dimanche 12 mars 2023

MARCHER À L'OMBRE DES FANTÔMES - 13 -

 


MARCHER

À L’OMBRE

DES FANTÔMES

 

cinquième marche

 

F   A   N   N   Y

 

     Je remarque depuis quelques pages l’absence d’interruptions ou de commentaires de la part de Fanny. Cela m’amène à faire une courte synthèse des deux dernières rencontres qui eurent lieu au bar situé sur le toit de l’hôtel Rex.

Parfois il suffit qu’un peu de temps s’écoule, que l’on s’arrête sur certains faits pour que la source de l’événement se réveille et revive dans notre mémoire. Les deux cas que j’aborde sont en relation avec la numérologie et les années de guerre dont elle ne fut pas nécessairement témoin, mais qui eurent une influence non négligeable sur sa personnalité complexe.

Lorsqu’un écrivain déroule devant lui le scénario d’un roman, d’une nouvelle ou tout autre forme d’écrit, qu’il en établit un synopsis plus ou moins vague, les personnages et les idées lentement s’éclaircissent, ouvrent au processus d’écriture des occasions de graviter alentour, à l’occasion d’en modifier la substance.

Dans le cas qui m’occupe, j’ai à découvrir l’histoire de deux personnes en chair et en os. Pour ce qui est de Fanny, cinq rencontres me le permirent, toutes ayant duré soit deux, soit quatre heures précises. Le détail m’avait surpris au début puis devint la règle du jeu. Elles débutaient à 14 heures pour s’achever soit à 16 ou 18 heures, se déroulaient, si je prends la journée de dimanche comme premier jour de la semaine, soit un lundi (deuxième jour) ou vendredi (sixième).

Lorsque je réalise qu’il s’agit, dans tous ces cas, de nombres pairs et que de toute évidence nous n’étions que deux à y participer, la question de leur synchronicité m’est apparue. La numérologie, cette pseudo-science, cet ensemble de croyances et de pratiques fondées sur l’attribution de propriétés aux nombres variables selon le contexte, Fanny s’y est passablement intéressée et cela dès son arrivée à Paris.

Sans pouvoir interpréter quoi que ce soit, je me suis tout de même mis à la tâche de découvrir quel nombre se cache derrière chacune des voyelles et des consonnes des personnes qui gravitèrent ou qui gravitent encore autour d’elle.

Ça donne ceci :

Marie (1 provenant de 28) ; Abhay (1 provenant de 19) ;

Fanny (4) ; Daniel Bloch (4 provenant de 49) ; 

Tình (6 provenant de 24) ;  

Choidzin (7 provenant de 52 ) ;

Narrateur (8 provenant de 44) ;

Dalaï-lama (9 provenant de 27) ; Léa (9) ; Phước (9 provenant de 27) ; 

Giuji (11 provenant de 29).

 

Si je place les onze (11) personnes par ordre chronologique on retrouve en première place Marie suivie de monsieur Abhay, Fanny, Daniel Bloch, Tình, Choidzin, Narrateur, Dalaï-lama, Léa, Phước et Giuji. Mon oeil s’est également amusé à constater la présence de deux lettres dominantes chez presque tous ces personnages, le “ A “ et le “ I “ auquel j’ajoute le “ Y “ qui possède la même sonorité. Je me suis dit que pour quelqu’un qui s’intéresse surtout au son ou au timbre des voix, cela pouvait être une piste intéressante à explorer. Aussi la présence de consonnes plus rares que sont le “ H “, le “ Z “, le “ G “, le “ J “ et finalement le “ Z “.

L’opération calcul et observation achevée, j’examinai les résultats le plus attentivement possible et décodai que les nombres impairs priment sur les pairs, que Fanny et son ex-mari affichaient tous les deux le nombre 4 alors que Léa, le Dalaï-lama et Phước sont chacun sous le chiffre 9.

J’ai ressenti le besoin de consulter une numérologue à qui j’ai présenté le résultat de ma recherche afin qu’elle m’éclaire ou m’indique que tout cela ne signifiait absolument rien. Elle fit des recoupements que j’ai trouvés intéressants ; d’abord le rapport entre Fanny, Daniel Bloch, Tình et Narrateur - qu’elle disposa dans cet ordre. Nos similitudes à se retrouver sous le parapluie des nombres pairs pouvait, selon elle, signifier une collaboration proche. L’ayant mis au parfum qu’un mariage avait uni les deux 4, elle s’y intéressa plus spécifiquement, énonçant que le destin (ou le hasard si on se place dans l’optique de mon personnage principal) devait, avait dû ou devrait les réunir quelque part dans l’espace-temps.

Tournant et retournant les noms et les nombres, elle me précisa qu’un lien devait ou avait dû unir (toujours cette façon de combiner le passé et le présent) les trois 9 - soit le Dalaï-lama, Phước et Léa. Elle acheva son survol en s’intéressant au fait que ce qu’elle considérait comme les nombres parfaits - le 1 et le 11 - on les retrouvait chez trois personnes : Abhay, Giuji et Marie.

Ces explications ne servirent à rien d’autre qu’apprécier les interactions entre ces individus, me renseignant illusoirement sur ce que je pourrais appeler une manie, celle de nous rencontrer, Fanny et moi (Narrateur) les jours pairs et à des heures paires.

Finalement, ma curiosité m’amena à tenter d’appliquer la loi de Benford à cette nomenclature, une loi qui porte sur le premier chiffre significatif des nombres, mais devant sa complexité et un échantillon trop restreint, j’ai abandonné cette recherche ne m’en remettant qu’aux aspects soulevés par cette numérologue.

M’y attardant un peu, je relie tout cela au concept de “ l’unicitude “. Je m’explique.

Si j’ai bien saisi la démonstration que le photographe-philosophe m’a faite de ce qu’il nomme la théorie de “ l’unicitude “ selon Fanny, la dualité ne prend son sens qu’en se dissolvant dans une unité autre et nouvelle. Sans conclure quoi que ce soit, j’en arrive à me dire que quelque chose doit ou devrait se produire entre ceux et celles qui partagent le même nombre, que certains événements de leur passé peuvent ( ou pourraient ) avoir une influence quelconque sur l’ici et le maintenant.

De cet amas de nombres doit ou devrait ressortir quelque chose qui peut ou pourrait faire avancer l’histoire de Fanny. Quoi exactement ? Sans doute qu’à la lecture de la partie ( DEUX ) de la lettre du Dalaï-lama que mon personnage principal a pris connaissance en juin 2002 (tiens tiens, deux nombres pairs... ) quelque élément pourrait en surgir.

 

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La guerre, second point avant d'ouvrir le courriel que m'a fait parvenir Fanny et qu'elle a titré ainsi : la deuxième partie de la lettre du Dalaï-Lama.

Sa naissance remonte à 1935, dix-sept ans après la Première grande guerre mondiale et quatre ans avant le début de la Deuxième. Dans tous les documents sur lesquels patiemment je me suis penché, ma cliente n’a pas lésiné sur le fait de colliger des centaines et des centaines de pages relatant les principaux événements qui se sont déroulés et essayé de décoder de manière la plus intrinsèque possible les motivations qui plongèrent l’humanité dans ces deux conflits majeurs dont les principaux champs de bataille se situent en Europe, le continent qui l’a vu naître et  vivre jusqu’à l’âge de 25 ans.

Je suis certain que tout cela pourrait devenir des archives fort pertinentes à tout historien s’intéressant à ce que je pourrais appeler “ les dessous des conflits “.

Le fait qu’elle soit à Varsovie à l’époque des troubles opposant les pays de l’Axe - c’est le 22 mai 1939 que l’Allemagne et l’Italie signent le “ Pacte d’acier “ formalisant l’alliance de l’Axe avec des dispositions militaires et le 27 septembre 1940, date à laquelle ils paraphent le Pacte tripartite avec le Japon connu sous le nom d’alliance de l’Axe - aura été son premier contact avec la guerre.

Plus jamais, par la suite, Fanny ne cessera de s’intéresser aux offensives menées par certains pays contre d’autres pour quelque raison que ce soit. Sans que ça devienne une toquade, je peux avancer l’idée que cela a pu renforcer, allant même jusqu’à soutenir, voire même appuyer la perception que sa mère lui avait inculquée, à savoir que la haine supplantera tous les autres sur le terrain des sentiments, en raison de son intrinsèque puissance. ( Permettez-moi cette irruption. Pour ma mère, dans sa conception de la vie, la souffrance engendre et nourrit la haine. La souffrance est le lot de l’être humain, selon elle. On ne peut avoir souffert sans que cela crée en soi la conviction quasi physique qu’il faut y répondre par la haine, alors que l’amour n’est qu’une tendance issue de la faiblesse et de la peur d’être seul. Il n’y a que les êtres fragiles qui croient en l’amour et pour demeurer dans le sujet de la guerre, que la paix soit une réponse adéquate à tous les questionnements humains. L’amour mène à la mort alors que la haine est le sort de l’homme. )

Il ne faut pas se surprendre alors que baignant dans une cellule familiale  l’indifférence est si prononcée entre un père et une mère, que seule une petite poupée de chiffon tient lieu de confidente, que croisse la certitude que les plus forts règnent en maîtres absolus jusqu’au moment  ils soient détrônés par plus forts qu’eux. C’est une loi non écrite, mais les guerres - et ici on peut remonter très loin dans l’histoire pour en constater l’exactitude - ont été, sont et seront le lieu de prédilection pour régler des conflits avant d’en créer d’autres tout aussi destructeurs.

La guerre, selon Fanny, est le pain et l’eau des hommes. Il lui aura fallu cet emploi au siège social de l’ONU pour s’en persuader, malgré qu’autour d’elle on nourrisse l’idée que seule la paix soit en mesure apporter à l’homme un semblant de réconciliation avec lui-même. Tous les discours, ceux qu’elle a traduits et les autres, tous n’ont qu’un seul sujet : essayons de trouver une solution à la guerre. A-t-elle, après quarante années de loyaux services au sein de cette organisation, modifié sa perception ou, au contraire, alimenté ce saisissement déposé en elle par une mère fiévreusement assise derrière un piano ?

Lorsque dans la première partie de la lettre du Dalaï-lama il y est fait mention d’un complot contre lui, que l’amant chinois doit en être le complice sans qu’elle ne sache trop comment, l’idée de la guerre, dans son esprit, a pu également se définir comme pouvant concourir à l’élimination d’individus pouvant entraver l’habituelle marche des choses. Les grands blocs qui se sont formés, se forment encore et se formeront sans doute toujours sur notre planète, se déstabilisant, pour qu’immédiatement après d’autres prennent le relais.

La chute des tours jumelles de New York est un exemple intéressant. À la suite de leur lamentable écroulement, le monde se redéfinit autour du concept de guerre de religion. Ce n’est pas nouveau, à croire que les hommes ont tout simplement changé de plate-forme pour achever de paver la route d’une hégémonie sur une autre.

Dans un document fort intéressant classé sous le dossier “ religions “ - le mot est bel et bien écrit au pluriel - j’ai découvert une incroyable série de textes écrits par divers essayistes, politicologues et philosophes qui m’ont semblé tendre vers un même noyau : la religion, bien qu’ancrée au coeur des hommes, peut être objet de discorde.

Fanny est athée. Elle a opté pour cette philosophie non pas en réaction à sa famille, mais davantage pour se centrer sur une forme de spiritualité qu’elle découvre dans le qi gong.

J’achève cette partie en abordant la question qui m’est apparue essentielle pour la traductrice du Dalaï-lama, en insistant sur le fait qu’elle croit de toutes ses forces qu’un monde sans religion serait un monde pacifié, tout comme elle semble certaine que la pire des guerres demeure le génocide, la suppression de gens d’une race, d’une culture. Elle fait mention de celui des Herero et Nama entre les années 1904 et 1908 en Namibie, celui des Arméniens d’avril 1915 à juillet 1916, la Shoah durant la Seconde guerre mondiale, le génocide culturel au Tibet, les exactions de Pol Pot au Cambodge puis finalement le génocide des Tutsis au Rwanda. Cela la révolte au plus haut point et renforce parallèlement l’idée que la haine est un rouleau compresseur plus pesant que les idées éthérées que promeut la paix.

C’est une femme profondément troublée qui entre au siège social de l’ONU, toujours sous le choc de son avortement et à la porte d’un divorce qu’elle pourrait considérer comme une espèce de guerre sans victimes.

 

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  J’ouvre le courriel qui renferme la partie ( DEUX ) de la lettre du Dalaï-lama dont le style, une fois la lecture achevée - vous le constaterai par vous-mêmes - s’éloigne passablement de celui de la partie ( UN ).

 Madame,

vous entrez dans la seconde partie de cette missive. Elle pourra vous inciter à accepter d’y mettre votre énergie ou encore vous dire que cela représente une tâche trop ardue. À vous de décider, mais sans vous y contraindre, sachez que je vous considère comme pouvant être la seule personne en qui je mets toute ma confiance. Votre fidélité m’y a conduit.  

Dans la première partie de cette communication, je vous conviais à regarder de près le Falun Gong qui, du moins dans son volet yoga (qi gong), ne vous est pas inconnu. Jamais votre amant chinois n’a abordé cette question dans son élément plus spécifique que représente la menace que ce mouvement se révèle pour la politique chinoise, autant intérieure qu’extérieure. Si vous acceptez ma requête, vous aurez à quitter New York à destination de la Chine, y retrouver le père de votre fille afin qu’il puisse vous informer sur les démarches qu’il a faites aux USA alors qu’il était diplomate à l’ONU et celles entreprises à Lhassa, à titre d’adjoint au gouverneur. Ce n’est pas la crainte d’un attentat contre ma personne qui m’inquiète, mais ce qui peut advenir à mon peuple. À la fin de cette lettre je vous indiquerai l’endroit précis  vous le retrouverez. Cet homme a eu pour mission, alors qu’il était en poste dans mon Tibet, de fomenter un complot afin d’affaiblir ma position auprès de mon peuple. S’il lui apparaissait nécessaire de m’éliminer de ce monde, il en avait le pouvoir sans que cela fasse prioritairement partie de son mandat. Il a opté pour une première solution, soit de répandre la rumeur de par le monde que je souffrais d’un cancer généralisé et que mon décès ne pouvait qu’être éminent. Rapidement, il s’est aperçu que cette fausse information ne tenait pas la route, qu’aucun pays n’y porta attention surtout que je continuais mes activités sans que rien ne m’affecte. Un deuxième mandat, plus précis encore, était d’empêcher le clergé bouddhique du Tibet de se mettre à la recherche de mon successeur, de ma réincarnation. Son gouvernement souhaite s’en charger et nommer un dalaï-lama plus favorable au gouvernement chinois qu’au peuple tibétain. Je sais que malgré le fait que votre amant chinois ait quitté Lhassa pour rentrer en Chine afin de bénéficier des bienfaits de la retraite, le projet est toujours en marche. A-t-il officieusement abandonné son poste ou doit-il encore piloter ce que vulgairement se nommerai le complot, en tirer les ficelles ?

Votre mission, si vous y acquiescez, ce que je souhaite profondément se résume ainsi.

1) Quitter les USA le jour de votre anniversaire en 2005 sans aviser qui que ce soit ;

2) vous vous rendrez à Turpan, la ville choisie par votre amant chinois afin d’y finir ses jours - cette ville est située au sud de la Mongolie ;

3) vous reprendrez en contact avec lui avec pour objectif d’obtenir l’heure juste au sujet des démarches entreprises par les autorités chinoises afin de nommer unilatéralement mon successeur ;

4) les informations que vous en soutirerez devront rester secrètes et vous les relaierez à monsieur Abhay qui vit actuellement à Vientiane, au Laos. Il se chargera de me les faire parvenir à Dharamshala afin que je les transmette aux membres de mon gouvernement en exil ;

5) vous ne demeurerez pas longtemps en Chine car Giuji, comme tout diplomate à la retraite est surveillé de près. Vous vous rendrez au Vietnam et entrerez en contact avec quelqu’un qui vous est cher, soit madame Tình, une employée exemplaire au siège social de l’ONU dont le père travaille pour une multinationale fort influente dans le domaine de la finance auprès de pays asiatiques et qui, depuis quelques années déjà, me soutient économiquement. Elle vous attendra et sera d’une aide précieuse pour dénicher quelque part dans son pays le lieu idéal pour une mission de la plus haute importance. C’est d’elle que vous apprendrez de quoi il s’agit précisément. Vous serez surprise d’apprendre qu’un contact deviendra très important dans cette tâche ; elle vous en instruira.

Un autre point avant de vous laisser réfléchir : pourquoi déclencher cette opération vers le bout du monde qu’en 2005 et non pas maintenant ? Les fantômes qui peupleront votre route ne sont pas encore présents à votre esprit. Vous avez à patienter, mais ne vous en faites pas, ils sont, eux, déjà en marche. Une dernière explication que je vous fournis est plus d’ordre politique. L’actuel plan quinquennal chinois s’étend de 2000 à 2005, mais comme ce pays prévoit étendre son influence - je n’utilise pas le mot hégémonie, les politicologues le feront sans doute à ma place - son ascendance partout en Asie, des informateurs m’avisent que celui-ci, s’achevant en 2005, est teinté d’une volonté d’étendre son prestige voire sa domination sur une majeure partie du continent et que le suivant prévoirait des mesures plus drastiques encore, ce qui me fait craindre pour le Tibet ainsi que certains autres territoires, dont le Vietnam. Vous avez donc quelques courtes années avant de vous lancer à l’aventure qui, sachez-le, pourrait être déterminante à plusieurs égards. Et si je meurs d’ici là ? Vous et moi sommes de vieilles personnes, absolument pas à l’abri de quelque mésaventure que ce soit, mais j’ai confiance et je ne perds pas espoir.

Dalaï-lama.

 

La partie ( DEUX ) eut pour premier effet chez Narrateur de le placer dans un état second. Le voici entraîné dans une affaire à saveur politique, lui qui attendait la fin des éphémérides entre 1960 et l’an 2000 pour se lancer dans des descriptions de paysages bucoliques propres au Vietnam, du Sud au Nord, des conversations à saveur philosophique, des échanges avec des paysans, des villageois, des citadins, il se retrouve, à la suite de la lecture de cette lettre, à surfer sur une mer qui peut ou pourrait se déchaîner à tout moment. Des intrigues, des complots à la limite de la cabale, voilà ce qui devait surgir de son clavier et dont il ne s’y attendait pas le moins du monde. Il se doute bien que la politique a ses propres règles et que tout est souvent enfoui dans des intentions qui n’ont rien de très oecuméniques. Est-il toujours la bonne personne pour piloter ce navire ? Le fait d’être un 8 en numérologie l’a-t-il préparé à cette corvée ?

 

 

 * -   le neuvième texte    - *

 

    Les années 2002 à 2005, quatre années de réflexion, d’accord, mais je n’allais pas les consacrer qu’à cela. Accepter la mission du Dalaï-lama m’apporterait quelques intérêts non négligeables. L’idée de voyager ne me déplaisait aucunement, même si pour cela j’aurai à quitter sans avertissement la famille de Marie, me retrouver dans le pays respectif de deux personnes qui furent pour moi très importantes, à savoir Giuji et Tình ; peut-être, ce n’est pas précisé dans les messages qui se voulaient tout de même explicites, un court arrêt au Laos, chez monsieur Abhay.

Ma décision d’accepter la mission, sans trop comprendre à ce moment-là, fut prise à cause de Léa, ma petite-fille. Très jeune, cette enfant davantage attachée à son père qu’à sa mère, ne cessait de l’interroger sur la spiritualité bouddhique que Choïdzin connaît sur le bout de ses doigts. La pratique du qi gong, elle s’y adonne surtout avec lui et jamais n’apparaît comme une corvée. Tous les matins, avant que son père quitte la maison, Léa répète que le yoga lui ouvre la porte à une multitude de questions auxquelles seul lui semble être en mesure de leur apporter des réponses.

Lorsque Léa vient à mon appartement des Narrows, toutes les deux nous nous offrons une séance de yoga après quoi elle tente de savoir ce que cette pratique m’apporte alors qu’elle y perçoit comme un appel à quelque chose de difficilement identifiable. Me réitérant que son père est comme un guide vers plus de méditation de fois en fois, elle ajoute :

- Je ne sais pas si c’est la même chose pour toi, grand-maman, mais de mon côté le yoga ressemble à un chemin s’ouvrant à mes yeux, une route que je dois considérer comme une longue avenue. À l’école, c’est la tête qu’on cultive, on n’oublie que c’est le coeur qui doit nous mener vers notre intérieur. Je réussis facilement à intégrer les matières scolaires, mon cerveau s’y concentre sans difficultés, mais on ne fait pas attention aux affaires plus intimes qui logent dans notre coeur. Cela me désole et par chance mon père compense. Ma mère est tellement prise par ses affaires de librairie que je comprends qu’elle saute quelques séances de méditation. Je ne parle pas des jumeaux qui ne manifestent aucun intérêt pour les choses de l’esprit, seulement les activités sportives les captivent. Je ressens de la compassion pour eux et je crains que la bulle dans laquelle nous nous réfugions mon père et moi n’est pas bien comprise par eux.

Léa, au moment de ma retraite, est âgée de 10 ans. Toute jeune encore, il m’apparût évident que cette enfant différait des autres. Je me suis rappelé ce que m’avait dit la docteure King à la naissance de Marie, à savoir qu’un enfant qui naît sans pleurer est souvent gage de quelqu’un ayant bien vécu à l’intérieur de sa mère, mais je ne pouvais m’enlever de la tête qu’il en fut tout autrement pour ma petite-fille. Sa gestation aura été on ne peut plus parfaite, en cela elle ressemblait exactement à la mienne, mais son accouchement, en tout point semblable à ce que ma mère a vécu et qui la rendit insensible à mon égard. Je ne veux pas soutenir l’idée que la relation maternelle entre Marie et Léa puisse se comparer à celle qui me désunit à ma mère, toutefois je remarque que le père occupe une place prépondérante. Lorsqu’elle pleure, sa mère tente de la consoler sans y parvenir, alors apparait le père qui sait la calmer quasi instantanément. Il lui parle si doucement, lui masse la tête et la colle sur son coeur, de sorte qu’elle retrouve son calme.

Choïdzin, sans doute pour ne pas culpabiliser une maman démunie, lui rappele :

Tu es trop préoccupée par ton travail, notre fille arrive difficilement à trouver en toi l’énergie qui lui permette de retrouver la tranquillité.

 

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    2002 à 2005 se résument ainsi : l’acquiescement à la demande du Dalaï-lama ; une ébauche dans sa forme générale de mon itinéraire de voyage.  

À la fin de la partie ( DEUX ), je retrouve deux adresses de courrier électronique, une laotienne, l’autre chinoise. Comme j’ai gardé contact avec Tình au Vietnam et que sa position par rapport à Internet ne s’est pas modifiée avec le temps, je communique avec elle par voie postale.

Depuis son retour au Vietnam, en 1986, nos échanges sont discontinus. À chacune de ses réponses à mes lettres, une invitation à venir la visiter. Voici une partie du dernier courrier qui date de l’an 2000 à l’occasion de ma prise de retraite.

Chère soeur,

te voici à la retraite, donc plus rien de t’empêche de repousser un voyage vers le Vietnam, vers moi. Je suis toujours établie à Saïgon qui change de mois en mois. Comme je te le disais dans une dernière communication, à la suite du décès de mes parents, la compagnie pour laquelle mon père travaillait fait virer ses fonds de retraite vers moi. Ceci me permet une vie tranquille à l’abri de tout souci financier. J’ai repris contact avec mon amie Bao, celle qui m’a ouvert sa classe afin que je puisse y faire un stage à l’époque de mes études à la faculté de l’éducation de l’université des sciences sociales et humaines, ici à Saïgon. Nous nous voyons régulièrement et malgré son âge, est toujours active dans son lieu de haut savoir. À ma grande surprise, j’ai reçu il y a quelques semaines, un courrier en provenance du Laos, une lettre de monsieur Abhay. Il se rappelle à mon souvenir tout en mentionnant que tu as été pour lui une collaboratrice exceptionnelle. Sa nouvelle vie de retraité, il la consacre auprès de certaines ONG (Organisations Non Gouvernementales ) qui oeuvrent, tu t’en doutes bien, auprès des enfants dans le besoin et favorisent leur éducation. Ma chère soeur, comme je serais heureuse de te recevoir dans mon pays et sache que j’y songe tous les jours.  Tình “

Je me pose régulièrement la question suivante : est-elle mêlée de près ou de loin à ce que j’appelle “ l’entreprise Dalaï-lama “ ? Après tout il est bien spécifié dans cette lettre qu’un arrêt au Vietnam fera partie de mon trajet. Quelles relations entretient-elle avec monsieur Abhay ?

Le triangle Chine-Vietnam-Laos prit une place importante dans ma préparation et à quelques semaines de mon départ vers le pays de l’amant chinois, il m’apparut indispensable de coordonner mes différents séjours.

Seul le Laos répondit à mon courriel :

Amie Fanny, vous n’aurez pas à venir en personne dans mon pays, je ne suis dans cette entreprise qu’un relais. Vous savez comme moi que le Dalaï-lama court certains risques fort probablement orchestrés par les autorités chinoises. Je suis en contact avec un de ses ministres et c’est par cet intermédiaire que je communiquerai les informations que vous pourrez, c’est ce que je souhaite ardemment, obtenir de votre escale chinoise puis celle qui vous mènera au Vietnam. Je jouis toujours d’un certain prestige que je qualifierai de diplomatique auprès des autorités vietnamiennes en raison des contacts que j’entretenais avant d’arriver au siège social de l’ONU. Mon pays ne souhaite faire aucune vague à cause de ses accointances avec les Chinois. Ce que je sais également et je vous en avise dès maintenant, il nous faudra, dans nos échanges, utiliser non pas un code, mais des phrases disons... absconses. J’ai en ma possession les cinq éléments qui représentent l’essentiel de la mission. J’attendrai donc les réponses aux points numéro 3 et numéro 5, que le retransmettrai par la suite au bon destinataire. Soyez brève, concise même.  Abhay

Ce qu’il me faut retenir de ce courriel tourne autour de ma rencontre avec l’amant chinois qui n’a toujours pas répondu à un courriel que je lui ai dépêché et mon séjour au Vietnam. Lorsqu’il parle de “ phrases absconses “ me ramène au tout début de mon stage au siège social de l’ONU, alors que tous les aspirants au service d’interprétation reçoivent une formation sur ce que je peux nommer le langage diplomatique. Chaque mot compte et peut porter à différentes interprétations. Nous devions saisir cette langue de bois dont les politiciens raffolent. Cela n’allait poser aucun problème pour moi.

Le Dalaï-lama deviendra donc, dans mes messages vers le Laos, “ lui “ et pour Giuji, “ l’autre “. Pour ce qui en sera de mes démarches vietnamiennes, je devrai piger dans le dictionnaire diplomatique quelques astuces ingénieuses pour faire passer les notes. De toute manière, j’ai un peu de temps devant moi pour affiner la technique.

 

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    Je me suis vue prise dans cette histoire et cela beaucoup plus que je ne l’aurais cru au départ. Les personnages qui y graviteront, je les connais, du moins je crois les connaître, mais est-ce vraiment possible de dire que nous savons tout des gens qui nous entourent ?

L’amant chinois avec qui j’ai approximativement vécu, Tình que je considère comme ma propre soeur et monsieur Abhay, sans aucun doute un véritable ami, ces trois figures qui emplirent ma vie durant quelques années, devenus maintenant protagonistes dans un scénario dont je ne connais pour le moment que les grandes lignes.

J’ai passé de très longues périodes de temps à tenter de découvrir si déjà à l’époque de l’ONU ces trois individus avaient entre eux certains contacts occultes. Le Dalaï-lama, l’auteur de cet ouvrage, lui-même ou par personne interposée, a-t-il mis en scène ce qui allait suivre de connivence avec eux ? Chose certaine, il les connaît suffisamment, non seulement par leur nom ou leur position stratégique face à moi, l’intime relation que j’ai entretenue avec chacun pour qu’ils s’intègrent à la mission dont j’allais bientôt être conviée.

Tout ceci m’amène à quelques rappels de ce qu’ont été ces années, principalement autour du monde et autour de moi.

2002, c’est l’année au cours de laquelle l’euro entre en vigueur ; l’ouverture en février des Jeux Olympiques de Salt Lake City aux USA ; l’enlèvement d’Ingrid Bettancourt par les rebelles FARC ; l’attentat suicide revendiqué par le groupe Al-Quaïda d'Oussama Ben Laden qui fait 21 morts à la synagogue de la Ghriba, à Djerba, en Tunisie ; la signature par la Russie et les USA d’un accord sur le désarmement ; en juin, un attentat à Jérusalem fait 20 morts et 55 blessés ; la célèbre phrase de Jacques Chirac au Sommet de la terre à Johannesburg : "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs" ; un violent tremblement de terre fait 84 morts en Italie, dans la région de San Giuliano di Puglia ; le président des USA George W.Busch ordonne le déploiement d'un bouclier anti-missile pour les prochaines années.

Rien de tout cela ne pouvait me surprendre, notre monde, encore, tournait continuellement mû par la même manivelle qu’auparavant. Les hommes au pouvoir ou les hommes de pouvoir agissaient toujours selon les mêmes principes, la même essence.

2003 n’allait pas améliorer les choses, alors que dès le mois de janvier la Corée du Nord annonce qu’elle se retire du traité de non-prolifération des armes nucléaires ; en février, nous assistons en direct à la télévision à l'explosion de la navette américaine Columbia entraînant dans la mort les sept astronautes qu'elle transportait ; lChine informe l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de l'existence d'un nouveau coronavirus, le Covid SARS-Cov, responsable de l'épidémie de SRAS qui fera officiellement 774 décès dans le monde, dont 349 en Chine, 299 à Hong Kong et un en France ; en mars, début de l'offensive américaine et des troupes alliées en Irak, nommée Operation Freedom Iraq et un mois plus tard le régime de Saddam Hussein tombe ; quelques pays adhéreront à l’Union européenne au cours de l’année 2003 dont Malte, la Hongrie, la Pologne, les Tchèques, les Lettons suivront ; on se rappellera la terrible canicule qui a affecté l’Europe faisant près de 70 000 décès ; plusieurs attentats un peu partout dans le monde et un terrible tremblement de terre en Iran presque au même moment que le président déchu de l’Irak, Saddam Hussein, est capturé.

Somme toute une année au cours de laquelle les mauvaises nouvelles primeront sur les meilleures qu’encore les médias ne prirent que très peu en considération.

Je suivais tout cela avec l’oeil de celle qui ne peut se chasser de l’esprit que notre monde piétine alors qu’il croit avancer.

 

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    Au plan plus personnel, je remarquais à quel point Marie, de plus en plus prisonnière de sa librairie, ne se gênait plus pour recourir à mes services. Lire et tenir une librairie ne vont pas nécessairement de paire. Je m’en apercevais, la voyant se débattre avec un phénomène qui, en 2004, semblait pointer son nez à l’horizon : le téléchargement de livres sur ordinateur ou encore les tablettes qui allaient bientôt inonder le marché. Ses lancements attiraient de moins en moins d’adeptes et elle cherchait différents moyens de fidéliser sa clientèle. L’idée lui vint de lancer sa propre maison d’édition. Je trouvais cette initiative fort louable surtout qu’elle offrirait aux lecteurs les oeuvres d’écrivains asiatiques : les Éditions internationales naissent en juin 2004.

Une année qui n’allait pas différer des précédentes débutant par l’écrasement d’un boeing 737 en mer Rouge précipitant 148 personnes dans la mort ; à la fin de janvier le robot spatial américain Opportunity se pose sur la planète Mars ; en février Mark Zuckerberg lance le site The Facebook qui est appelé, c’est du moins ce que les spécialistes prévoient, à devenir un réseau social nouveau genre ; au Maroc, un séisme d'amplitude 6,4 sur l'échelle de Richter fait environ 600 morts dans la province d'Al-Hoceima, alors qu’en Iran, l'explosion d'un train transportant des matières inflammables fait 328 morts ; deux ans et demi après les attentats du 11 septembre 2001 à New-York, l'explosion de dix bombes à Madrid, en Espagne, fait environ 200 morts et 1400 blessés ; en juin le premier mariage homosexuel français est célébré à Bègles par le maire Noël Mamère, un acte déclaré hors-la-loi  par le gouvernement ; le premier juillet, décède l'acteur américain Marlon Brando (né le 3 avril 1924), dont la carrière est relancée en 1972 avec le film  “ Le Parrain “ ; en août, on assiste au massacre de 160 civils tutsis au Burundi ; en novembre,  George W. Bush est réélu à la présidence des USA, quelques jours avant le décès de Yasser Arafat ; à la COP10 de Bueno Aires, en Argentine, du 6 au 17 décembre, les négociations sur la réduction des gaz à effet de serre après 2012 sont lancées, trois semaines avant que dans l'océan indien, un séisme de magnitude 9.3 provoque un tsunami qui fera plus de 230 000 morts dans l'Indonésie, le Sri Lanka, l'Inde et la Thaïlande.

Lectrice assidue du New York Times, un des principaux journaux américains et Le Monde, journal français que je suis principalement sur mon ordinateur, je ne peux que constater à quel point notre monde tourne en rond entre cataclysmes, guerres et mésententes entre les peuples.

J’arrive donc à l’année 2005, celle qui - dans sept mois exactement - allait changer le cours de ma vie, modifier mes activités meublant mes journées de retraite.

 

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    Un trait de ma personnalité n’a pas changé : mon ambivalence entre fidélité et infidélité. Dans mes relations familiales, je n’hésite pas dire que je suis d’une exemplaire fidélité. Jamais, en aucun moment suite à la naissance de Marie, de celles de ses trois enfants, j’aurai bronché d’un iota dans cette régulière constance à considérer cette famille comme la seule et unique que j’ai.

Il en est de même pour la Dalaï-lama.

Je peux compter sur les doigts d’une seule main les amis qui ont gravité autour de moi, y avoir été fidèle ne se mesure sur aucune échelle. Tình est ma soeur et monsieur Abhay, mon ami et patron, ou l’inverse. Pour ce qui est de l’amant chinois, je le classe parmi les gens de passage. Oui, je l’ai beaucoup aimé, mais si on juge la déchirure ressentie lors d’une séparation comme pouvant être un critère de fidélité, j’avoue très honnêtement que son départ vers la Chine ne m’aura causé que très peu de chagrin. Quant aux collègues que j’ai côtoyés au service d’interprétation, je suis positive en avançant que je leur ai été entièrement infidèle. Je ne participais pas aux dîners qu’on organisait, question de resserrer les rangs entre nous et il fallut l’intervention directe de monsieur Antoniou pour que j’assiste à la réception qui signala mon départ vers la retraite.

Mon laïus en fut un que je qualifierais de formel : remerciements, bons souvenirs et que ce départ laissait derrière moi des confrères et des consoeurs que je n’allais pas oublier. Tout à fait faux. Quitter mon travail au siège social fut l’occasion de refermer définitivement la porte sur près de quarante années de boulot. Une fois la porte close - bien que j’aie eu à l’entrouvrir un peu afin de garder un contact pouvant m’être utile ultérieurement - elle le sera pour toujours.

Je n’ai pas eu d’amis, que ce soit à Varsovie ou en France durant mes premières années à l’âge adulte, même chose à New York ; cela ne m’a jamais manqué. C’est sans doute le germe planté dans mon coeur par cette mère qui insista, alors que j’étais très jeune encore, que la seule personne qui compte c’est soi-même et que les autres ne peuvent rien nous apporter que l’on ne puisse s’offrir soi-même.

Combien de fois, lors de réunions obligatoires entre traducteurs et interprètes, je prenais un malin plaisir à les contredire ou encore les provoquer. Monsieur Abhay me citait en exemple, sans doute pour maintenir ma crédibilité, lorsqu’il arguait sur les qualités professionnelles que doivent développer ses employés, alors que je m’efforçais de présenter toute l’outrecuidance possible afin de les éloigner de moi. On tentait de m’approcher pour un conseil ou une aide quelconque, mon attitude se renfrognait allant même jusqu’à la condescendance.

Je n’ai aucune idée, d’ailleurs cela ne m’importe peu, que l’on voie en moi l’image d’une personne hautaine et il m’était facile de me réfugier dans un silence ostensible, les éloignant ainsi.

On est parfois enclin à aborder les gens avec l’intention plus ou moins admise qu’en les flagornant on peut en soutirer quelques bénéfices. Cette attitude ne me rejoint pas. Chacun doit piloter son navire et souvent la vie  ressemble à une course durant laquelle mettre des bâtons dans les roues de l’autre s’avère le meilleur moyen de gagner.

Cette femme, celle qui travaille, ne ressemble pas du tout à celle qui vit auprès de sa famille. Ma famille - non pas celle de Varsovie -, - non pas celle qui aurait pu naître de mon mariage avec Daniel Bloch - , mais celle que j’ai construite avec l’amant chinois et que se perpétue dans celle de Marie, est depuis plus de trente ans, la seule et unique bouée de sauvetage à laquelle je consens de m’accrocher si, par inadvertance, quoi que ce soit de malheureux ou de triste puisse m’arriver.

Peut-on choisir parmi nos enfants lequel nous préférons ? Étant la mère d’une seule fille, cette question ne se soulève pas, je n’ai pas eu à numéroter mon affection. Les parents se rassérénèrent on affirmant que tous leurs enfants sont égaux sur l’échelle de leur amour. Toutefois, il n'en est pas de même pour mes petits-enfants. Je réussis sans aucune difficulté à les immatriculer : il y a Léa en première place, puis les jumeaux avec qui je n’arrive pas à développer autre chose qu’une simple inclination ; ils me le rendent bien d’ailleurs. Ma petite-fille est toute proche de mon âme et mes petits-fils... eh bien... ils ne sont que mes petits-fils !

 

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     Lorsqu'arrive le mois de janvier 2005, j’entre dans les sept derniers mois avant de quitter New York pour me rendre en Chine. Les démarches entreprises afin de me voir délivrer un visa - dans les faits, il s’agira de deux visas, un pour la Chine et l’autre pour le Vietnam - ont été beaucoup plus simples que j’aurais pu l’imaginer.

Monsieur Antoniou - j’apprendrai plus tard que monsieur Abhay est intervenu - a réussi de me décrocher un passeport diplomatique valide pour un an. Cela facilitera autant mon entrée dans les deux pays qu'une autorisation à circuler sans trop d’anicroches.

J’entre donc dans la période préparatoire à celle qui s’annonce, je m’en doute bien, animée et remplie d’imprévus.

 

 * -   la fin du neuvième texte    - *





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