…la suite… …siawa’si…
Le soleil se lève à l’est. Il se couche à l’ouest. Cela depuis la nuit des temps. La pluie sur les arbres, selon les caprices du vent, mouille droit ou de côté. La suite des saisons emprunte les mêmes chemins. La mer, donneuse de marées, porteuse de poissons, s’étend encore plus loin que les yeux, au fond de l’horizon qui se courbe, là-bas, dessinant la rondeur de la terre. Le ciel, le firmament, l’empyrée parlent de la même réalité, celle habitée par les astres, celle que l’homme cherche à percer de ses regards tendus vers l’infini. Les montagnes, ces immobiles bossus plantés au milieu de notre propre espace, seront encore là demain, à l’aube, puis à l’aurore, puis après. Et encore demain.
Les hommes naissent, vivent et meurent. Il n’y a que la vie qui ne suit pas cette trajectoire. Elle était, est et sera. Il n’y a que la manière individuelle de chacun qui change, sur fond identique. Qui avait-il avant? Qui a-t-il maintenant? Qui aura-t-il après?
Grand-père naquit à une époque qui connut, coup sur coup, deux guerres. Deux grandes guerres. Sans les avoir vécues, on les lui raconta par les lettres adressées depuis ces pays du bout de la terre. Là où, sans doute, un autre grand-père naissait, vivait et allait mourir. Là où, certainement, la nature, dans des fringues toutes autres, comme ici suivait le même rythme. La terre tourne portant sur elle des êtres de chair et d’âme, plantés par un hasard incompréhensible en des endroits précis, en des vingt-quatre heures inversées.
Il semblait à ce jeune garçon que partout, une semblable pièce dramatique se jouait, sur décor différent, sous des éclairages orchestrés par la fuite du temps, mécaniquement réglé par l’implacable rigueur du jour et de la nuit. Comment dire s’il est trois heures de la nuit ou trois heures du matin? On ne dit pas qu’il est trois heures du jour! L’imbroglio, c’est la nuit. Celle qui stagne avant de se blanchir au matin.
Les véritables questions, les plus difficiles à formuler devant ce cadre qu’installe devant nous la nature, grand-père s’en approcha de si près, qu’elles se mirent à le hanter, de si près que pour seules réponses, ce qu’on lui en dit, devinrent ses références, puis des incertitudes à cause de leur aspect simplet.
« Arrête de creuser, tu vas te retrouver en Chine! »
« C’est comme ça depuis toujours, ça ne va changer aujourd’hui!»
« Demande-ça à ton père! »
« Ça te donne quoi de savoir tout ça? »
« Penses-tu que j’ai des réponses à tout? »
« Il y a des affaires qu’on n’a pas besoin de savoir comment ça marche! »
« Tu vas devenir bossu à trop penser! »
« Tout ça, c’est le bon Dieu! »
« Ce que tu vois, c’est ce qui existe. Ce que tu ne vois pas, c’est aussi ce qui existe. »
« Il y a des mystères dans la vie, qu’on n’est bien mieux de ne pas comprendre! »
« Arrête de perdre ton temps avec des choses inutiles! »
Il pourrait en ajouter jusqu’à nauseam. Mais, de s’apercevoir qu’on ne pouvait satisfaire son besoin de saisir le fonctionnement de cette horloge implacablement précise, n’alimenta que plus cette soif de comprendre. Il ne voulait pas, du moins pas encore, saisir l’humeur des gens, la tristesse ou la joie, le bonheur ou la souffrance, la perfidie ou la loyauté, tous ces sentiments que rapidement il put décoder par leurs comportements, il souhaitait décoder le métronome régissant les allers-retours de la nature.
L’évidence ne suffisait pas. Ne suffisait plus. Grand-père souhaitait aller plus en profondeur, si possible jusqu’au moteur même de cette machine qui roulait devant lui sur une route éternellement longue. Qui pouvait rassasier son appétit chaque jour plus vorace? Il exigeait du concret. On passe à l’abstrait qu’une fois avoir bien assimilé le palpable, autrement on risque de se perdre ou d’affabuler.
Si la nature, dans sa gigantesque complexité, cache un secret, qui en possède la clé? Qui pourrait lui écarquiller les yeux? Qui saurait trouver les mots justes? Même si ces mots risquaient de lui être nouveaux, incompréhensibles même, il exigeait des réponses satisfaisant une soif ne pouvant plus demeurée stérile.
C’est en chemin vers l’installation des Épelgiag que notre grand-père, ainsi qu’un jongleur échappant continuellement ses bâtons enflammés, tentait de mettre de l’ordre dans ses pensées. Y avait-il une première question, celle qui ferait naître toutes les autres? Quelle était-elle?
…à suivre… …nmu’ltes…
Le soleil se lève à l’est. Il se couche à l’ouest. Cela depuis la nuit des temps. La pluie sur les arbres, selon les caprices du vent, mouille droit ou de côté. La suite des saisons emprunte les mêmes chemins. La mer, donneuse de marées, porteuse de poissons, s’étend encore plus loin que les yeux, au fond de l’horizon qui se courbe, là-bas, dessinant la rondeur de la terre. Le ciel, le firmament, l’empyrée parlent de la même réalité, celle habitée par les astres, celle que l’homme cherche à percer de ses regards tendus vers l’infini. Les montagnes, ces immobiles bossus plantés au milieu de notre propre espace, seront encore là demain, à l’aube, puis à l’aurore, puis après. Et encore demain.
Les hommes naissent, vivent et meurent. Il n’y a que la vie qui ne suit pas cette trajectoire. Elle était, est et sera. Il n’y a que la manière individuelle de chacun qui change, sur fond identique. Qui avait-il avant? Qui a-t-il maintenant? Qui aura-t-il après?
Grand-père naquit à une époque qui connut, coup sur coup, deux guerres. Deux grandes guerres. Sans les avoir vécues, on les lui raconta par les lettres adressées depuis ces pays du bout de la terre. Là où, sans doute, un autre grand-père naissait, vivait et allait mourir. Là où, certainement, la nature, dans des fringues toutes autres, comme ici suivait le même rythme. La terre tourne portant sur elle des êtres de chair et d’âme, plantés par un hasard incompréhensible en des endroits précis, en des vingt-quatre heures inversées.
Il semblait à ce jeune garçon que partout, une semblable pièce dramatique se jouait, sur décor différent, sous des éclairages orchestrés par la fuite du temps, mécaniquement réglé par l’implacable rigueur du jour et de la nuit. Comment dire s’il est trois heures de la nuit ou trois heures du matin? On ne dit pas qu’il est trois heures du jour! L’imbroglio, c’est la nuit. Celle qui stagne avant de se blanchir au matin.
Les véritables questions, les plus difficiles à formuler devant ce cadre qu’installe devant nous la nature, grand-père s’en approcha de si près, qu’elles se mirent à le hanter, de si près que pour seules réponses, ce qu’on lui en dit, devinrent ses références, puis des incertitudes à cause de leur aspect simplet.
« Arrête de creuser, tu vas te retrouver en Chine! »
« C’est comme ça depuis toujours, ça ne va changer aujourd’hui!»
« Demande-ça à ton père! »
« Ça te donne quoi de savoir tout ça? »
« Penses-tu que j’ai des réponses à tout? »
« Il y a des affaires qu’on n’a pas besoin de savoir comment ça marche! »
« Tu vas devenir bossu à trop penser! »
« Tout ça, c’est le bon Dieu! »
« Ce que tu vois, c’est ce qui existe. Ce que tu ne vois pas, c’est aussi ce qui existe. »
« Il y a des mystères dans la vie, qu’on n’est bien mieux de ne pas comprendre! »
« Arrête de perdre ton temps avec des choses inutiles! »
Il pourrait en ajouter jusqu’à nauseam. Mais, de s’apercevoir qu’on ne pouvait satisfaire son besoin de saisir le fonctionnement de cette horloge implacablement précise, n’alimenta que plus cette soif de comprendre. Il ne voulait pas, du moins pas encore, saisir l’humeur des gens, la tristesse ou la joie, le bonheur ou la souffrance, la perfidie ou la loyauté, tous ces sentiments que rapidement il put décoder par leurs comportements, il souhaitait décoder le métronome régissant les allers-retours de la nature.
L’évidence ne suffisait pas. Ne suffisait plus. Grand-père souhaitait aller plus en profondeur, si possible jusqu’au moteur même de cette machine qui roulait devant lui sur une route éternellement longue. Qui pouvait rassasier son appétit chaque jour plus vorace? Il exigeait du concret. On passe à l’abstrait qu’une fois avoir bien assimilé le palpable, autrement on risque de se perdre ou d’affabuler.
Si la nature, dans sa gigantesque complexité, cache un secret, qui en possède la clé? Qui pourrait lui écarquiller les yeux? Qui saurait trouver les mots justes? Même si ces mots risquaient de lui être nouveaux, incompréhensibles même, il exigeait des réponses satisfaisant une soif ne pouvant plus demeurée stérile.
C’est en chemin vers l’installation des Épelgiag que notre grand-père, ainsi qu’un jongleur échappant continuellement ses bâtons enflammés, tentait de mettre de l’ordre dans ses pensées. Y avait-il une première question, celle qui ferait naître toutes les autres? Quelle était-elle?
…à suivre… …nmu’ltes…
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