui s’incarne devant des yeux habitués à autre chose, ce
tout petit peu est beaucoup pour moi.
À
mon retour, l’an dernier, je constatais que très peu de poèmes sont nés au
Vietnam, que les images ramenées, stockées dans mon inconscient n’avaient
peut-être pas l’ampleur que je souhaitais leur voir posséder. Un peu déçu,
j’espérais une meilleure année… Et elle le fut.
Je
ferme donc, en ce dernier vendredi du mois… cette chronique en deux parties du
Café Riverside. Mardi prochain, 30 avril - Fête de La libération de Saïgon - je
prends l’avion qui me ramènera au Québec avec le sentiment de laisser derrière
moi, une deuxième maison, mon deuxième port d’attache.
Certainement
ces chroniques reprendront du service en novembre 2013 alors que l’hiver s’acharnera
de nouveau sur mon pays et que je séjournerai à nouveau à l’ombre… du soleil!
À
la prochaine