vendredi 24 octobre 2008

SAUT: 238



Les deux poèmes de ce matin se situent à une telle distance l'un de l'autre, qu'ils aient été écrits presqu'au même moment cela tient de l'incroyable.

Le premier (Hubble) est la suite d'un poème inachevé qui traite de l'homme, en fait des morceaux d'homme. Il se situe aux confins de l'espace, là où le temps prend son temps, où la distance semble devoir se calculer à partir d'éléments qui nous sont inconnus... alors que le second (les cendres) - poème triste - se déroule tout près et très loin sur la mer.


Si on voulait qu'ils se télescopent, se rejoignent, c'est par la musique peut-être, celle des B, celle qui devient l'ombre d'une main tendue, on retrouverait alors... un homme morcelé, éclaté et en cendres...


Les voici:




Hubble




Hubble est sa demeure
à demeure

catapulté
devenu martien sur un sable rouge et glacé,
ses longs yeux planétaires dessinent des soleils noirs et frisés

enfermé par la Nasa dans des bouteilles de granit
expédié par courriels sur des galaxies consentantes

il verse en catimini les arrhes
afin de visiter des télescopes nains
rêvant de planètes enceintes



Hubble est son habitacle
habitable à mille degrés en dessous de zéro

il l’avait demandé, puis exigé et enfin supplié
debout face à la porte des étoiles éteintes
qui s’ouvrit sur un laissez-passer, aller seulement
avec promesse de retour dans un milliard d’années
le jour où la lumière rapportera des morceaux de l’homme galactique



Hubble perdu entre les feuilles commentées par CNN
englouti dans le sable de la planète Mars
étouffé par la poussière des eaux asséchées

vomit au bout de son bras
un homme
à la recherche de soi
un homme
assourdi de silence
un homme seul
et cruellement morcelé





les cendres





cendres à la mer jetées
par elle avalées
celles qui avaient broyé
ta souffrance esseulée


les crabes boitent sur une musique de Bach


cendres enfermées au sablier
tapissent le grand hunier
à l’horizon près du voilier
courant s’évader


les oiseaux de mer planent sur un quatuor de Bartok


cendres aux poussières emmêlées
au fond de l’océan s’en sont allées
aux coraux, enroulées
comme un serpent d’océan égaré


les grands poissons jazzent sur un air de Berlioz


cendres asséchées
se balançant au cœur des marées
le ressac les a bousculées
puis sur la grève jetées


les coquillages vides transportent des échos de Borodin


cendres piétinées
par des marcheurs égarés
jamais ne se sont arrêtés
au matin ensoleillé


les vagues blanches lèchent une symphonie de Brahms


les cendres jetées
resteront enterrées
ainsi que de Bruckner, l’inachevée,
sur une île désertée…



Au prochain saut

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