mardi 7 janvier 2025

Un peu de politique à saveur batracienne... (20)

 

Le numéro de janvier de CHARLIE HEBDO.

Les locaux maintenant devenus sans domicile fixe, c'est dans le 11e arrondissement de Paris, rue Nicolas-Appert, à l'endroit même où, il y a dix ans, des artisans du journal satirique CHARLIE HEBDO, 12 personnes tuées dans un attentat relié aux frères Kouachi. Le motif ? La publication de caricatures du prophète Mahomet qui suscita des menaces jihadistes. Un peu partout dans le monde où la liberté de presse, la liberté d'expression est une valeur acceptée, le slogan «Je suis Charlie» apparait en signe autant de solidarité que de protestation.

Jean-Marie Le Pen

Bizarrement, un même 7 janvier, décède Jean-Marie Le Pen. La famille, dans un communiqué, annonce «qu'il a été rappelé à Dieu». Le voici bien pris ce Dieu qui aura tout de même la possibilité de ne pas l'accepter. Après tout le libre- arbitre doit sûrement s'appliquer de son côté. Mais la question, la fondamentale, est la suivante : le fondateur du Front national acceptera-t-il d'entrer là où sans doute déjà plusieurs non-français se retrouvent, une foule de gens de gauche, je ne sais plus trop combien d'immigrants dont certains furent des illégaux, enfin, cohabiter avec des étrangers. Grand dilemme !

Mais il doit sans aucun doute nous quitter heureux, persuadé que, tout comme lui, de nouveaux clowns semblent s'arroger le pouvoir de manière despotique autant en Europe qu'aux USA.

Justin Trudeau

Aussi bizarre encore, la veille de ce dixième anniversaire, le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, annonce qu'il démissionnera de son poste ainsi que de la chefferie du Parti libéral du Canada.

L'année 2025 part vraiment sur les chapeaux de roues...


Je vous offre, en prix de consolation, ces citations. Puissent-elles nous mener quelque part, mais pas ailleurs :

« La fin est dans le commencement et cependant on continue. »
Samuel Beckett

« Rien n'est plus semblable à l'identique que ce qui est pareil à la même chose. »
Pierre Dac

« Le bon sens, c'est ce qui permet d'être écouté quand vous n'êtes pas intelligent.»
Frédéric Dard

« Deux choses sont infinies : l'univers et la bêtise humaine. En ce qui concerne l'univers, je n'en ai pas acquis la certitude absolue. »
Einstein

« La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et  si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat, »
Hannah Arendt



« Tirez le rideau, la farce est terminée ! »
Rabelais

dimanche 5 janvier 2025

Si Nathan avait su (16)


                                      

Jésabelle profita du trajet les ramenant à la maison au bout du rang pour partager avec Daniel les paroles que l’ancêtre oji-crie lui avait adressées relativement à sa grossesse.

- Cette femme est d’une clairvoyance tout à fait surprenante. Ce qu’elle a dit au sujet de Benjamin puis sur son frère qui naîtra à la date indiquée par mon amie Angelle, autour de la mi-avril, même période à laquelle la femme de Don doit également accoucher, tout ce qu’elle a dit correspond. Bélier-Dragon, sur un chemin de vie 7, voilà tout ce que je savais avant de recevoir les paroles de l’ancêtre oji-crie. Ce deuxième ne ressemblera pas à son frère aîné, a-t-elle dit, il sera toujours hanté par le dilemme entre le bien et le mal. Difficile de suivre sa propre voie, celle de la liberté; malgré sa clairvoyance, sa confiance en lui souvent mise à l’épreuve, il nous sera difficile de saisir son type d’intelligence. Davantage chariot que bolide, il transportera les problèmes des autres sans pour autant être en mesure de bien les définir et à la limite s’en désintéressera totalement. Tout comme son frère, il sera un solitaire. Elle a même ajouté un solitaire chronique.
- Particulier quand même que Benjamin et Chelle soient du même âge tout comme le seront les deux qui s’en viennent, dit Daniel.
- Une deuxième fille pour l’épouse de Don, ce qui a semblé tracasser l’ancêtre sans pour autant en dire plus. Sa bru devra maintenant adopter un prénom comme le veut la tradition des Oji-Cris. Elle m’a demandé de lui en suggérer quelques-uns pour ne pas se voir obligée de prendre celui de l’ancêtre, car… Un silence s’est installé entre nous à l’intérieur de cette maison qui dégage tellement de bonnes odeurs sans que je réussisse à toutes les nommer. Des odeurs d’herbes fraîchement coupées. Dans la cave aux murs en pierre et au plancher de terre dont il m’est difficile de dire la couleur, nous y sommes descendus afin d’être plus à l’aise pour jaser et ne pas réveiller l’ancêtre ; l’humidité ambiante dégage là aussi des senteurs multiples. Ça chasse les mauvais esprits, m’a-t-elle dit avec dans les yeux comme un doute assez flagrant.

La journée aura été longue pour Benjamin qui quittait rarement la maison au bout du rang. Walden avait couru autour de la camionnette lorsqu’ils partirent et maintenant il ne cessait de manifester sa joie de voir la famille revenue. 

*****


 
La fin du mois d’août s’installe alors que le début des classes approche à grands pas. Un document pendu à la boîte postale en précisait les modalités dont une principalement, à savoir qu’un bus se présentera chaque matin aux alentours de 7 heures 30 afin de prendre Benjamin pour le reconduire à l’école du village. Lorsque le service de transport scolaire sera interrompu, les responsables de l'école avertiront les parents à l'avance. Il sera inscrit dans la seule classe dite «maternelle» gérée par une éducatrice nouvellement engagée, une demoiselle Abigaelle - c’est ainsi qu’on pouvait le lire sur la feuille sans qu’il n’y soit précisé s’il s’agissait d’un prénom ou d’un nom de famille. La feuille contenait également la liste des fournitures scolaires qu’il devait se procurer avant la rentrée prévue pour le vendredi 29 août. Finalement, on y décrivait la liste des activités à l'horaire de la première journée ainsi qu’une invitation à tous les parents d’accompagner leur enfant.

                                                        
 
Jésabelle, après avoir lu à voix haute les renseignements, demanda à Benjamin de faire de même. Lecture faite, il dit que l’école sera plus intéressante qu’il ne le croyait au départ puisque Chelle fera partie de son groupe. Cela le rassurait, mais davantage le fait que sa nouvelle amie oji-crie, craignant d’être seule dans le bus, allait l'y retrouver et qu’ils seraient complices dans la cour d’école. Ni la fillette ni le gamin n'ont manifesté un enthousiasme exagéré à l’idée de quitter leur environnement du bout du rang pour se retrouver en territoire inconnu que, sans le dire à haute voix, leurs parents qualifiaient d’hostile.
 
- Je serai dans le bus quand il ramassera Chelle ? demanda un Benjamin légèrement soucieux.
- Sans être absolument certain, si je tiens compte de l’heure qu'on t'a donnée et du trajet à effectuer, ça serait logique que l’on vienne ici d’abord pour ensuite se rendre chez nos amis Oji-Cris, répondit Daniel.
- Ça serait idéal, Chelle craint de se retrouver seule dans le bus.
- Tu seras son protecteur, avança Daniel qui ne décelait aucune inquiétude dans les yeux de son fils qui déguerpissait avec Walden, ses livres bien tassés sur lui.
 
Le jour s’achevait, le soleil ayant pris l’habitude de se coucher plus tôt. Les parents entreprirent d’accélérer la transition de la nuit vers le jour pour qu’à l’entrée des classes Benjamin soit en mesure de bien vivre sa nouvelle routine. Ils se répétaient combien cet enfant répondait convenablement à leurs exigences et maintenait un rythme d’adaptation qu’ils s'expliquaient par ses contacts avec leur chien Walden, la lune, sa «perle fabuleuse» et son poète Alain Grandbois, devenu un fétiche. Maintenant, riche de plusieurs nouveaux livres, son esprit et son imagination allaient pouvoir vadrouiller dans plusieurs univers différents.





 

*****
 
La vie allait changer en profondeur autant pour les deux 5 ans qui entreprendront leur parcours scolaire, elle et lui qui, jamais auparavant, ne furent mêlés à d’autres enfants, d’autres adultes sauf ceux formant une famille dans les deux cas on ne peut plus atypiques. Pour Jésabelle qui allait maintenant pouvoir se centrer davantage, tout comme son amie oji-crie, sur une grossesse d’automne et d’hiver pour éclore au début du printemps. Pour Daniel aussi, envahi de plus en plus par le travail, mais qui appréciait le contact avec d’autres excommuniés vivant en périphérie du village tout comme leurs demeures situées chacune au bout d’un rang parallèle, donnant sur un cul-de-sac. Pour la famille oji-crie, Chelle, nouvelle venue dans un milieu qui les maudissait, tête haute comme le lui suggérait son père Don, devra s’imposer dans un monde qu’elle ne connaissait absolument pas. Que dire de sa mère qui, un peu avant la naissance de sa seconde fille, aura à se nommer elle-même sinon le patronyme de l’ancêtre lui serait donné d’office. Elle comptait sur Jésabelle, cette femme totalement à l’opposé d’elle-même, mieux affranchie et qui élevait ce fils premier de manière originale, unique, nullement attachée à des traditions folkloriques comme celles dont l'avait assujettie l'ancêtre, la même qui avait banni la mère de son mari, l'éclipsant de l’éducation de sa fille, l'effaçant de la famille et l’obligeant à retourner vivre à Sault-Sainte-Marie au sein du groupe original oji-cri car elle avait tenté de dévier des coutumes ancestrales. Une fois partie, la mère de Don disparut, laissant dans la tête de sa belle-fille, mille et un doutes, mille et une interrogations, et peut-être de la rancœur dont elle ne réussissait pas à se débarrasser.
 
Tout cela nourrira ce mois d’août de moins en moins pluvieux, apportant des nuits plus fraîches, plus étoilées et une lune dont la présence réjouissait Benjamin malgré le fait que vers les 20 heures, le soleil s’étant caché, il pouvait, quelques minutes encore, s’installer dans cet enclos sur la véranda, la regarder et lui lire quelques vers d’Alain Grandbois:

                                De grands arbres d’ancêtres tombaient sur nous
                                Il y avait des moments solennels
                                Où nous étions portés par l’ombre
                                Où nous étions tous tués par les genoux
                                Notre douleur n’égalait pas
                                Les instances nourries de larmes involontaires
                                Les ombres voilaient nos visages
                                Nos pieds nus saignaient sur l’arête du rocher
                                Et le nouveau jour nous tendait son piège
                                Sous les ogives des hauts cèdres
 
 
*****
 
- Bonjour, vous êtes bien mademoiselle Abigaelle ?
- Monsieur le Président de la Commission scolaire m’a suggéré de vous rencontrer pour louer un appartement dans le village.
- Oui, oui. J’ai justement quelque chose de libre qui pourrait vous plaire. De plus c’est juste en face de l’école primaire. C’est bien là que vous allez enseigner?
- Exactement. Allons-y.



jeudi 2 janvier 2025

Projet entre nostalgie et fantaisie... (13)

 



neige chinoise

une vieille dame chinoise balaie la neige morte sur son balcon
silencieuse, elle songe à son fils muet
de la neige que l'ennui a sassée sur son balcon
ne lui reste plus que les silences d'un fils
 
la dame du balcon chinois déploie ses ailes
sorcière au balai blanc
à la main, les grains d'un chapelet usé
qu'elle agite sans se faire entendre

muette de fils, elle lui parle avec ses mains
dans de grandes envolées de balcon
ses silences parlent anglais
ses souffrances, chinois

et elle pleure une neige balayée
les mots, en elle,
se transforment en images
ceux qu'elle avait lus
qui ne contenaient plus de sons
les mots devenus icônes de ciment
des traces sur les trottoirs balayés
     
341
16 mars 2010





 comme un poème géographique
 
                                                                            
 

à une flaque d’eau atlantique, les pieds enchaînés
s’étendront, pacifiques, jusqu’au bout de la terre
au bout de la mer… et des autres liquides
suivant les fuites parallèles des crevasses vierges

à pas timides ils avanceront
tel un grand et long poème géographique
par-delà les distances qui explosent des cartes
s’arrêtant finalement à l’envers du monde
pour chercher dans l’eau… sous l’eau
les vérités qui mentent à l’ordalie du temps
et s’y abreuvent jusqu’à plus soif

sur le piédouche des baies arctiques,
puissamment, ils se relèveront de leurs faiblesses
mesurant la hauteur des falaises volcaniques

et à bout de sang, comme celui qui a tout perdu,
ils s’échapperont avec la fonte des icebergs
comme un grand, un long poème géographique

 

7 mai 2010
353

 

rage d’aimer


rage d’aimer, tu répands tes odeurs
emmêlées d’angoisse et de panique
crucifiant le cœur sur un pilori de nicotine
puis
tu te fais douce comme l’eau qui chatouille les roches

rage d’aimer, tu répands tes couleurs
éparpillées sur des ardoises déboussolées
jusqu’aux sillons d’un cerveau éperdu
puis
six heures, tu ne sauras pas dans le vert brun du ciel
si c’est matin ou soir

rage d’aimer, ta blondeur blanche et bleue
pourchasse compulsivement la raison
dans ses derniers retranchements
puis
les deux bougies allumées au pied de ton lit
n’auront pas suffi

arrogante rage d’aimer terrée dans la violence
des nuits froides et torrides
attend le geste zéro comme un loup inquiet
puis
tu écris un poème d’amour sur fond d’océan
turquoise et coquillage

rage d’aimer, tu enserres de tes griffes
les mots insensés qui ne parlent plus
que dans de longs corridors étourdis
puis
les éternels abandons boiteux marchent
sur les aveugles jointures de nos mains

rage d’aimer, menottes d’or aux poignets
tu rentres de ton univers clos
et puis
consciemment,
ravages la sécheresse des puits…

 

Mai 2010
356

                            

Un peu de politique à saveur batracienne... (20)

  Le numéro de janvier de CHARLIE HEBDO. Les locaux maintenant devenus sans domicile fixe, c'est dans le 11e arrondissement de Paris, ru...