- Je ne désespère pas qu'un jour nous assistions à la venue de transformations fondamentales dans notre système d’éducation. Transformations non pas changements. La volonté politique du gouvernement actuel est gage d’un avenir intéressant, enchaîna Abigaelle.
- Jeanne Lapointe est votre maîtresse de thèse.
- En effet. Elle a beaucoup insisté lors de la rédaction du Rapport Parent sur l'importance de l’enseignement au préscolaire devant être considéré comme l’assise de notre système. Certaines études contemporaines semblent induire que les trois premières années d’un enfant à l’école sont déterminantes pour sa réussite scolaire.
- Elle a parfaitement raison. Je suis convaincu qu’elle vous guide bien dans vos recherches.
- D’abord une littéraire qui a versé ses compétences auprès de nos plus importantes écrivaines. Pensons à Gabrielle Roy, Anne Hébert et Marie-Claire Blais.
- Il vous arrive de discuter littérature avec elle.
- Cette femme possède une culture infinie, chacun de ses propos en sont teintés.
- Ça nous éloigne de notre sujet, malgré que ce soit captivant.
Monsieur Granger se leva, retourna à l’intérieur du chalet pour revenir, deux autres bouteilles de bière en main. Reprenant sa place autour de la table extérieure son regard visait loin devant lui.
- Vous savez sans aucun doute, Abigaelle, que le sujet de conversation lors des rencontres formelles que j’ai avec Mademoiselle Saint-Gelais, porte sur vous. Depuis l’épisode dans lequel j’ai dû intervenir directement, alors que Mademoiselle Germaine, revenue en fauteuil roulant de son terrible accident de voiture, eut réagi fortement à l’ancienne directrice qui l’avait affectée à la bibliothèque. Une guerre féroce, sans merci, s’est déclenchée entre les deux femmes.
- Jeanne Lapointe est votre maîtresse de thèse.
- En effet. Elle a beaucoup insisté lors de la rédaction du Rapport Parent sur l'importance de l’enseignement au préscolaire devant être considéré comme l’assise de notre système. Certaines études contemporaines semblent induire que les trois premières années d’un enfant à l’école sont déterminantes pour sa réussite scolaire.
- Elle a parfaitement raison. Je suis convaincu qu’elle vous guide bien dans vos recherches.
- D’abord une littéraire qui a versé ses compétences auprès de nos plus importantes écrivaines. Pensons à Gabrielle Roy, Anne Hébert et Marie-Claire Blais.
- Il vous arrive de discuter littérature avec elle.
- Cette femme possède une culture infinie, chacun de ses propos en sont teintés.
- Ça nous éloigne de notre sujet, malgré que ce soit captivant.
Monsieur Granger se leva, retourna à l’intérieur du chalet pour revenir, deux autres bouteilles de bière en main. Reprenant sa place autour de la table extérieure son regard visait loin devant lui.
- Vous savez sans aucun doute, Abigaelle, que le sujet de conversation lors des rencontres formelles que j’ai avec Mademoiselle Saint-Gelais, porte sur vous. Depuis l’épisode dans lequel j’ai dû intervenir directement, alors que Mademoiselle Germaine, revenue en fauteuil roulant de son terrible accident de voiture, eut réagi fortement à l’ancienne directrice qui l’avait affectée à la bibliothèque. Une guerre féroce, sans merci, s’est déclenchée entre les deux femmes.
- J’imagine un instant que cet affrontement n’avait pas les allures d’une divergence de point de vue sur le fonctionnement de l’école.
- À bout de force, l’ancienne directrice a abdiqué, préférant changer de milieu plutôt que vivre continuellement sous tension. Germaine a toujours été, enfin jusqu’à ce terrible accident, une personne agréable, dévouée, que tout le monde dans le village aimait. De plus, et ce n’est pas à négliger, elle était une très belle jeune fille.
- Elle est devenue alors la nouvelle directrice de l’école des Saints-Innocents.
- Voilà, et le calme est revenu. Son style autoritaire que nous ne lui connaissions pas, nous a surpris au début, mais il aura tout de même permis à l’équipe de vivre dans un climat de sécurité. Tout le village en a été ravi. Personne ne remettait en doute sa façon de gérer l’école et lui manifestait ce respect qu’on attribue aux personnes souffrant d’un handicap.
- Je vois.
- Et vous arrivez. Sans que ce soit votre intention, vous semez le doute dans l’esprit de quelques-unes de nos enseignantes qui travaillent pour nous depuis des années. Jamais la directrice n’intervenait dans les classes. Elle se réserve tout le contrôle sur la discipline générale qui souvent s’étend jusqu’à la vie privée des gens.
- J’appelle cela du caporalisme alors que pour elle c’est une approche d’utilité.
- On me rapporte que votre style, au premier abord surprenant, en fascine quelques-unes.
- Ne vous trompez pas Monsieur Granger, le fait que je sois présente à l’extérieur pour les récréations du matin et d’après-midi, que je les anime, diminue la tâche de mes consoeurs.
- Je vais vous confier une information qui n’est pas encore révélée, mais qui suscitera du remous. Notre clientèle projetée pour septembre prochain, au niveau de la première année, ne nous permet pas d’ouvrir une classe. Il nous apparaît impensable que le service pré-scolaire ne soit pas offert, nous devons donc envisager une solution pour les huit élèves qui arriveront à la porte de l'élémentaire. La situation se stabilisera lors de l’année scolaire 1977-78. Je vous ai donc convoquée afin de défricher des avenues pouvant régler cette malencontreuse problématique.
- J’en ai discuté déjà avec Mademoiselle la directrice.
- Elle ne m’en pas informé.
- Ma suggestion est la suivante : faire cohabiter le pré-scolaire avec la première année. J’accepterais d’en prendre la responsabilité.
Monsieur Granger, stupéfait par les dernières paroles de Abigaelle, se grattait la tête. Manifestement il semblait sous le choc.
- Vous me dites en avoir parlé avec Germaine.
- Il y a tout de même un certain temps. Je lui ai proposé cette alternative lorsqu’il est apparu évident que mes élèves ne pouvaient être assez nombreux pour obliger l'ouverture d'une classe.
- Nous avons eu quelques rencontres à ce sujet au bureau de la commission scolaire. Le débat semblait tourner en rond. Personne autour de la table ne réussissant à contourner le problème autrement qu’en faisant voyager ces élèves vers une école du voisinage en mesure de les recevoir. Nous étions à l’étape d’élaborer un plan pour informer les parents. C’est à ce moment précis que Germaine a déposé la suggestion dont vous venez de me parler. La difficulté qu’elle entrevoyait et qui lui apparaissait majeure, c’était d’y affecter une enseignante. Lorsque j’ai avancé l’idée que vous pourriez être cette personne, immédiatement elle a déclaré qu’on ne pouvait l'envisager puisque son rapport à votre sujet, en plus de n’être pas positif, suggérait même un non-renouvellement de votre contrat. Vous savez comme moi qu’une première année d’enseignement ne donne pas illico la permanence, il en faut deux avec mention positive. Un rapport négatif signé par une directrice d’école à la suite d’une première année équivaut automatiquement à un renvoi.
Il y eut un profond silence. Deux bouteilles vides suintant quelques gouttes d’eau, immobiles sur une table d’un chalet près d’une rivière ressemblant davantage à un lac, semblaient se dévisager. Abigaelle aurait souhaité qu'à ce moment précis, qu'à nouveau le cri particulier du geai bleu fasse distraction. Il n’en fut rien.
- À bout de force, l’ancienne directrice a abdiqué, préférant changer de milieu plutôt que vivre continuellement sous tension. Germaine a toujours été, enfin jusqu’à ce terrible accident, une personne agréable, dévouée, que tout le monde dans le village aimait. De plus, et ce n’est pas à négliger, elle était une très belle jeune fille.
- Elle est devenue alors la nouvelle directrice de l’école des Saints-Innocents.
- Voilà, et le calme est revenu. Son style autoritaire que nous ne lui connaissions pas, nous a surpris au début, mais il aura tout de même permis à l’équipe de vivre dans un climat de sécurité. Tout le village en a été ravi. Personne ne remettait en doute sa façon de gérer l’école et lui manifestait ce respect qu’on attribue aux personnes souffrant d’un handicap.
- Je vois.
- Et vous arrivez. Sans que ce soit votre intention, vous semez le doute dans l’esprit de quelques-unes de nos enseignantes qui travaillent pour nous depuis des années. Jamais la directrice n’intervenait dans les classes. Elle se réserve tout le contrôle sur la discipline générale qui souvent s’étend jusqu’à la vie privée des gens.
- J’appelle cela du caporalisme alors que pour elle c’est une approche d’utilité.
- On me rapporte que votre style, au premier abord surprenant, en fascine quelques-unes.
- Ne vous trompez pas Monsieur Granger, le fait que je sois présente à l’extérieur pour les récréations du matin et d’après-midi, que je les anime, diminue la tâche de mes consoeurs.
- Je vais vous confier une information qui n’est pas encore révélée, mais qui suscitera du remous. Notre clientèle projetée pour septembre prochain, au niveau de la première année, ne nous permet pas d’ouvrir une classe. Il nous apparaît impensable que le service pré-scolaire ne soit pas offert, nous devons donc envisager une solution pour les huit élèves qui arriveront à la porte de l'élémentaire. La situation se stabilisera lors de l’année scolaire 1977-78. Je vous ai donc convoquée afin de défricher des avenues pouvant régler cette malencontreuse problématique.
- J’en ai discuté déjà avec Mademoiselle la directrice.
- Elle ne m’en pas informé.
- Ma suggestion est la suivante : faire cohabiter le pré-scolaire avec la première année. J’accepterais d’en prendre la responsabilité.
Monsieur Granger, stupéfait par les dernières paroles de Abigaelle, se grattait la tête. Manifestement il semblait sous le choc.
- Vous me dites en avoir parlé avec Germaine.
- Il y a tout de même un certain temps. Je lui ai proposé cette alternative lorsqu’il est apparu évident que mes élèves ne pouvaient être assez nombreux pour obliger l'ouverture d'une classe.
- Nous avons eu quelques rencontres à ce sujet au bureau de la commission scolaire. Le débat semblait tourner en rond. Personne autour de la table ne réussissant à contourner le problème autrement qu’en faisant voyager ces élèves vers une école du voisinage en mesure de les recevoir. Nous étions à l’étape d’élaborer un plan pour informer les parents. C’est à ce moment précis que Germaine a déposé la suggestion dont vous venez de me parler. La difficulté qu’elle entrevoyait et qui lui apparaissait majeure, c’était d’y affecter une enseignante. Lorsque j’ai avancé l’idée que vous pourriez être cette personne, immédiatement elle a déclaré qu’on ne pouvait l'envisager puisque son rapport à votre sujet, en plus de n’être pas positif, suggérait même un non-renouvellement de votre contrat. Vous savez comme moi qu’une première année d’enseignement ne donne pas illico la permanence, il en faut deux avec mention positive. Un rapport négatif signé par une directrice d’école à la suite d’une première année équivaut automatiquement à un renvoi.
Il y eut un profond silence. Deux bouteilles vides suintant quelques gouttes d’eau, immobiles sur une table d’un chalet près d’une rivière ressemblant davantage à un lac, semblaient se dévisager. Abigaelle aurait souhaité qu'à ce moment précis, qu'à nouveau le cri particulier du geai bleu fasse distraction. Il n’en fut rien.
- L’essentiel à mon point de vue, Monsieur Granger, c’est de trouver une alternative à cette problématique qui ne pénalise pas les élèves. D’ailleurs, comme vous le dites si bien, ce problème est ponctuel, l’an prochain tout devrait rentrer dans l’ordre.
Le président de la commission scolaire se faisait muet. Il regardait l’enseignante, les doigts de sa main gauche tambourinant sur la nappe de dentelle. Qui croire ? La directrice de l’école des Saints-Innocents qu'il connaît depuis des lustres ou cette étrangère qui présente le profil exact de qui doit œuvrer dans l’enseignement.
- Veuillez m’attendre un instant.
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