dimanche 12 juillet 2009

Saut: 291



Le saut 291 (on commence le décompte avant le numéro 300) est écrit entre les 8 et 15 juillet. Important de le souligner car le 8 juillet - il y a quatorze ans, déjà, c’était le décès du paternel Gérard - aura été la dernière rencontre avec l’orthésiste de l’hôpital Santa Cabrini, celle qui ajustait ma botte pour lui donner l’angle exact facilitant la rééducation d’Achille et le 15, journée du rendez-vous avec l’assistant de la chirurgienne-orthopédiste qui procéda à la «recouture» du tendon.


Incroyable de constater combien une douleur, une blessure ou plus globalement sans doute tout événement qui perturbe le cours habituel des choses, cette douleur/blessure s’intègre à soi de manière insidieuse. Au début, une fois la colère apaisée, que le rationnel ait pris le dessus et que l’on devienne conscient au plus profond de son intérieur et autour de ladite douleur/blessure, que l’énergie engagée à vouloir modifier le passé, l’incident ou l’accident n’est que de l’énergie perdue, inutile; on passe alors à une autre étape, plus pragmatique. Étape de la réorganisation, celle de son quotidien d’abord… et tout aussitôt, celle d’examiner l’état dans lequel on se retrouve… et se regarder. Ça modifie l’image de soi que de vivre avec une douleur/blessure qui, elle, n’a qu’un seul objectif : s’en retourner d’où elle vient… sans trop savoir pourquoi elle est venue…


Et où retourne-t-elle exactement? Sans doute dans une sphère de l’inconscient qui nous était totalement inatteignable auparavant, un endroit fugace, organisé différemment pour chacun d’entre nous. L’un a souffert le martyre lors de la blessure, l’autre pas! Un troisième a craint tel ou tel effet de l’anesthésie, de la chirurgie ou du traitement, le quatrième n’a rien ressenti! Cela démontre, sur une bien courte échelle, la grande différence entre les êtres humains et un peu aussi, je crois, cet espèce de mouvement entre l’objet et l’être.


Je veux dire par là, du moins je tente de le faire, que chaque individu face à la quotidienneté agit et parfois réagit d’une façon qui lui ressemble et le «mécanise»; c’est sans doute cela qui le rend compréhensible aux autres. Avant la douleur/blessure, toute la mécanique est présente, organisée, synchronisée de manière telle que l’individu oublie comment fonctionne… son tendon d’Achille. Arrive une douleur/blessure – occasionnée ou non par un accident - tout est bouleversé à l’intérieur comme à l’extérieur. L’intérêt réside dans le processus utilisé par l’individu pour se retrouver, se remettre sur pied, réajuster son homéostasie… Intérêt multiplié par le fait que le procédé diverge pour chacun, pour chaque histoire… de cas.


Une fois la douleur/blessure réexpédiée dans cette sphère inconsciente, il se produit un autre petit quelque chose de passionnant : l’individu, doucement, sans qu’il ne s’en rende tout à fait compte, entre dans l’étape de l’oubli qui n’a rien à voir avec le déni qui aurait pu surgir au commencement. Comme si, retrouvant sa quotidienneté, la douleur/blessure prenant de moins en moins de place dans son univers rapproché, l’individu s’en déconnecte progressivement. Peut-être pas entièrement, mais il s’adapte à un nouveau genre d’agir… Dans mon cas personnel, le temps dira si cette douleur/blessure m’aura transformé superficiellement ou profondément.


Le temps. Le temps… Comme j’en aurais long à dire. J’y reviendrai parce que j’ai des choses à régler avec lui. Et cela malgré le poème (tempus/chronos) découlant d’une rencontre qui n’eut rien d’un accident ou d’un incident.


Dernière question : qu’est-ce qu’un accident? Mon ami ROBERT le définit ainsi :

Le sens philosophique d’accident : ce qui «s’ajoute» à l’essence, peut être modifié ou supprimé sans altérer la nature.

Un accident c’est un événement fortuit, imprévisible; un épisode non essentiel; un événement fâcheux, malheureux.

Ce qui rompt l’uniformité.


J’aime bien croire qu’un accident n’altère pas la nature. En effet, on ne peut définir un être à partir d’un accident. Il n’en fait partie que fortuitement. Lorsqu’il se présente et prend la forme d’une douleur/blessure, voici que ça ajoute à la définition de l’être, fâcheusement pour certains, alors que pour d’autres c’est entrer dans l’âge de la redéfinition.




«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»


A M P H I G O U R I (nom masculin)

. écrit ou discours burlesque rempli de galimatias;

. production intellectuelle confuse et incompréhensible

A N A C O L U T H E (nom féminin)

. rupture ou discontinuité dans la construction d’une phrase


Au prochain saut

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Est-ce ce que vous pensez de votre propre texte, " amphigouri " et " anacoluthe " ? Ou est-ce par pur hasard que vous choisissez les élus du carnet d'ivoire ?

En tout cas merci pour notre vocabulaire, d'y ajouter ces deux mots, très intéressants et si souvent applicables à mon écriture !

RC

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