mercredi 18 novembre 2020

Humeur vietnamienne

 



LE CRAPAUD avait prédit un balayage démocrate menant Joe Biden à la présidence des USA. 50% de ce pronostic s’avère exact, mais si je veux demeurer un instant sur le mot “ balayage “ ; disons qu’il y en a eu un, celui des contestations entrepris par le camp Trump afin d’invalider certains résultats ou d’exiger le recomptage des votes dans quelques états. Il y a toutefois autre chose sur laquelle il m’apparaît intéressant de discuter, à savoir l’état de la démocratie dans le pays qui se targue d’être le plus fier représentant de cette forme de gouvernement et d’administration de la chose publique.

En fait qu’est-ce que la démocratie ?

Voici quelques avenues puisées chez différents dictionnaires qui donnent à réfléchir. Choisissez celle qui vous plaira.

 - Régime politique, système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’ensemble des citoyens.

- Doctrine selon laquelle l’État doit permettre l’exercice de la liberté des citoyens.

- Mode d’existence collective  les mêmes avantages sont accordés à tous.

- Mode de vie  s’exerce la responsabilité collective.

Si on se permet d’aller à l’origine du mot et principalement à son application, il faut définir la démocratie à partir d’Athènes, dans la Grèce antique.

 La démocratie athénienne désigne le régime politique mis en place progressivement dans la cité d’Athènes durant l'Antiquité et réputée pour être l'ancêtre des démocraties modernes. Le terme démocratie vient des mots grecs δῆμος / dêmos («le peuple») et κράτος / krátos («la puissance, le pouvoir»). Il s'agit donc d'un régime où les décisions sont prises par le peuple. “

À partir cela, peut-on avancer l’idée que les USA en sont une ? 

Que depuis la révolution américaine, les guerres intestines entre le Nord et le Sud, l’établissement d’une fédération et la création des deux grands partis politiques ( Démocrates et Républicains ) les réalités géopolitiques ont mené notre voisin du sud à trafiquer un peu le concept ?

Nous pourrions généraliser le problème et le poser dans un questionnement plus global. Une dictature peut-elle revendiquer au titre de démocratie ? Les Anglais ont réglé la question en instituant une démocratie parlementaire sous la couverture d’une monarchie. Ce système est aussi le nôtre, au Canada. Par extension, nous pourrions énoncer que les pays républicains, qu’ils utilisent ou pas le suffrage universel, ressemblent passablement à ce type de fonctionnement politique.

Mais tel n’est pas mon propos que je définirai plutôt ainsi : à la suite de l’élection américaine 2020, le concept de démocratie en a-t-il pris un coup mortel ? Chose certaine il s’est affaibli et les comportements de certains partisans de Donald Trump le démontrent lorsqu’ils exigent la suppression du comptage de votes dûment enregistrés. Pour ma part, cela me semble inquiétant.

Il faut d’entrée de jeu mettre en relief la personnalité pour le moins atypique du 45e président américain qui, avant même la ou les journées du vote, proclamait à qui veut l’entendre que des irrégularités surviendraient. Voulait-il insinuer que tout ce qui n’irait pas en sa faveur prendrait des allures de fraude organisée ? Qu’un vaste processus d’escroquerie, de truquage ou de falsification était en marche afin de le déloger ? Ou bien faut-il mettre ses avertissements sur le dos d’un vaste complot dont l’objectif serait de chasser du pouvoir la seule et unique personne capable de diriger le pays, soit lui-même ?

Je ne suis pas, et de loin, un partisan de la candidature d’un tel infatué personnage qui durant quatre (4) années a changé d’idées comme il changeait de chemise, a mené des politiques racistes, sexistes et intégristes. Il faut regarder les différents mouvements qui le supportent pour s’interroger sérieusement ; le QAnon en est l’illustration la plus probante. C’est vraiment ici que se situe le péril pour la démocratie américaine. Lorsque je vois sur les antennes télévisées ces images de types hyper armés hurlant aux loups, je ne peux que m’inquiéter.

À un mois du vote (celui du collège électoral) qui légitimera le 46e président des USA, Trump n’a toujours pas reconnu l’évidence : il a perdu. Perdre - et dieu sait que cela n’est pas sa tasse de thé, ça serait génétique chez lui semble-t-il - est une chose, mais il ne faut pas occulter les dégâts dont il a parsemé le territoire de notre voisin du sud et ailleurs dans le monde : voilà son véritable héritage qu'on doit examiner de près.

Lorsqu’élu en 2016 - rappelons qu’à ce moment-là les chaînes télévisuelles avaient proclamé sa victoire contre tout attente, alors que maintenant c’est un abus de pouvoir - il le fut par une convergence des mouvements d’extrême droite américains qui ont proliféré par la suite.

Autant la droite que la gauche, en fait tout ce qui a tendance à s’éloigner du centre qu’on pourrait définir comme le lieu de l’équilibre, se sont durcies. Une polarisation est actuellement facile à reconnaître et je ne sais trop comment, une fois Joe Biden entré à la Maison Blanche accompagné par Kamala Harris, sa vice-présidente, quel chemin les deux nouveaux élus devront emprunter pour rafistoler des retailles particulièrement échancrées.

Les USA de 2020-2021 ne sont plus les mêmes qu’auparavant. Nous avions l’habitude de départager Démocrates et Républicains à partir de leur conception de la démocratie et de l’exercice du pouvoir. Actuellement, tout devient focalisé et cela risque d’être assez difficile d’envisager la suite des choses.

Le système électoral des USA est complexe, relevant en grande partie de chacun des états, mais une chose est plutôt certaine, le gouvernement fédéral installé à Washington devra revoir certains éléments qui caractérisent sa pratique de la démocratie.

Les dommages que Trump s’est amusé à multiplier tout au long de ses quatre années au pouvoir ne pourront se résorber le temps de le dire. Je crois qu’une réforme en profondeur s’impose, tout comme il sera nécessaire de revoir certains points de la Constitution américaine acceptée en 1787 et mise en application en 1789.

Au XXe siècle, certains ajustements techniques lui ont été apportées, mais il est de mon opinion qu’il faudra y aller plus en profondeur. Signalons seulement le IIe amendement qui se lit ainsi - Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.  On a remarqué lors des manifestations qui ont eu lieu afin de protester contre les forces policières s’étant attaqué à la clientèle afro-américaine, certaines gens armées jusqu’aux dents menaient le bal. Cet amendement doit disparaître de la Constitution américaine au plus vite sinon le clivage qui est le lot des USA actuellement risque de finir dans des bains de sang.

À quoi pourra ressembler l’ère Biden/Harris ? Difficile voire même impossible à prédire. Certains éléments ressortent quand même, indépendants du concept de démocratie, pivot de ce billet. Le premier et sans doute le plus important repose sur comment se fera la transition entre les deux administrations. C’est triste à dire, mais c’est presque une évidence, le passage des pouvoirs se jouera comme Trump veut bien que cela se fasse, c’est-à-dire à l’image d’une émission de télé-réalité. Il s’amusera jusqu’au résultat du collège électoral (en décembre prochain) et par la suite je ne serais aucunement surpris qu’il démissionne afin de ne pas être coiffé du titre de président perdant, laissant à son vice-président le mauvais rôle qu’il est incapable d’assumer.

Je ne crois qu’il assiste, en janvier prochain, à l’assermentation de la nouvelle administration et qu'il invitera ses supporteurs à vivre l’événement comme un grand jour noir, l’affublant même du titre de " deuil de la démocratie “. Il ne disparaîtra pas pour autant du paysage politique et son aura continuera de pourrir l’atmosphère avec ses fausses nouvelles, ses mensonges et j’en passe.

Une question ne peut être éludée : au pouvoir durant quatre (4) années, il est au courant d’une quantité de secrets d’État ; que fera-t-il de cette masse d’informations ? Faudra-t-il un sévère décret présidentiel lui rappelant qu’il est tenu à la réserve et qu’il risque de rigoureuses sanctions s’il s’y écartait ? Je ne serais aucunement surpris qu’il soit enclin à négocier son silence contre l’abandon des poursuites qui l’attendent lorsque l’immunité présidentielle lui sera retirée. Une chose est certaine, nous n’en avons pas fini avec ses frasques rocambolesques.

J’achève sur cette dernière question : puisque de plus en plus la démocratie ne semble se résumer qu’à l’exercice du droit de vote, ce rétrécissement du concept nous indique-t-il que le résultat d’une élection puisse être une photographie voire une radiographie d’une société ?

Pour être élu, un candidat doit obtenir 50% des voix plus une ou une certaine majorité si plus de deux aspirants sont en présence. Mathématiquement, cela peut signifier que le gagnant remporterait la palme alors qu’il n’atteint pas le fameux 50% et dans le cas d’un match à deux opposants, celui ou celle qui obtient 51% doit être conscient qu’un nombre important d’électeurs n’ont pas opté pour sa candidature. On nous servira la réponse toute faite suivante : une fois élue, la personne a maintenant la responsabilité de représenter tout le monde, ses partisans et les autres. D’accord, mais que fait-on de la ligne officielle des partis politiques qui obligent tout le clan à se ranger derrière elle ? 

Une  bien vaste question...


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