l’enfant
les yeux ouverts plus grands encore que ceux d’un oiseau
l’enfant à qui l’on a menti et n’en retenant que la promesse
regarde imagine que ces trésors lui appartiennent
l’enfant allonge la main sur la nappe salie
recueille dans un cérémonial ludique
les ailes raidies d’un papillon
chrysalide encore
combien de tables ornées de candélabres éteints
d’un bout à l’autre des grands villages devenus villes
présentent un buffet puis un banquet puis une noce
à l’enfant jouant à qui-perd-gagne avec l’espoir
l’enfant se perd dans un vaste champ d’avoine
ne cesse de courir derrière le vent tiède
qui amène ce témoin volage
vers d’autres conscrits
qui savent savoir sans que les autres ne sachent
dans leurs mains plus fortes que les pluies d’été
se moquent des ankylosés de certitudes acquises
l’enfant abruptement coupé de sa fuite horizontale
cherche derrière son âme blessée
des mots qui rassurent
n’y trouve que néant
encore moins de fausses promesses puisées
au recto-verso de la vérité
ceux qui avant lui ont battu les champs d’avoine
à grands coups de silences convenus de mensonges répétés
l’enfant à saute-mouton sur la vie fuit
noces banquets et buffets
maisons villages et villes
il retrouvera son âme blessée aux portes du néant
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il vit dans un pays libre de toute liberté
où, contre la noirceur, on érige des maisons blanches
et au bout d’un champ, se creuse un trou démesuré
cet homme ne connaît pas les mains sans réserves
il vit dans une prison morose aux murs menottés
où chacun cherche dans les recoins biscornus de son espace
les empreintes encore fraîches laissées par le bourreau
… la parole sans drapeau
on le flagelle à bout de bras de paroles d'oripeaux
au centre de leurs coutures roses une femme aux seins nus
langoureusement l’invite à fertiliser le désert de ses solitudes
… ne connaît que le mensonge…
cet homme ne connaît pas les pieds déliés
crache de la salive rouillée sur ses entraves endolories
transporte de la salle des pas perdus à celle des supplices
toutes les saletés quotidiennes que ses espoirs alimentèrent
… la justice
en déséquilibre précaire entre deux plateaux de balance
dans son approximative mesure des empires à la dérive
elle rend licite l’illicite combat des océans contre les terres
… ne connaît que le mensonge…
cet homme ne connaît pas les yeux ouverts
on les lui a crevés à la naissance avec le tison de la foi
ses cicatrices oculaires sont de chétives fibroses
que les oiseaux recousent aux nuages obscurs
on l'a enseveli sous des tonnes de roc
des avalanches sordides emprisonnent sa passion
l’arthrose de la sécheresse grince entre ses dents
… ne connaît que le mensonge…
cet homme ne connaît pas les chemins de la peur
que de la sueur fétide ruissellant sur son âme
transportant des frissons dans une brouette de vent
pour les repiquer sur les aiguilles du temps
… la mort
une ombre invisiblement plus vaste que lui le suivait
le suit le suivra jusqu’au bout de ses torpides noirceurs
seules éternités que la vie éclaire d’une profonde rancœur
… ne connaît que le mensonge…
cet homme ne connaît pas son corps
endolori à coups de fadaises endormi à coups de somnifères
et la nuit toujours il marche par lui-même affaibli
vers ce trou profond au bout d’un champ de névrose
… la haine
elle circule dans son sang à pas de coyotes
ceux qui rongent les roses sous les barbelés
elle copie dans de grands cahiers inutiles
que cet homme est un homme qui ne connaît
que le mensonge aux espoirs velléitaires
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