vendredi 5 octobre 2007

Le cent quatre-vingtième saut de crapaud



Le crapaud a découvert, caché il ne savait trop où, ce poème. Normalement, il ne devrait pas le placer ici et cela pour deux raisons indépendantes l'une de l'autre. La première c'est qu'il n'est qu'une ébauche, une esquisse, un croquis de poème; c'est-à-dire devant servir à lancer la poétique non pas l'emplir. La deuxième c'est que jamais le crapaud n'écrit de poème à la première personne du singulier: le « je » est proscrit.

Alors, pourquoi le présenter?

Comme le cycle du fantôme est maintenant dans le dos du crapaud, retrouver ces quelques strophes lui fait bizarre. C'est un peu comme si vous retrouviez un vieux billet de loterie, que jamais vous n'auriez pris le temps de vérifier s'il est gagnant ou pas et que là, vous allez voir, au cas où… si jamais…

Il y a aussi dans le poème oublié, le dormeur solitaire, une espèce de nostalgie qui se réveille tout d'un coup et vous frappe en plein coeur ou en plein cerveau. Reprendre quelque chose d'inachevé, quelque chose qui s'est cristallisé dans le temps, un peu engourdi également et revoir si les images qui s'y cachent peuvent encore faire un petit bout de chemin.

Le voici. Il s'intitule - et cela depuis on ne sait trop quand - l'anxieuse solitude impatiente.


je suis à l'hiver de l'écriture
alors que les fantômes du passé
solitude impatience anxiété
ne cessent de me harceler…

la saison se vide de l’intérieur

après les courses folles
comme paralysée de vivre son passé au présent

... et elle sera là à écrire l'hiver
spectre passé et harcelant
de solitude d’impatiences d’anxiétés...


... et restera là les pieds dans la glue de l'hiver
promenant dans les ruelles tristes et blanches
comme des brouillards effilochés
tout un passé à l'avenir trop présent
qui neige encore ses fulgurantes tempêtes...

... et au printemps revenu
au coeur d'une ville noyée
deux immobilités ploieront sous d'immenses placards d'érable

croulant tant et tant sous le poids du temps...

... et demanderont
fouettés par les grands vents d'avril
si pour toujours encore
les rêves inanimés que l’hiver aura sauvés
du feu des étables…
vieilliront...

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