samedi 8 mars 2025

Si Nathan avait su (22)

                             


- Mademoiselle Thompson, je veux voir deux minutes ?
- Madame Abigaelle Thompson est mon nom.
 
Un court instant le fauteuil roulant de madame Saint-Gelais frémit alors qu'elle entrait dans son bureau enjoignant l’éducatrice de fermer la porte derrière elle, ce à quoi Abigaelle répondit non d’un ton de voix sans équivoque, demeurant debout face à la directrice de l’école ne sachant trop comment interpréter ces paroles énergiques. Elle retrouva en un tour de voix l’assurance un instant échappée.
 
- Je crois que vous oubliez à qui vous vous adressez, mademoiselle.
- Madame vous avez interpellé dans le corridor une autre personne que moi et sachez que pour toute rencontre avec la direction, je dois aviser mon syndicat qui affectera quelqu’un pour m’accompagner.
- Nous partons sur de bien mauvaises bases… elle n’eut pas le temps d’achever sa phrase que Abigaelle avait déjà quitté le seuil de porte du bureau tournant le dos à une Madame Saint-Gelais en furie. Ça ne restera pas là, sachez-le.
 
Abigaelle allait traverser la rue pour entrer chez elle, mais bifurqua en direction du bureau de la poste. Dans un village comme celui des Saints-Innocents, cet endroit, un peu comme chez la coiffeuse ou chez le barbier, se révèle être le meilleur endroit pour capter les dernières nouvelles, ou les rumeurs, ou en laisser choir soi-même. Depuis son arrivée, la nouvelle éducatrice à la Westfalia jaune faisait l’objet de bien des interrogations et elle en était tout à fait consciente. 

La maîtresse de poste, souvent la personne la mieux placée pour éteindre ou raviver les feux, étouffer les ragots ou laisser flotter des sous-entendus, s’est pris d’affection pour cette jeune fille à l’allure dégourdie. Auprès d’elle Abigaelle en apprit beaucoup autant sur les us et coutumes du village que sur les personnes à côtoyer, celles à éviter. Ainsi elle nota le nom et les coordonnées du responsable de l’émission des permis de pêche et de chasse qui démarrera d’ici quelques jours, le 21 septembre pour être exact. Cette activité de plein air, comme elle l’avait dit à ses huit élèves, était une des principales raisons l’ayant amenée à choisir ce village pour s’y établir. Les enfants furent émerveillés d’apprendre cela puisque tous les pères de famille, ici, en sont également adeptes, mais très peu de mères. Chasse et pêche font partie de l’ordinaire du village en raison de la proximité avec la rivière CROCHE qui reçoit les deux ruisseaux traversant la paroisse, l’un au nord, l’autre au sud. Pour ce qui est de la forêt, elle s’étend, du moins ce qu’on en dit, sur plus de cinq milles - malgré l'implantation du système métrique au pays, on notait à cette époque beaucoup de réticence à l'adopter - ceinturant le village dans son entier.

- Vous m’avez bien dit que le responsable des permis est d'origine autochtone, demanda Abigaelle.
- Oui et il est très gentil. Ça fait longtemps que nous n'avons pu bénéficier de quelqu'un d'aussi compétent, surtout de si honnête. Avec lui, pas de passe-droits. D’ailleurs sa fille fréquente votre école.
- Chelle est sa fille ? Je me demandais pour quelle raison elle ne porte pas de nom de famille, mais je pourrai m’informer auprès de son père.
- Cette famille vit au bout du rang qui ne porte ni numéro ni nom comme tous les autres de la région, on l’appelle le rang non asphalté. Faux, il y en a une deuxième, parallèle à celui-ci, un boisé les sépare, un petit boisé mais quand même, on dit que certains chevreuils s’y cachent pendant la saison de la chasse puisque les tireurs fréquentent surtout la grande forêt, ça devient comme leur refuge. Le deuxième aussi n’est pas asphalté. La raison, et elle est valable pour les deux rangs, c’est qu’ils ne sont pas habités, sauf bien sûr par la famille autochtone sur un et une autre famille, très spéciale celle-là, dans le rang parallèle, vous verrez bien par vous-même. Les ojis-cris sont arrivés il y a quand même un bout de temps, mais  depuis que Don s’est inscrit à l’école professionnelle et devenu garde forestier et garde-chasse, la famille est un peu, en fait un tout petit peu mieux acceptée dans le village. Don est le papa de la petite qui est dans votre classe. Pas grand monde ne les fréquente, mais j’ai su qu’il y a un rapprochement entre les deux familles qu’on pourrait appelés… je ne sais pas si c’est le bon mot… les exclus.
- Chelle est adorable, mais craintive.
- Je crois, répondit la maîtresse de poste, que c’est la première fois depuis sa naissance qu’elle côtoie de nouvelles personnes. On vit de manière solitaire autour de leur ancêtre, la mère de Don. Il semble que  depuis le décès de son mari, l'autorité dans le clan, c'est elle. Le plus jeune de la famille de Daniel et Jésabelle, ceux qui vivent au bout du deuxième rang non asphalté s’appelle Benjamin, un petit garçon dont on connaissait l’existence sans jamais l’avoir vu.
- Oui, il est aussi dans mon groupe, c’est d’ailleurs le plus jeune de tous. Toujours avec Chelle, ils sont de véritables complices. Je comprends mieux certaines choses, merci pour ces informations, ça m’aide beaucoup.
 
Les deux femmes changèrent de sujet alors qu’entrait dans l’agence une dame se dirigeant directement vers les casiers postaux tout en maugréant. Épouvantable de nous faire ça à nous pauvres vieux, être obligés de se déplacer pour ramasser nos lettres, avant le facteur venait directement à la maison. Faudra changer de gouvernement aux prochaines élections. Épouvantable ! ne cessait-elle de répéter. Je vais vous aider madame Brodeur avec votre casier, proposa gentiment la maîtresse de poste.
 
- J’oubliais Abigaelle, vous venez de recevoir du courrier de l’université. Vous devez signer ce document pour le réceptionner, continua la généreuse employée tout en ouvrant le casier postal de la vieille dame qui ne cessait de reluquer du côté de l’éducatrice.
 
- L’université ? Vous allez à l’université, demanda madame Brodeur portant un regard inquisiteur sur la jeune fille. Dans mon temps, les filles on finissait en septième année, c’était assez. Il ne nous restait qu’à trouver un cavalier puis nous marier pis faire des enfants… à pochetée…
- Que voulez-vous, les temps changent répliqua la maîtresse de poste un sourire narquois aux lèvres. Voilà vos lettres, avez-vous besoin d’autre chose madame Brodeur ? La vieille dame déposant son courrier dans un grand sac à main qui a certainement survécu à quelques générations, la remercia puis, comme si elle chassait des mouches autour d’elle, bafouilla des mots inaudibles en quittant le lieu public péniblement et à pas lourds.
 
Abigaelle récupéra l’enveloppe que l’université lui avait postée, salua poliment celle dont elle ne connaissait pas le nom, et se permit de le lui demander. Je me nomme Angélina. Vous allez sourire si je vous donne mon nom de famille, dit-elle, Angélina Mailing.
 
- Vous êtes d’origine …
- Irlandaise. Et vous, Thompson, c’est ...
- Anglaise. Eh bien voilà nous avons un point commun.
- J’espère qu’il nous unira… En réalité mon véritable prénom, celui que mes parents m’ont donné à la naissance c’est Angel. Angel Mailing devenu Angélina pour des raisons… disons, culturelles. Dans les yeux de la dame une trace de brouillard s’y dessina, comme si ce qu’elle venait de laisser échapper était porteur d’un maléfice.
- Aucun doute Angélina, l’union fait la force.  Et elle quitta le bureau son colis sous le bras.

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Les amis d'Abigaelle furent surpris lorsqu’elle leur annonça au début de l’année 1972 qu’elle s’inscrivait à l’Université Laval de Québec pour y entreprendre son doctorat en éducation. Sa maîtrise fut reçue avec beaucoup d’éloges par ses professeurs de l’Université de Montréal qui virent en elle une doctorante en devenir à l’intérieur de leurs murs. Des événements déchirants l’incitèrent à quitter la grande ville pour se diriger vers Québec, là où elle joignit la cohorte que dirigerait madame Jeanne Lapointe qui fut  membre de la Commission Parent dont le mandat était d’étudier l’organisation et le financement de l’enseignement au Québec, de faire rapport de ses constatations et opinions et de soumettre ses recommandations quant aux mesures à prendre pour assurer le progrès de l’enseignement au Québec. 

Abigaelle s’intéressait à l’époque à deux choses en particulier : l’enseignement au niveau pré-scolaire qu’elle jugeait inadéquat ainsi que l’engagement des femmes dans la vie publique, trop invisible selon son point de vue. Jeanne Lapointe, bien qu’issue du monde littéraire, impressionna celle qui souhaitait enseigner tout en poursuivant son doctorat, une situation plutôt inusitée dans les années ‘70. Leur rencontre fut on ne peut plus cordiale et le coup de pouce qui s’en suivit allait lui permettre de combiner ses deux objectifs. Ne restait plus qu’à trouver un endroit propice à agencer les deux tâches. L’intervention directe du ministre Paul-Gérin Lajoie, non sans une certaine hésitation, auprès de la commission scolaire des Saint-Innocents, ouvrit les portes à Abigaelle. Seul le président actuel de la commission scolaire est au courant de cette intervention, mais comme il aimerait pouvoir le crier haut et fort ! Avoir parlé directement au ministre,  le premier à porter le titre de ministre de l’Éducation au Québec lui aurait permis de se gonfler le torse.

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Par cette belle fin d’après-midi présageant la venue imminente de l’automne, la jeune éducatrice revenait d’un pas déterminé vers chez elle. Inopinément et à toute allure une camionnette l’effleura, l’obligeant à se ranger précipitamment sur le côté de la rue principale. Une camionnette bleue. 







jeudi 6 mars 2025

나는 한국어를 할 줄 몰라요

 나는 한국어를 몰라요


Je ne parle pas coréen                                   Cela peut sans doute vous surprendre
Avec tout ce temps mis à le décrypter  Je n’y arrive toujours pas
Le professeur m’a invité  - Poliment d’ailleurs - À me mettre plutôt au sanskrit
Plus facile m’a-t-il dit    Pour le type de mémoire que j’ai    Unidimensionnelle
Celle qui avance sans réfléchir Puis aussitôt prend un pas de recul
Sans imaginer qu’on puisse   À un certain moment   - Le plus souvent imprévu -
S’arrêter, complètement à l’arrêt             Et se poser cette question bête
Si je parlais, non, si je réussissais             À le parler, ce coréen indéchiffrable
Si je ne commettais aucune erreur          Grammaticale ou vocale
Ce qui est probablement le plus difficile     Autant à maîtriser qu’à prononcer
Si j’y arrivais… j’aurais quoi à dire             Quoi à dire et à qui le dire
On ne parle pas couramment coréen  autour de moi, on parle beau temps
Mauvais temps et aussi, contre les autres     Dans une langue en bois de vipère
Équarrissant voyelles et consonnes                 À grands coups de «tsé veut dire»
Relevée comme du piment coréen 
Laissant en bouche un inintelligible goût gaulois
Parsemé d’une touche à peine perceptible 
De cumin mêlé à de l’ancien arrow-root
Il faudrait, peut-être, un abonnement à la bibliothèque coréenne
Celle que l’on doit bientôt ériger en lieu et place d’un restaurant chinois
Fermé parce qu’on n’y parlait pas français dans les officines officielles
Certains avancèrent même des questions d’insalubrité 
- Chronique, ajoute-t-on -
Mais cela n’a jamais été déchiffré                     Du moins à ma connaissance
Plus approfondie que mon apprentissage de la langue coréenne
Dont je conserve des souvenirs qui ne veulent pas s’évanouir.

나는 한국어를 몰라요             나는 한국어를 몰라요

 

Je ne parle pas coréen                                     Vous le saviez déjà l’ayant lu plus haut
Mais je vous le répète à haute voix comme s’il s’agissait d’un pensum
Dont la pertinence reste encore à démontrer  Comme on démonte un théorème
Apprendre une langue non maternelle                 Bien qu’elle soit quasi universelle
Comporte certains avantages                Mais charrie une kyrielle d’inconvénients
Les deux non équipollents si on les dépose sur une balance à bascule
Ne sont pas reliées au nombre parfois hallucinant de mots accumulés
Au fil des siècles      Ce qui pose l’inévitable question     Celle qui tue
Combien d’idées n’ont pu trouver un canal lexical suffisamment fluide
Pour s’y accrocher                 S’y sentir à l’aise sémantiquement parlant
Puis se retrouver au cimetière des langues mortes           Ad vitam aeternam
Glissant vers des lapsus linguae    Lapsus calami ou scriptae 
Lapsus clavis ou lectionis                 Lapsus memoriae ou auditionis 
Lapsus gestuel  ou manus
Glissades involontaires, inconnues les unes des autres, sans poignée de secours
Dénudées de leur encre de Chine                                              Parfaitement effacées
Souhaitant qu’un quelconque quidam solitaire retrouve  par pur hasard
Dans les rayons poussiéreux d’une bouquinerie en faillite
Un dictionnaire Robert ou Larousse ou Thesaurus ou Harrap ou Cambridge
À l’intérieur duquel certaines pages annotées                     D’autres caviardées
Ravivent surprenamment le goût d’apprendre une langue non maternelle 
Pas le coréen… trop difficile     Babel, peut-être, tour qui  par retour de mémoire
Tourna au chaos, au pêle-mêle confus              Proclamant Haut et Fort
Que la langue   Pour témoigner de son utilité   Doit germiner en amont, à sa source
Là où éclot le langage

나는 한국어를 몰라요     나는 한국어를 몰라요                                    나는 한국어를 몰라요

 
Je ne parle pas coréen…         Vous l’ai-je assez dit    Redit...  Radoté… Ergoté…
À un point tel que je me culpabilise         Non pas à cause du coréen     Trop facile
Plutôt en raison de tout ce que j’aurais pu dire d’intelligent                Ou pas
Une fois maîtrisé l’alphabet Haguel ?  Non    La situation est identique
Quelque soit la langue non maternelle qui s’offre à nous   
Le langage, celui des humains, je le mentionne d’entrée de jeu  
Question de s’entendre    Mais aussi celui des animaux, du cirque    
Certains végétaux aussi communiquent avec leur environnement  
On décèle des sons extraterrestres
L’intelligence artificielle crée du langage semble-t-il                           Fort adapté
Rien n’arrête le progrès                                  Mais… il y a toujours un… mais
Alors qu’on se captive à découvrir diverses représentations langagières
Il existe le silence         Lourd                         
Volontaire, confortablement articulé        Difficile à interpréter      
Comme s’il s’agissait du coréen
Notre valeureux côté binaire positif/négatif en arrache supérieurement
À tenter    Ce qui semble remonter à l’âge des borborygmes et des gargouillis -
D’en interpréter le sens premier ou le sens métaphysique          Freudien, peut-être
Y aurait-il plus à dire sur le silence que sur la parole                    Ment-il mieux ?
Le décortiquer d’abord pour mieux saisir le langage ?   Les deux sans doute
Mais - Il y a toujours un mais -                      Plus profond que le silence  
Plus explicite que le langage filtré par la langue qu’on utilise
Entre les voix extérieure et intérieure        Là où se faufile l’évanescence du temps
S’abrège l’espace tout en se rognant        Cette profonde différence qui s’attable
Devant soi                                                               Pour mieux nous étourdir

 나는 한국어를 몰라요            나는 한국어를 몰라요

나는 한국어를 몰라요             나는 한국어를 몰라요

 

Je ne parle pas coréen… Je ne reviens plus sur cette affirmation fort bien documentée
Un peu, peut-être, sur mon incompréhension totale des mécanismes du langage
Il vient d’où ce besoin de communiquer ? Atavisme  Hérédité   Prédisposition
Et si nos ancêtres avaient été muets         Mieux, sourds et muets  
Ou inaptes à créer ou apprendre une langue tout comme moi le coréen
Qui serions-nous maintenant ?                    Des invertébrés linguistiques
Souffrant, en plus, d’une déficience majeure et cérébrale      Des sans-voix…
Serions-nous par ricochet des êtres violents ?           Un peu plus que maintenant
Des incapables fonctionnels à socialiser avec tous les nous-mêmes voisins
Inaptes à partager nos expériences extravagantes mais combien solitaires
Des réduits à ne plus savoir d’où nous venons               Où nous allons
Armés …     Surarmés de bâtons, de frondes, d’arcs et de flèches, inquiets.
Ne sachant départager dans le regard de nos semblables ou dissemblables
Des intentions amicales ou des velléités agressives       Guerrières     Pacifiques
Serions-nous le contraire de qui nous sommes actuellement ?            Les mêmes ?
Les livres de paléontologie modernes examineraient-ils nos fossiles muets ?
Inventeraient-ils une nouvelle science plus ou moins expérimentale
Afin de cerner les caractéristiques particulières de nos autres sens
Mieux adaptés, plus aiguisés, moins révélateurs d'une entité supposée
Ayant cessé d’évoluer une fois arrivée à la période de lalation ?
Mais la réalité est tout autre             Plus complexe peut-être en raison du langage
Je n’ose l’affirmer, qu’une hypothèse reposant sur ce fondamental
L’humain muni de langage, ce maelstrom incontrôlable, a franchi des siècles
Des millénaires, diversifiant les langues, ces outils indispensables
Pour lui assurer, sans trop le savoir vraiment, ce lien ténu parfois fragile
Entre lui et l’autre et l’autre encore, afin de dire, se dire, recevoir, se recevoir

 

나는 한국어를 몰라요                                                             나는 한국어를 몰라요

나는 한국어를 몰라요                                                             나는 한국어를 몰라요

    나는 한국어를 몰라요


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나는 한국어를   몰라요  signifie «Je ne parle pas coréen»

mercredi 5 mars 2025

1134ième saut de crapaud

 


Il y a si longtemps déjà j'identifiais les billets publiés sur LE CRAPAUD par des nombres transcrits de différentes façons. Cette habitude est devenue obsolète sans trop que je sache pourquoi exactement, mais tel n'est pas mon propos d'aujourd'hui.

Avez-vous déjà pensé au texte de l'épitaphe inscrite sur votre lieu de repos éternel, qu'il soit en cendres, sous terre ou dans l'eau comme c'est maintenant possible ?  

La première citation, celle de Jean-François Beauchemin, est mon choix pour le moment. On la lira, non j'ai une meilleure idée, je vais l'enregistrer quelque part et on la lira le jour où mes cendres se répandront ici et là ou quelque part d'autre... 

. Beaux oiseaux de ma vie bien assis sur vos branches, me direz-vous vers quel soleil mène cet amour plus haut que moi-même et que mon corps ?
Jean-François BEAUCHEMIN


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Avant que vous ne receviez les suivantes, voici l'élément déclencheur qui m'a guidé dans le choix de ces citations provenant comme à son habitude de mes cahiers de lecture : la beauté de la phrase, tout simplement.


. Ils vivaient en silence comme deux vieux époux échaudés par la vie, au-delà des pièges de la passion, au-delà des mensonges barbares du rêve et des mirages de la déception : au-delà de l’amour. Car ils avaient vécu ensemble assez de temps pour comprendre que l’amour est l’amour, en tout temps et en tout lieu, et qu’il est d’autant plus intense qu’il s’approche de la mort.
Gabriel GARCIA MARQUEZ

. … nommer un être, c’est le rendre présent…
Michel TAURIAC
 
. La vraie beauté a quelque chose de si particulier et si nouveau qu’on a du mal à la reconnaître et à l’identifier comme telle.
 Philippe LABRO

. Je n’ai pas trouvé mon bonheur tout de suite, parce que je l’ai cherché dans le malheur des autres. 
Tonino BENACQUISTA
 
. La poésie est un monde à l’arrière du monde.
Jon Kalman STEFANSON
 
. Mais le bonheur est fragile, et quand les hommes et les circonstances ne le détruisent pas, il est menacé par les fantômes. 
Marguerite YOURCENAR
 
. Je suis l’ombre de ce que nous avons été et nous existerons aussi longtemps qu’il y aura de la lumière.
Luis SEPULVEDA

. On dit tant de choses dans une vie, et puis ce qu’on a dit s’efface, ça n’est plus rien du tout. 
J.M.G. LE CLÉZIO
 
. La vie est jeune. En vieillissant, elle se fait durée, elle se fait temps, elle se fait adieu. Elle vous a tout pris, et elle n’a plus rien à vous donner.
Romain GARY
 
. ... la définition de la poésie : dire ce que l’on n’a jamais vu.
Sylvain TESSON




dimanche 2 mars 2025

LES MÉMOIRES DE MAYRON SCHWARTZ

                                                       


Mémoires de Mayron Schwartz

Jean-François BEAUCHEMIN
Québec-Amérique, 2024
 
     Je dépose le bouquin tout à côté de ma tasse à café au fond de laquelle une tisane (valériane et réglisse) a refroidi. À bientôt 78 ans, la valériane est une compagne idéale pour calmer les nuits. Je demeure dans un état que je qualifierais de contemplatif alors que pour l’auteur de ce magnifique livre y collerait plutôt l’étiquette de « spirituel ». 

     Comme je ne peux bénéficier de la présence du Père Labranche, c’est sur You Tube qu’il m’est permis d’écouter les sonates pour clarinette de Brahms. Je regrette un peu le fait que les enregistrements soient pour clarinette et piano, mais dans les champs de l’amoureux des abeilles, des moutons et des bovins, on ne pourrait certainement pas y installer un piano. Moment contemplatif, celui-ci d’une intensité différente puisque la musique l’enveloppait. 

     Faut évoquer, et c’est important, quelques pages auparavant, lors des funérailles de … - j’oublie lesquelles, celles de Hannah à qui Mayron apprend la lecture à partir du Calepin d’un flâneur de Félix Leclerc… celles de la grande dépressive Shamira qu’on ne peut qu’aimer de toutes nos fibres… celles peut-être du magnifique Solomon, le grand-père dyslexique nous offrant des tournures de phrases d’une si grande profondeur… ou les funérailles du végétarien Aaron qui sans doute tente encore de concilier deux religions là où il est… - donc, lors d’une de ces funérailles on a chanté La Chanson de Tessa qu’immédiatement je suis allé réécouter à partir de la version de Mouloudji. Ça va directement au cœur, sans aucun doute l’organe pour qui Mayron a le plus de considération.
 
     J’aurai bientôt 78 ans, l’âge de ses grands-parents  - nous sommes bien ancrés dans deux familles juives ayant survécu physiquement au camp d’Auschwitz - toutefois, marqués dans leur âme par ces horreurs dont le narrateur nous épargne le récit détaillé, mais présente tout du long des mémoires de Mayron. 78 ans bientôt, je suis de l’âge de ces quatre personnes qui cultivèrent durant toute leur vie une solide culture familiale que lui et sa soeur Rivka, tout en mesurant ses fondements, peuvent ensemble - car ils sont souvent ensemble - non pas objectiver, je dirais davantage les relativiser.
 
     Tout ce récit est d’une pureté esthétique digne de l’immense talent de Jean-François Beauchemin, de sa profonde humilité devant les continuelles et pertinentes interrogations que la vie lui pose, la vie qui nous mène à la mort, Inévitablement, mais aussi et je dirais surtout par ce choix qu’il fait de quotidiennement solidifier les multiples jets du bonheur, les finasseries de la joie, que ce soit à voir et s’émerveiller des prodiges de la nature qu’il décrit de manière si délicate, sources inaltérables de recommencements, comme le dirait si bien Hélène Dorion qui rend visite à Mayron, elle qui n'est pas la seule à venir, Yves Beauchemin se présentera tout comme Dany Laferrière ainsi que le contremaître d’une bonne partie de notre architecture culturelle québécoise, Gilles Vigneault. Ces rencontres sont toujours, mais toujours remplies de spontanéité et d’amour qui ramènent l’auteur à ces mémoires d'entre deux âges, celui de l’enfance et celui du jeune homme de dix-sept ans qu’il croise à l’occasion de ses nombreuses promenades qui un tantinet soit peu ressemblent aux couleurs solitaires de Jean-Jacques Rousseau.
 
     Parmi ces personnages se dresse Léa, l’épouse de Mayron dont j’aimerais qu’elle m’invite à sa table comme elle le fit pour un de ses jeunes élèves un peu à la dérive, pour la regarder, lui dire tout simplement, «j’ai aussi une Léa dans ma vie de grand-père qui aura bientôt 78 ans, ma petite-fille que j’aime à la manière dont toute votre famille s’aime» et peut-être que nous irions dans le jardin, une nappe étendue au sol, un Ricard à la main, nous taisant parfois pour regarder le pensif Malraux renifler quelques fleurs sauvages. Il serait trop tard pour saluer son ami Gabriel, mais sans aucun doute nous en aurions abondamment jasé. 
 
     Tous les personnages chez Jean-François Beauchemin, ici tout comme dans les autres livres, sont des êtres… du quotidien, mais nous poussant chacun à sa façon à aller plus loin pour en revenir mieux charpenté comme être humain et principalement, plus heureux. Il ne faut pas oublier parmi les personnages de cet auteur unique, les animaux. Il manifeste pour eux, domestiques ou sauvages, une forme de respect qui loge tout à côté de la vénération. Voir Mayron partir vers la ferme du vieux Labranche, que ce soit de jour ou en pleine nuit, afin de tenir compagnie à la vache Antoinette, son amie Solange, si je ne fais pas erreur, au boeuf Rosaire qui adore qu’on lui lise des poèmes de Gaston Miron ; revenir pour croiser le renard Eugène dont la photo magnifique orne la couverture du livre : mêmes teintes confondues, de cette couleur végétale s’imbriquant dans celle de l’animal au regard presque humain et qui doucement se laisse apprivoiser - nous pensons au Petit Prince - mais de loin, encore.
 
Je l’ai dit, je suis un vieil homme qui aura 78 ans bientôt, alors beaucoup plus en marche vers la mort que ce génial Jean-François Beauchemin et peut-être moins préoccupé que lui par cette inévitable évidence. J’avance une quasi certitude… ce livre m’aura permis de revenir sur de nombreux événements, à la rencontre de plusieurs auteurs qui ont parsemé mon parcours… ce livre est devenu pour moi un coup de vent très léger dans ma mémoire et comme le répète si bien ma belle-soeur Claire, «un livre qui fait du bien à l’âme et qu’il faut absolument relire».
 
Merci Jean-François Beauchemin

Jean TURCOTTE
Un vieux de bientôt 78 ans,
2 mars 2025

Jean-François BEAUCHEMIN


samedi 1 mars 2025

Si Nathan avait su (21)



La nouvelle routine du matin pour l’élève de maternelle devant être prêt à l’arrivée du bus puisqu’on avait été extrêmement clair : « Tu es en retard d’une petite minute et je ne t’attendrai pas, surtout qu’il me faut faire un grand détour pour te ramasser. Compris ? » Benjamin l’a assimilé aussi facilement que rapidement. Jésabelle avait insisté sur le fait que ses livres de poésie ne l’accompagneraient pas à l’école du village puisque Daniel l’avait avisée qu’on ne tolérerait pas qu’un enfant de cinq ans puisse, sans avoir fréquenté les classes, lire et commencer à écrire. Il se rappelait les années passées à l’école Saints-Innocents alors dirigée par mademoiselle Saint-Gelais, nouvellement attitrée au poste de directrice en raison de l’horrible accident de la route dont elle avait été victime lors des dernières vacances estivales, la rendant inapte à  enseigner, l’obligeant à circuler en fauteuil roulant. La jeune fille au caractère fort agréable ayant survécu à la collision frontale provoquée par un camion chargé de bois d’oeuvre, vit sa personnalité radicalement modifiée. Devenue plus dure, voire impitoyable, un peu comme si elle devait prendre une revanche sur le destin lui ayant ravi sa jeunesse et sa beauté. Dès sa nomination elle instaura un régime que l’on qualifierait aujourd’hui de terreur. Il était primordial que toutes les règles du nouveau code de vie qu’elle instaura sans avoir consulté personne soient suivies à la lettre, exigeant des institutrices que chaque manquement aux règles par un enfant coupable - c’est ainsi qu’elle l’identifiait - soit immédiatement dirigé vers son bureau dont elle avait changé le lieu pour qu’elle puisse tout surveiller sans se déplacer. Après avoir condamné la sortie arrière de l’école qui s’étend sur un seul étage, et cela malgré l’opposition du président de la commission scolaire de l’époque prétextant des raisons de sécurité, elle conserva son mirador au même endroit et fit déplacer le bureau de la secrétaire dans l’espace devenu disponible par cette fermeture.
 
Benjamin trouva difficile de passer de la nuit au jour, de ne plus pouvoir s’adresser à la lune, sa «perle fabuleuse», mais avec le support de sa mère, il s’adaptait maintenant mieux au nouveau rythme de vie que son statut d’écolier lui collait à la peau. Son père a déjà quitté la maison lorsqu’il prend son petit déjeuner, sa mère à ses côtés, Walden à ses pieds, puis file dans sa chambre jusqu’au moment où Jésabelle lui indique qu’il doit rejoindre l'abri construit par Daniel tout près de la route non asphaltée pour le protéger de la pluie et des affres de l’hiver alors qu’il attend l’arrivée du bus. Un jour, deux semaines après le début de l’école, il proposa à sa mère une modification à sa routine : «Je me lève plus tôt, je déjeune, je me prépare puis je sors attendre le bus dans l’abri avec un livre. Quand je serai parti, tu viendras le ramasser. D’accord ?» C’est le sourire aux lèvres et lui bouleversant les cheveux qu’il tenait à garder plutôt longs, que Jésabelle accepta : marché conclu.
 
Le temps dans l’esprit de Benjamin a pris une forme complètement différente depuis le 29 août dernier : plus séquentiel, mieux chronométré. Rarement avant cette date, il n’interrogeait sa mère sur le temps qui passe, l’ayant clivé en nuit et jour ; de «je ne sais pas lire» à «je sais lire sans tout comprendre» ; puis maintenant entre un abri protecteur, un bus le menant d’abord chez son amie ojie-crie puis à l’école ; les heures passées en compagnie de mademoiselle Abigaelle ainsi que d’autres enfants à qui, pour le moment du moins, il ne pouvait leur étiqueter le nom «d'amis» seulement un prénom lu sur le carton de couleur affichant la belle calligraphie de son éducatrice et qu’une corde rêche retenait à leur cou ; les allées/retours du local de classe à la cour de récréation qu’il retrouvait une fois en avant-midi, sur l’heure du dîner et en après-midi ; finalement le chemin inverse dans ce bus, toujours le même, que conduisait un chauffeur irascible ne cessant de fixer le rétroviseur afin d’intervenir désagréablement si Chelle ou lui bougeaient un peu trop ; et enfin, retrouver la maison au bout du rang non asphalté, Walden guettant son arrivée, un dernier salut de la main vers la fille aux longues tresses noires qui paraissait, maintenant, un peu plus inquiète alors qu’elle se retrouvait seule à l’intérieur du transporteur scolaire. 
 
Le rituel achevé, Benjamin regardait à l’intérieur de l’abri vérifiant si le livre de poèmes qu’il avait laissé sur le banc ce matin avait été ramassé par sa mère comme le stipulait la nouvelle entente. Un sourire affiché au visage il gambadait vers la maison, Walden ne le laissant pas d’une semelle, heureux du retour de celui dont il arrivait difficilement à s’expliquer la longue absence. On ne saisit pas tout à fait la notion de temps chez l’espèce canine, mais elle est présente se manifestant de façon évidente lorsque l’odeur d’une connaissance disparue depuis quelques heures, quelques jours et certains avancent quelques années, lui revient et raccroche le passé au présent.
 
Jésabelle prépare tous les jours de classe, au retour de son fiston, un chocolat chaud, pour elle une tisane. Ils s’installent à l’extérieur lorsque la température le permet, plus souvent qu’autrement sous la véranda, laissent au silence le temps de nettoyer l’atmosphère puis enclenchent ce que l’on peut nommer «la jasette officielle».
 
- Jésa, veux-tu que je te lise le dernier poème de Nelligan, celui de ce matin en attendant le bus ?
- Vas-y, j’adore quand tu me lis les poèmes que tu aimes.
- C’est le premier qu’on trouve en ouvrant le livre, il s’appelle CLAIR DE LUNE INTELLECTUEL.
- Je ne suis pas surprise que tu te sois accroché à un poème s’adressant à la lune.
 
L’enfant, son recueil bien en main, s’élança:
 
                    Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
                    Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
                    Elle a l’éclat parfois des subtiles verdeurs
                    D’un golfe où le soleil abaisses ses antennes.
 
                    En un jardin sonore, au soupir des fontaines,
                    Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs ;
                    Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
                    Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
 
                    Elle court à jamais les blanches prétentaines,
                    Au pays angélique où montent ses ardeurs
                    Et, loin de la matière et des brutes laideurs,
                    Elle rêve l’essor aux célestes Athènes.
 
                    Ma pensée est couleur de lunes d’or lointaines.
 
Les deux respectèrent un moment de silence semblable à celui qui prévaut dans un sanctuaire lorsque rien de bouge, seule la lueur scintillante des lampions autour du mystère des lieux.
 
- Un mot m’est resté dans la tête ce matin et j’ai demandé à mademoiselle Abigaelle ce qu’il voulait dire.
- Lequel ?
- Prétentaines, je le trouve tellement beau. Elle m’a dit nous allons le chercher ensemble dans le dictionnaire, en plus du sens on pourra peut-être voir une image. Il y avait comme trois définitions et pas d’images. Ce que je retiens c’est notre esprit qui vagabonde.
- Ça va bien avec le poème.
- Mademoiselle Abigaelle m’a demandé où j’avais vu ce mot, quand je lui ai dit qu’il se trouvait dans le poème de Nelligan, elle voulait savoir qui me l’avait lu, j’ai hésité avant de répondre, papa m’a conseillé de ne pas dire que je savais lire, ça pourrait m’amener des problèmes, alors j’ai dit que c’était toi qui me l’avait lu.
- Elle a été surprise, et à cette affirmation un peu comme s’il s’agissait d’une question, Benjamin a répondu que non, elle ne lui était pas apparue surprise, mais que Chelle a laissé tomber un petit son d’étonnement. Dans le bus, j’ai demandé à Chelle si elle avait dit à notre éducatrice que je savais lire, elle m’a répondu non, que c’est un secret entre elle et moi.
 
Jésabelle profita de cette historiette  pour l’interroger sur ses premières semaines en classe maternelle. Avec Benjamin si on n’aborde pas directement une question il se fait évasif, parfois même cadenassé.
 
- Elle est gentille mademoiselle Abigaelle, surtout elle parle doucement, pas comme la directrice qui, on dirait, semble toujours en colère. Savais-tu que mademoiselle Abigaelle adore la pêche et la chasse ? Elle nous a dit que c’était beaucoup pour cette raison qu’elle est venue dans notre village. Je suis une aventurière, j’adore me retrouver en forêt, pas seulement pour chasser les animaux, non, aussi pour respirer l’air pur, c’est pas comme en ville où c’est plus de la boucane qu’on y renifle. Tu sais…   Et le voici parti à décrire ce qu’il observe depuis la rentrée scolaire. Il se rappelait les propos de Daniel sur l’observation : observer avec nos sens, c’est ainsi qu’on pouvait mieux comprendre les gens, sans les juger. Il n’y a que Chelle de fille dans notre groupe et moi, je suis le plus jeune, mais personne ne me traite de «bébé lala». Les autres amis jouent ensemble plus qu’avec nous, Chelle et moi. Mais ça ne nous dérange pas. Les premiers jours il y en avait quelques-uns, pas de nos amis, mais des autres classes, surtout ceux de septième année, les plus vieux qui se croient meilleurs que tout le monde mais qui ont quand même une bonne frousse quand la directrice les appelle à son bureau, qui tiraient les tresses de Chelle, la traitaient de sauvagesse, c’est là que mademoiselle Abigaelle se fâchait, elle est différente quand elle se fâche, on ne la reconnaît plus, mais elle redevient elle quand on est rentré dans notre local.
- Et toi, il y en a qui cherchent à te faire du mal ?
- Toujours les plus vieux. On dirait qu’en devenant plus vieux on devient méchant, je ne sais pas pourquoi… mais j’ai mon truc pour me défendre.
- Ton truc ?
- Je me rappelle ce que papa m’a dit quand il m’a donné le livre avec les portraits des poètes. Il m’a dit, les poètes n’ont pas toujours eu la vie facile. Quelques-uns ont beaucoup souffert parce qu’ils voyaient des choses que les autres ne voient pas, que parfois ils se parlent à eux-mêmes un peu comme s’ils ne se sentaient pas comme les autres ou vivaient dans un autre monde. Je ne comprenais pas avant de commencer l’école et à vivre avec les autres. Alors, quand on m’achale, je rentre en moi-même et je me dis que plus personne n'est autour de moi, c’est comme me faire du silence à moi-même. Il n’y a que Chelle qui comprend ce que je fais quand ça arrive.
-Tu l’aimes beaucoup Chelle?
- Oui. Des fois je lui dis, ça c’est dans le bus, qu’on devrait plus se voir. T’as dit l’autre jour que si on allait tout droit dans notre petite forêt, plus loin que le plus loin que nous avons marché, eh bien on arriverait chez la famille de Chelle. Avant l’hiver, j’aimerais qu’on s’y rendre, toi et moi, qu’on dise à Chelle de faire le chemin à partir de chez ses parents, ainsi on pourrait se rencontrer. C’est papa qui a dit une fois, plus on vieillit plus la distance raccourcit.
 
La tisane et le chocolat chaud sont froids, maintenant.


jeudi 27 février 2025

Projet entre nostalgie et fantaisie... (17)

 



difficile à dire

                    les bruits semblent venir de loin
 
une boue ramassée en flaques au milieu de la ruelle
- difficile à dire s’il s’agit de neige ou de pluie -
le vent nuit et jour hante les clôtures
la pleine lune exige l’alignement des étoiles
 
                    les bruits au loin semblent se répercuter
 
- difficile à dire s’il s’agira de pleurs ou de cris -
dans l’inavoué de ces rencontres espérantes
continuellement arrachées à du papier carbone
sur lequel les siècles écrivent à l’encre de sang
des promesses d’angles morts aux intersections humaines
déambulent dos à dos sur des chemins obscurs
 
                    les bruits mouillés dans l’innommé se noieront
 
- difficile à dire si ces larmes diluées dans la neige ou dans la pluie -
comme autant de silences contenus, retenus puis projetés
à même la hargne des oiseaux qui les picorent… se tairont
 
- difficile à dire si leurs microscopiques mouvements -
interrompront l’abrupt parcours des vies en pente descendante
et leurs pas amusés rejailliront des flaques disparues
 
12 juillet 2011
405

 
un ange est passé


un ange passe, 
papillon sur le bout des ailes d’un oiseau se berçant sous les nuages


triste
heureux je fus
puis un ange passa


un ange est passé, 
des étoiles auréolant sa tête piquent ses yeux de diamants


fatigué
puis un ange passa
reposé je fus


un ange est passé 
marchant sous la pluie fine près d’une plage ensoleillée


triste
puis un ange passa
heureux je fus


un ange est passé, 
sa voix enrobée de miel chantait des mots ignorés


fatigué
puis un ange passa
reposé je fus


un ange est passé, 
ses yeux cherchait la terre en lançant des éclairs d’amour


triste
heureux je fus
puis un ange passa


un ange est passé, 
ses mains firent siffler le vent dont l’écho me parvint


triste et fatigué j’étais
heureux et reposé je suis

 

25 juillet 2011
407




lundi 24 février 2025

Poème de mon ami Daniel CYR

 



               Trois ans déjà…
 

C’était l’aube, lourde et blême,
Quand sur Kiev s’abattit l’anathème,
Un ciel de plomb, un vent de fer,
Et le tonnerre en plein hiver.

Le sol trembla sous les obus,
Les toits fendus, les cœurs rompus,
Kharkiv saigna sous les rafales,
Odessa pleura sur son port pâle.

Par trois chemins vint l’envahisseur,
Du nord, du sud, comme un voleur,
Et de l’est, flots d’ombres noires,
Vomissant l’acier et le désespoir.

Mais sous la cendre, un peuple ardent
Brandit son nom face au néant,
La main tremblante, le fusil froid,
Le regard dur, mais plein de foi.

La mort rôdait dans chaque rue,
Les ruines en deuil, les croix nues,
Mais Kiev dressa, sous le déluge,
Un mur d’orgueil contre l’intruse.

Le tyran pensait voir l’oubli,
Un sol soumis, un peuple plié,
Mais sous les bombes, l’âme flamboie,
Et dans la nuit, l’espoir se voit.

Trois ans déjà, mille souffrances,
Mille martyrs, mille espérances,
Mais sur leurs tombes, un chant s’élève :
L’Ukraine vit. L’Ukraine rêve.
- Daniel Cyr

 

INUTILE D'AJOUTER QUOI QUE CE SOIT À CE POÈME FLOTTANT SOUS UN DRAPEAU EFFILOCHÉ MAIS NULLEMENT EN BERNE...

RIEN D'AUTRE À AJOUTER... 
IL FAUT LE FAIRE VOYAGER POUR QU'IL REJOIGNE 
LE PLUS DE CONSCIENCES ET D'ÂMES POSSIBLES.

 

)(     Une fois l'avoir lu, partagez-le, faites-le lire, aux enfants, invitez-les à le mémoriser un peu comme on le fit en France du poème LIBERTÉ de Paul Éluard, à la suite de la Deuxième guerre mondiale 

Si Nathan avait su (22)

                                     - Mademoiselle Thompson, je veux voir deux minutes ? - Madame Abigaelle Thompson est mon nom.   Un cour...