jeudi 18 février 2010

Le trois cent trente-cinquième saut / Le trois-cent-trente-cinquième saut



J’étais convaincu que le cahier de lecture numéro 3 pouvait aller rejoindre ses deux premiers confrères sur la dernière tablette de la bibliothèque et devenir une relique ou un souvenir de toutes ces heures passées à noter des passages de lecture que j'aimais. Afin de bien m’en assurer, je le feuillète une dernière fois et découvre qu’il y restait quelques citations encore inutilisées. Je vous les envoie.

Ces quelques-unes de Fernando Savater tirées d’ÉTHIQUE À L’USAGE DE MON FILS :

. Méfie-toi des maires, des curés ou policiers; des dieux et des diables, des machines et des drapeaux. Aie confiance en toi. En l’intelligence qui te rendra meilleur et en l’instinct de ton amour qui t’épanouira et te permettra d’être toujours en bonne compagnie.

. La morale est un ensemble de comportements et de normes considérés comme valables par toi, moi et quelques personnes autour de nous; l’éthique est une réflexion sur le pourquoi de cette considération, et une comparaison avec d’autres morales observées par d’autres.

. Qu’est-ce que je veux te dire en choisissant «Fais ce que voudras» comme devise fondamentale de cette éthique que nous essayons de cerner? Tout simplement qu’il faut laisser tomber ordres et habitudes, récompenses et punitions, en un mot tout ce qui prétend te diriger de l’extérieur : c’est un problème que tu dois te poser de l’intérieur. Ne demande à personne ce que tu dois faire de ta vie : interroge-toi. Si tu veux savoir comment employer ta liberté au mieux, ne la gaspille pas en la mettant au service des autres, aussi bons, sages et respectables soient-ils : sur l’usage de ta liberté, interroge… la liberté.

. Les hommes veulent parfois des choses contradictoires qui provoquent des conflits. Il est essentiel de savoir établir des priorités et d’imposer une certaine hiérarchie entre ce qui plaît sur le coup et ce qu’on veut au fond, à long terme.

. La vie est un tissu de temps, notre présent est plein de souvenirs et d’espérances… notre vie est un tissu de relations humaines…

. Car le charme de toutes choses réside justement dans ce qu’elles permettent – en tout cas en apparence – d’avoir plus facilement des relations avec autrui!

. Nous voulons aussi être traités comme des humains, car l’humanité dépend dans une grande mesure de ce que les uns font aux autres.

. Il n’y a pas d’humanité sans apprentissage culturel et, pour commencer, sans la base de toute culture (ce qui constitue donc le fondement de notre humanité), à savoir le langage.
. C’est pourquoi parler avec quelqu’un et l’écouter, c’est le prendre pour un être humain, ou tout au moins le traiter comme tel.

. L’humanisation (à savoir ce qui nous transforme en êtres humains, en ce que nous voulons devenir) est un processus réciproque (comme le langage). Pour que les autres puissent me rendre humains, je dois aussi les rendre humains; s’ils sont tous comme des choses ou des bêtes vis-à-vis de moi, je ne vaudrai jamais plus qu’une chose ou qu’une bête. C’est pourquoi s’offrir une belle vie n’est finalement pas très différent d’offrir une belle vie.

. … une chose – fût-elle la meilleure au monde – ne peut donner que des choses.

. En traitant les personnes comme des personnes et non comme des choses (c’est-à-dire en tenant compte de ce qu’elles veulent ou nécessitent, et pas seulement de ce que je peux tirer d’elles), je leur permets de me donner ce que seule une personne peut accorder à une autre personne.

. En ne transformant pas les autres en choses, nous défendons au moins notre droit à ne pas être des choses pour les autres.

. Je crois que la condition éthique première et indispensable est de se résoudre à ne pas vivre n’importe comment : être convaincu que tout n’est pas sans importance, même si on doit mourir tôt ou tard.

. À quoi ressemble cette conscience qui doit nous guérir de l’imbécillité morale?
a) Savoir que tout ne revient pas au même, car nous voulons réellement vivre, et qui plus est vivre bien, humainement bien.
b) Surveiller résolument si ce que nous faisons correspond à ce que nous voulons vraiment.
c) À partir de notre pratique, cultiver le bon goût moral qui développe notre répugnance à faire certaines choses.
d) Renoncer aux alibis qui cachent que nous sommes libres et donc raisonnablement responsables des conséquences de nos actes.


. … qui est égoïste sans être un imbécile? Celui qui veut le meilleur pour lui-même.

. … les adultes revendiquent toujours leur liberté pour s’attribuer le mérite de leurs réussites, mais préfèrent s’avouer «esclaves des circonstances» quand leurs actes n’ont rien de vraiment glorieux.

. Et le sérieux de la liberté, c’est qu’elle a des effets indéniables, qu’on ne peut effacer à notre guise quand ils se produisent.

. Le sérieux de la liberté, c’est que chacun de mes actes libres restreint mes possibilités futures quand j’opte pour l’une ou l’autre d’entre elles. Et inutile d’attendre le résultat, bon ou mauvais, pour en assumer éventuellement la responsabilité.

. Le «remords» est donc ce mécontentement que nous éprouvons vis-à-vis de nous-mêmes quand nous avons employé notre liberté à l’inverse de ce que nous voulons vraiment en tant qu’êtres humains. Et être responsables, c’est se savoir authentiquement libre, pour faire le bien ou le mal, assumer les conséquences de ses actions, réparer les dégâts dans la mesure du possible et profiter du bien au maximum.


Je crois qu’il faudra bien au moins un autre saut pour finaliser le cahier 3. J’achève celui-ci avec une citation d’Erich Fromm :
. L’éthique humaniste, contrairement à l’autre, peut aussi être définie selon des critères matériel et formel. Formellement, elle est fondée sur le principe que seul l’homme peut décider en quoi consiste la vertu et le péché, et que ce choix n’appartient pas à une autorité qui le transcende. Matériellement, elle s’appuie sur le principe que le «bien» est ce qui est bon pour l’homme et le «mal» ce qui lui est préjudiciable. Le seul critère de valeur éthique est le bonheur de l’homme.

Au prochain saut

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