samedi 14 avril 2007

Le cent soixante-deuxième saut de crapaud (*10)



Chapitre 9
Un café avec monsieur Prince



Entrer dans la vie des gens ne se fait pas sans causer de problèmes. Ils doivent nous faire de la place et celle que l'on reçoit n'est pas toujours celle que l'on souhaiterait.
Patrice, assis au volant de la camionnette blanche, analysait la situation. Dans son regard fuyant, rien ne paraissait. Comment un jeune garçon endormi pouvait-il se transformer, une fois éveillé, en un être si inquiétant? Comment une mère pouvait accepter d'en arriver là où madame Tanguay était? Elle avait sans doute raison. Qui pouvait expliquer pourquoi ces choses arrivent. Malgré de longues et sérieuses études, des histoires de cas à n'en plus finir, Patrice ne pouvait répondre à la détresse d'une mère. La seule chose qu'il retenait pour le moment, c'était qu'il ne devait pas laisser un millimètre à Éric car ça pouvait signifier qu'on déjeunerait aux pieds des Rocheuses.


La rue Fullum se réveillait doucement. Les bourgeons aux arbres cherchaient le soleil, recroquevillés autour des longues branches des ormes. Ces ormes que la ville de Montréal craignait de perdre à cause d'une maladie insidieuse qu'aucun spécialiste n'arrivait à diagnostiquer. Au Japon, les arbres sacrés sont le bambou, le pin et le prunier. Un seul serait en état précaire que tout le pays se lancerait dans une croisade pour le sauver. Ici, on cherche à comprendre et si on n'y parvient pas, alors on les coupe pour transplanter une autre espèce. Un arbre sera toujours un arbre. Un point c'est tout.


Patrice démarra direction Hôtel deVille, rue Notre-Dame dans le Vieux-Montréal. Éric dormait à poings fermés sans se rendre compte de ce qui se passait.
Toujours, lorsque la déception tentait de se loger dans son cerveau ou dans son coeur, Patrice s'arrêtait de respirer quelques instants, scrutait en lui y cherchant une énergie nouvelle puis se relançait. Il se disait que l'énergie c'est le bien; que l'inertie, c'est le mal.


Les Japonais ont une prédilection pour les vieilles pierres. Plus elles sont marquées par le temps, plus elles ont de "sabi", c'est-à-dire la vénérable qualité des vieilles choses. C'est ce que représentait le Vieux-Montréal pour Patrice. Souvent, après les cours, il venait s'asseoir sur un banc au coeur de la place Jacques-Cartier. Le gris des pierres, leur âge et leur formidable résistance au temps le stimulaient et, en un rien de temps, transformaient ses idées noires en un élan, un regain soutenant la réflexion et la prise de décision.


Il stationna la camionnette près de palais de Justice et fit à pieds la courte distance le conduisant à l'Hôtel de Ville. Respirant à pleins poumons ce matin de fin d'avril, les épaules légèrement poussées vers l'arrière, le dos cambré, Patrice se dirigea vers le bureau du greffier de la ville.

- La seule information que nous avons au sujet d'une dame Prince ayant habité sur la rue Hochelaga dans les années 1967, est qu'elle a quitté la résidence du 4747 le 13 septembre 1968 sans laisser d'adresse. Il y demeure toujours un dénommé Prince. J'ai ici un autre monsieur Prince, non c'est Pie-IX donc inutile. Enfin, si jamais... c'est le 2345, pardon le 2545 Pie-IX.
- Merci.
- Si vous le voyez, celui de la rue Pie-IX, rappelez-lui que sa taxe d'essu...
- Est à sec!
- Si on peut dire.

De retour à la camionnette, Patrice retrouva l'adolescent recroquevillé sur lui-même, endormi comme s'il n'avait pas roupillé depuis des jours.
Patrice plus trop par où commencer. Tant de choses lui semblaient urgentes qu'il sentit le besoin de s'arrêter et un pressant besoin de revoir Caroline.


La bibliothèque de Longueuil, sans être parmi les plus impressionnantes en terme de contenu, avait du moins le mérite d'être bien située. Dans le Vieux-Longueuil, tout près du fleuve, elle était entourée de grands arbres magnifiques qui protégeaient un édifice sans style.

- Puis-je vous inviter à dîner, mademoiselle?
- Patrice! Que fais-tu ici?
- Vous inviter à dîner.

Ne pouvant retenir son émotion, Caroline traversa le comptoir de prêts et se jeta dans les bras de son amoureux.

- Je me suis fait tellement de soucis.
- Il ne faut pas, ça viendra ssez vite.
- Qu'est-ce que tu veux dire?
- Alors, on mange ensemble?

Patrice présentait un visage étiré, inhabituel chez lui. Une barbe de deux jours lui pigmentait le menton et le lustre de ses cheveux commençait à ternir.

- Peux-tu me raconter où tu étais? questionna Caroline en ouvrant la portière, ce qui eut pour effet de réveiller Éric qui sembla tout à fait perdu.
Patrice invita Éric à monter à l'arrière et raconta l'essentiel de son aventure à Caroline aussi surprise de le revoir que de trouver ce jeune éberlué dans la camionnette.

- Après dîner, je me rendrai à Saint-Camille récupérer ce dont je t'ai parlé. On annule donc le rendez-vous de ce soir.
- Tu pars toujours?

L'inquiétude se lisait dans les yeux de la jeune fille alors que le ton de sa voix trahissait une nervosité évidente. Elle tirait sur ses ongles un après l'autre jetant de brefs regards sur Éric, devenu mystérieusement muet. L'adolescent fixait le pont Jacques-Cartier et les pavillons encore debout de l'Expo'67.

- Je dois.

Le dîner fut rapide. Patrice ne mit pas Caroline au courant de ses perquisitions au bureau d'adoption et à celui du greffier de Montréal.

- Tes examens?
- Bien. Très bien même.
- Les résultats te parviendront avant ou après ton départ?
- Caroline, fais comme si j'étais déjà parti.
- L'entrevue?
- Je dois avoir des nouvelles assez rapidement. Je t'aime, tu sais.
- Je n'en doute pas une seule seconde... mais tu dois comprendre... tout ce que tu ne me dis pas... et que je dois ... Des larmes emplirent ses yeux.

Patrice regardait cette magnifique jeune fille avec qui il se sentait si bien depuis près de trois ans. Comme elle avait été patiente, compréhensive et délicate. Jamais elle ne pénétrerait là où Patrice souhaitait que le secret demeure.
Du coin de l'oeil, il fixait Éric qui achevait de manger un énorme spaghetti sans jamais regarder du côté de Patrice et Caroline.

- N'oublie pas que vous devez, Alex, Bianca et toi, rester sur le qui-vive.
- Je ne connais même pas Bianca. Toi?
- Non plus, mais Alex jugera s'il doit l'amener ou pas. Il est plutôt susceptible, Alex.
- Il s'inquiète de ton attitude.
- Bientôt...
- Il n'y a pas de danger, au moins?
- On ne sait jamais ce que la route nous réserve.
- Tu m'écriras?

Patrice, songeur, regardait par la fenêtre du restaurant donnant sur le fleuve. Il voyait le lac Biwa situé à trois cents kilomètres du mont Fuji-Yama et, daans son imagination, leurs eaux se confondaient.

- À quoi penses-tu?
- Une légende japonaise raconte que le Fuji-Yama surgit brusquement une nuit d'été en 286 avant Jésus-Christ tandis que, la même nuit, la terre s'effondrait pour faire place aux eaux du lac Biwa. Sais-tu pourquoi on l'a appelé Biwa?
- Non, répondit Caroline qui tentait de découvrir un indice quelconque dans les paroles de Patrice.
- Biwa, c'est un violon à quatre cordes. Un instrument de musique très ancien auquel le lac doit son nom à cause de la similitude de leur forme.

La conversation prit un ton plus intime entre eux. Patrice, tenant les doigts de Caroline entre ses mains, y déposa un baiser qui la rendit à la fois heureuse et triste de le voir partir.
Il reconduisit Caroline à la bilbiothèque. Les adieux furent longs et déchirants mais tous les deux savaient qu'il est une voie que l'on doit suivre sans trop savoir pourquoi, sans trop se le demander.



Une demi-heure plus tard, il entrait chez lui à Saint-Camille. Éric se taisait. Il réussissait à être aussi désagréable par son silence que par ses questions inutiles ou ses farces que Patrice ne riaient pas.
La maison était vide sauf le chien qui leva le nez. Patrice, heureux, ne souhaitait pas à avoir à expliquer tout le brouhaha autour de lui.
Dans sa chambre, il jeta un coup d'oeil par la fenêtre, prit la grande enveloppe dissimulée sous son lit, vérifia s'il avait toujours le médaillon et le temps qu'il fallut pour le dire, son sac de voyage contenait l'essentiel.
Il remarqua, avant de quitter la cuisine, un bout de papier sur la table où quelques miettes de pain baignaient dans des taches de café qui s'affairaient à sécher. Un numéro de téléphone et un prénom: Line. Il glissa la note dans la poche de son veston rouge brique et quitta la maison. Le chien n'avait pas relevé la tête.

- Alex?

Il décida de ne pas s'arrêter: le risque de perdre deux heures en expliquations, une heure en lamentations et vingt minutes à tenir tel ou tel morceau pendant que le mécanicien changeait un autre morceau sur la fameuse Shelby '84, était trop grand.
Il mit la radio en marche, ouvrit les fenêtres de la camionnette et fila vers Montréal. Dans sa tête, d'étranges images défilaient... il les reconnaissait.



Instinctivement, il se retrouva au 4747 Hochelaga. C'était une maison de rapport d'au moins soixante-quinze ans, collée contre ses voisines. Elle portait un regard triste et défraîchi sur la rue. Un magnifique pin, le seul à la ronde, surplombait les balcons également répartis sur les trois étages. Une pancarte bilingue "Logement à louer" ornait la porte d'entrée.

- J'y suis quelques minutes et je reviens.
- Pas de problème mon colonel, je suis pas mal habitué, répondit Éric qui s'ennuyait lamentablement. Je vais me pratiquer à attacher ma ceinture et à tenir mes mains sur les genoux. Comme ça, on va gagner du temps la prochaine fois.

Patrice sonna au numéro 4 comme le spécifiait l'affiche et attendit un long moment avant de voir apparaître un vieux bonhomme, les cheveux blancs hirsutes et dont un oeil pariassait plus petit que l'autre.

- C'est loué.
- Non, je m'excuse, ce serait pour une information.

Le vieillard en pantoufles trouées portait un pantalon aussi âgé que lui, le luisant des genoux laissant supposer qu'il passait une bonne partie de sa journée assis. Une haleine de caféine fit reculer Patrice.

- Les étrangers ne sont plus acceptés.
- Ils l'ont déjà été?
- Je n'ai pas le temps de jaser, mon jeune.

Patrice tenta de glisser son regard à l'intérieur du logement de celui qui paraissait remplir le rôle de concierge de l'immeuble. Son chandail était taché à la hauteur du ventre. L'homme fatiguait d'être debout.

- Avez-vous connu une dame Prince qui aurait vécu ici dans les années 1967?
- Comment si je l'ai connue? C'était ma femme.
- C'était?
- Elle s'occupait des appartements, recueillait les loyers et faisait la paperasse de tout le building. Elle m'a quitté en 1976 sans laisser d'adresse et surtout toute la maison à m'occuper. Aujourd'hui, elle ne s'appelle plus comme ça. Elle a repris son nom de fille. Je ne sais pas si je dois dire mademoiselle ou madame, en tout cas c'est Champigny.
- J'aurais une autre information, plus personnelle celle-là.
- Vas-y mon gars, moi, je n'ai plus de secrets pour personne. Et quand je dis personne, ça comprend même les étrangers.

Le concierge s'appuyait sur une jambe puis l'autre, un bras au chambranle de la porte. Il s'épuisait vite mais Patrice remarqua qu'il aimait parler et surtout qu'il en avait beaucoup contre les étrangers.

- Je ne veux pas vous faire perdre votre temps, monsieur Prince.
- Si tu es pour prendre trois heures par question, on est aussi bien de s'asseoir sinon tu vas me ramasser à terre. Je n'ai plus ton âge, le jeune.
- Deux minutes, pas plus.

Toutes les lumières de la maison étaient allumées. Le téléviseur, la radio, le système de son grinçant, tout ce qui pouvait émettre un son fonctionnait. Les stores aux fenêtres baissés, les portes de chacune des pièces ouvertes laissaient voir l'éclairage d'une ampoule de couleur différente pour chacune. Sur la table de cuisine reposait un dictionnaire ouvert et une pile considérable du même titre de journal.
Pas un seul rayon de soleil et l'air aurait eu du mal à trouver un coin par où s'infiltrer dans cette espèce de bunker souterrain à l'allure d'abri anti-atomique.

- Veux-tu un café, le jeune?
- Non merci, une information et je vous quitte.

L'homme se dirigea vers une armoire, en sortit une tasse à l'effigie de l'Expo'67 et brancha la corde de la bouilloire électrique. L'eau fut prête presque instantanément. Il sortit un pot de café, un litre de lait, un pot de miel, une petite cuiller. Il posa le tout sur la table entre son dictionnaire et sa pile de journaux.

- Pas un seul locataire ne se plaint.
- De quoi? demanda un Patrice ébahi par les manières prises par le concierge pour se faire un simple café instantané: aussi solennel que la cérémonie du thé.
- De ne pas recevoir le journal.

Après que le vieil homme eut mêlé tous les ingrédients, rangé chaque chose immédiatement, il se dirigea vers la porte d'une garde-robe. Il l'ouvrit. Patrice fut stupéfait. Il devait y avoir, d'empilés, on ne sait trop combien de journaux. Ça allait du sol jusqu'au plafond.

- Je les garde un an, ensuite je découpe les pages qui contiennent la liste des morts.
- Un an après?
- Comme ça, si ma femme meurt, je ne le saurai qu'un an après.
- Vous ne tenez pas à en être informé?
- Sais-tu que pour un étranger, tu en poses des questions?
- Je ne suis pas un étranger.
- Je me demande si elle se fera annoncer dans le journal sous le nom de Champigny ou celui de Prince.

Le concierge referma la porte, reprit place à la table, souffla dans la tasse de café bouillant puis examina Patrice avec son oeil encore vigilant.

- Tu ressembles à quelqu'un que j'ai dejà vu, toi?
- Un homme ou une femme? demanda Patrice sentant qu'une piste s'offrait à lui.
- Ma femme saurait le dire mais...
- Mais?
- ... je ne saurai pas avant un an si elle est encore vivante.

Toute sa vie, Patrice avait vécu à l'extérieur, dans les champs ou des endroits aérés de sorte qu'il ne se sentait pas bien sous cet éclairage artificiel, ces odeurs de journaux et de remugle. Il souhaitait partir mais ce personnage savait des choses et il lui tirerait les vers du nez sans trop le brusquer ni l'offenser.

- Ma femme a toujours eu la responsabilité des logements, ici. C'est elle qui louait, sous-louait, relouait, faisait signer les baux. Tout. Moi, je travaillais dans le port de Montréal. Débardeur. Jusqu'à cet accident. Bête comme mes pieds.

Patrice l'écoutait. Comme il désirait qu'il passât aux choses sérieuses!

- Dans le coin, c'est surtout des étrangers. Tu sauras mon gars qu'il y a des étrangers dans le bloc qui ont vécu ici plus de vingt ans. Surpris, le jeune?

Monsieur Prince buvait son café en faisant du bruit avec sa bouche. Sans doute pour enterrer les sons qui fusaient des quatre coins de l'appartement.
Patrice, branché sur la voix du vieillard, faisait abstraction de tout, mais ça ne lui était pas facile.

- Ça surtout commencé après 1967.
- Vous voulez dire l'Expo'67, relança Patrice.
- L'affaire à Drapeau. Comme si on en n'avait pas assez. Avec son exposition, il y a eu le métro et des milliers d'étrangers qui sont venus et restés.
- Beaucoup dans votre maison?
- Il n'y a rien qui me faisait plus suer que d'entendre un étranger dire: "Chez nous, nous avons un métro depuis cinquante ans." "Chez nous, nous avons eu l'exposition il y a cent ans." Ils sont tous comme ça, les étrangers. Chez eux, c'est cent fois meilleur mais ils viennent tous s'installer ici.
- Vous voulez dire dans votre maison?

Le temps passait lentement. Patrice réussissait tant bien que mal à ramener monsieur Prince à l'essentiel de sa recherche, mais ce dernier repartait soit sur le port de Montréal, les étrangers dans le quartier, sa femme qui l'avait laissé, ou il se levait pour refaire un autre café. À la fin, il ne l'offrait plus à Patrice.

- Prends...

Et ça repartait de plus belle. À cinq heures, Patrice n'était pas plus avancé.

- Est-ce que le nom de GANSOU vous rappelle quelque chose?
- Et comment donc! C'était une toute petite Japonaise que ma femme a pris en charge lorsqu'elle est venue louer un appartement. Si je me souviens bien, on lui avait donné le 6. Sauf que ça fait longtemps mon jeune. Pourquoi déjà le 6? Il y avait une raison mais je ne m'en rappelle plus. Ça fait si longtemps.
- 1967?
- Plutôt au début de 1968, si ma mémoire m'est encore fidèle.
- Elle est demeurée longtemps ici?
- Tu sais, moi, je travaillais sur les quarts. Je changeais à toutes les semaines. Parce que dans ce temps-là, le travail...

Et il venait de repartir. Patrice, stoïque, ne voulait pas se le mettre à dos. Cet homme savait juste ce qu'il fallait pour qu'il crache ce dont il avait besoin.

- Vous la voyiez souvent?
- À l'occasion. Mais j'y pense... Je trouve que tu lui ressembles... Pas mal même.
- Comme ça vous l'avez côtoyée?
- Ma femme surtout. Elle était souvent dans son appartement. La pauvre petite... C'est la seule étrangère que j'ai fini par trouver moins étrangère que les autres. Mais étrange, elle était assez étrange.
- Que voulez-vous dire?
- J'ai su longtemps après qu'elle était enceinte. Tu sais, dans ces années-là, même à Montréal, enceinte et pas mariée, c'était pas le paradis. Étrangère en plus, ça n'aidait pas. Mais dans le fond, elle était si petite que personne ne s'en est aperçu. Ma femme lui avait conseillé de porter un jonc pour éviter que les commères du quartier posent trop de questions.

Patrice sentait que ça débloquait. La café suivant de monsieur Prince était le sixième ou septième. Par chance, il ne fumait pas. L'atmosphère aurait été intenable.

- Quand le bébé est venu au monde, ma femme l'a accompagnée. Si je me souviens, c'était à l'hôpital Notre-Dame. C'est vrai que tu lui ressembles! Es-tu de sa famille?
- Peut-être la seule qu'aie ait laissée ici.
- Si tu pouvais rencontrer ma femme, tu en saurais plus. Mais elle est peut-être morte. En tout cas en avril de l'année dernière, le journal ne parlait pas d'elle.

Regardant sa montre, Patrice s'aperçut que six heures approchaient.

- Vous ne pourriez pas me fournir d'autres informations? Y a-t-il encore quelqu'un dans les logements qui y vivait à cette époque?
- La maison n'a qu'un seul locataire à long terme et c'est moi. Tous les autres déménagent à tous les ans maintenant. Ce n'est plus comme avant. En ville, on est nomade.

Patrice se leva et, en se dirigeant vers la porte, remarqua que la tapisserie du salon était dans un état lamentable. Il salua monsieur Prince mais il n'osa pas lui tendre la main. Allait-il toucher à un étranger?


Il prit de longues et profondes inspirations debout près du pin centenaire enraciné dans le ciment du trottoir. Le jour baissait. Patrice savait que sa mère avait déjà regardé vers le bout de cette rue comme il le faisait actuellement. Il sentit en lui une certaine satisfaction.
Mais était-ce suffisant comme information? Madame Champigny, où pouvait-il la retrouver maintenant? Pourrait-elle, s'il la trouvait, le conduire un peu plus loin? Il sentait en lui comme un appel. Ce qu'il savait ne lui était pas suffisant. Il devait continuer. Il lui fallait continuer.


De l'autre côté de la rue, quelqu'un s'appuyait sur la camionnette blanche, le dos tourné. Patrice voulut lui crier mais la personne se retourna.

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