Je tiens parole. D'autres citations de Réjean Ducharme devaient venir, eh! bien les voici. Les premières furent principalement tirées de L'AVALÉÉE DES AVALÉS, celles d'aujourd'hui de LE NEZ QUI VOQUE.
" Quel est celui de ces deux pronoms démonstratifs qui est le meilleur: cela, ça? Si c'est "ça", ne n'est pas "cela" et si c'est "cela" ce n'est pas "ça". "
" J'ai besoin des hommes. Je rédige cette chronique pour les hommes comme ils écrivent des lettres à leur fiancée. Je leur écris parce que je ne peux pas leur parler, parce que j'ai peur de m'approcher d'eux pour leur parler. Près d'eux je suffoque, j'ai le vertige des gouffres. Si j'ai peur de leur adresser directement la parole, ce n'est pas parce que je suis timide, mais parce que je ne veux pas rester embourbé dans leurs glaisières profondes, dans leurs abîmes marécageux. J'écris mal et je suis assez vulgaire.Je m'en réjouis. Mes paroles mal tournées et outrageantes éloigneront de cette table, où des personnes imaginaires sont réunies pour entendre, les amateurs et les amatrices de fleurs de rhétorique."
" Le mépris de soi-même justifié est une maladie dont personne ne se relève."
" Mais, hier, avant de m'endormir, j'ai eu de graves pensées sur les idées, ou (au choix) de graves idées sur les pensées. Les voici! L'idée n'est aussi immobile, impuissante et docile qu'on le croit; elle agit, engendre et ordonne; elle travaille et comporte son propre dynamisme; elle marche et marche toute seule. De plus, à l'instant de sa conception, l'idée se dédouble; c'est-à-dire qu'aussitôt née, elle s'emploie à sa matérialisation et à la matérialisation de l'idée opposée. Elle tend à la fois vers les deux pôles; et si nous ne la jugeons pas, ne la freinons pas, elle nous emporte avec elle dans les deux sens. Mais, chez la plupart des civilisés, il s'opère automatiquement, à la prise de conscience de l'idée, un choix, une violente révolte contre l'une ou l'autre des deux impulsions qu'elle provoque; ils pensent qu'il est fou de se donner à la fois au nord et au sud, à la droite et à la gauche, à la lenteur et à la rapidité. Chez les autres, d'esprit plus jeune, plus pur, moins sclérosé, la possibilité d'une double action en sens contraire est parfaitement claire, saisissable, logique et comprise. Pourquoi, en plus de se mouvoir et d'émouvoir dans son sens, l'idée se meut-elle et émeut-elle aussi dans le sens contraire? Parce qu'il est de la nature de l'âme, volonté créatrice avide, de se représenter spontanément sous forme d'idées toutes les possibilités qu'offre un objet à son action et de les vouloir toutes réaliser par le fait même. L'âme ne peut pas ne pas vouloir ce qu'elle se représente: il n'y a pas d'involonté. Quand on ne veut pas, on ne fait que ne pas faire ce qu'on veut faire. Cette explication n'élucide rien. Par exemple, j'éprouve à la fois le besoin de voir Chateaugué et celui de lui dire d'aller se faire pendre ailleurs. Mais, ce sont choses subtiles pour des civilisés. Mais, on comprendra peut-être se je dis qu'on éprouve, sous l'effet de deux impulsions simultanées nées d'une même idée, le besoin de faire le bien et le besoin de faire le mal. Mes pensées sont tellement graves et subtiles! Il a tellement peur de n'être pas compris et apprécié! Suffit!"
" Il croit qu'aimer est un verbe d'action: il ne sait pas que c'est un verbe d'état."
" Il n'y a pas d'injustice sur terre. Tout ce que s'attire un un être bon et innocent, c'est le dégoût et, conséquemment, le désespoir. Tout ce qu'elle s'attire, ce sont des tentations de corruption et des tentations."
" La plupart de ceux qui lisent ont entre neuf et seize ans. Les autres, ceux qui lisent entre vingt et soixante ans, lisent parce qu'ils n'ont pas pu franchir le mur de la maturité; ils sont assis à l'ombre du mur de la maturité avec un livre sur les genoux et ils lisent."
" Connaît-on l'histoire des pommes pourries dans le panier des pommes pures? Les pommes pourries finirent par pourrifier toutes les pommes pures. Il n'y a que les maladies qui soient contagieuses. Les pommes pures ne purifissent jamais les pommes pourries. Bientôt, vous serez tous pourris. Allez dire aux architectes de bâtir moins de places des arts et plus d'hôpitaux pour pourris mentaux."
" Mais attendre n'est pas vivre."
" Quand on est sorti de l'enfance, il n'y a pas moyen d'aller quelque part sans s'écoeurer."
" Est-ce que tu as vu les oignons dans "additionnions"? As-tu vu les lions dans "appelions"? As-tu vu la pomme dans "appelons"?"
" L'amour, ce n'est pas quelque chose, c'est quelque part..."
" C'est ça, être adulte. Tout ce qui était plat se met à creuser des abîmes sous tes pas. Tout ce qui était léger se met à t'écraser. De l'ère des rires et des chagrins, tu passes à l'ère des délires et des désespoirs. Ta vie devient vaste comme toute la vie. C'est tout. C'est ça."
" Les larmes des uns sont sans effet sur les larmes des autres."
" On tend l'oreille et on entend les astres marcher. Ils ne font pas plus de bruit que les plus petits poissons du monde en nageant. C'est la joie."
" Je ne comprends rien. Ne rien comprendre, c'est décourageant, exaspérant, très exaspérant. Il n'y a rien de plus infranchissable que la confusion qui règne dans ma tête. C'est comme ne rien comprednre à l'école. C'est comme lire un poème hermétique."
" Souvent, on sent qu'on comprendrait, qu'on frôle, mais que la lumière qu'il y a en nous n'est pas tout à fait assez forte pour bien éclairer tout. On n'est pas tout à fait assez fort pour comprendre, et on le sent."
" Pour comprendre tout à fait une seule chose, il faut tout comprendre."
" Tout est pris ensemble dans la vie."
Comment ne pas aimer ce Ducharme, dont le silence inquiète...
À bientôt.
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