jeudi 22 février 2007

Le cent cinquante-cinquième saut de crapaud

Il y a de cela plusieurs années, je découvrais cet écrivain belge né le 9 octobre 1939, Pierre Mertens. Sans doute que l'influence de Kafka sur lui fut l'élément déclencheur m'amenant à son oeuvre. Il reçoit en 1987 le Prix Médicis pour Les Éblouissements. Déjà il est un juriste très attentif aux droits de l'homme. En 1989, il entre à l'Académie royale de langue et littérature de Belgique et sera nommé Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres de France.

Reconnu et engagé, Mertens a réfléchi sur la fonction sociale de l'écrivain. Pour lui, vie privée, fiction et Histoire sont indissociables. C'est ainsi qu'il accorde une place centrale à la mémoire: le romancier trouve la matière de son œuvre dans un passé personnel et historique. Lui-même est particulièrement marqué par les activités de ses parents (un père journaliste et mélomane, une mère biologiste et pianiste), par l'occupation allemande, l'exécution des Rosenberg ou encore la tragédie des mineurs de Marcinelle en 1959. Plus tard, l'observateur du droit international dénoncera le génocide au Biafra, la torture en Irlande et les prisons de Pinochet.


Sur fond d'histoire, les personnages de Mertens se reconstruisent après une cassure, une rupture, une tragédie. L'écriture fait entendre ce déchirement par la structure et le style : monologues délirants avec ellipses temporelles pour dire les contradictions de l'individu dans le monde.


Le message de Mertens demeure cependant positif : le doute est fécond, il ne doit jamais être source de résignation et il faut préférer l'homme de terrain aux cyniques.


Quant à la littérature, il perçoit son rôle comme primordial dans la lutte contre l'obscurantisme: « Je m'en remets à la culture pour nous sauver. Le droit à la littérature est un droit de l'homme ». P. Mertens


Voici quelques citations tirées principalement de PERDRE qui commence par ce magnifique extrait: Donne-moi des nouvelles de ta fatigue. (Ainsi disent, paraît-il, les Peuls lorsqu'ils échangent leurs salutations.)


" J'ai peur des hommes, j'ai peur qu'ils me fassent quelque chose à la vie."


" Le drame des natures anxieuses, c'est qu'elles n'accèdent pas à la sérénité pour les meilleures raisons du monde. On est malheureux aussi parce qu'on se trompe de bonheur."


" Peut-être ne passons-nous quelque temps sur terre que pour en apprendre un peu sur la mythologie de ceux que nous aimons. Et pour la partager avec eux. En dehors de cela, pas de salut : rêver avec quelqu'un ou mourir seul, telle est l'alternative."


" Concevrait-on quelqu'un qui connaîtrait tous les tourments de la création sans devenir réellement un artiste mais, à cause du risque qu'il prend, vaudrait mieux que beaucoup qui se prétendent artistes et peut-être même le sont?
Imaginerait-on quelqu'un qui aurait éprouvé toutes les difficultés d'être un homme et ne serait jamais tout à fait parvenu à en devenir un, mais aurait, ce faisant, montré plus d'humanité que la plupart des hommes?
Si l'on pouvait imaginer ceci, concevoir cela, on aura une petite idée de ce que je suis occupé de devenir, de ce que je serai désormais - le temps que cela durera."


" ... il faut surtout que je me rappelle qu'il n'y a plus, aujourd'hui, que deux ou trois choses dont je puisse dire que j'aimerais réellement les penser, et m'en souvenir!"


" En un sens, on ne regagne jamais qui l'on a commencé à perdre. Mais on peut rencontrer l'autre qui se cache derrière."


" La dictature n'est rien d'autre qu'une machine à fabriquer du passé avec de l'avenir."


" Je ne suis assurément pas ce qu’on pourrait appeler « un croyant ». Mais, à proprement parler, je ne suis pas davantage agnostique. Depuis ma plus tendre enfance, et en des circonstances très diverses, exceptionnelles ou indifférentes, à toute heure du jour et de la nuit, au faîte de la joie comme au tréfonds de la misère, quand ce n’est pas au coeur d’un profond ennui, je me surprends quelquefois à balbutier ce mot ineffable : « Seigneur… »."




À bientôt


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Parfois... mon âme

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