jeudi 28 mars 2024

Un être dépressif - 15 -

 


Un être dépressif

-  15  -

Une transplantation, c’est extraire de la terre
pour la planter ailleurs.
 

Je tarde à le publier ce dernier billet. Comme le dit si bien Boileau, « sur le métier remettez vingt fois votre ouvrage » ce vers se vérifie parfaitement puisque plus d’une semaine sépare le 14 du 15. Je me hâte donc lentement sans perdre courage…

 

    Achever une tâche, qu’elle soit agréable ou pénible, nous amène à une conclusion, un épilogue… un dénouement. J’y arrive avec ce billet, le quinzième, qui sera suivi d’un dernier TIRÉ À PART. J’y arrive donc avec le sentiment d’avoir rempli un contrat, celui que la psychologue m’invitait à signer, ainsi que certaines constatations : celle d’avoir revisité ces mois douloureux, autant ceux vécus au Vietnam qu’au Québec convaincu de ne pouvoir en altérer le contenu ; celle d’avoir travaillé fort pour modifier les effets qu’ils ont sur moi (physique et mental) ; qu’une certitude s’est installée, la transplantation des racines dans une terre plus accueillante m’est bénéfique. L’allégorie du végétal (fleurs fanées qui s’éteignent, feuilles jaunies cessant de respirer, tige chancelante et vacillante) décrit bien cette nouvelle réalité, celle d’une plante dont seules les racines survivent si transplantées dans une terre qui ne soit ni froide ni en manque d’une quantité suffisante d’oligoéléments. Vous les connaissez ceux qui me sont essentiels, auxquels avec le temps s’en sont ajoutés d’autres aussi nutritifs. Ici je pense,  aux amis de café, de cinéma que je croise régulièrement. La méditation journalière. Sans oublier mes lectures du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, mes écoutes du chanteur Elliot Maginot.

Ces deux derniers sont, pour un «une voie» pour l’autre «une voix», qui ont rempli d’énergie une âme desséchée. Aussi, me redonner l’élan pour modeler une routine.
 
 

De transplantation à la routine. 

 

Celle qui orchestrait ma vie vietnamienne tournait autour de la musique, variant selon les journées et le travail d’écriture. Elle revient maintenant…

Celle de lire plus de cinquante pages quotidiennement. Elle se réinstalle.

Celle de marcher, là-bas sous le soleil près de la mer, ici à la fois utilitaire (n’ayant pas de véhicule pour me déplacer) ou gratuite, freinée seulement par la pluie ou la neige.

Celle d’écrire. En retrouver et le goût et la nécessité.

À la suite de ces billets regroupés sous le thème Un être dépressif, souhaitant maintenir cet usage, sans nécessairement me lancer dans un autre roman, je veux revenir à l’origine de ce blogue, soit un long et interminable conte.

( Les curieux peuvent retourner au point de départ datant de septembre 2005 ).

À l’époque - c’était au début de ma retraite - j’ai entrepris ces textes d'un grand-père vivant en Gaspésie, tout près du parc Forillon. Fiction et autoportrait s’y emmêlent.

 

)(

 

Alors qu’auparavant je pouvais demeurer au lit jusque tard le matin et y retourner tout l’après-midi,
qu'il m’était impossible de lire et d’écrire,  
que je sortais à l’extérieur si peu souvent et si peu longtemps pour marcher,
que le fait de rencontrer des gens était une laborieuse corvée,
qu’aucun projet s’étalait devant moi,
ma transplantation favorisée par la thérapie a créé une nouvelle routine, une manière inédite de voir le temps passer.
Lorsque votre espace est délimité, reconnu et accepté comme étant celui qui convient, il est plus facile de voir le temps passer... de cesser de ruminer le temps passé…

 

)(

 

    Je suis conscient de mon âge, du fait de vieillir et que les questions  soulevées au billet 14 (la dépression : pourquoi ? comment ? où ?) ces questions deviennent futiles. Elles ne résolvent rien.

N’en reste qu’une. Elle fait allusion au personnage imaginaire créé afin de mieux subir mon séjour à l’hôpital psychiatrique de Saïgon. Qu’arrive-t-il avec lui ? Je ne souhaite pas le voir disparaître parce qu’il est le seul à pouvoir dire « jamais, plus jamais dans cet hôpital», ces mots qui ramènent à mon cerveau ce que vous avez lu depuis le début de ces billets.
 
Je m’arrête ici, convaincu que chaque jour sera un combat, celui de continuer d'être qui je suis devenu.
 
FIN



mercredi 20 mars 2024

Un être dépressif - 14 -

 



Un être dépressif

- 14 -

C’est à partir du poème de Jean DUGUAY,
mon ami psychologue-poète,
que je lance ce billet.

 

                                 État dépressif                                                     
                                                                                               Jean DUGUAY
 
Pris dans une ornière
je fais du sur place
mes roues s'enfoncent
tout devient sombre

        Si je force pour m'en sortir
        mon esprit s'emballe
        mon corps se raidit
        je perds toute direction

                Prendre du recul
                avancer à petits pas
                reprendre espoir
                de trouver son chemin

                        Enlèves tes œillères
                        regardes dans ton rétroviseur
                        découvres les clés du bonheur
                        reprends ta marche solitaire



                     )(     )(     )(     )(     )(


    Encore aujourd’hui, plusieurs mois après mon arrivée dans cet appartement qui s’enveloppe quotidiennement d’odeurs de chocolat, il m’arrive de prendre un temps d’arrêt… de m’installer devant la porte-fenêtre, immobile… admirant les arbres autour. Des tilleuls. En été, leur parfum se mélange à celui de l’usine de cacao.

Ce logement est lumineux, un peu comme s’il appelait la clarté du soleil au secours d’une plante à la recherche de renaissance. Dès l’aube, la chambre à coucher en est inondée. Le jour, sans gêne, elle s’insinue partout imprégnant des estampilles franches et nettes sur les murs.

Avant de l’habiter, début de l’automne ‘21, je suis demeuré chez ma Fille Catherine. Y ai retrouvé des odeurs familiales… des voix aimées… des habitudes reconnues. Délicatement, je commençais à décharger mes épaules de lourdes contraintes pour redécouvrir mes racines.

Racines qui allaient regagner de l’expansion. À ce moment je prends conscience que les fleurs d’une plante peuvent (et souvent doivent) tomber, que les feuilles nécessitent un entretien fréquent, que la tige fragile a besoin d’un solide tuteur, mais que le fondamental loge au niveau des racines.

Le pagure vietnamien que j’étais réapprend à ne plus chercher sa coquille dans celle des autres, à reconnaître sa véritable place, puis à sérieusement nourrir ses racines trop longtemps négligées. C’est chez ma Fille, à la voir tous les jours, très tôt le matin, soigner son environnement, cultiver la qualité de vie qu’elle inspire autour d’elle, que ma conscience des autres reprend  forme.

Son exemple auquel s’ajoute celui de ma deuxième qui élève sa fille, seule et avec opiniâtreté, si présente qu’elle en oublie parfois de prendre soin d’elle-même ; celui de ma plus jeune fille, baptisée mon bijou d’avril, que certains êtres malsains se sont acharné à vouloir modifier la route, mais qui, solide, tient le cap ; celui de leur mère qui a été et demeure un vibrant modèle de fidélité et d’engagement dans tous les moments de nos vies. Leur sincère attachement nettoie autant mon esprit que mon corps faisant rejaillir leur résilience sur moi.

Au même moment ou à peu près, démarrait ma thérapie. J’y reviendrai afin de préciser cette impression qui fut celle de quitter un canot de sauvetage pour monter dans un bateau résistant aux intempéries et à toute forme de dérèglement.

Je suis encore un être dépressifdépendant, hanté par cette question que je me pose et repose tant de fois : un être dépressif souffre-t-il simultanément d’une poussée exacerbée d’égoïsme ? J’ai fouillé afin de confronter ma perception que je définissais comme étant ‘’ moi avant tout et tout centré sur ma petite personne’’. J’ai trouvé non pas une réponse, mais une piste, elle vient d’Oscar Wilde. ‘’ L’égoïsme ne consiste pas à vivre comme on en a envie, mais à demander aux autres de vivre comme on a soi-même envie de vivre.’’

Je comprends mieux que parmi les préjugés alimentant la dépression, celui de l’égoïsme, ce besoin exagéré qu’on s’occupe de celui ou de celle qui en souffre, ce préjugé soit celui qui trône en tête de liste. Être continuellement aiguillé sur soi (ou ce qui en reste), manifester peu d’intérêt pour autrui et ce qui l’atteint, ne savoir conjuguer les verbes qu’à la première personne du singulier, sans aucun doute cela peut tomber sur les nerfs, pire, nourrir l’idée que l’être dépressif manifeste peu ou pas d’empathie alors qu’il semble l’exiger de l’autre, tout en s’assurant de protéger une bulle qu’il lisse tel un maniaque afin de la rendre imperméable, coagulée même.

Sur cet aspect de la dépression (tout ramener à soi et tout considérer à partir du même angle), je suis particulièrement chanceux de pouvoir m’appuyer sur la psychologue, mais beaucoup sur mon frère Pierre et ma belle-soeur Claire. Tous les deux sont présents à moi, ils composent mon filet de sécurité, de protection et cela dès l'origine des troubles qui me mitraillaient (avril 2021), ainsi que dans les périodes plus obscures, m’aidant à reprendre mon souffle alors que les nuages remplis de brouillard m’étouffaient. Je ne saurai dire à quel point leur sollicitude m’est un apport d’oxygène essentiel au même titre que Phuoc fut ma béquille au Vietnam.

Je ne puis dire, en cet aujourd’hui de mars 2024, que tout est rentré dans l’ordre, convaincu qu’une certaine fragilité, dont le poids m'est inconnu, rend l’être dépressif que je suis susceptible de rechuter, cette fois-ci sans lien avec une médication malavisée.

Cela pose une autre interrogation : d’où vient la dépression, comment peut-on ou comment doit-on s’en prémunir ?  Il y a dans les TIRÉ À PART que j’ai introduits à ces billets quelques pistes de solution, mais au fur et à mesure qu’évolue ma thérapie, j’en arrive à penser que la réponse relève de l’intimité, de la façon dont on scrute son intérieur, du fait d’ouvrir les yeux sur de nouvelles perspectives et surtout la capacité de recevoir ce que mon frère Pierre m’a appris, soit celle de recevoir, d’accepter le fait que des signes nous parviennent et qu’il faille s’y arrêter, les accueillir, en prendre note et se mettre en mode action. 

C'est aussi ce que dit le poème de l'ami Jean Duguay.


À la prochaine





jeudi 14 mars 2024

Un être dépressif... TIRÉ À PART # 5



TIRÉ À PART... # 5

DÉPRESSION

                              )()()  ( Psychopathologie )  ()()(


Symptomatologie

 

     La dépression est un état handicapant qui peut défavorablement affecter la famille, la scolarité, le travail, le sommeil, l'alimentation et la santé en général. Son impact sur le fonctionnement et le bien-être est comparé à celui des conditions cliniques chroniques comme le diabète.

Un individu souffrant d'un épisode dépressif majeur montre habituellement une très forte baisse de moral, ce qui affecte négativement son point de vue sur tout son environnement, et une incapacité à prendre du plaisir lors d'activités qu'il considérait auparavant agréables. Les individus atteints de dépression peuvent ruminer ou être préoccupés par des pensées ou sentiments d'impuissance, d'inutilité, de regret ou culpabilité, de désespoir et de haine envers eux-mêmes. Dans certains cas plus graves, ils peuvent également être victimes de psychose. Ces symptômes incluent la paranoïa, des délires ou, moins communément, des hallucinations, habituellement désagréables. D'autres symptômes de la dépression peuvent inclure des difficultés à se concentrer et à retenir des informations (en particulier chez les patients souffrant de symptômes psychotiques ou mélancoliques), un retrait d'activités familiales ou sociales, une libido réduite, et des pensées de mort ou de suicide. L'insomnie est fréquente chez les individus dépressifs. Habituellement, ils se réveillent tôt sans réussir à se rendormir par la suite. L'insomnie affecte au moins 80 % des individus dépressifs. L'hypersomnie, ou excès de sommeil, peut également survenir. Certains antidépresseurs peuvent favoriser l'insomnie à cause de leurs effets stimulants. Plus généralement, une clinophilie est associée à la sédentarité et au manque d'exercice physique.

Un individu souffrant de dépression peut montrer des signes non psychiatriques comme des maux de tête ou des problèmes de digestion. Les problèmes physiques sont les problèmes les plus répandus dans les pays en voie de développement, selon les critères de l'Organisation mondiale de la santé. L'appétit diminue souvent, causant une perte de poids, mais dans certains cas l'appétit peut augmenter et causer alors une prise de poids importante. L'entourage du patient peut remarquer chez ce dernier un comportement actif ou léthargique. Des individus dépressifs plus âgés peuvent montrer des symptômes cognitifs comme une perte significative de la mémoire et une très grande lenteur dans les mouvements. La dépression est également présente chez les personnes âgées souffrant de symptômes physiques, comme ceux de l'accident vasculaire cérébral ou autres maladies cardiovasculaires, la maladie de Parkinson et la bronchopneumopathie chronique obstructive.

 

Comorbidités

 

    La dépression est fréquemment présente dans de nombreux problèmes psychiatriques. Les résultats du National Comorbidity Survey  (1990-1992) rapportent que 51 % des individus dépressifs souffriraient d'anxiété durant toute leur vie. Les symptômes anxieux peuvent avoir un impact sur le trouble dépressif, causer une guérison tardive, une augmentation du risque de rechute, ainsi qu'un plus grand handicap, et des risques élevés de suicide. Il existe un lien entre le stress, l'anxiété et la dépression qui peut être mesuré et démontré biologiquement. Il existe un risque élevé d'abus substantiel et d'alcoolo-dépendance, et environ un tiers des individus diagnostiqués de trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité développent une dépression comorbide. La dépression est aussi fréquemment retrouvée chez les individus souffrant de trouble de stress post-traumatique.

La dépression accompagne souvent les douleurs physiques intenses. Un ou plusieurs symptômes douloureux surviennent à 65 % chez les patients dépressifs, et environ 85 % des patients victimes de douleurs souffrent de dépression. La prévalence est plus faible en médecine générale qu'en pratique spécialisée. Le diagnostic de la dépression est souvent inexistant ou tardivement effectué, et la dépression peut s'aggraver avec le temps. Elle peut également s'aggraver lorsque les symptômes dépressifs sont incorrectement traités.

 

Pronostic

 

    Seul un petit pourcentage de patients non traités voient leurs symptômes de dépression s'améliorer spontanément. Ainsi, des patients non hospitalisés sur liste d'attente montrent une réduction de 10 à 15 % des symptômes en quelques mois, avec environ 20 % qui n'entrent plus dans les critères d'un épisode dépressif. La durée moyenne d'un épisode est estimée à 23 semaines, avec une plus grande chance de guérison dans les 3 mois.

Des études montrent que 80 % des patients souffrant d'un premier épisode dépressif majeur seront une nouvelle fois atteints d'au moins un épisode de plus dans leur vie, avec une moyenne de quatre épisodes dans leur vie. D'autres études de population indiquent qu'environ la moitié de ceux ayant souffert d'un épisode (traité ou non) récupèrent et guérissent bien, tandis que l'autre moitié d'entre eux seront atteints d'au moins un autre épisode, dont environ 15 % feront l'expérience d'une récurrence chronique. Des études accueillant des patients hospitalisés suggèrent une chance réduite de guérison et un plus grand risque de chronicité, tandis que des études sur la plupart des patients non hospitalisés montrent qu'environ tous guérissent, avec une durée moyenne d'un épisode de 11 mois. Environ 90 % des patients souffrant de dépression sévère ou psychotique, dont la plupart rencontrant des critères d'autres troubles mentaux, font l'expérience d'une rechute.

Le risque de rechute s'accroît lorsque les traitements ne parviennent pas à guérir totalement les symptômes. Des prescriptions d'antidépresseurs sont recommandées quatre à six mois après guérison pour éviter toute rechute. Une étude par essai randomisé contrôlé indique que la prise continue d'antidépresseurs après guérison peut réduire les risques de rechute à 70 % (41 % par placebo contre 18 % par antidépresseur). L'effet préventif dure probablement pendant au moins les 36 premiers mois après utilisation.

Les individus souffrant d'épisodes répétés de dépression requièrent un traitement à long-terme pour éviter les risques de développer une dépression plus longue et plus sévère. Dans certains cas, les individus se doivent de prendre leur traitement pendant un long moment ou pour le reste de leur vie. Les cas dans lesquels les chances de guérison sont réduites sont associés à un traitement non-adapté, des symptômes initiaux sévères qui peuvent impliquer psychose, un développement précoce des symptômes, des antécédents d'épisodes, une guérison partielle après un an, un trouble médical ou mental préexistant, voire également des problèmes familiaux.

Les individus dépressifs ont une espérance de vie raccourcie par rapport aux individus non-dépressifs, en partie à cause du risque élevé de décès par suicide. Cependant, le risque de mortalité élevé des individus dépressifs peut impliquer d'autres causes, dont la susceptibilité de développer d'autres conditions médicales comme les maladies cardiovasculaires. Plus de 60 % des suicides impliquaient des troubles de l'humeur, dont la dépression, et le risque est particulièrement élevé chez un individu marqué par le désespoir ou souffrant à la fois de trouble de la personnalité borderline et de dépression. Aux États-Unis, le taux de suicide associé au diagnostic de dépression est estimé à 3,4 %, avec un risque plus élevé chez les hommes (7 %) que chez les femmes (1 %) (bien que les tentatives de suicide soient plus fréquentes chez les femmes).

La dépression est souvent associée au chômage et à la précarité. La dépression est actuellement la cause principale de maladies liées au statut socio-économique en Amérique du Nord et dans d'autres pays à hauts revenus, et la quatrième cause principale mondiale. En 2030, elle semblera être la seconde cause principale mondiale après le SIDA, selon l'Organisation mondiale de la santé




















lundi 11 mars 2024

Un être dépressif - 13 -

 


Un être dépressif

- 13 -

Des fleurs, des feuilles, des tiges
et
des racines...


    Dans le merveilleux monde de la politique, lorsque l’on attribue le titre de ‘’plante verte’’ à un ou une élue, et si, de surcroît, il ou elle s’adresse au public utilisant la ‘’langue de bois’’, on s’attend à rencontrer une personnalité pour le moins quelconque… inactive et peu bavarde.

Ce qui caractérise une plante ce sont les éléments qui la composent : les racines, la tige, les feuilles et les fleurs. Le lecteur / la lectrice me voit sans doute venir avec mon pot de grès. De la classe animale ( le pagure dont je faisais mention dans le dernier billet ) je passe au végétal. Perspicacité quand tu nous tiens !

À mi-chemin entre Doha (Qatar) et l’aéroport international de Montréal, je fus envahi par une réelle certitude : jamais je ne quitterai cet avion vivant. L’inconfort, autant physique que moral, était à son maximum ; je ne parvenais plus à trouver une position vivable sur mon siège… ne parvenais plus à me lever afin de marcher dans les allées de l’avion… je devais être complètement désagréable pour ma voisine qui ne cessait de soupirer afin de manifester son embarras… un court instant j’ai souhaité que le Boeing 747 de Qatar Airways s’écrase…

Tentant de chasser ce profond malaise, j’ai dû vérifier mon passeport une multitude de fois ainsi que mon ArriveCAN sans que cela ne réduise le temps restant à parcourir. Au risque de me tromper, je peux dire qu’à ce moment-là je réalise qu’au-delà des continuelles fixations sur mon état de santé physique, autre chose  infecte mon cerveau.

(J’apprendrai plus tard, en fait au début de ma thérapie avec la psychologue, qu’une personnalité anxieuse comme la mienne a une vision du monde continuellement marquée par l’anxiété, prévoyant toujours le pire, de manière consciente ou non.)

Lorsque l’avion se pose sur la piste, nous sommes le 5 novembre 2021 en milieu d’après-midi. Je sors, masqué et entièrement ahuri, reçu par mes amis F* et D*. Une attaque frontale m’assaille, menée par la fatigue, les maux de tête, les étourdissements, les vertiges accompagnés de nausées, les palpitations cardiaques pires que celles qui ont perturbé mon voyage et une poignante sensation d’étranglement.

S’amorce alors ma quarantaine obligatoire et scrupuleusement vérifiée par les autorités canadiennes.



    La seule chose dont je me souviens c’est qu’il fait froid. Très froid. Et cette froidure m’attaque aux os sans plus jamais me quitter. 24 heures sur 24 je l’éprouve. Puis ça se métamorphose en froideur. Sans pouvoir l’expliquer - aujourd’hui je peux l’écrire - graduellement, tout autour de moi se transforme littéralement en insensibilité, en frigidité et il me semble y répondre par une impassibilité que ma psychologue nommera de l’ataraxie, ce qui induit une certaine forme d’indifférence caractéristique de certaines névropathies obtenue sans l’influence d’agents neurologiques supprimant toute réponse réactionnelle. À ce moment je ne suis aucunement médicamenté, même pour les problèmes cardiaques qui exigeaient une prise quotidienne de perindropil.


Montréal,       

                                                                   c'est du début de la quarantaine jusqu’à la fin du mois de février 2022.

Rien n’évoluera physiquement, moralement encore moins. Je ne parviens pas à rétablir les notions d’espace (de lieu) et de temps. Ma dépendance s'accentue et j'ai comme l'impression que mon personnage imaginaire se dispute avec un être de plus en plus dépressif.

Pour établir un lien entre la plante verte et ce séjour montréalais, je dirais des fleurs, qu’elles sont tombées, les feuilles, flétries et la tige, fortement frigorifiée.


SAINT-HYACINTHE

 

    Comme il a été mentionné antérieurement, mon retour à Saint-Hyacinthe se départage en deux temps : février 2022 à octobre de la même année et puis celle qui mène à aujourd'hui.  

Les sept mois (février à octobre) je les vis chez Da* qui a accepté de recevoir celui qu’elle ne reconnaît pas et avec qui elle tentera de s’adapter, consciente qu’il sera difficile de vivre avec quelqu’un qui croit encore qu’il faut ‘’mourir, avant que ça aille mieux’’. Difficile de partager son espace avec quelqu’un qui cherche le sien.

À ce moment-là, il est compliqué de trouver un appartement surtout pour un dysfonctionnel qui n’a encore acquis aucune indépendance et, surtout, peine à prendre des décisions même les plus élémentaires. Si Phuoc m’avait interrogé sur mon état général, je lui aurais répondu en pourcentage : 50% et moins.

Cette phase de ma vie d’être dépressif se façonne autour de quelques missions à accomplir. Renouer avec les Filles et leur mère qui ont perdu de vue leur père depuis près de trois années ; établir rapidement un bilan de santé physique ; chercher un appartement ; recourir à de l’aide pour mon état de santé mentale.


(Je garde pour un prochain billet les démarches entreprises afin de me replacer dans la famille ; elles méritent d’être décrites correctement.)


Le bilan de santé conclut que l’aspect physique, compte tenu de ce que j’ai vécu au Vietnam, ne signale rien de majeur et centrer mon attention sur ma santé mentale.

Avant de trouver la psychologue qui m’accompagne, j’aurai passé en revue toutes les ressources disponibles, autant publiques que privées, mais elles sont complètement surchargées en raison des séquelles laissées par la pandémie de covid-19.

Je serai en mesure de quitter Da* pour emménager dans mon propre logement, à la fin du mois de septembre 2022. J’y suis toujours et très heureux d’y être.

Entre ces dates, n’eut été des Filles et leur mère, de mon frère Pierre et ma belle-soeur Claire, auxquels s’ajouteront des amis (des véritables, de ceux qui te reçoivent, t’ouvrent les bras sans condition et sans arrière-pensées) et puis les inévitables coupures avec ceux et celles dont il me semblait que la confiance nous habitait, mais qui se sont avérés des fleurs qui tombent, des feuilles qui fanent et de précaires tuteurs pour une tige pétrifiée, n'eut été ces personnes essentielles, où en serais-je ?

Entre ces dates, aujourd’hui je le constate et peux l’écrire, ce fut de l’attente, cette forme de dépendance confuse et désordonnée. Ce fut, aussi, un temps entièrement nonchalant, apathique, paresseux et indolent.  Mes journées ne furent que des heures qui passent, sans qu’aucun projet ne puisse me stimuler. Sans lecture. Sans écriture : entre avril 2021 et mars 2022, soit onze (11) mois, je n’aurai publié que six (6) billets sur le blogue. Ce seront ceux que l’on a nommé ‘’Otium’’, mon frère Pierre et ma belle-soeur Claire.

Un être dépressif dépendant en attente de mouvement. Un mouvement du soleil, celui de l’eau pour la plante verte encore à la recherche d’un tuteur pour sa tige glacée…

Il vint début octobre 2022 
lorsque je pris conscience 
que l’essentiel 
est 
dans les racines.

À la prochaine
 


Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...