dimanche 9 décembre 2018

humeur vietnamienne




Combien de temps m’aurait-il fallu attendre, au Québec, avant que tout ce qui fût bâclé en moins de deux semaines, ici au Vietnam, l’eût été: rendez-vous chez le généraliste, passation de l’IRM, de l’ECG, rencontre avec le cardiologue qui me référa au chirurgien-cardiologue de l’hôpital et la chirurgie. On me dira ''oui, oui, ça va vite quand tu t’assures des services privés'', ce à quoi je répondrai ''oui, oui, mais ici on doit payer pour les services de santé'', et nous entrerions dans un débat à n'en plus finir...

Un hôpital, c’est froid. Ça rassemble entre ses murs tout ce que l’on peut imaginer de désagréable: des tests de plus en plus complexes, une nourriture qui n’en a que le nom pour la définir, cette dépersonnalisation suppléée par la numérisation, l’uniformisation du vêtement variant selon la catégorie de soins que l’on vous prodiguera, et j’en passe.

Un hôpital ressemble à un réseau de longs couloirs percé de portes à chaque 3 mètres. Froid, aussi. Le claquement retenu lorsqu’on les ouvre puis les referme. Ce silence à l’intérieur de chacune des cellules où se joue un drame, parfois une tragédie. Les allers-retours des employés parfaitement bien stylés, tous vêtus de blanc, d’un blanc froid.

Un hôpital, c’est aussi une retraite imposée durant laquelle mille et une questions montent en soi, remontent pour certaines, obnubilant le présent, nous faisant entrer dans un ‘’non temps’’, une absence au temps. Une retraite, une prison également, dans laquelle le numéro que l’on est devenu n’a que très peu à agir, n’ayant qu’à répondre aux questions que déjà plusieurs fois d’autres professionnels de la santé t’ont posées. Le présent s'entortille au passé plus ou loin éloigné. On te reconstitue une histoire, une histoire de cas.

L’hôpital est froid, mais la chaleur des gens compensent. La qualité des relations interpersonnelles pose ses assises sur cet abandon qu'accepte le patient et sur l’accueil du personnel. Selon la gravité de chacun des cas, les échanges, les rapports varient. À l’hôpital, on raccourcit tout à l’essentiel, de sorte que nouer des accointances relève de l’impossible. Le numéro ‘’A’’ de la chambre ‘’B’’ y sera pour ‘’X’’ temps, alors il faut demeurer dans cet espace que circonscrivent l’important, le capital, l’indispensable.

L’hospitalisation se mesure en termes de résultats: du diagnostic au traitement. On n’a le droit ni à l’erreur ni à l’échec. Le vocabulaire dont on fait usage, en plus d’être hyperspécialisé, se veut parfois sibyllin; il a pour raison d’être l’information minimale et la sécurisation maximale. Tout devient technique, de l’ordre de la machine à réparer...

Hospitalisé quelques heures à peine, dans un lieu qui tenait davantage de l’hôtel 5 étoiles, autant pour le confort que les services rendus, cela n’a pas entravé l’introspection. La question qui m’a tenu éveillé (même durant l’intervention chirurgicale qui s’est déroulée sous anasthésie locale) fut celle-ci: la maladie, doit-on la situer entre la santé et la mort ?

Si j’exclus l’accident causant la mort, la maladie se situe-t-elle du côté de la santé ou celui de la mort. Est-elle cet inéluctable chemin nous menant de l’une vers l’autre ? Cette lutte à mort que la médecine lui dispute s’avère de plus en plus à l’avantage de la technologie moderne, mais s'éloigne du patient.

Hospitalisé quelques heures à peine, puis autorisé à sortir de ma chambre-cellule... revenu au grand air... savourant la liberté, comme si on me l’avait arrachée, n’ayant pu démêler ma question au sujet de la maladie... je retourne à la vie régulière pour constater qu’elle est chaude, à l’opposé de cette froideur essentielle et heureusement provisoire.




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