jeudi 21 août 2008

SAUT: 228



Nous revenons à Saint-Denys-Garneau que nous avions laissé au tout début de son écriture, lors des années 1925-27.

En 1927, momentanément, il revient au Collège Sainte-Marie qu'il quittera bientôt pour les Jésuites du Collège Brébeuf. Il renoncera aux Beaux-Arts cette même année. Sa santé commence à vraiment l'affaiblir et on lui offre un professeur privé avec lequel il achèvera ses Éléments Latins et sa Syntaxe. En septembre 1927, c'en est fait des Beaux-Arts et il semble qu'il devra avoir recours à un autre professeur privé afin de poursuivre ses études classiques, santé oblige...

Le 6 octobre 1928, Saint-Denys-Garneau gagne, avec le poème L'Automne, le Premier Prix du concours de poésie de l'Association des Auteurs Canadiens. Je vous le présentais au saut 227.

Il est intéressant de noter qu'à cette époque, le poète écrivait et ajoutait un dessin relié au thème. Cela lui permet d'aller plus loin sur le chemin de son inspiration. En 2002, Les Éditions Nota Bene/ Éditions de l'Outarde ont publié Recueil de poésies, Inédit de 1928, afin de souligner le 90ième anniversaire de naissance de Saint-Denys-Garneau. On y retrouve des poèmes calligraphiés ainsi que quelques dessins.

Jusqu'en 1934, année au cours de laquelle il apprend d'un médecin qu'il a un souffle au coeur, ce qui expliquerait ses problèmes de santé, le poète étudie au Collège Sainte-Marie et collabora à diverses publications étudiantes. Nous le retrouverons, lors du prochain saut, à cette époque, mais pour le moment je vous offre deux magnifiques poèmes de celui qui écrivait: « Je me suis réveillé en face du monde des mots. J'ai entendu l'appel des mots, j'ai senti la terrible exigence des mots qui ont soif de substance. Il m'a fallu les combler, les nourrir de moi-même.»

Vous ai-je dit que lors de ma première lecture d'un poème de Saint-Denys-Garneau ( c'était CAGE D'OISEAU), pour ce poète seulement, je me suis lancé dans un cahier de lecture et d'écriture... En effet, je transcrivais tout ce que je lisais de lui, même si déjà je possédais l'oeuvre imprimée!

Voici cette Cage d'oiseau:

Je suis une cage d'oiseau
Un cage d'os
Avec un oiseau

L'oiseau dans ma cage d'or
C'est la mort qui fait son nid

Lorsque rien n'arrive
On entend froisser ses ailes

Et quand on a ri beaucoup
Si l'on cesse tout à coup
On l'entend qui roucoule
Au fond
Comme un grelot

C'est un oiseau tenu captif
La mort dans ma cage d'or

Voudrait-il pas s'envoler
Est-ce vous qui le retiendrez
Est-ce moi
Qu'est-ce que c'est

Il ne pourra s'en aller
Qu'après avoir tout mangé
Mon coeur
La source du sang
Avec la vie dedans

Il aura mon âme au bec.



Et je découvrais la poésie libre, sans ponctuation, tentant de me convaincre que cela ne pouvait pas être aussi «bon» que Nelligan, car écrire sans rimes, rejeter alexandrin et césure, ça ne pouvait qu'être facile, simple, moins... poétique. Pourtant! Je pénétrais dans ce que réellement je recherchais en poésie. C'est-à-dire ce qui se cache derrière et sous les mots, des images à la fois colorées, interprétables différemment selon les moments de lecture.

Je ne veux pas aborder cette période au cours de laquelle l'analyse des poèmes de Saint-Denys-Garneau, j'oserais dire son passage au crible ou pire encore, l'obligation de les lire affublé de lunettes psychanalytiques, devait obligatoirement partir de la clef de la spiritualité. Je ne voulais pas comprendre mais respecter ce que j'avais sous les yeux, l'oeuvre d'un homme troublé et émouvant, oui, déchiré et attaché, également, mais d'abord un artiste que je souhaitais mieux connaître strictement pour ce qu'il me disait.


Voici le deuxième poème que je vous offre aujourd'hui. Moins connu mais non moins génial, il s'intitule SILENCE:

Toutes paroles me deviennent intérieures
Et ma bouche se ferme comme un coffre
qui contient des trésors
Et ne prononce plus ces paroles dans le temps,
des paroles en passage,
Mais se ferme et garde comme un trésor,
ses paroles
Hors l'atteinte du temps salissant, du temps passager.
Ses paroles qui ne sont pas du temps
Mais qui représentent le temps dans l'éternel,
Des manières de représentants
Ailleurs de ce qui passe ici,
Des manières de symboles
Des manières d'évidences de l'éternité qui passe ici,

Des choses uniques, incommensurables,
Qui passent ici parmi nous mortels,
Pour jamais plus jamais,
Et ma bouche est fermée comme un coffre
Sur les choses que mon âme garde intimes,
Qu'elle garde
Incommunicables
Et possède ailleurs.


À suivre...






1 commentaire:

Anonyme a dit...

cher Jean
quel plaisir de te lire
sur cet écrit magnifique.
je ne connaissais aucunement cette histoire.

alors au plaisir d'y revenir
me tremper les yeux de temps en temps.

tout mon amitié

Douceur

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...