jeudi 6 août 2009

Saut: 296

Roland Giguère


Si je vous demandais qui a écrit « Je peins pour parler comme j’écris pour voir.» et cela en 1986, vous penseriez immédiatement à Roland Giguère. Vous auriez tout à fait raison. Cet immense poète que les critiques classent parmi les surréalistes, l’auteur de L’Âge de la parole, entre autres, je vous l’offre en ce début du mois d’août comme une espèce d’attente…


J’erre

Je ne vous suis plus

je ne vous plus dévoué

je ne vous suis plus fidèle

j’erre à ma guise enfin

hors des sentiers bénis

j’erre aux confins de ma vie

j’erre parmi mes amis les meilleurs

que pourtant je tiens pour vigies

mais j’erre

j’erre toujours entre vos dires

j’erre pour ne pas mourir.


(Ce poème merveilleusement bien interprété par Chloé Sainte-Marie a été mis en musique par Gilles Bélanger, celui des 12 Hommes Rapaillés.)


La vie dévisagée


Il nous faut sans cesse tenir l’équilibre

entre l’horizon disparu et l’horizon imaginé

avec la crainte de perdre pied à la terre

de n’avoir plus le pied marin

de ne pouvoir plus marcher sur les fils de fer

de ne savoir plus marcher sur les mains


malheureux fils d’équilibristes

nés en plein ciel

au temps mémorable de l’absence des filets


(Quel joli clin d’œil à Alfred Desrochers!)


Je vous envoie maintenant quelques vers épars que j’ai soutirés ici et là, plutôt là qu’ici…


Nous étions fous aussi

mais fous de nos amours

fous de notre liberté

et pour ne pas crier

nous écrivions sur nos murs

des lettres voyantes

en capitales éclairées

--

On sème

des espoirs de toutes couleurs

sur nos nuits blanches

et le cœur s’apaise

--

Pour aller plus loin : ne jamais demander son chemin à qui ne sait pas s’égarer,

--

On finira bien par tout savoir de notre ciel

nos étoiles auront des noms propres

la lune sera sans voiles sans quartiers

notre avenir dessiné dans la paume de la main

la mort allongée sous la lampe de parchemin.

--

Ces rêves étaient bien les nôtres

Nous avons tourné la page hier

Mais nous n’avons pas fermé le livre

--

Sans fioritures désormais

sans fleurs sans ornements

la ligne va vers le point final

--

Face aux grands remous de mémoire

d’où émerge une main couronnée

nous n’avons à offrir que fleurs de folie

et quelques phrases décapitées.

--

Il faut toujours voir au-delà, prendre tout pour une fenêtre. L’important, dans tout cela, n’est pas tellement la fenêtre elle-même que le panorama sur lequel elle donne.

--


Je n’oublierai jamais ce mois d’août 2004, dans la grande et belle maison de Marielle à Saint-Valérien, près du Bic; je n’oublierai jamais ce doux moment alors que je trouvais le livre de Roland Giguère (L’Âge de la parole) sous une patte de lit afin d’équilibrer la couchette. J’ai gardé le livre écorné, avec une tache couleur rouille tout juste entre le O et L de parole, et dans lequel Marielle m'écrivait : La «parole» suit parfois des routes étranges…et la voici qui te revient, Jean. Elle est à toi. Pour croire aux miracles… et à la poésie qui transfigure, quelle que soit la route. Amitié. Marielle, été 2004.


Au prochain saut

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