Robert Lalonde vient de publier UN COEUR ROUGE DANS LA GLACE, trois nouvelles dont le thème central est le ou les fantômes. Des fantômes réels ou irrréels. « On dit, là-bas, pour désigner l'attraction dangereuse: «un coeur rouge dans la glace» ou encore «le mauvais soleil». Il s'agit de cette berlue qui vous prend, dans le jour qui ne finit pas, comme si le soleil avait chaviré. Ce n'est que son reflet dans la glace, bien sûr. Mais ça peut vous rendre fou, vous égarer, vous perdre...»
Voici quelques citations de Robert Lalonde, tirées d'ailleurs:
. J’ai dû vivre longtemps sous l’eau, dans un autrefois inouï, dont j’ai mémoire toujours, renseigné à tout moment sur les moindres ondulations de nageoires, reptations d’esturgeons dans le chenal, traversées scintillantes des bancs de laquêches, bonds de truites, balancements hypnotiques des longues algues jaspées d’argent, mouchetées de colimaçons. Je vois tout ça quand je trace les mots, suis emporté dans la mouvance lente, les yeux ouverts dans cette transparence glauque où je suis étrangement habitué à me bouger, à remuer avec les flux, l’ondoiement tranquille ou les turbulences écumeuses. Je sais que nous fûmes poissons, au commencement. J’ai des souvenirs étonnants, sûrs, des grandes profondeurs, éblouissants et précis, parfois, comme ces rêves plus vrais que la vie et qui nous reviennent souvent.
. Il n’y a pas de sens, il n’y a qu’un déroulement, alternativement terne et scintillant, hivernal, printanier, une passion qui cherche à mettre au moins la moitié du monde entre notre cœur et sa honte.
. Celui qui parle ne sait pas. Celui qui sait ne parle pas!
. Ces errements épouvantables et passionnés qui nous font battre le cœur et nous meurtrissent, ces incartades en zones superbement terrifiantes, abîmes où le désir nous jette, flancs de montagne abrupts où s’accrochent amoureusement les grimpeurs, fusées où s’entassent, avec un effrayant bonheur de curiosité, les astronautes fous, terrains vagues où vont s’aimer jusqu’au martyre les grands solitaires obsédés. Notre passion est celle du monarque dans la moustiquaire : on y perd des bouts d’ailes, des bouts de pattes, mais – abîme promis, abîme donné -, on y retourne, comme des drogués.
. Chacun est cet oiseau perché, qui peut détaler par en haut ou par en bas, animé par un instinct, ou plutôt par un désir qu’il ne comprend pas toujours. Toutes les chances et toutes les malchances sont de notre côté, et si nous agissons aveuglément, à quoi sommes-nous donc aveugles? Au passé, à nos traces, à nos certitudes. Nous sommes pour ainsi dire «programmés» pour chercher et trouver. Nous mourons dès que cessent nos fouilles harassantes, dès que la passion de voir, plus haut, plus loin, nous déserte.
. Nous devenons différents parce qu’il est périlleux d’être semblables!
. Comme le cœur est difficile à apaiser. Nous luttons sans cesse, même au repos. Mille batailles secrètes sont gagnées, perdues, parties nulles, tour à tour, dans le mystère du corps, celui du cœur, le mystère entier de l’être entier.
. … l’amour et son contraire – la grande frousse de sortir de soi –
. L’humain est sauvage, indomptable et déchaîné quand il est assailli de désirs sans espérance. Ce n’est qu’à force de bien regarder, qu’à force de voir, qu’on apaise, qu’on appartient à nouveau au monde, qu’on comprend, qu’on trouve un peu sa place, étrange et précise, dans l’univers enchamaillé.
À ces bijoux de Robert Lalonde, j’ajoute ce fort beau poème de Gatien Lapointe :
Corps accordés
Les yeux sont un songe reflétant l’univers
Je dis que nous vivrons
Nous prendrons demeure à jamais
Dire est ouvrir une fenêtre sur la terre
Et nous voyons tout l’avenir
Nous porterons la lumière du monde
J’ai fermé toutes les portes de la cité
J’ai remis aux champs nos animaux familiers
Aucun secret n’existe
Nous habitons la matière nue
Le paysage est dans nos mains
Quel travail reprendrons-nous à l’instant
Un signe bouge dans la pierre intacte
Et le printemps éparpille ses cendres
Ta hanche garde un feu contre les vagues
Toute forme vient fleurir sur tes lèvres
Notre espoir s’étend comme une rivière
Nous avançons dans la nuit vulnérable
Et nous prenons chaleur dans notre chair
J’imagine un lieu où vivre est aimer
Et grandir un soleil port vers tous
Ô année qui fleurit sur ses épis
Tes yeux voyagent dans les quatre vents
Notre sang est le battement du temps
Et ton souffle anime tout horizon
Le chant su sol est sans rupture
On nous conduit au cœur du monde
Nous prendrons demeure à jamais
Un homme veille à la clarté du pain
Et la femme chanta dans le bois solitaire
Nous formerons l’accord fondamental
Ô miel d’été qui me remplit la bouche
Quelle blessure dira la beauté du monde
La mort nous rattrappera-t-elle en pleine route?
«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»
A F F A B U L E R (verbe)
. transitif : composer les épisodes de (une œuvre de fiction);
. intransitif : fabuler
- (rêver)
B E S T I A I R E (nom masculin)
. celui qui devait combattre contre les bêtes féroces, ou leur était livré au cours des jeux de cirque;
- belluaire; gladiateur.
. recueil de fables, de moralités sur les bêtes.
Au prochain saut
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