vendredi 28 mai 2010
Le trois cent cinquante-huitième saut / Le trois-cent-cinquante-huitième saut
Vous arrive-t-il, à l’occasion, de ressentir l’impression tenace que la solution à une question qui pose problème dans l’actualité, eh! bien… vous la possédez?
Évidemment, ça serait fort utile et combien pratique pour certaines choses que l’on peut classer dans la catégorie «situations simples» (ex. il neige on déneige) alors que pour certains dossiers ça s’avère plus complexe (ex. celui dont je veux traiter aujourd’hui).
Voici la lettre que j’ai adressée à monsieur le cardinal Ouellet. Lettre dont je n’attends pas de réponse.
Monsieur le cardinal Ouellet,
Il me semble que vous voilà bien mal pris! Permettez-moi de vous faire une suggestion pouvant rallier les adeptes des groupes Pro-Choix ainsi que ceux de Pro-Vie; vous comprendrez que mon seul but est de vous assurer une sortie à la fois digne de votre rang et politiquement acceptable.
Vous vous opposez à l’avortement et qualifiez de «criminelle» toute femme qui use de ce droit reconnu par les lois en vigueur au Canada. Votre point de vue s’appuie, selon vos dires, sur l’aspect moral. Ici, les tenants des groupes Pro-Vie vous suivent alors que ceux de Pro-Choix vous conspuent.
Voici ma suggestion : afin d’éviter que toute femme puisse être tentée par la «solution définitive» que représente à vos yeux l’avortement, vous devriez, à mon humble avis, suggérer aux femmes de pratiquer une contraception qui réponde à leurs besoins. Cette mesure que l’on pourrait définir comme étant «préventive» ne les inciterait pas à user du «geste meurtrier» que vous abhorrez. Vous obtiendrez ainsi l’appui des groupes Pro-Choix et ceux de Pro-Vie ne pourraient plus se battre contre les pratiques d’avortement.
Donc, la contraception contre-indiquerait l’avortement et, monsieur le Cardinal Ouellet, vous pourriez élégamment rallier deux factions que tout oppose… rachetant ainsi vos propos qui, sans doute, furent mal rapportés.
Lors de sa rencontre avec la presse, mercredi de cette semaine, l’archevêque de Québec, prélat de l’Église canadienne, insistait sur le fait que ces propos ont été tirés de leur contexte…
Au prochain saut
mardi 25 mai 2010
Le trois cent cinquante-septième saut / Le trois-cent-cinquante-septième saut
Je me suis amusé à chercher parmi les citations des cahiers de lecture, celles qui se présentaient sous forme de questions. Voici le résultat.
. L’amour n’est-il pas une simple illusion que la peur garde contre les assauts de la lucidité?
Jean Bédard, dans Nicolas de Cues
. « Tu sembles entendre que l’amour est d’essence divine», reprit l’Iscariote. « Mais quand deux hommes prétendent s’aimer l’un l’autre, comme le font les païens, n’est-ce pas une abomination selon le Lévitique?»
« Ce que tu me demandes, Iscariote, est une condamnation et non une explication», répondit Jésus d’un ton coupant. « Si je ne devais répondre qu’à toi seul, je te rappellerais ce qui est écrit dans le Livre de Samuel, que David et Jonathan avaient conclu un pacte solennel, parce que chacun d’eux aimait l’autre autant que soi-même. Le Lévitique condamne la fornication entre hommes comme tout autre forme de fornication qui n’est pas inspirée par l’amour. Mais je veux vous répondre à vous tous, par ces paroles de Samuel, encore : «Le Seigneur n’a pas le même regard que l’homme; l’homme juge par les apparences, mais le Seigneur juge par le cœur.» Qui d’entre vous s’arrogerait le droit de juger quiconque parce qu’il lit dans son cœur? C’est de l’arrogance et non de la compassion que je détecte dans vos questions!.»
Gérald Messadié, dans L’homme qui devint Dieu
. La musique est l’accès à un ailleurs de la parole, que la parole ne peut pas dire et que le silence dit pourtant, en le taisant. Une musique sans silence, qu’est-ce, sinon le bruit?
Hélène Grimaud, dans Variations sauvages
. Car enfin, «partir un peu», qu’est-ce que cela voulait dire, sinon s’éloigner juste assez pour ne plus être là sans aller vraiment quelque part?
Yvon Rivard, dans Le milieu du jour
. Évidemment on peut se libérer même d’une mauvaise éducation. Et puis j’ai grandi en âge et en savoir, et à l’université j’ai lu presque tout Platon. Personne ne m’a jamais plus confirmé qu’il avait rassemblé une belle collection d’objets anciens. Mais si c’était vrai? Et si pour lui ça avait été la chose la plus importante, et que le reste c’était pour gagner son pain et se permettre ce luxe? Au fond, ces tortures qui ont eu lieu, je ne crois pas qu’elles soient au programme des livres d’histoire qui circulent dans les écoles, et c’est mal, il faut bien savoir de quelle pâte nous sommes faits, nous de la lignée de Caïn. Ai-je donc grandi en pensant que l’homme était irrémédiablement mauvais et la vie un conte plein de cris et de fureur?
Umberto Eco, dans La mystérieuse flamme de la reine Ioana
. Et nous-mêmes, que sommes-nous pour ceux qui nous ont vus passer?
André Carpentier, dans Ruelles, jours ouvrables
. Où aller quand la vie t’a fait arbre avec des racines qui partent de la montagne et finissent dans la mer?
Lionel Bernier, dans La bataille de Forillon
. Qui, de sa propre volonté, à part un fou, choisit le meurtre?
Jonathan Little, dans Les Bienveillantes
. - Et quel est ton plat préféré, grand-père?
- Tous, tous, mon fils. C’est un grand péché de dire : ça c’est bon, ça c’est mauvais!
- Pourquoi? On ne peut pas choisir?
- Non, pour sûr, on ne peut pas.
- Pourquoi?
- Parce qu’il y a des gens qui ont faim.
Nikos Kazantzaki, dans Alexis Zorba
. Vouloir libère, mais ce qui tient enchaîné le libérateur même, de quel nom l’appeler?
Nietzsche, dans Ainsi parlait Zarathoustra
. S’il l’aimait, quel droit avait-il de monopoliser son être?
Han Suyin, dans Jusqu’au matin
. Mais comment savoir si une personne a changé ou si elle n’a fait que digérer les événements pour faire d’eux sa propre substance, qui sait même si ce n’est pas toujours un peu ce qui arrive?
Pierre Nepveu, dans Des mondes peu habités
. Où les gens puisent-ils la force de souffrir?
Maxime Gorki, dans La mère
. N’est-ce pas justement propre aux rêves que tout paraisse plus vrai que le vrai. Au fond, la pensée humaine fonctionne ainsi. Il faut croire que l’homme accorde plus de crédit à ses rêves qu’à la réalité. Sinon, comment toutes ces révolutions, ces guerres, ces idéologies auraient-elles pu exister?
Atiq Rahimi, dans Les mille maisons du rêve et de la terreur
. De cette multitude de religions, de toutes leurs ramifications, chacune garante de la seule vérité, chacune excluant l’autre, comment Dieu s’en tirait-il?
Andrée Chedid, dans La maison sans racines
. Quelle existence impossible à découvrir valait la peine de se tenir encore éveillé? Quel avenir valait la peine indicible d’enrichir encore le souvenir? Quel avenir le souvenir devait encore pénétrer? Y avait-il dans un monde pareil encore un avenir?
Hermann Broch, dans La mort de Virgile
. On dit que la liberté libère. Mais que vaut cette liberté si elle n’est fécondée ni par un engagement quelconque ni par l’amour, et dotée ainsi d’un sens qui la dépasse?
André Major, dans L’esprit vagabond (carnets)
. Le rein, l’appendice, songea-t-il. Non, il ne s’agit pas de cela, mais de la vie… et de la mort. Oui, je vivais, et ma vie s’en va; elle s’en va, et je ne puis la retenir. Oui, pourquoi me mentir à moi-même? N’est-il pas évident, pour tout le monde et pour moi, que je meurs, et que ce n’est plus qu’une question de semaines, de jours… à l’instant même peut-être? C’était la lumière avant, maintenant ce sont les ténèbres. J’étais ici; et maintenant, où vais-je? Où?
Léon Tolstoï, dans La mort d’Yvan Ilitch
«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»
B L A N D I C E (nom féminin)
. ce qui flatte, séduit
- charme; délice; séduction
B O M B Y X (nom masculin)
. papillon dont la larve tisse un cocon de soie;
. bombyx du mûrier : la larve est le ver à soie.
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vendredi 21 mai 2010
Le trois cent cinquante-sixième saut / Le trois-cent-cinquante-sixième saut
On pourra reprocher, et avec raison d’ailleurs - mes amis poètes que je rencontre sur un site internet français s’en font les interprètes assidus - on pourra donc reprocher au crapaud de ne jamais offrir des poèmes dont la substance qui en alimente le thème est «l’amour».
Je ne saurais en expliquer la raison mais aujourd’hui on s’en approche. Un peu. Jugez par vous-même!
rage d’aimer
rage d’aimer, tu répands tes odeurs
emmêlées d’angoisse et de panique
crucifiant le cœur sur un pilori de nicotine
puis
tu te fais douce comme l’eau qui chatouille les roches
rage d’aimer, tu répands tes couleurs
éparpillées sur des ardoises déboussolées
jusqu’aux sillons d’un cerveau éperdu
puis
six heures, tu ne sauras pas dans le vert brun du ciel
si c’est matin ou soir
rage d’aimer, ta blondeur blanche et bleue
pourchasse compulsivement la raison
dans ses derniers retranchements
puis
les deux bougies allumées au pied de ton lit
n’auront pas suffi
arrogante rage d’aimer terrée dans la violence
des nuits froides et torrides
attend le geste zéro comme un loup inquiet
puis
tu écris un poème d’amour sur fond d’océan
turquoise et coquillage
rage d’aimer, tu enserres de tes griffes
les mots insensés qui ne parlent plus
que dans de longs corridors étourdis
puis
les éternels abandons boiteux marchent
sur les aveugles jointures de nos mains
rage d’aimer, menottes d’or aux poignets
tu rentres de ton univers clos
et, consciemment,
ravages la sécheresse des puits…
Je m’amuse beaucoup avec ces cadavres exquis. Voici le neuvième.
CADAVRE EXQUIS
NUMÉRO 9
et si
nous n’étions plus
ces êtres plastiques
que récupère l’éternité
pour nous fondre
Neptune et Ophélie
Rimbaud et Vitalie
herman delage, l’anatife*
Satan aux réveils de la veille
… Spoutnik et Apollo, artéfacts d’acier …
le coupe-papier de Tolède n’était qu’une lame seule
- (une dague ayant perdu son chemin) –
une vieille dame chinoise balaie la neige sous son balcon
silencieuse
elle songe à son fils muet
Rimbaud dit, vit, meurt comme étant un autre je
comme les putains de la rue Ontario
«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»
A P P E N D R E (verbe transitif)
. suspendre.
- accrocher; attacher.
A R I E T T E (nom féminin)
. petite pièce vocale ou instrumentale de caractère mélodique.
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lundi 17 mai 2010
Le trois cent cinquante-cinquième saut / Le trois-cent-cinquante-cinquième saut
Sans doute la fièvre du hockey vous en faire voir de toutes le couleurs! Il faut quand même admettre que pour le moral du peuple, suivre les péripéties - certains diront les miracles – de nos glorieux CH de Montréal tient en forme et favorise les échanges sociaux. Pour tout dire, dans mon Hochelaga-Maisonneuve de quartier, les drapeaux à l’effigie des Canadiens de Montréal flottent au vent et les conversations sont passées de la météo à la haute voltige sportive. On a besoin de héros, de s’identifier à eux, de soutenir ceux qui nous représentent. Je suis à peu près convaincu qu’un sondage, s’il y en avait un, nous dévoilerait ce secret de polichinelle : le hockey est plus populaire que la politique et les politiciens passent bien après nos numéros 41, 14, 13, 21, 91… et les autres.
Ce n’était certainement pas prévu mais la coïncidence doit en réjouir plusieurs: la campagne 2010 contre l’homophobie, intitulée Parler du silence, cible le monde du sport. Et c’est aujourd’hui, le lundi 17 mai que se tient la Journée internationale contre l’homophobie.
La campagne a pour objectif de sensibiliser les sportifs, les intervenants qui oeuvrent de près ou de loin dans ce milieu, les médias, ainsi que la population en général, à la nécessité de combattre l’homophobie associée au sport, tant amateur que professionnel.
Mais comment définit-on l’homophobie? Comme le racisme, la xénophobie ou l’antisémitisme, l’homophobie est aussi une forme de discrimination.
L’homophobie trouve son origine dans l’ignorance des réalités des minorités sexuelles et se manifeste parfois inconsciemment.
Toutes les attitudes négatives pouvant mener au rjet et à la discrimination, directe et indirecte, envers les gais, les lesbiennes, les personnes bisexuelles, transsexuelles et transgenres, ou à l’égard de toute personne dont l’apparence ou le comportement ne se conforme pas aux stéréotypes de la masculinité ou de la féminité.
Souvent incidieuse, l’homophobie se manifeste d’une multitude de manières. Selon les circonstances, les manifestations homophobes peuvent aller de la moquerie jusqu’à la violence verbale et physique.
En général, il n’y a pas de signes apparents permettant de distinguer les gais et les lesbiennes des autres personnes. L’apparence physique et les centres d’intérêt ne sont pas révélateurs de l’orientation sexuelle. Les goûts pour pour une carrière sportive ne sont pas réservés aux personnes hétérosexuelles.
Certains garçons présnetent des signes féminins et certaines filles des signes masculins, indépendamment de leur orientation sexuelle. En raison de leur apparence, ils font l’objet de caricatures, de moqueries et de rejet. Bref, ce sont des manifestations homophobes.
Une Journée internationale contre l’homophobie n’appartient à personne en particulier. Elle est l’affaire de tous ceux et de toutes celles qui désirent un monde dépourvu de préjugés et capable de faire une place à tous et à toutes, indépendamment de leur orientation sexuelle. À l’instar de toutes les journées thématiques mondiales, celle dédiée à la lutte contre l’homophobie doit être prise en charge par tous les acteurs de la société civile : les organismes communautaires gais et les biens, les entreprises privées, les gouvernements, les administrations publiques, les ordres professionnels et toutes les personnes à la recherche de l’égalité.
Pourquoi le 17 mai? Cette date est symbolique de par l’importance qu’elle représente dans l’évolution de la condition homosexuelle et a été proposée par l’IDAHO (International Day Against Homophobia and Transphobia) pour la tenue d’une journée dédiée à la lutte contre l’homophobie. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales un 17 mai, mettant fin à plus d’un siècle d’homophobie médicale.
La Déclaration de Montréal issue de la Conférence internationale sur les droits humains des communautés LGBT tenue à Montréal du 26 au 29 juillet 2006, précédant l’ouverture des 1ers Outgames mondiaux inclut une recommandation pour la reconnaissance d’une journée internationale contre l’homophobie le 17 mai de chaque année.
Les informations que le crapaud vous transmet, et ce sera son geste concret pour soutenir la tenue d’une telle journée, ont été recueillies sur le site web de la Fondation Émergence.
Et retournons au hockey .
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mardi 11 mai 2010
Le trois cent cinquante-quatrième saut / Le trois-cent-cinquante-quatrième saut
La catastrophe écologique qui ravage actuellement les côtes du golfe du Mexique m’a rappelé la Prophétie de Léonard de Vinci que citait Jean Bédard dans son roman historique Nicolas de Cues. Je vous l’offre pour la réflexion.
. On verra sur terre une espèce animale qui sans répit se combattra elle-même avec grandes pertes et morts fréquentes. Elle n’assignera pas de limites à sa malice. Il arrivera donc un temps où elle ne tuera plus par milliers, mais par milliers de milliers. Elle éliminera la peste et le choléra de façon à se rendre maître de sa propre destruction. Elle arrachera à la nature ses droits sur la mort afin d’avoir plus de chairs à broyer dans ses guerres, ses déchirements et ses obsessions. Elle ruinera sa propre âme dans des machines infernales. Ô terre! que tardes-tu à t’ouvrir pour engloutir dans les crevasses profondes de tes abîmes cette monstruosité par trop cruelle! Tu l’as attachée par des liens qui échappent à son entendement. Tu as écrit tes instructions dans une langue qu’elle ne peut comprendre. Tu as fait planer au-dessus de sa tête des espérances inconcevables. Es-tu insensée, ô terre! de graver dans son cœur des aspirations inaccessibles? La voici folle de rage. Elle ronge ses membres comme un renard pris au piège. Elle ne peut tout simplement plus se comprendre elle-même et la voici tournoyant dans son propre chaos comme si elle était ivre de sa propre mort.
Dans son livre L’homme est-il en voie de disparition?, Jean-Claude Guillebaud propose cinq frontières qui délimitent l’humanité de l’homme :
. celle qui sépare l’homme de l’animal;
. celle qui sépare l’homme de la machine;
. celle qui nous sépare de la chose;
. l’homme ne se réduit pas à ses organes;
. la tentation à accepter que l’homme soit «en voie de disparition», le renonciation du sujet.
Et il ajoute :
. … s’il n’y a plus d’homme et s’il n’y a plus de sujet, comment pourrons-nous parler de droits de l’homme? Et si nous sommes convaincus que le cerveau de l’homme n’est rien de plus qu’un ordinateur, comment ferons-nous demain pour expliquer qu’il est plus grave de tuer un homme que d’éteindre un ordinateur?
Un peu dans le même ordre d’idée, cette phrase de Nikos Kazantzaki tirée de son roman Le Christ recrucifié :
. Alors la terre, les arbres et les bêtes avaient respiré librement, délivrés de la contrainte de l’éphémère bipède qui avait un instant bouleversé l’ordre éternel des choses.
Dans son magnifique Jusqu’au matin, Han Suyin écrit :
. Les hommes créent de belles théories et de beaux credos pour se convaincre de la justesse de leur dernier carnage.
La prochaine, de L’hiver de Mira Christophe de Pierre Nepveu :
. Nul ne peut prévoir si nous allons vers le désastre, et si le désastre sera une fin ou un recommencement. Rien ne sert de le précipiter, et je ne suis pas sûr qu’on puisse le retarder.
Et Kafka dans La colonie pénitenciaire :
. Regardez-moi cette machine… Jusqu’à présent il fallait la servir, maintenant elle fonctionne toute seule.
Maxime Gorki, dans La mère :
. Ils étaient nés avec cette maladie de l’âme qu’ils héritaient de leurs pères, qui les accompagnait comme une ombre noire jusqu’à la tombe, et leur faisait commettre des actes hideux d’inutile cruauté.
D’Atiq Rahimi, de son roman Terre et cendres :
. … la loi de la guerre c’est la loi du sacrifice. Dans le sacrifice, ou bien le sang est sur ta gorge, ou bien il est sur tes mains.
Ne trouvez-vous pas que ces citations ont en commun le souci de ne pas… ménager l’homme? Michel Houellebecq en rajoute. C’est tiré de La possibilité d’une île :
. Si l’homme rit, s’il est le seul, parmi le règne animal, à exhiber cette atroce déformation faciale, c’est également qu’il est le seul, dépassant l’égoïsme de la nature animale, à avoir atteint le stade infernal et suprême de la cruauté.
Et ces dernières, en vrac :
. Puisque nous sommes des hommes, il convient, non de rire des malheurs de l’humanité, mais de les déplorer.
Démocrite d’Abdère
. Il restera de l’homme juste assez de phosphore pour fabriquer une boîte d’allumettes et juste assez de feu pour forger le clou d’un pendu.
Carl Sandburg
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vendredi 7 mai 2010
Le trois cent cinquante-troisième saut / Le trois-cent-cinquante-troisième saut
Aujourd’hui, vendredi 7 mai, c’est jour d’anniversaire. Double. D’abord celui de mon ami depuis toujours, Jean-Luc à qui je dédie ce saut et de Sébastien Soly, l’amoureux de Catherine. Je leur souhaite un belle journée et les assure de ma profonde affection.
Il y a un certain temps que le crapaud n’a pas déposé de poèmes sur un de ses sauts. Vous le savez - et ainsi l’excusez - c’est toujours long et pénible pour lui d’entreprendre un poème mais davantage l’achever.
Celui d’aujourd’hui viendra rejoindre (neige chinoise) du saut 314.
À mon ami Jean-Luc :
comme un poème géographique
à une flaque d’eau atlantique, les pieds enchaînés
s’étendront, pacifiques, jusqu’au bout de la terre
au bout de la mer… et des autres liquides
suivant les fuites parallèles des crevasses vierges
à pas timides ils s’avanceront
tel un grand, un long poème géographique
par delà les distances qui explosent des cartes
s’arrêtant finalement à l’envers du monde
pour chercher dans l’eau… sous l’eau
les vérités qui mentent à l’ordalie du temps
et s’y abreuvent jusqu’à plus soif
sur le piédouche des baies arctiques,
puissamment, ils se relèveront de leurs faiblesses
mesurant la hauteur des falaises volcaniques
et à bout de sang, comme celui qui a tout perdu,
ils s’échapperont avec la fonte des icebergs
comme un grand, un long poème géographique
«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»
B R A N D O N (nom masculin)
. torche de paille enflammée servant à éclairer ou à mettre le feu;
- flambeau
. débris enflammée qui s’échappe d’un incendie;
. saie-brandon : saisie.
C A R M I N (nom masculin)
. colorant rouge vif, tiré à l’origine des femelles de cochenilles;
. couleur rouge vif.
- rouge; vermillon.
. comme adjectif invariable : du rouge carmin; des étoffes carmin (carminé).
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mercredi 5 mai 2010
Le trois cent cinquante-deuxième saut / Le trois-cent-cinquante-deuxième saut
Nous y allons d'une huitième leçon de nouvelle orthographe. Vous verrez que nous deviendrons excellents…
8) Les mots anciennement en –olle et les verbes anciennement en –otter s’écrivent avec une consonne simple. Les dérivés du verbe ont aussi une consonne simple. Font exception à cette règle colle, folle, molle et les mots de la même famille qu’un nom en –otte (comme botter, de botte.)
Ainsi, corolle devient corole.
Frisotter, frisottis deviennent frisoter, frisotis.
Là encore il s’agit de supprimer des incohérences : corole s’écrit désormais comme bestiole; mangeoter suit neigeoter.
Quelques exemples :
Ballotter devient balloter
Barcarolle devient barcarole
Cachotterie devient cachoterie
Garrotter devient garroter
Grelotter devient greloter
CADAVRE EXQUIS
NUMÉRO 8
par la marée du matin
ils sont descendus
marchant entre les agates
rejetées par les chorales de baleines
la vie
éternelle répétition parallèle
arpentée
serpentée
comme en des corps
sans regards,
sans mains,
sans voix
peut-on? mourir
comme un amour en marche devant la maison
celui qui attend du désir enfoui
qu’il reprenne son allure
plus espérée qu'inattendue
les cœurs éclatent en un morceau
catapulté aux confins de l’horizon
nourritures pour geais bleus
«un carnet d'ivoire avec des mots pâles»
A P O C R Y P H E (adjectif et nom masculin)
. que l’Église ne reconnaît pas, n’admet pas dans le canon biblique
comme nom : dont l’authenticité est au moins douteuse
- (adjectif : faux, inauthentique)
- (nom : controuvé)
A T R A B I L E (nom féminin) ---a t r a b i l a i r e (adjectif)
. qui a rapport à l’humeur noire.
. * caractère, humeur, tempérament atrabilaire : porté à la mauvaise humeur, à l’irritation, à la colère.
- («L’atrabilaire amoureux», sous-titre du «Misanthrope»)
- (bilieux, mélancolique, coléreux, irritable)
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samedi 1 mai 2010
Le trois cent cinquante et unième saut / Le trois-cent-cinquante-et-unième saut
JE PEINS POUR PARLER COMME J’ÉCRIS POUR VOIR
Roland Giguère écrivait ceci en 1976.
Dans CŒUR À CŒUR, ce poème,
QUAND CELA SERA
Quand nous vivrons de rien
à l’ombre de nos érables
nus et abandonnés
dans le champ désert
de nos seules habitudes
comme fleurs oubliées
sur un corps inconnu
quand nous vivrons debout
dans la nuit éternelle
après nos années-lumière
perdues dans les marges du temps
qui passe entre nos mots
et revient pour dire adieu
sur une page immaculée
quand nous vivrons d’étincelles
au cœur du tableau noir
quand nous vivrons d’étoiles
dans nos jours sans fin
quand nous vivrons de tout et de rien
nous serons libres comme l’amour
dans les draps du vent
Et ces vers magnifiques :
. le temps tombe dans l’étang
. la nuit tombe dans l’étang
le vent fuit dans le vent
. Nous partirons à minuit
avec nos langues de feu
comme boussoles affolées
vers une terre infinis
nous serons inconnus
Dans LA MAIN AU FEU ces quelques citations :
. Pour laisser des traces de nous-mêmes, il nous a fallu nous dépouiller de ce que nous avions de plus pur. Nous avons renié nos propres ombres, nous nous sommes appliqués à donner une transparence totale aux ruines les plus abjectes; un simple verre d’eau devenait une mer bouleversée…
. La poésie, pour moi, n’est pas évasion mais bien, plutôt invasion. Invasion de l’univers extérieur par le monde du dedans.
. On habite ici, on rêve d’être ailleurs, on croit vivre là, on part en voyage, on revient, on ne part plus, on n’a jamais bougé d’ici, on reste, on n’est plus d’ici, on est parti, on est là… Mais à la fin, où sommes-nous? Et vous, où êtes-vous en ce moment? Oui, je sais, vous me l’avez déjà dit : quelque part.
L’ENVERS DU FUTUR
Une nuit peuplée de rivières sauvages
fait croire à la transparence du futur,
mais la vue est courte et la mémoire
opaque. On revient au présent difficile :
une boule de cristal pèse chaque jour de
plus en plus dans les yeux de la voyante
qui ploie sous le poids d’un avenir incertain.
Mais la vie avance et, avec elle, toutes
les chances de survie dans les visages
que nous aimons.
À NE PAS MANQUER, cette exposition actuellement offerte à la Grande Bibliothèque de Montréal :
«Héritier des surréalistes, manieur de l'encre noire comme de la couleur, jongleur de mots, Roland Giguère crée en 1949 Erta, une petite maison d'édition artisanale où l'expérimentation graphique et typographique s'allie à la poésie. Il publie alors son premier recueil de poèmes, Faire naître. Plus tard, L'âge de la parole, puis Forêt vierge folle confirment sa voix poétique, empreinte d'amour, d'humour et de douce folie. Roland Giguère est le seul créateur à avoir reçu le prix Paul-Émile-Borduas en arts visuels et le prix Athanase-David en littérature, deux prestigieuses distinctions décernées par le gouvernement du Québec.
Puisant dans le fonds d'archives du poète ainsi que dans les collections patrimoniales d'estampes et de livres d'artistes de BAnQ, cette exposition met en lumière la contribution remarquable de Roland Giguère aux arts visuels et à la littérature d'ici.»
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