Un être dépressif
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Des fleurs, des feuilles, des tiges
et
des racines...
Dans le merveilleux monde de la politique, lorsque l’on attribue le titre de ‘’plante verte’’ à un ou une élue, et si, de surcroît, il ou elle s’adresse au public utilisant la ‘’langue de bois’’, on s’attend à rencontrer une personnalité pour le moins quelconque… inactive et peu bavarde.
Ce qui caractérise une plante ce sont les éléments qui la composent : les racines, la tige, les feuilles et les fleurs. Le lecteur / la lectrice me voit sans doute venir avec mon pot de grès. De la classe animale ( le pagure dont je faisais mention dans le dernier billet ) je passe au végétal. Perspicacité quand tu nous tiens !
À mi-chemin entre Doha (Qatar) et l’aéroport international de Montréal, je fus envahi par une réelle certitude : jamais je ne quitterai cet avion vivant. L’inconfort, autant physique que moral, était à son maximum ; je ne parvenais plus à trouver une position vivable sur mon siège… ne parvenais plus à me lever afin de marcher dans les allées de l’avion… je devais être complètement désagréable pour ma voisine qui ne cessait de soupirer afin de manifester son embarras… un court instant j’ai souhaité que le Boeing 747 de Qatar Airways s’écrase…
Tentant de chasser ce profond malaise, j’ai dû vérifier mon passeport une multitude de fois ainsi que mon ArriveCAN sans que cela ne réduise le temps restant à parcourir. Au risque de me tromper, je peux dire qu’à ce moment-là je réalise qu’au-delà des continuelles fixations sur mon état de santé physique, autre chose infecte mon cerveau.
(J’apprendrai plus tard, en fait au début de ma thérapie avec la psychologue, qu’une personnalité anxieuse comme la mienne a une vision du monde continuellement marquée par l’anxiété, prévoyant toujours le pire, de manière consciente ou non.)
Lorsque l’avion se pose sur la piste, nous sommes le 5 novembre 2021 en milieu d’après-midi. Je sors, masqué et entièrement ahuri, reçu par mes amis F* et D*. Une attaque frontale m’assaille, menée par la fatigue, les maux de tête, les étourdissements, les vertiges accompagnés de nausées, les palpitations cardiaques pires que celles qui ont perturbé mon voyage et une poignante sensation d’étranglement.
S’amorce alors ma quarantaine obligatoire et scrupuleusement vérifiée par les autorités canadiennes.
La seule chose dont je me souviens c’est qu’il fait froid. Très froid. Et cette froidure m’attaque aux os sans plus jamais me quitter. 24 heures sur 24 je l’éprouve. Puis ça se métamorphose en froideur. Sans pouvoir l’expliquer - aujourd’hui je peux l’écrire - graduellement, tout autour de moi se transforme littéralement en insensibilité, en frigidité et il me semble y répondre par une impassibilité que ma psychologue nommera de l’ataraxie, ce qui induit une certaine forme d’indifférence caractéristique de certaines névropathies obtenue sans l’influence d’agents neurologiques supprimant toute réponse réactionnelle. À ce moment je ne suis aucunement médicamenté, même pour les problèmes cardiaques qui exigeaient une prise quotidienne de perindropil.
Montréal,
c'est du début de la quarantaine jusqu’à la fin du mois de février 2022.
Rien n’évoluera physiquement, moralement encore moins. Je ne parviens pas à rétablir les notions d’espace (de lieu) et de temps. Ma dépendance s'accentue et j'ai comme l'impression que mon personnage imaginaire se dispute avec un être de plus en plus dépressif.
Pour établir un lien entre la plante verte et ce séjour montréalais, je dirais des fleurs, qu’elles sont tombées, les feuilles, flétries et la tige, fortement frigorifiée.
SAINT-HYACINTHE
Comme il a été mentionné antérieurement, mon retour à Saint-Hyacinthe se départage en deux temps : février 2022 à octobre de la même année et puis celle qui mène à aujourd'hui.
Les sept mois (février à octobre) je les vis chez Da* qui a accepté de recevoir celui qu’elle ne reconnaît pas et avec qui elle tentera de s’adapter, consciente qu’il sera difficile de vivre avec quelqu’un qui croit encore qu’il faut ‘’mourir, avant que ça aille mieux’’. Difficile de partager son espace avec quelqu’un qui cherche le sien.
À ce moment-là, il est compliqué de trouver un appartement surtout pour un dysfonctionnel qui n’a encore acquis aucune indépendance et, surtout, peine à prendre des décisions même les plus élémentaires. Si Phuoc m’avait interrogé sur mon état général, je lui aurais répondu en pourcentage : 50% et moins.
Cette phase de ma vie d’être dépressif se façonne autour de quelques missions à accomplir. Renouer avec les Filles et leur mère qui ont perdu de vue leur père depuis près de trois années ; établir rapidement un bilan de santé physique ; chercher un appartement ; recourir à de l’aide pour mon état de santé mentale.
(Je garde pour un prochain billet les démarches entreprises afin de me replacer dans la famille ; elles méritent d’être décrites correctement.)
Le bilan de santé conclut que l’aspect physique, compte tenu de ce que j’ai vécu au Vietnam, ne signale rien de majeur et centrer mon attention sur ma santé mentale.
Avant de trouver la psychologue qui m’accompagne, j’aurai passé en revue toutes les ressources disponibles, autant publiques que privées, mais elles sont complètement surchargées en raison des séquelles laissées par la pandémie de covid-19.
Je serai en mesure de quitter Da* pour emménager dans mon propre logement, à la fin du mois de septembre 2022. J’y suis toujours et très heureux d’y être.
Entre ces dates, n’eut été des Filles et leur mère, de mon frère Pierre et ma belle-soeur Claire, auxquels s’ajouteront des amis (des véritables, de ceux qui te reçoivent, t’ouvrent les bras sans condition et sans arrière-pensées) et puis les inévitables coupures avec ceux et celles dont il me semblait que la confiance nous habitait, mais qui se sont avérés des fleurs qui tombent, des feuilles qui fanent et de précaires tuteurs pour une tige pétrifiée, n'eut été ces personnes essentielles, où en serais-je ?
Entre ces dates, aujourd’hui je le constate et peux l’écrire, ce fut de l’attente, cette forme de dépendance confuse et désordonnée. Ce fut, aussi, un temps entièrement nonchalant, apathique, paresseux et indolent. Mes journées ne furent que des heures qui passent, sans qu’aucun projet ne puisse me stimuler. Sans lecture. Sans écriture : entre avril 2021 et mars 2022, soit onze (11) mois, je n’aurai publié que six (6) billets sur le blogue. Ce seront ceux que l’on a nommé ‘’Otium’’, mon frère Pierre et ma belle-soeur Claire.
Un être dépressif dépendant en attente de mouvement. Un mouvement du soleil, celui de l’eau pour la plante verte encore à la recherche d’un tuteur pour sa tige glacée…
Il vint début octobre 2022
lorsque je pris conscience
que l’essentiel
est
dans les racines.
À la prochaine