vendredi 20 avril 2012

Hanoi

À titre de comparaison:
Hanoi, c'est Québec alors que Saigon c'est Montréal;
même présence incalculable de motos qui hurlent tout comme à Saigon;
Hanoi, trottoirs plus larges que ses rues;
même type de restauration dans les allées étroites des ruelles;
Hanoi, c'est le jour, Saigon, la nuit;
mêmes cris de coqs à l'aube de chaque journée;
Hanoi me semble plus timide que Saigon, plus réservée, plus jeune fille en fleurs alors que Saigon c'est davantage la jeune fille affranchie, gaillarde dans ses attitudes décontractées, provocatrice alors que sa soeur du nord se fait marchande de jour, palanche à l'épaule, chapeau conique sur la tête et discrète le soir;
Hanoi et ses points d'eau, la Rouge et ses nombreux petits lacs, quelques étangs peut-être alors qu'à Saigon, c'est la rivìere du même nom qui continue à serpenter ici et là après avoir pondu un canal cherchant refuge sous un petit pont noirci par la pluie et l'humidité, un canal indépendant qui en cherche un autre sans jamais le trouver.


Et l'on pourrait certainement continuer pendant longtemps:
souligner la présence de ces platanes géants qui enserrent les rues;
ces arbres dont le très original banian qui sont autant de coups de tête vers un ciel qui semble plus haut qu'ailleurs;
ces monuments qui jouent aux prétentieux avec les légendes et l'Histoire;
ces bords de lacs, l'impressionnante Rouge surtout, qui sont autant d'invitation à la rêverie et à la marche;
ces maisons de type colonnial qui affichent de belles couleurs hurlantes;
ces fumeurs de pipe d'eau , calmes, rien à voir avec ce Saigonnais pressé de se rendre on ne sait trop où;
ces oiseaux hurleurs qui frappent de leurs ailes l'intérieur des cages accrochées à l'extérieur, sur une branche d'arbre;
ces quelques chiens s'époumonnant à japper alors que la chaine qui les étouffe les rappelle au silence;
ce va-et-vient vietnamien des motos, et des motos encore;
ces voitures de luxe desquelles une paire de jambes à faire rêver descend dans un frou-frou de soie et de blancheur de peau;
le peu de gratte-ciel en comparaison des tours de Saigon qui se mesurent les unes aux autres comme autant de petits garcons orgueilleux de leur jouet hyper fashion...


Hanoi, comment en parler, en écrire alors que j'y suis demeuré que trois courtes journées humides et nuageuses. On parle de chaleur à cette époque, pas du tout le même scénario qu'entre janvier et mars. Nous avons connu du 27 à 30 degrés. Difficile d'y être totalement confortable surtout que l'on doit continuellement prendre garde à cette moto qui bifurque rapidement d'un côté de rue à l'autre, de cette voiture qui n'a aucune chance de passer ici mais s'aventure tout de même, de ces cyclos (pousse-pousse) qui datent de l'époque d'un empereur aujourd'hui oublié, ses chauffeurs intrépides et entreprenants...

Hanoi, c'est aussi le Vietnamien du nord avec dans la voix - c'est YoYo qui me le fait remarquer - des tonalités plus étirées, je dirais après une meilleure écoute, plus lyriques. Encore une fois mon côté américain a repris le dessus alors que je tentais de mesurer la différence entre lui/elle vivant dans la capitale et lui/elle, à Saigon. Je revoyais les images en provenance des médias américains lors de la guerre du Vietnam nous montrant les Vietcongs comme autant de petits êtres chétifs et rusés, à la figure défaite par un cri de rassemblement ou de douleur, un visage par lequel le journaliste tentait délibérément à démontrer combien révoltante était la pensée communiste, à quel point elle rendait ces êtres humains semblables à l'animal et qu'on devait définitivement les exterminer afin de défendre l'humanité contre un envahisseur satanique.

Et je n'ai pas réussi mesurer cette différence que la guerre tentait d'amplifier. Cette guerre (on pourrait dire ces guerres) est loin derrìere eux. Ils n'en parlent pas... n'en parlent plus. Y pensent-ils? Y songent-ils mus par un élan de vengeance lorsqu'ils apercoivent un américain se balader dans leurs ruelles? Ont-ils vraiment, comme on tentait de nous en persuader, deux visages sur lesquels l'hypocrisie se serait accrochée? Je ne le sais pas, mais ce que je sais, vraiment, c'est que depuis quelques semaines, moi aussi j'ai oublié la guerre du Vietnam, ses cruautés, ses tactiques et propagandes, et je vois le/la vietnamien d'un autre oeil. Plus objectif? Peut-être. Mais la vengeance n'est pas leur modus vivendi. C'est autre chose, comme une volonté ardente de brave the heat comme on le voit si souvent dans la publicité des magasins lors des soldes. Il faut braver la chaleur, celle du passé, celle de maintenant et surtout celle qui mijote l'avenir. Dans le discours des jeunes universitaires semble se profiler avec assurance mais sans volonté de la défendre, une conception de l'avenir qui n'a rien du message révolutionnaire véhiculé lors du printemps arabe 2011. On ne défend rien ici. On constate. On compare. Puis, on prend conscience, avec cette acuité de la conscience qui fait qu'il n'est pas nécessaire de partir en campagne d'idées, de réouvrir la Piste Ho Chi Minh, il leur apparait évident que l'avenir n'est pas américain, qu'il passe par la Chine, du moins qu'il sera asiatique. Et que cela se fera tout naturellement, par la loi du nombre, la force de leur imagination et de leur cerveau.

Hanoi mérite davantage que ces trois courtes journées. Je n'aurai pas eu le temps de visiter aucun musée (celui des Beaux-Arts et celui de la Littérature sont hautement recommandés), peu de pagodes, de temples et d'églises alors que les nombreux touristes qui sillonnent la ville un peu comme s'ils parcourraient Paris, une fois la pause rafraichissement complétée, se précipitent vers autre chose dont l'originalité n'a d'égal que ce petit bonheur d'avoir découvert dans une cachette hors circuit, cette surprise qui fait le bonheur de la journée.

Comme le titrait Yvan et Marie-Claude dans leur blogue, On y reviendra...

À la prochaine.

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