jeudi 29 avril 2010

Le trois cent cinquantième saut / Le trois-cent-cinquantième saut





Voilà... Le retour. Ce froid qui ne ressemble en rien au petit frisquet dont Mathilde et moi parlions à la Riviera Maya. Rien à voir.

Une semaine de plage et de farniente, ça vous replace un moral et un «body»... Il a fait très beau malgré deux journées de grand vent qui nous ont obligés à supporter le bord de la piscine et une nuit de pluie. Autrement, et malgré des couleurs qui n'ont pas cette chaleur caractéristique de Cuba et une plage un peu courte pour un marcheur et moins farineuse qu'à Varadero, le Mexique s'est avéré un merveilleux endroit.

Pendant ce temps, nos Canadiens nous surprenaient... Les Québécois qui fréquentaient le même hôtel que nous suivaient les résultats avec autant de surprise que d'émotion. Même sous la chaleur, le hockey possède un côté magique! Surtout quand on gagne!

Nous reprenons donc nos habitudes citadines et pour vous en mettre plein la vue, voici quelques photos mexicaines.

Au prochain saut

mardi 20 avril 2010

Le trois cent quarante-neuvième saut / Le trois-cent-quarante-neuvième saut



Un petit bonjour avant le départ, demain, vers Cancun, la Riviera Maya. Une semaine.

Je dois avouer très honnêtement que de remonter en avion depuis les événements de l'automne dernier me rend un tantinet nerveux. Sans vouloir revenir sur le fond de la question, il est clair que les airs me changent l'air...

Nous serons, Mathilde et moi, comme en cadeau de Noël. En même temps, cela nous permettra d'établir certaines comparaisons entre le Mexique et notre lieu de prédilection, Cuba.

la dernière fois que nous étions sortis tous les deux seuls, c'était également en avril mais plus vers les débuts du mois. Il y avait fait un temps extraordinaire. Nous souhaitons que la température récidive.

Au plaisir d'en reparler la semaine prochaine.

mardi 13 avril 2010

Le trois cent quarante-huitième saut / Le trois-cent-quarante-huitième saut



Presque, déjà, à la mi-avril! Dans un printemps qui s'éparpille entre été précoce et hiver stagnant, qui hésite entre la pluie et la neige, je vous offre ce matin quelques citations qui cherchent, entre elles, à se parler de poésie, de liberté et d'imagination.


. La poésie veut quelque chose d’énorme, de barbare et de sauvage.

(Diderot)


. Moi seul, étant poète à qui Dieu a départi comme à tous les poètes, d’assumer la douleur d’autrui, j’ai senti sous mes paupières crever des larmes, toi que je n’ai jamais connu.

(Stuart Merrill)


. Un caractère moral s’attache aux scènes de l’automne : les feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s’affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.

(Chateaubriand)


. Qu’est-ce qu’un poète? Un homme malheureux qui cache en son cœur de profonds tourments et dont les lèvres sont ainsi faites que les espoirs et les cris en y résonnant, produisent une musique harmonieuse.

(Kierkegaard)


. Le monde extérieur existe comme un acteur sur la scène : il se trouve bien là, mais il est aussi quelque chose d’autre.

(Fernando Pessoa)


. Toute mon originalité consiste à faire vivre humainement des êtres invraisemblables selon les lois du vraisemblable, en mettant, autant que possible, la logique du visible au service de l’invisible.

(Odilon Redon)


. L’imagination n’est pas invention, mais découverte de la présence.

(Octavio Paz)


. Tous les pays qui n’ont pas de légendes

Sont condamnés à mourir de froid…

(Patrice de la Tour du Pin)


. Il faut que les mots pour être poétiques, soient chauds du souffle de l’âme, ou humides de son haleine.

(Joubert)


. Tout homme reconnaît les choses qu’il est destiné à aimer.

(Baudelaire)


. Il est dangereux de trop faire croire à l’homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Il est encore dangereux de lui trop faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l’un et l’autre.

(Pascal)


. C’est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens; qui chantent plus qu’ils ne parlent; qui demandent plus qu’ils ne répondent.

(La liberté selon Paul Valéry)


. La liberté, ce nom terrible écrit sur le chaos des orages.

(Albert Camus)


. Nous butinons éperdument le miel du visible pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’Invisible.

(Rainer-Maria Rilke)


. Quand je n’écris pas, j’attends. Pendant que j’écris, j’oublie que j’attends. Évidemment, je me demande ce que j’attends.

(Georges Perros)


. Les barrières du langage sont tombées le jour même où les frontières ont disparu.

(Monique Wittig)


. Celui qui a des idées très fixes, rigides, des certitudes, ne peut être un artiste. Faire de l’art, c’est explorer des domaines qu’on ne comprend pas et qui vous échappent.

(Paul Auster)


. Donner un sens plus pur aux mots de la tribu.

(Mallarmé)


. Le chef-d’œuvre de l’homme, c’est durer.

(Goethe)


« un carnet d’ivoire avec des mots pâles»


À T I R E – L A R I G O T (locution adverbiale)

. beaucoup, en quantité


B E R G A M A S Q U E (nom féminin)

. danse et air de danse à la mode au XVIIIième siècle.


Au prochain saut

vendredi 9 avril 2010

Le trois cent quarante-septième saut / Le trois-cent-quarante-septième saut



Yann Martel a laissé sa place de facteur de livres à la porte de Stephen Harper pour quatre mois, le temps de se balader afin de promouvoir son nouveau roman (Beatrice & Virgil). Au moment où ses lignes s’écrivent il y a déjà plus de 75 ouvrages qui ont été adressés à notre illustre premier ministre… qui ne prend pas le temps de les lire et encore moins d’envoyer un accusé de réception.


Aujourd’hui, HISTOIRE DE PI, roman magnifique qui a obtenu le Prix Hugh MacLennan (2001), le Man Booker Prize (2002) en plus d’avoir été finaliste du Prix du Gouverneur Général du Canada. Vous vous rappelez sans doute qu’il est sorti le 11 septembre 2001.


Voici quelques citations que j’ai retenues.


. Choisir le doute comme philosophie de vie, c’est comme choisir l’immobilté comme mode de transport.


. Tous les êtres vivants ont en eux une mesure de folie qui les pousse dans des directions étranges, parfois inexplicables. Cette folie peut être salutaire; elle est intimement liée à la capacité d’adaptation. Sans elle, aucune espèce ne pourrait survivre.


. … les animaux (de zoo) ne se sauvent pas pour aller vers un lieu mais plutôt pour fuir un lieu. Quelque chose dans leur propre espace leur a fait peur – l’intrusion d’un ennemi, l’agression d’un animal dominateur, un bruit surprenant – et a déclenché une réaction de fuite. L’animal s’évade ou il essaie de s’évader.


. (Hindouisme) L’âme individuelle établit un lien avec l’âme de l’univers comme un puits s’alimente à la nappe phréatique. Ce qui soutient l’univers au-delà de la pensée et du langage, et ce qui est en notre cœur et cherche à s’exprimer, c’est la même chose. Le fini dans l’infini, l’infini dans le fini.


. Le premier émerveillement est le plus profond; l’émerveillement qui suit s’inscrit dans l’impression crée par le premier.


. Être à l’affût de secours dans une oisive espérance, c’est gaspiller sa vie en rêves inutiles.


. Il est important dans la vie de clore les choses comme il faut. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on peut se détacher de quelque chose. Sans cela, il vous reste les mots qu’il aurait fallu dire, mais que vous n’avez jamais prononcés, et votre cœur est lourd de regrets.


. Être un naufragé, c’est être un point au milieu d’un cercle, perpétuellement. Quel que soit le changement apparent des choses – la mer peut passer du murmure à la rage, le ciel du bleu frais au blanc aveuglant au noir le plus sombre - , la géométrie du cercle, elle, ne change jamais. Votre regard est toujours un rayon et la circonférence lui semble toujours démesurée. En fait, les cercles se multiplient. Être un naufragé, c’est être pris dans une pénible danse de cercles. Vous êtes au milieu d’un cercle, alors qu’au-dessus de vous deux cercles contraires tournoient. Le soleil vous met dans un état de détresse comme une horde, une horde bruyante et envahissante qui vous fait couvrir les oreilles, qui vous fait fermer les yeux, qui vous donne envie de vous cacher. La lune vous afflige en vous rappelant silencieusement votre solitude; vous ouvrez grand les yeux pour échapper à votre isolement. Quand vous élevez le regard, vous vous demandez parfois si au milieu d’une tempête solaire, si au centre de la mer de Tranquilité, il n’y aurait pas quelqu’un d’exactement comme vous qui élève lui aussi le regard, lui aussi coincé dans cette géométrie, lui aussi en train de lutter contre la peur, la rage, la folie, la désespérance et l'apathie.


Par ailleurs, être naufragé, c’est être pris entre des opposés effroyables et épuisants. Quand il fait clair, l’immensité de la mer est aveuglante et effrayante. Quand il fait noir, l’obscurité est étouffante. De jour, vous avez chaud et vous rêvez de fraîcheur et de crème glacée et vous vous versez de l’eau salée sur le corps. La nuit venue, vous avez froid et vous rêvez de chaleur et de cari épicé et vous vous enveloppez de couvertures. Quand il fait chaud, vous êtes complètement desséché et souhaitez être mouillé. Quand il pleut, vous êtes presque noyé et souhaité être au sec. Quand il y a de la nourriture, il y en a trop et il faut vous gaver. Quand il n’y en a pas, il n’y en a vraiment pas et vous mourez de faim. Quand la mer est étale et immobile, vous aimeriez qu’elle bouge. Quand elle se hisse sur ses vagues et que le cercle qui emprisonne est rompu par des montagnes d’eau, vous souffrez de cette particularité de la haute mer, la claustrophobie dans un espace ouvert, et vous aimeriez que la mer redevienne plate. Les opposés apparaissent souvent simultanément, tant et si bien que, quand le soleil vous brûle au point que vous vous affaissez, vous êtes également sensible au fait qu’il fait sécher les lanières de poisson et de viande qui sont suspendues à vos cordes et que vos alambics solaires en profitent. Par ailleurs, quand une pluie soudaine et venteuse refait le plein de vos approvisionnements en eau fraîche, vous savez aussi que l’humidité va affecter vos provisions de nourriture séchée et qu’une certaine partie se gâtera peut-être, devenant pâteuse et tournant au vert. Quand le mauvais temps diminue et qu’il est évident que vous avez survécu aux attaques du ciel et à la traîtrise de la mer, votre jubilation est tempérée par votre rage qu’une telle quantité d’eau fraîche tombe directement dans l’océan et par la crainte que ce soit la dernière averse que vous verrez jamais, que vous allez mourir de soif avant que la prochaine goutte de pluie ne tombe.


La pire combinaison d’opposés qui existe est l’ennui et la terreur. Votre vie est parfois un pendule qui va de l’un à l’autre. La mer est au calme plat. Il n’y a pas le moindre souffle de vent. Les heures durent, sans fin. Vous vous ennuyez tellement que vous sombrez dans un état d’apathie qui est presque un coma. Puis la mer s’agite et vos émotions sont secouées de frénésie. Et pourtant, ces deux états contraires ne se distinguent pas franchement l’un de l’autre. Dans votre ennui, il y a des éléments de terreur : vous éclatez en larmes, vous êtes plein d’effroi, vous criez; vous faites exprès pour vous faire mal. Et dans les griffes de la terreur – la plus forte tempête - , vous ressentez quand même de l’ennui, une profonde lassitude face à tout cela.


Il n’y a que la mort pour stimuler constamment vos émotions, soit que vous la contempliez quand votre vie est sauve et fade, soit que vous la fuyiez quand la vie est menacée et précieuse.


La vie sur une chaloupe de sauvetage, ce n’est pas une vie. C’est comme une fin de partie aux échecs, une partie où il reste peu de pièces. Les éléments sont d’une simplicité extrême, mais les conséquences ne peuvent être plus risquées. Physiquement, c’est extrêmement ardu, et moralement, c’est mortel. Il faut vous y ajuster si vous voulez survivre. Bien des choses deviennent inutiles. Vous tirez votre joie de là où vous pouvez. Vous atteignez un point où vous êtes au fond de l’enfer, et pourtant vous avez les bras croisés et le visage souriant, et vous vous sentez comme la personne la plus chanceuse de la terre. Pourquoi? Parce qu’à vos pieds il y a un tout petit poisson mort.


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lundi 5 avril 2010

Le trois cent quarante-sixième saut / Le trois-cent-quarante-sixième saut



Prêts pour un septième petit coup d’orthographe nouvelle?

Allons-y!

7) La soudure s’impose dans un certain nombre de mots, en particulier dans les mots composés de contr- e- / et entre –e ; dans les mots composés de extra-, infra-, intra-, ultra ; dans les mots composés avec des éléments «savants» (hydro-, socio-, etc.); dans les onomatopées et dans les mots d’origine étrangère.

Quelques exemples :

(AN) contre-appel (NO) contrappel

(AN) entre-temps (NO) entretemps

(AN) extra-terrestre (NO) extraterrestre

(AN) tic-tac (NO) tictac

(AN) week-end (NO) weekend

(AN) porte-monnaie (NO) portemonnaie

La soudure est étendue; au-delà des cas cités dans cette règle, les auteurs des dictionnaires sont invités à privilégier la graphie soudée.

Je vous suggère un site fort intéressant (Le Centre collégial de développement de matériel pédagogique – CCDDMD -) qui propose de très belles pages d’exercices :

www.ccdmd.qc.ca/fr/jeux_pedagogiques/?id=5099&action=animer

Vous devriez bien vous amuser!

CADAVRE EXQUIS

NUMÉRO 7


(alors que la mer étire ses bras électriques la vie de gauche à droite circule accrochée à du roc rouge accueillant sur la grève une mer incertaine)


mille millions de gouttelettes émiettées

jaillissent de son voyage

suivies par des oiseaux blancs

ceux qui étirent les ressacs

devenus silencieux


comme des marins au regard séculaire

main dans la main

se dirigent vers les miroirs érodés

des plages si longues

que le temps s’y perd


dans ta brouette liquide

tu bourlingues l’écho de nos peurs

les distribues

ne les ayant pas encore complètement échappées


… lèche sournoisement

du marcheur les illusions

les rêves les songes les deuils

agglutinés au bout des pieds

comme des coquillages étourdis


les crabes boitent sur une musique de Bach

les oiseaux de mer planent sur un quatuor de Bartok

les grands poissons jazzent sur un air de Berlioz

les coquillages vides transportent des échos de Borodin

les vagues blanches lèchent une symphonie de Brahms


«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»


A M P H I S B È N E (nom masculin)

. serpent fabuleux à deux têtes;

. reptile fouisseur, lézard apode capable de se déplacer dans les deux sens.


A P P E A U (nom masculin)

. instrument avec lequel on imite le cri des oiseaux pour les attirer au piège;

- (leurre, pipeau, courcaillet)

. oiseau dressé à appeler les autres et à les attirer dans les filets;

- (chanterelle, appelant)

. servir d’appeau à quelqu’un / se laisser prendre à l’appeau : se laisser duper / se laisser leurrer

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jeudi 1 avril 2010

Le trois cent quarante-cinquième saut / Le trois-cent-quarante-cinquième saut




Depuis quand plaisanteries et canulars du 1er avril, communément appelés LE POISSON D’AVRIL, courent-ils? Certains avancent une date aussi reculée que 1564 sans que cela ne soit scientifiquement documenté. Le crapaud a fait sa petite enquête et vous en dévoile les résultats, étrangement, un 1er avril.

Oublions tout de suite les blagues scolaires que l’on faisait tout jeunes alors qu’on accrochait un poisson de papier dans le dos des camarades tout en souhaitant qu’un plus hardi que soi s’attaque au professeur : ce sont les ligues mineures. La vérité s’avère plus importante, plus grave et combien plus complexe…

Au 16ième siècle, parmi les grands débats de l’heure il y avait celui autour du calendrier. Il se posait ainsi : la nouvelle année devait-elle débuter en janvier ou en avril? Le premier jour du mois, évidemment. Puisque nous n’avions pas encore le rapport d’impôts obligatoire et le début de l’année fiscale quelque part en avril comme maintenant, janvier possédait une longueur d’avance. Le roi français Charles IX privilégiait le premier avril, l’ayant même officialisé par l’Édit de Roussillon. Une des principales raisons était évidemment économique : la saison de la pêche était plus productive à ce moment de l’année et il retirait des redevances sur chaque poisson sorti des eaux françaises. Une autre raison relevait de l’ordre de la cueillette desdites redevances : en janvier, certaines régions de son royaume s’embourbaient littéralement sous la neige, de sorte que les percepteurs (ils ne passaient qu’une seule fois l’an) peinaient à se rendre partout de sorte que les filets ne se remplissaient pas autant que Sa Majesté l’aurait espéré, sans oublier qu’en janvier personne n’avait d’argent.

Certains astrologues de l’époque (en 1564, la rencontre annuelle de leur confrérie qui allait se tenir fin mars début avril dans une petite ville de France du Haut-Rhin, Colmar, devait approfondir la question) n’étaient pas d’accord… Dire qu’ils avaient beaucoup d’ascendant, parfois même un certain pouvoir sur les gens influents de la haute société tiendrait du cliché le plus élémentaire. On n’a qu’à rappeler la proposition d’un des grands scientifiques de l’époque, le Japonais Fugu, qui fit déplacer la date d’entrée sous le signe des Poissons en mars alors que depuis des temps non colligés dans les annales astrologiques tombait en avril.

Cette histoire de calendrier provoquait tollé mondial. Si l’on met cela en perspective, un tollé mondial dans les années 1500 n’a pas la même envergure qu’aujourd’hui. Toujours est-il qu’on se doit d’admettre qu’en débattant calendrier cela risquait de modifier le cours des astres, ce qui n’est pas rien, et va droit au cœur de l’astrologue moyen du temps.

Afin d’assister à la réunion de Colmar, Fugu partit du Japon au début du mois de mars. Il retarda le plus possible son départ car notre éminent astrologue s’attendait à recevoir le titre de conseiller particulier auprès des dictateurs de la période Azuchi-Momoyama. Fugu voyagea près d’un mois sur une minuscule goélette pas tellement rapide escomptant ne pas rater les débats de la confrérie. Notons au passage que pour la première fois une telle rencontre, celle de Colmar, aurait lieu dans une ville occidentale et que le principal problème que l’on risquait de rencontrer était relié à celui de la traduction : les interprètes du temps se consacraient presque exclusivement à traduire des textes, très peu l’oral et encore moins en simultané.

Les Occidentaux, que les Orientaux considéraient comme des réformateurs peu éclairés, avaient beaucoup à gagner (et à perdre) lors de ce congrès. Je vous rappelle que le mot congrès date du 16ième siècle mais ne peux absolument pas vous certifier qu’il fut employé en 1564; chose certaine et tout à fait vérifiable, il le fut par la suite pour toutes les autres rencontres des astrologues du monde.

Les Occidentaux pouvaient s’enorgueillir de compter dans leur rang un jeune et très brillant astrologue, Devon, qui avait beaucoup réfléchi sur les nuances sémiotiques entre astrologie et astronomie – petit détail au passage, il reçut de Charles IX, suite à la rencontre de Dolmar, le titre de Dauphin - comptait bien ébranler certaines convictions de l’astrologie traditionnelle (Fugu en étant l’illustre représentant) et, geste politique sans doute, vider la grande question séculaire : à quelle date le début de l’année? Rappelons la position traditionnelle : les Poissons, on avait réglé cela pour mars, il n’était donc absolument pas question de modifier la date du début de l’année et encore moins d’envisager le 1eravril, l’année devant irrémédiablement suivre le cours du Zodiaque.

Je vous épargne l’essentiel des débats qui, on s’en doute bien, se complaisaient dans des études poussées sur la géométrie céleste, la courbure des angles (concept qui ne fit pas long feu) mais principalement sur la philosophie des chiffres – ce qui permit, je le note au passage, de rediscuter la pertinence de maintenir le décret excluant la numérologie des rencontres des astrologues, décret remontant aux années 1450-1500, sans que j’en sois tout à fait certain – mais ce fut les légendaires affrontements entre Fugu et Devon qui retinrent toute l’attention, sans faire les manchettes pour les raisons que vous imaginez. Certaines langues sales diront toutefois que la barrière linguistique les séparant n’a pas favorisé leur compréhension, mais cela fait actuellement l’état d’une recherche post-doctorale dans une célèbre université finlandaise, de sorte que nous attendrons les résultats avant de nous avancer sur un tel sentier.

Alors qu’au fil des discussions, les arguments de Devon s’avéraient de plus en plus rigoureux et de moins en moins attaquables, que le face-à-face allait mener à un dilemme, le Japonais Fugu usa d’un stratagème que l’on pourrait qualifier de… surprenant. L’astrologue japonais lui fit parvenir une sommation de l’affronter en duel; celui qui en sortira gagnant verrait sa proposition adoptée, l’autre détruite. Puisque vous savez ce qui est advenu du 1er avril, vous connaissez donc le résultat du duel et pourquoi l’année s’amorce le 1erjanvier. Mais vous ne savez pas tout, rien n’étant tout à fait ceci ou complètement cela!

Nous sommes en France. Le duel (en japonais on dit dugong) est légal; au-delà même de sa légitimité, il est considéré comme un acte héroïque. Devon le sait, Fugu également. Nous sommes à la croisée des chemins : astrologie traditionnelle versus astrologie moderne. Tout cela alors que le Japon vit des heures politiquement pénibles; la France se dirige tête haute vers la fin de la Renaissance. Deux hommes, deux conceptions, deux dates… peut-être trois.

Il fait brouillard en ce matin de duel au cours duquel Devon et Fugu joueront la suite du monde. La rencontre des astrologues de 1564 prenait une tournure inattendue. Des astrologues présents à la rencontre et sur les lieux du duel, certains diront avoir préalablement lu dans le ciel la prémonition d’une tragédie alors que d’autres s’exclamèrent que l’astrologie se retrouvait dans la poisse. Depuis la veille, une fois parvenu le défi de Fugu à Devon, tout l’aspect scientifique de la rencontre s’en trouva occulté. De mauvaises langues avancèrent même que plus jamais l’astrologie n’allait s’en remettre.

Revenons plutôt à notre duel. Brouillard du matin, à couper au harpon. Une foule départagée qui hésite à prendre position : les Occidentaux à l’ouest, les Orientaux à l’est d’un petit sentier sinueux menant à une semi clairière où on ne voit rien, on entend que des murmures qui ruissèlent de gauche à droite. Atmosphère poisseuse!

Les arbitres et les juges semblent être là. Les témoins, sans doute. La foule, on en a déjà parlé. Ne manquent plus que les deux belligérants à qui on a donné des surnoms; «requin» pour le Français, «espadon» au Japonais. Je note au passage, question de tout vous dire, qu’à la suite de cette confrontation historique les adeptes du dualisme en astrologie firent une percée idéologique remarquable; ça serait trop long à expliquer mais nous y reviendrons peut-être un jour.

Devon arrive. Personne ne le remarqua étant donné les conditions brumeuses ambiantes et l’atmosphère que nous avons tenté de couper il y a quelques instants. Comment pouvaient-ils être certains qu’il s’agissait bien de lui? Question d’horoscope tout simplement: après étude de sa carte du ciel, les éminents astrologues surent qu’il devait se présenter le premier (facile à prédire alors que tout le monde sait que lors d’un duel l’outragé se doit d’arriver avant le provocateur). Une autre raison : son adversaire Fugu ne se présenta pas.

Devon est là, invisible dans le matin du Haut-Rhin. Fugu, absent ou en retard, personne ne peut le certifier. Le duel rencontre un évident problème de logistique!

Voici comment se dénoua cette histoire qui risquait de filer droit vers nulle part. Après plus d’une heure d’attente, le doyen des astrologues le Danois Fisk se mit à crier en latin – cette langue, aujourd’hui morte, était en usage à l’époque lors des congrès majeurs – que le duel s’achevait en queue de poisson. C’est alors qu’une rumeur fit des vagues : on aurait vu Fugu debout sur le plus vieux quai du port de Colmar, attendant la venue du jeune astrologue français.

Tout ce beau monde, dans une cohue qui passera à l’histoire, fila à l’anglaise vers ledit quai. Fugu s’y tenait effectivement, fièrement revêtu de sa tenue officielle, hautement japonaise. Il y avait, placée devant lui, une table qu’un filet coupait en son centre. Une petite balle blanche et deux raquettes y reposaient.

Devon s’avança. Dans une langue qu’encore aujourd’hui on peine à définir, il comprit que le duel serait un match de pingpong, sport inventé quelques semaines plutôt par le Japonais PingPong. Saisi des règles, l’astrologue français salua bien bassement son adversaire et le match, sur le quai du port de Colmar, eut lieu.

Il n’est pas dans mon intention de vous décrire la partie, seulement son achèvement. Fugu, tout comme Devon d’ailleurs, n’avait jamais joué à ce sport et se tenait au bout du quai. Lorsqu’un coup - on le classerait aujourd’hui dans la catégorie des vicieux - le surprit, il recula et ne pouvant se retenir, tomba dans l’eau froide de ce premier avril 1564 alors qu’au loin la brume matinale s’estompait à peine. Fugu coula si rapidement que la foule réunie, et d’un commun accord, se dit que l’illustre astrologue japonais venait de se noyer.

Par un effet surprise du destin, quelques instants plus tard, il jaillit sur la berge alors que tout le monde le cherchait au bout du quai. Tout près de la table de pingpong, une petite balle blanche immobile roulait vers la rivière. De là, vous ne le croirez certainement pas, on aperçut fort distinctement, accrochés dans son dos, trois poissons sur lesquels étaient écrites trois dates en chiffres arabes : 1er janvier, 1er mars et 1er avril.

Lorsque l’on réussit finalement à bien saisir ce qu’il balbutiait en grelottant, les astrologues décodèrent l’augure : l’année devait commencer le 1er janvier; le 1er mars serait la journée des Poissons et le 1er avril serait désormais la journée du POISSON D’AVRIL.

(Ce texte est écrit en nouvelle orthographe)

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