jeudi 12 janvier 2017

humeur vietnamienne





Mon frère Pierre, au moment où j’entreprends d’écrire ces lignes - le mercredi 11 janvier 2017 à 23h57 - se trouve confortablement assis dans un avion de la Japan Airlines en route vers Tokyo.

Il vient d’achever quatre semaines au Vietnam. De son voyage, il ne lui reste plus que cette partie pénible à vivre : quelques heures dans les airs le menant à Montréal puis à Québec. Mais il a l’expérience des longs parcours alors je ne suis pas inquiet.

Nous aurons vécu, lui et moi, des heures et des heures de très haute intensité. L’intimité la plus proche qui puisse être donnée à deux frères. Du 15 décembre 2016 à aujourd’hui, ce voyage aura permis de nous retrouver. Longtemps inséparables, pour longtemps nous le serons davantage.

On connaît vraiment les gens qu’en voyageant avec eux. Lorsqu’ils se connaissent déjà, le voyage prend une toute autre dimension. Celui-ci, je le qualifierais d’unique.

Pierre aura réalisé un premier grand projet de sa jeune retraite : voir le Vietnam. De Hanoï à Saïgon. De l’extrême Nord du pays en passant par le Centre pour s’arrêter à la porte du Mékong. Le reste est à venir. Je le souhaite ardemment.

Tous les objectifs que nous nous étions fixés ont été atteints et cela quotidiennement, respectant scrupuleusement les goûts, les choix et le rythme de chacun.

Traverser une bonne partie du monde pour se retrouver de plain-pied au milieu d’une culture si différente de ce à quoi nous sommes habitués exige une force d’adaptation de tous les instants. Cela n’a jamais fait défaut à mon frère Pierre. Ses yeux jamais assez grands pour apprécier tous ces émerveillements journaliers. Son cœur ouvert pour les emmagasiner.

Vivre non pas comme des touristes mais à la vietnamienne avec tout ce que cela exige d’humilité, parfois, et d’intelligence, souvent, afin d’accepter que les choses puissent être faites différemment et tout aussi bien. Cela n’a pas été difficile pour mon frère Pierre. Ses observations, continuellement justes, furent remplies de cette compassion qui le caractérise si bien.

S’ouvrir entièrement à ceux et celles qui nous accueillirent si chaleureusement - tout de suite nous faisions partie de leur famille - et savoir les écouter nous dire qui ils sont. Cela n’a pas été difficile pour mon frère Pierre. Son immense capacité d’écoute - sa qualité d’écoute - lui auront permis de mieux comprendre ce peuple chaleureux.

Être avec eux, entièrement, et cela dans toutes les facettes de leur vie à savoir le manger, le boire, le parler, leurs croyances, leur naïveté parfois et beaucoup leur manière de voir la vie, l’avenir axé sur l’amour de leur patrie, Pierre a su l’être avec toute sa grandeur d’âme. Toujours je l’aurai vu attentif à ce qu’intimement leur âme nous dévoilait.

Nous avons vu Hanoï, et Pierre a pleuré en marchant lentement dans le mausolée de Ho Chi Minh…

Nous avons vu Sapa, ses rizières, ses ethnies, son froid mordant pour la saison et le mont Fansipan où Pierre a pris de saisissantes images maintenant immortalisées dans sa mémoire…

Nous avons, et disons-le franchement, souffert l’extrême Nord du Vietnam, franchissant ses montagnes, ses routes abominables en lacets qui n’en finissaient plus d’exiger de nous des efforts renouvelés, nous offrant en retour des paysages à couper le souffle. Nous avons payé le prix, disait-il. La Beauté dans ce qu’elle a de plus vraie, de plus naturelle, de plus pure. Que ce soit Ha Giang et ses montagnes de kartz, ses profondes vallées ; que ce soit Dong Van et nos petits pas en Chine ; que ce soit les chutes de Cao Bang qualifiées de ‘’signature du Vietnam’’ par un Pierre ébloui, ces chutes d’eau en dentelles furent un moment inoubliable du voyage...

Halong Baie, Ninh Binh, là où le mot chef-d’œuvre prend tout son sens par la majesté des lieux ainsi que la plus belle pagode du Vietnam, celle de Baï Dinh où le recueillement émanant de ces lieux nous permit de tout dire dans le plus profond silence…

Hué, malgré la pluie, nous a ouvert sa gigantesque cité impériale alors que nous attendait Hoï An. Là, à Hoï An, Pierre aura mis les pieds dans la Mer Orientale avec beaucoup d’émotion sachant que les Paracels, cachés dans le brouillard et la pluie, semblaient nous saluer de loin…

Puis ce fut Saïgon. On ne peut y demeurer insensible ; cette ville dont le nom ressasse des souvenirs de jeunesse alors que nous manifestions contre la guerre du Vietnam. Nous l’avons marchée. En silence, souvent, mais tellement conscient de tout ce passé proche à nos esprits…

Vung Tau, enfin. Cap Saint-Jacques, de son nom ancien, où nous nous sommes laissés aller au jeu de la plage et du vélo. Et de la plage encore. Cela nous fit un bien énorme après tant de kilomètres chargés d’émotions... 

Oui, il y aura eu ces villes, ces cités, ces lieux magnifiques mais, je devrais dire surtout, il y a eu des personnes, des Vietnamiens et des Vietnamiennes qui nous reçurent si généreusement. Avant de les nommer et leur manifester notre affection, il est important de signaler nos rencontres avec des gens de plusieurs pays, eux aussi sous le charme de la vie vietnamienne : Angleterre, Canada, Danemark, Écosse, Espagne, France, île de Malte, Irlande, Italie, Japon, Québec, Suède, Suisse, Turquie et j’en oublie sans doute d’autres. Non pas des rencontres superficielles mais de celles qui marquent, qui rappellent que d’où que l’on provienne nous sommes citoyens du Monde, soucieux des mêmes préoccupations, souvent affichant les mêmes valeurs.

Les Vietnamiens ont la place privilégiée dans notre cœur :
Hanoï : Lém, mon petit-fils vietnamien et Tu’, mon professeur de vietnamien ;
Sapa : madame Quyn, son mari et le chauffeur Dao;
Ha Giang : Linh et Hoang Aï ainsi que Sam;
Hoï An : ma couturière et sa famille;
Saïgon : Chien et tous ses amis sans oublier Piero et Linh, Lisa et Phat, ainsi que Tuyen et Lao Coï ;
Vung Tau :madame Thanh; Manu et Lee.

Tous nous ont ouvert leur cœur et Pierre conserve un souvenir personnel de chacun et chacune.

Une autre personne également nous aura accompagnés tout au long de cet inoubliable périple: frère Jacques. À chacun de nos arrêts, dans les hôtels ou ‘’homestay’’, nous déposions sa photo sur la table de chevet entre nos lits. Arrivés à Saïgon, tous les matins nous faisions la cérémonie de l’encens en son souvenir. Le cadre de sa photo restera ici, dans mon appartement saïgonnais, bien installé sur le livre que Pierre m’a offert, le Yi King, et non loin du bougainvillier.

Tellement à dire, à raconter, qu’un seul texte ne suffit pas. Ce qui restera gravé, sans aucun doute de manière indélébile, sera ces quatre trop courtes semaines dans la vie de mon frère Pierre et dans la mienne, le souvenir d’un voyage unique.

Merci Pierre de m’avoir permis de vivre toutes ces heures avec toi, d’avoir ri, su me taire quand il le fallait ; d’avoir partagé toutes ces émotions à fleur de peau. Alors que tu voles haut dans les airs, je ne peux dire à quel point Bouddha -  ou je ne sais trop qui - a eu la merveilleuse idée de nous faire vivre la même époque ensemble, si près l’un de l’autre. Si l’on m’avait demandé de choisir mes frères, toi et Jacques auraient été mes uniques choix.


Bon retour !

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