lundi 11 août 2008

SAUT: 227


Les derniers poètes qui eurent (ont encore et toujours) de l'influence sur le crapaud étaient de la grande francophonie. En fait, France et Belgique.

Aujourd'hui, il s'agit d'un Québécois. Un très grand parmi les grands. Certainement celui qui m'aura ouvert les yeux sur la couleur, les odeurs, les deux associés, et sur cette prise de conscience que la vie d'un véritable poète n'est pas seulement ordinaire et quotidienne. Elle possède un sens dramatique, parfois tragique.

Hector de Saint-Denys-Garneau, car il s'agit de lui.

Il faudra plus d'un saut pour tout présenter ce que le crapaud a ramassé sur le cousin d'Anne Hébert, et cela depuis plus de quarante ans...

Voici comment, en août 1936, Saint-Denys-Garneau définissait le poète:
«Le poète est un homme qui appelle les choses par leur nom.
Il sonne l'appel des choses à l'esprit
Par lui les choses viennent se ranger à l'ordre de l'esprit,
faites intelligibles,
appelées intelligemment par leur nom.»

Hector de Saint-Denys-Garneau est né le 13 juin 1912, à Montréal. L'arrière-petit-fils de l'historien François-Xavier Garneau et petit-fils du poète Alfred Garneau habite avec ses parents, de 1916 à 1923, au manoir ancestral des Juchereau-Duchesnay, à Sainte-Catherine de Fossembault.

En 1923, il commence des études classiques chez les Jésuistes à Montréal et s'inscrit, en 1924, à l'École des Beaux-Arts de Montréal.

Changement de collège en 1924; il se retrouve, toujours chez les Jésuites, mais au Collège Loyola de Westmount. C'est à ce moment qu'il croit profondément que la peinture sera sa vocation.

Il recevra en 1925 un deuxième prix et une médaille de bronze à l'École des Beaux-Arts où il étudie d'abord de jour puis de soir.

Il remporte, en 1926, le concours de poésie de l'Association des Auteurs Canadiens avec le poème qui suit. Il s'agit du concours Henry Morgan auquel plus de 1500 enfants participèrent.




Le Dinosaure



Il était gigantesque
Et son nom je vous dis
Était presque
Aussi grand que lui

Il s'appelait Dinosaurus
Et puis ce n'est pas tout
Il s'appelait aussi Brontosaurus
Et Amphibie. Qu'en pensez-vous?

Et savez-vous comment
Il a de ce monde disparu
Et que depuis ce temps
On ne l'a pas revu?

C'est ce que de vous dire
Il m'est venu l'idée,
Et j'espère qu'à me lire
Vous vous amuserez.

Il était bien méchant
Et vous pourrez vous-mêmes
En juger, et peut-être plus méchant
Que je ne le trouve, vous le trouverez même.

Une fois, dans un jardin,
Ce méchant animal
Était entré, où le chien
Était à son travail.

Ce chien était le maître de la maison,
Et lui dit d'une manière bien polie:
« Monsieur, dont je ne connais pas le nom,
Vous n'avez pas d'affaires ici. »

Mais l'autre se mit à rire
Et l'assomma;
Et même il fit bien pire,
Il le mangea!

Lorsque du chien la femme
Et les enfants virent cela,
Ils prièrent Notre-Dame
De punir ce meurtrier-là.

Aussi leur prière
Fut exaucée, et l'Éternel
Le jeta dans la mer
Et le changea en sel.

Maintenant que j'ai satisfait
Votre curiosité,
Je vais vous dire ce qui arriverait
S'il n'avait cessé d'exister.

Si en ce monde
Il était aujourd'hui
Nous serions de ce monde
Tous à jamais partis.

Car s'il avait
De vivre continué
Il nous aurait
Comme moucherons gobés!

(C'est signé: de St-Denys-Garneau, décembre 1925 - 13 ans -)


On retrouve ce poème dans un cahier (que l'on reconnaît aujourd'hui comme étant le premier cahier de son journal ), qu'il appela LE CULTE DU BEAU.

En introduction il écrivait:
« Je mettrai dans ce petit recueil les essais de poésie que j'ai fait (s) et ceux que je ferai désormais. Mon premier essai, Le Dinosaure, qui m'a valu le premier prix de 25.00$, au concours littéraire ouvert par Henry Morgan, le 12 janvier 1926, inaugure ce recueil. »
C'est signé par lui le 6 décembre 1927.

Je vous offre un deuxième poème tiré du même recueil - novembre 1926 - et qui s'intitule L'AUTOMNE.

Entre les feuilles aux vives couleurs,
Le Soleil, aux rayons ardents,
Se mire dans le ruisseau qui pleure,
Y fait danser mille diamants.

Le moindre souffle de Borée
Produit une superbe envolée
D'or, de pourpre, de vermillon
Comme un nuage de papillons.

Et les feuilles, ainsi emportées,
Tombent sur la verte mousse,
La couvrent d'un tapis coloré
Des teintes vertes jusques aux rousses.

Sous ce tapis le petit sentier
Disparaît presque tout entier,
Comme le tapis disparaîtra
Sous la neige, dans quelques mois.

Et les oiseaux, transis de froid,
Quittent nos ramiers et nos bois
Et partent par la voie des airs,
Vont se chauffer dans les déserts.

À suivre...

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