Le Premier ministre du Canada et madame Carney
Il est convenu qu'un premier ministre nouvellement élu, ayant formé son gouvernement, bénéficie de 100 jours de grâce au cours desquels politiciens et gens des médias le laissent un tantinet soit peu aller sans lui barrer la route, sans lui glisser des pelures de banane aux pieds et surtout... l'observer. Autant dans ses premiers gestes que dans le style qu'il imposera tout au long de son mandat plus ou moins long selon les circonstances. Ici, nous sommes en situation de gouvernement minoritaire, d'une opposition sans tête à sa barre, et, il ne faut pas l'oublier, d'un NPD sans chef et sans reconnaissance officielle à la chambre des communes d'Ottawa. Pour sa part, le Bloc québécois est bien en selle, étant fort habilement dirigé par une personnalité hautement crédible et combien habile à jouer ses cartes avec une compétence qui doit certainement faire rougir Gilles Duceppe et Lucien Bouchard. Il a su façonner ce parti politique à son image et à sa ressemblance, c'est-à-dire éviter les incartades inutiles, reconnaître les forces actives au sein des députés élus et les mettre en tête du peloton, mais principalement exiger l'honnêteté à tous égards.
Monsieur le Premier ministre Carney, en poste depuis avril dernier, m'épate. Sa manière d'agir, d'être, très british, fait de lui un homme intéressant à écouter, à l'écouter réfléchir et le voir agir. Il est un homme d'écoute... jusqu'à une certaine limite. Lorsqu'il faut décider alors s'arrête l'écoute et on passe à l'action. En peu de temps il a su rallier les premiers ministres des provinces canadiennes autour de sa philosophie économique, se faire écouter des Premières nations qui reconnaissent en lui un homme de parole et se tenir debout devant un «p»étatsunien qu'il écoute... sans l'entendre alors que celui-ci croit le mettre dans sa poche avec des «mon bon ami Mark». Son passage à la Maison blanche que tous craignaient c'est fort bien déroulé, Monsieur Carney s'étant mis en mode écoute laissant l'autre vomir ses inepties dans une loghorrée insignifiante.
Je suis heureux de constater que notre voisin le Canada a choisi un véritable premier ministre. Un politicien qui nous oblige tous à admettre que ce pays ne peut pas s'enorgueillir d'avoir élu des Chrétien, Martin, Mulroney, Harper, Trudeau à la tête de leur pays, et si la tendance des sondages s'était maintenue un illustre incompétent en la personne de Pierre Poilièvre.
Le Canada a choisi un homme compétent, bravo pour lui. On lui reproche toutefois de ne pas maîtriser la langue française, ça changerait quoi si c'était le contraire ? Poilièvre se débrouille fort bien dans la langue de Molière et ça leur aurait donné quoi de plus à nos amis canadiens ? N'oublions pas que d'un même coup de gueule on ne critique absolument pas la connaissance lamentable de l'anglais chez François Legault... on pourrait même ajouter qu'il ne possède pas adéquatement la langue française. J'imagine qu'en France là où il est actuellement, on doit se moquer à l'écouter parler.

En ce moment débute les rencontres du G7 à Kananaskis, Alberta. Dans un geste d'une grande adresse diplomatique, profitant du fait qu'à ce sommet on souligne son jubilé, Monsieur Carney a invité le Premier ministre de l'Inde, Narendra Modi, le Président Zelensky d'Ukraine, des chefs d'état du Mexique, de l'Afrique du Sud, de la Corée du Sud. Toutes ces invitations n'ont certainement pas qu'un objectif touristique dans une des plus majestueuses régions du Canada, là où on craint davantage les ours grizzelis que les manifestants.
Monsieur le Premier ministre canadien ne s'en est pas tenu qu'à cela, il a posé un autre geste, celui-ci fort significatif et qui, j'en suis convaincu, servira de modèle lors d'autres sommets de ce genre : il n'y aura pas de communiqué final. Finis les mots creux, les phrases qui ne disent rien, les concensus strictement retenus autour de l'hospitalité du pays hôte. Non, avec Monsieur Carney c'est la politique du concret, celle qui gagne à long terme.
Tout ce beau monde est donc réuni au pied des Rocheuses, loin de tout, surtout des distractions bruyantes des manifestations qui n'ont pour seule qualité que d'être bruyantes. En 2025, qu'on se le dise, on ne manifeste plus, on ne revendique plus, et surtout voire principalement on doit constater l'inutilité de telles actions dont la réaction se limite strictement à l'appel des forces policières appliquant davantage de sévérité, à défaut de quoi on intimera l'armée ou tout autre force tactique d'entrer dans la pagaille. Certains crieront, hurleront même. La liberté fout le camp, mais il y a des lunes qu'elle a foutu le camp la liberté. C'est la répression, oui c'est la répression puisque seulement cela fonctionne. Que vous faut-il de plus pour comprendre ? L'arrivée des dictateurs, ah! oui les dictateurs, vous m'en direz tant. En Occident ça n'existe pas, ça n'existera jamais, les dictateurs sont en Afrique, en Asie, pas ici, nous sommes civilisés nous, nous savons, tout comme à la messe, quand mettre les genoux par terre, on ne nous l'apprendra surtout pas.
À Kananaskis, on discutera dans toutes les langues présentes autour de la table, on les traduira simultanément pour que tous entendent bien ce qui se dit et préparent leur riposte dans la seule véritable langue commune, la langue de bois.
Mais attention... attention! Dans les bois de Kananaskis vivent les plus dangereux prédateurs sur terre, les ours grizzelis.
Je reprendrai le titre du dernier ouvrage de Juliano da Empoli « Ce sont les vrais prédateurs.» le transformant en question. Qui ?