La guerre. Dans toute son horreur et sa formidable faculté à se répandre un peu partout - souvent en périphérie des endroits où règnent la tyrannie, l'obscurantisme, le despotisme, l'oppression - la guerre est devenue une caractéristique, une marque de l'homme.
La guerre. Ce jouet des hommes despotes, autoritaires et persécuteurs devient leur langage absolu ayant comme références des logiques à la fois différentes et semblables.
La guerre.
Je la regarde dans ce poème à partir de la lunette de celui qui se situe loin de ses champs de bataille mais proches de la souffrance qu'elle engendre; auprès des enfants.
Des enfants de la guerre, non pas seulement des enfants-soldats ou guerriers. De ceux qui ne jouent plus à la guerre, de ceux qui en sont les victimes et les pantins.
ils jouent
missiles, roquettes et bombes pour musique ambiante
on a équipé les enfants d'arcs, de flèches
ni complainte ni berceuse dans la bouche des mères veuves
que des étoiles le jour, des soleils la nuit
les enfants ont armé les arcs, acéré leurs flèches
de leurs bras, de leurs mains bleuies d’ecchymoses
virevoltent des pluies froides de poussière
au-dessus du caducée des linceuls
ils jouent
les enfants portent des maillots rouges numérotés
comme les footballeurs à la télé
un concerto de Mendelsshon enserre le terrain vague
de la nostalgie des couchers de soleil
les enfants épicènes jouent
des machines de guerre, d’acier et de rouille
tachent l’horizon de leurs longues épées fumantes
alors que roule un ballon antipersonnel
sur le cimetière bouillonnant des derniers coups de pelle
ils jouent ces enfants épicènes
sans casque, tête offerte aux tirs, aux corners
sur cet espace que limite le crachat des tyrans
les enfants courent derrière d’autres enfants
qui, eux, savent déjà le résultat de ce manège
la sirène annonce la fin d’une partie jouée d’avance
et les enfants qui restent, ballon de chair sous le bras,
aveuglés, minés et inquiets marchent au bout du champ
que le jour semblable à hier a rapetissé
à la prochaine