samedi 27 septembre 2008

SAUT: 233



Voici le dernier saut de septembre.

Il nous faudra bien, avec les élections fédérales canadiennes qui auront lieu dans la deuxième semaine d'octobre, le 14 plus précisément, il faudra bien en jaser... un petit peu. Le crapaud ressortira-t-il sa combien brillante et désormais illustre démonstration sur l'art de voter afin d'obtenir un gouvernement minoritaire? On verra... Toutefois, un fait s'impose: la nécessité de conserver cette intéressante manière de faire, autant à Ottawa qu'à Québec, celle de se donner un gouvernement minoritaire.

D'ici là, je vous offre le dernier poème que le crapaud a déposé sur le site Oasis. Il n'est pas tout à fait évident, enfin je vous laisse le recevoir et le juger. Il traite d'une problématique qui m'interpelle depuis plusieurs années: la personnalité des junkies. Et comme dans mes nombreuses promenades montréalaises je remarque que cette clientèle semble se multiplier en plus de sensiblement rajeunir, il m'est apparu essentiel pour la mise à niveau de ma réflexion sur le phénomène, de traduire en poème où j'en étais... où j'en suis...

Je crois que j'aurai beaucoup de difficulté à trouver les bonnes photos pour l'accompagner.






ils sont…


ils sont (des transgresseurs) de clôtures tubulaires… à bout de bras…
nouant à leurs ailes des gestes individuels

ils sont (des inutiles) ingurgitant l’oxygène alcoolisée des rues… à bout de souffle…
les eux et les autres ne font pas long feu au bout de vous

ils sont (des chandelles) brûlant par les deux bouts… au bout du tunnel…
les on qui les nomment ont des noms de démons

ils sont (d’impuissants) poètes aiguillés par la poussière… à bout de siècle…
les qui que ce soit sont des quiproquos iroquois

ils sont (des manipulateurs) de fausses équations quantiques… au bout du rouleau…
les toi/soi/moi se singularisent au pluriel

ils sont (des répondants) aux appels lancinant de leurs corps… au bout du fil du bout du monde…
ceux qui ne comptent plus sur quiconque

ils sont… à tirer à bout portant… par les bien-pensants en trois-pièces cramoisis
aucun n’étant plus ou moins l’autre

ils sont (des graffitis délavés) pour études doctrinaires… à bout de forces, au bout de leurs peines…
le/la/les écrits en lettres sanguines aux bras

ils sont (des ils personnels) de bout en bout et d’un bout à l’autre…pour un bout de temps…
des plusieurs (ignorés) de plusieurs

tout est au bout de tout sur une même ligne centripète
et ils sont… (ces êtres sans avoirs) criant des mensonges aux planètes urbaines
(ces écrasés) dans des parcs sales, dans des rues sans fin,
dans d’étroits couloirs de mosaïques saisons,
dans des regards éberlués retournés vers leurs chiens
(ces riens) immenses de leur tout…


ils sont… (des salmigondis) sur pelouse jaunie


et s’ils entendaient ceci,
ils n’en seraient pas moins ce qu’ils étaient
à peine plus loin que leurs paroles atrophiées
quotidiennement appauvries de l’indispensable essentiel
(ces quidams tatoués) au goût d’éther
qui les pousse encore plus haut que ce qu’ils visaient

et s’ils entendaient cela,
ils ne seraient pas surpris de ce qu’on leur impute
(sourds) et (muets) et (aveugles) aux slogans hygiéniques
promenant dans leurs mains coupées des tranches de jour et de nuit
s’effilochant sous leurs pieds ampoulés
puis s’en iraient d’où ils venaient…

ils sont… seront…
ils étaient… seront…
(de vitreux regards) sur l’intempérie de la vie





Au prochain saut

lundi 22 septembre 2008

SAUT: 232

Carte postale



De retour de Cuba.


Odile et son crapaud de père ont vécu une semaine de rêve. Nous croyons sincèrement que le fiston dans le ventre de la maman aimera beaucoup le soleil, la plage et la mer. Toute la semaine, il a été gentil et a manifesté son enthousiasme par des mouvements qui pouvaient rappeler ceux des vagues.

Rien de IKE sur la plage de Varadero.

Température variant entre 33 et 36 degrés.

Quelques nuages sont venus à petits pas timides le vendredi seulement, nous servir de parasol.

Les couleurs furent joyeuses dans leur vert, leur bleu et leur turquoise.


Les Cubains, toujours aussi affables et positifs se sont relevés des ouragans avec autant de rapidité que d'énergie.

Excellente organisation.

Un peu comme au lendemain d'une tempête de neige sur le Québec.

Le retour à Montréal, ce fut de passer de 33 à 6 degrés... Il faut être bâti solide...

On reprend donc nos petits sauts.

mercredi 10 septembre 2008

SAUT: 231





Partirons-nous ou ne partirons-nous pas?

L'ouragan IKE a semé la terreur sur l'île de Cuba mais comme les informations sont parfois fragmentaiures ou encore excessives, connaître l'exacte situation est difficile.

Tout cela pour dire que le crapaud et sa fille Odile (enceinte de cinq mois) doivent se retrouver sur les plages de Varadero dimanche prochain. Certains nous diront que c'est un peu malvenu d'aller profiter de la mer alors qu'à quelques kilomètrees à peine des gens ont tout perdu et manquent de l'essentiel. D'autres ajouteront que c'est une fort mauvaise idée que celle d'aller se prélasser sur les plages cubaines en pleine saison des ouragans!

Sans doute vraies ces deux affirmations. Que voulez-vous, nous aimons cette île, elle nous accueille agréablement à chaque fois et nous souffrons beaucoup de la situation peu ordinaire qui l'afflige actuellement. On ne doit pas, toutefois, cesser de vivre pour autant. Alors nous suivons de près l'évolution de la situation et prendrons une décision au tout dernier moment.

D'ici là, c'est septembre depuis 10 jours maintenant. Il se fait tout doucement sentir par ses nuits plus fraîches, son soleil un peu différent et ses couleurs lorsqu'il s'enfonce à l'ouest. Un peu de pluie aussi, mais comme l'été nous en a largement fait profiter, elle devient moins un critère qui nous incite à croire que l'automne se profile au coeur des journées qui raccourcissent.


Je vous offre, ce matin, un poème de cet été.


Il s'intitule LA NUDITÉ DE L'OISEAU



la nudité de l’oiseau
sur l’asphalte des rues
dévisage le ciel à rebours des arbres


un oiseau nu
une plume à la patte
marque sa dissidence


et le lit mourait de chaleur
la canicule comme draps
l’oiseau pour messager




la nudité de l’oiseau
sur l’asphalte des rues
habille de cliquetis les feuilles immobiles


un oiseau nu
un jonc rond de pigeon à la patte
voyage sur les mensonges de la lune


et le lit mouillé
sur lui-même se retourne
comme un serpent prisonnier



pendant que la tête nue de l’oiseau atténue le vent




Au plaisir de se retrouver après Cuba si le voyage a lieu, ce sera alors vers le 22 septembre, donc l'automne aura déclaré «présent» ou avant, si jamais le voyage est annulé.

Au prochain saut

dimanche 7 septembre 2008

SAUT: 230



Il faudrait bien que s'achève ici, en ce deux cent trentième saut, les lignes consacrées à Hector de Saint-Denys-Garneau, certainement le poète que j'affectionne le plus; celui qui, encore maintenant, plus de quarante ans après l'avoir découvert, lu, relu, visité jusqu'à sa tombe de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier le 2 août 1995, dans le comté de Portneuf, sait par la magie de ses mots, leurs jeux dans l'espace et leur manière de retomber à l'intérieur de soi avec cette douce facilité des choses difficiles à rendre, par leur sobriété et leur force, sait donner à une expérience individuelle, la sienne, une dimension universelle.

Il le faudrait bien. Surtout que nous voilà aux dernières années de sa vie, celles allant de 1940 à 1943.

Les derniers mots écrits par le poète, deux mois avant sa mort le 23 octobre 1943 sont très révélateurs: «Ne venez pas me voir.» Les adressaient-ils à ses amis de l'époque, à ses lecteurs, si peu nombreux, à sa famille ou les adressaient-ils à la postérité? Voulait-il, désirait-il que cette oeuvre fut détruite avec lui?

Et pourtant sa mort, autour de laquelle plusieurs hypothèses furent émises, allant de la crise cardiaque au suicide, fut l'occasion pour je ne sais trop combien de gens de découvrir chez Saint-Denys-Garneau, tout comme ils le firent pour Alain Grandbois, une poésie nouvelle, rafraîchissante, artistique car elle allie plusieurs éléments provenant de la peinture à la musique en passant par la littérature et la philosophie. La lumière et la nuit. La spiritualité également vers laquelle il tendait, ayant été fondamentalement insatisfait par le christianisme des années entre les deux guerres. Les années de la grande crise économique, également

Alain Grandbois dit de la poésie de Saint-Denys-Garneau qu'elle est « insaisissable... comme le vent, l'eau, la lumière, la nuit...» L'être aussi, mais le poète le dépasse et c'est certainement ce qu'il souhaitait nous indiquer en demandant de ne pas venir le voir, lui, mais le poète, certainement.



Sa cousine, Anne Hébert a écrit: « Le paysage d'eau et de feuillages avait fait un pacte avec lui. Le plus profond, et le plus cruel pour nous. Le paysage a accepté l'offrande consommée sur cette grève de glaise, près des sapins noirs. Nous sommes dépouillés du visage particulier de lumière qu'il avait et que la grande lumière a reconquis. Il s'était offert à la lumière et la lumière l'a repris. La nuit s'est faite sur le monde et sur notre coeur.»



Pour sa part, Robert Élie dans sa présentation des Poèmes Choisis (Fides) exprime le fait que Saint-Denys-Garneau « nous décrit les états multiples d'une solitude qui grandit. Au thème de l'accompagnement des choses se succède celui de l'absence: le temps et l'ombre nous poursuivent et nous prennent «au piège d'une solitude définitive»; l'ombre, aussi menaçante à midi qu'à minuit, l'emporte toujours sur la lumière; les chemins que l'on suit au fond de la vallée se rompent comme un mauvais fil...»

Dans un texté publié par la revue Liberté en 1982, Yvon Rivard parle de la poésie de Saint-Denys-Garneau en ces termes: « Poésie qui ne célèbre ni les dieux ni les hommes, poésie qui renonce au chant au profit d'une parole neutre, impersonnelle, qui ne dit plus que le désir de s'effacer dans le premier et le dernier mot, ce mot qui nous permettrait de tout dire, de tout voir, mais qu'on ne peut prononcer qu'en se taisant.»

De son côté, Jacques Blais ajoute: « Des choses apparaissent qui, subitement, s'occultent. Un mouvement s'arrête pour aussitôt reprendre, sitôt passé l'intervalle.»

Dans la postface de REGARDS ET JEUX DANS L'ESPACE (Boréal 1993) Réjean Beaudoin écrit: « Le mélange d'étrangeté et de proximité qu'on sent à le lire est neuf. Le don qu'il nous fait, on ne saurait jamais assez le désirer pour le mériter et on l'attendra toujours trop pour savoir y renoncer.»

Avant de vous offrir deux poèmes de Saint-Denys-Garneau et le saluer, voici ce que j'écrivais le 2 août 1995:

- Visite à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Impossible de monter au manoir qui appartient maintenant à un monsieur anglophone. Le manoir est situé au 4, Saint-Denys-Garneau. Nous voyons sa plaque collée à la croix en plein centre du cimetière face à l'église. Rien de spécial dans cette petite localité ne signale la présence de SDG. Un bonhomme nous raconte que le manoir a été vendu à un médecin qui l'a dépouillé de tous ses meubles d'époque. La maison de Anne Hébert tenue par son frère serait tout à côté du manoir. C'est derrière une masse d'arbres et surélevé par rapport à la route (chemin de Fossembault) que se cache le manoir Juchereau-Duchesnay qui appartenait aux Garneau. La rivière Jacques-Cartier coule au pied du manoir. En face de l'église, une grande croix de fer est installée. Il y a déjà plus de 50 ans que SDG est mort et son souvenir semble ne pas être exploité pour le jeu de touristes curieux qui y viennent. Voilà.


GLISSEMENT


Qu'est-ce que je machine à ce fil pendu
À ce fil une étoile à la lumière
Vais-je mourir là pendu
Ou mourir un noyé fatigué de l'épave

Glissement dans la mer qui vous enveloppe
Une véritable soeur enveloppante

Et qui transpose la lumière en descendant
La conserve à vos yeux pour les emplir

Souviens-toi de la mer qui t'a bercé
Vieux mort bercé au glissement de ce parcours
Accompagné de lumière verte
Qui trouble d'un remous l'ordonnance de ses réseaux
À travers les couches de l'onde innombrable
Et maintenant dans les fonds calmes caressé d'algues
Souviens-toi des vagues et leurs bercements
Vieux mort enfoui dans les silences sous-marins



Et j'achève avec UN POÈME A CHANTONNÉ TOUT LE JOUR

Un poème a chantonné tout le jour
Et n'est pas venu
On a senti sa présence tout le jour
Soulevante
Comme une eau qui se gonfle
Et cherche une issue
Mais cela s'est perdu dans la terre
Il n'y a plus rien

On a marché tout le jour comme des fous
Dans un pressentiment d'équilibre
Dans une prévoyance de lumière possible
Comme des fous tout à coup attentifs
À un démêlement qui se fait dans le cerveau
À une sorte de lumière qui veut se taire
Comme s'ils allaient retrouver
ce qui leur manque
La clef du jour et la clef de la nuit
Mais ils s'affolent de la lenteur
du jour à naître

Et voilà que la lueur s'en re-va
S'en retourne dans le soleil hors de vue
Et une porte d'ombre se referme
Sur la solitude plus abrupte et plus incompréhensible.

Le silence strident comme une note de musique
qui annihile le monde entier
La clef de lumière qui manque
au coffre de tous les trésors.

Le poète nous demande de ne pas venir le voir. Respectons son voeu. Mais ne cessons pas de revenir à son oeuvre qui aujourd'hui encore fait partie de ce qui aura été fait de mieux dans l'univers de la poésie québécoise.



Au prochain saut

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