Madeleine dans sa maison de Gentilly |
Bébé naissant le 24 juin 1947, Madeleine allait avoir 16 ans le 10 juillet suivant au moment où elle me reçut à Gentilly, alors que ma mère Fleurette demeurait quelques jours supplémentaires à l’hôpital de Trois-Rivières. Je me doute toutefois que ses bras imprimèrent en moi bien des choses, cela en très peu de temps ; de ces réalités que je qualifierais d’irréelles. Démontrer le fonctionnement du cerveau émotionnel autrement que par des schémas et des définitions scientifiques ou médicales, je ne saurais le faire, sauf que j’explique mon goût insatiable pour les odeurs à partir du contact avec sa peau à elle. Mon goût pour le Beau, par la clarté du jour et de la nuit qu’elle a installée en moi dès ces premiers instants. Ma passion pour la musique, par les mélodieuses harmonies que Madeleine fredonnait, que j’entendais.
Je lui dois énormément. De cet âge reculé…
… courir dans les champs, nourrir les animaux, voir naître des chatons, se lever de bonne heure et de bonne humeur, cueillir les petits fruits, marcher sur les routes sablonneuses, les prières à la croix du chemin, savourer un beau mot d’esprit, écouter…
… jusqu’au dernier son de sa voix, alerte encore, rieuse toujours, en janvier alors que mon frère Pierre et moi lui avons souhaité la bonne année directement du Vietnam.
Elle se disait un peu fatiguée ; les hivers lui ont toujours été pénibles. Elle se disait un peu seule ; François, son dernier frère encore vivant, venait de laisser sa maison tout à côté de la sienne. Elle se disait aussi active ; elle l’aura été toute sa vie, que ce soit à la maison, à la couture, à la chorale parfois même deux ou trois chorales à la fois. Elle… notre Madeleine… on le sentait déjà, allait moins bien. Elle qui aura vu partir tant de parents, frères et sœurs, sans oublier son Simon, ce neveu qu’elle adorait, elle ne pouvait recevoir tant de coups de la vie sans que ne s’effrite en elle le ciment de sa résistance.
Madeleine fut de tous les fardeaux, les énumérer serait fastidieux mais ceux et celles qui l’ont connue, l’ont côtoyée sont en mesure de le reconnaître. Que de fois nous aurons entendu : une véritable sainte. Elle sera partie là où se trouve les saints, c’est à n’en pas douter.
Je lui offre aujourd’hui ce poème ; il frôlera à peine la béatitude qui entoure cette femme.
MADELEINE
MADELEINE
comment ne plus t’entendre chanter
délayant la pâte à crêpe
un plateau de fromage Descôteaux au coin de la table
tu riais,
rappelant ce souvenir puisé à une mémoire
intacte comme le fond de tes yeux
sérénité du regard généreusement offerte
tu rappelais…
la douceur du dernier été…
la fraîcheur de l’automne…
ton potager, ton jardin, en tête
tu étais là
toujours à attendre
nous
qui te devons mille mots d’amour chuchotés
MADELEINE
prénom musical,
trois notes entendues au bout du monde
c’est toi
tu reviens dans nos coeurs
là
où constamment tu loges
aquarelle au mur de nos maisons
ne plus chercher le sens des mots
tu leur as donné tellement de franchise,
tellement
qu’ils ont composé l’éternel poème que tu seras
par la fenêtre qui regarde au loin
là où ton âme s’est arrimé
tu as cherché…
comme tu auras cherché
MADELEINE
tu as cousu le fil de tant d’âmes
rajusté l’ourlet de tant de vies
raccommodé encore et encore
tu es demeurée,
cœur ouvert
mains tendues vers les autres
panier de fleurs immortelles
tu auras parcouru la terre entière
à l’écoute des récits
de celui-ci, de celle-là
reconnu tout cela sans l’avoir vu
comme le monde est beau
lorsque tu nous le fais redécouvrir
par ton émerveillement
tenant notre main prête à repartir
MADELEINE
tissus d’organdi, de soie, de laine
la magie surgissant de tes doigts
un dé à coudre à l’auriculaire
ces femmes, chorale de femmes,
dans ton atelier, en haut
se faufilant dans les vêtements neufs
retrouvaient en toi la confidente
indispensable écheveau
tu as toujours su entendre
dits et redits
leurs souffrances et leurs bonheurs
elles devaient, ces femmes,
toutes ces femmes
te surnommer ‘’Made-laine’’
la couturière du TROIS
MADELEINE
la souffrance a rebroussé chemin
devant la barrière de courage
que tu lui érigeais
tu as dépassé,
depuis si longtemps
l’insignifiance des malaises
pour rejoindre la clarté naturelle des choses
ton chant devient silence
et l’écho de ce silence
à jamais imprimé en nous
comme les sons de la harpe
tu n’es pas là en juillet
mais tu y seras
l’Amour
jamais ne meurt
Madeleine et Catherine
Il y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai
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